Intervention de Monique Lubin

Réunion du 8 décembre 2022 à 10h30
Lutte contre la fraude au compte personnel de formation — Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Monique LubinMonique Lubin :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour mémoire, le compte personnel de formation a été créé par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale. Il est entré en vigueur en 2015, en remplacement du droit individuel à la formation.

L’objet du CPF était de rendre son efficacité à l’appareil de formation professionnelle initialement organisé par la loi Delors de 1971, qui a institué la possibilité pour le salarié de bénéficier, sur son initiative, d’un congé de formation rémunéré. Il s’agissait également d’obliger les entreprises de plus de dix salariés à participer au financement des actions de formation.

S’inscrivant dans cette continuité, la loi relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale, votée sous majorité socialiste en 2014, a donc permis de jeter les bases d’une véritable sécurité sociale professionnelle.

Elle a en effet mis en place le compte personnel d’activité, qui regroupe les droits du salarié avec le compte personnel de formation, le compte de prévention de la pénibilité et le compte engagement citoyen.

On sait le sort réservé par l’actuel gouvernement à ces acquis sociaux, alors que nous avions, par la loi de 2014, renforcé la place des partenaires sociaux en faisant de la formation professionnelle un élément central du dialogue social. Nous rappelions également notre attachement au mouvement de décentralisation de la formation professionnelle vers les régions.

En 2018, lors des discussions engagées ici même sur le projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel, nous dénoncions un texte qui allait fragiliser l’édifice que nous avions construit. Le projet de loi présenté par la ministre du travail d’alors devait en effet prétendument constituer un volet « sécurité des transitions professionnelles » en contrepartie des ordonnances Travail visant à « fluidifier » le marché du travail, auxquelles nous étions et demeurons foncièrement opposés.

En tout état de cause, le compte n’y était pas. Nous n’avons pu que constater qu’il s’agissait de la première réforme de la formation professionnelle qui ne fasse pas consensus depuis 1971. Elle a abouti à une véritable recentralisation.

Dans une logique qui porte la marque de fabrique de l’actuel Président de la République et de ses ministres, le Gouvernement s’est en effet assis sur la démocratie sociale en instaurant la monétisation du compte personnel de formation, en dépit du rejet unanime de cette évolution par les partenaires sociaux.

En monétisant le CPF, en supprimant les intermédiaires et en imposant le recours à une plateforme numérique, la majorité disait vouloir libérer les salariés et leur offrir plus de droits. Nous nous inquiétions de la pérennité des financements du CPF et des risques induits par la désintermédiation et la monétisation : il semble que nous ayons eu raison !

Concernant les enjeux du financement, le rapport d’information relatif à France Compétences publié en juin 2022 par trois sénateurs, dont notre collègue Corinne Féret, corapporteure de la mission à l’origine de ce document, souligne que les besoins de financement n’ont pas été anticipés. Ainsi, France Compétences, établissement public chargé du financement et de la régulation de la formation professionnelle, pourrait afficher un déficit de 5, 9 milliards d’euros en 2022 !

Le problème de la fraude au CPF, sujet de la présente proposition de loi, était également en germe dans la loi de 2018. Le résultat est connu : entre le premier semestre 2021 et le premier semestre 2022, les signalements de SMS indésirables ont été multipliés par quatorze ; les déclarations de soupçon liées à une potentielle fraude au CPF ont été multipliées par onze ; 32 400 signalements ont été effectués auprès de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), gestionnaire du dispositif, au premier semestre 2022. Le préjudice estimé dans le cadre des plaintes pénales déposées par la CDC entre mars 2020 et mai 2022 s’élève à 27 millions d’euros. Les fraudes détectées par Tracfin sont passées de 8 millions d’euros en 2020 à 43 millions d’euros en 2021, soit une augmentation de l’ordre de 450 % !

Les propositions portées par le présent texte sont nécessaires et consensuelles ; nous y souscrivons, bien sûr.

L’article 1er interdit toute prospection commerciale des titulaires d’un CPF par voie téléphonique, par SMS, mais aussi par courrier électronique ou en ligne sur un service de réseaux sociaux.

Dans le but de permettre le contrôle effectif de l’interdiction du démarchage des titulaires du CPF, l’article 2 étend les pouvoirs des agents de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes pour les habiliter à rechercher et à constater les infractions ou les manquements à cette interdiction.

L’article 2 bis, introduit en séance publique à l’Assemblée nationale sur l’initiative du Gouvernement, met de nouveaux outils à disposition de la CDC pour faciliter le recouvrement des fonds versés de manière indue ou à la suite d’une fraude du titulaire du CPF.

L’article 3 prévoit d’imposer aux organismes de formation d’adresser à la Caisse des dépôts et consignations une demande de référencement sur la plateforme Mon compte formation.

L’article 4, également introduit en séance publique à l’Assemblée nationale sur l’initiative du Gouvernement, tend à étendre aux sous-traitants certaines des obligations liées au référencement des organismes de formation sur la plateforme Mon compte formation. Actuellement, lorsqu’un organisme de formation a recours à un sous-traitant pour effectuer les actions de formation proposées sur son catalogue, ce dernier n’est pas soumis aux conditions générales d’utilisation.

Nous souscrivons à ces nécessaires corrections. Toutefois, à l’instar de l’ensemble des concitoyens de notre pays, nous sommes fatigués de naviguer d’usines à gaz en usines à gaz. Le démantèlement de la démocratie sociale par le Gouvernement et les choix dommageables qu’il opère en matière de droit du travail ont des conséquences que nous commençons à peine à réparer.

En raison de son caractère bien particulier, nous voterons en faveur de ce texte.

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