Intervention de Jean Boyer

Réunion du 12 novembre 2008 à 21h45
Financement de la sécurité sociale pour 2009 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Jean BoyerJean Boyer :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, reconnaissons que le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale est placé sous le double signe de l’incertitude et de la difficulté.

L’hypothèse d’une croissance de la masse salariale de 3, 5 %, retenue par le Gouvernement pour bâtir ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, était déjà très pessimiste. Or, malgré son pessimisme, cette hypothèse pourrait même ne pas être atteinte. Mme la ministre de l’économie et des finances a elle-même annoncé que la croissance ne dépasserait pas 0, 5 %. À quel point la croissance de la masse salariale en sera-t-elle affectée ?

Il est probable que les salaires ne progresseront pas plus que l’inflation, qui devrait être ramenée à 2 %. Nous serions alors loin des 3, 3 % de croissance des salaires attendus par le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Quant à l’emploi, il pourrait chuter fortement et non croître de 0, 2 %, comme le prévoient les auteurs du projet.

Dans ces conditions, les déficits sociaux repartiraient à la hausse, en dépit du plan à la fois innovant et ambitieux proposé par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009.

Mais, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a écrit un célèbre aviateur français décédé dans les cieux de Provence en 1944, « on ne peut être à la fois responsable et désespéré ».

Oui, ce projet de loi est ambitieux ! Près de 6 milliards de redressement du compte tendanciel du régime général, c’est ambitieux. Pour mémoire, la loi de financement pour 2008 ne redressait cette tendance que de 4 milliards d’euros.

Grâce à ce plan, le déficit du régime général devrait pouvoir être maintenu à près de 9 milliards d’euros, c’est-à-dire à son niveau de 2006, au lieu d’exploser à 15 milliards d’euros.

Nous sommes malheureusement encore loin du retour à l’équilibre. Mais force est de constater qu’un coup d’arrêt à l’emballement des déficits est donné. Ce coup d’arrêt est d’autant plus louable que la conjoncture est, nous le savons tous, mauvaise. Mais il pourrait, hélas, ne pas être longtemps soutenable si l’on considère la tendance structurelle à la dégradation des comptes sociaux. Oui, ce n’est un secret pour personne, l’évolution structurelle des soldes sociaux est très défavorable.

Conséquence de ce constat : ce n’est pas avec des réformes paramétriques et des replâtrages conjoncturels purement comptables que l’on renouera avec l’équilibre en matière de comptes sociaux.

Autrement dit – c’est le bon sens – à problèmes structurels, solutions structurelles.

Quelles solutions structurelles ? Un consensus semble aujourd’hui se dessiner sur une triple nécessité.

Premièrement, côté ressources, il est indispensable de repenser le financement du système.

Deuxièmement, côté dépenses, une vraie médicalisation de la dépense d’assurance maladie, notamment liée à une réforme structurelle de l’hôpital, s’impose.

Troisièmement, nous pensons depuis longtemps, comme le rapporteur Dominique Leclerc, qu’une réforme paramétrique des retraites n’est pas suffisante pour assurer la pérennité du système par répartition.

Or, toutes ces réformes structurelles, nous les voyons enfin poindre à l’occasion et dans la perspective de l’examen du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale. En effet, au fil des projets de loi de financement de la sécurité sociale, nous avions pris l’habitude de dénoncer rustines comptables et fusils à un coup sans vision d’ensemble.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 sanctionne manifestement l’abandon de cette logique regrettable. Reconnaissons-le, il nous semble bien différent de ses prédécesseurs en ce sens qu’il est un texte de rupture.

Des axes clairs s’en dégagent : l’assainissement des comptes, la sécurisation des recettes et la maîtrise médicalisée des dépenses, des axes qui, sans aller encore assez loin parfois, n’en révèlent pas moins la mise en place d’une vraie stratégie, à laquelle nous ne pouvons que souscrire.

Revenons rapidement sur chacun de ces axes.

Le premier, l’assainissement des comptes, nous l’attendions depuis longtemps, en particulier la reprise par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, CADES, des 27 milliards d’euros de dette cumulée par l’assurance maladie, l’assurance vieillesse et le Fonds de solidarité vieillesse. C’est exactement ce que ma collègue Muguette Dini réclamait lors de la discussion générale du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008.

En pesant sur la trésorerie de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, cette dette coûtait plus d’un milliard d’euros de frais financiers aux assurés sociaux. Cet effort de clarification, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il n’est pas neutre !

Clarification toujours, avec la suppression du Fonds de financement des prestations sociales agricoles et le transfert de son déficit cumulé à l ’État. Je crois, chers collègues, que c’est une donnée très importante à prendre en compte.

Clarification, enfin, avec le transfert du financement par la Caisse nationale des allocations familiales de l’intégralité des majorations de pensions pour enfants. Certes, ces majorations abondent la pension, mais leur raison d’être relève tout de même exclusivement de la politique démographique assumée par la branche famille. Un tel transfert nous paraît donc logique.

Toutefois, curieusement, la logique de clarification suivie par le présent texte est encore entachée de scories regrettables.

Ainsi, très paradoxalement, en clarifiant les grandes masses de la dette, on a complexifié son financement par la Caisse d’amortissement de la dette sociale. Il aurait, en effet, été préférable à nos yeux que la caisse conserve la contribution au remboursement de la dette sociale comme ressource unique, quitte à ce que celle-ci soit relevée à 0, 7 %, plutôt que de se voir affecter une part de contribution sociale généralisée.

Autre regret éprouvé par mon groupe : que l’article 22 porte non-compensation par le budget de l’État des pertes de recettes liées à certains dispositifs. C’est une survivance bien malvenue de pratiques du passé que nous n’avons eu de cesse de combattre. De même que, l’année dernière, Muguette Dini demandait la suppression de l’article 16 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, qui avait le même objet, nous demanderons, cette année, la suppression de l’article 22 du projet de loi.

L’effort de clarification réalisé dans le présent projet de loi de financement va de pair avec un effort de sincérité.

La sincérité, c’est surtout celle de l’Objectif national des dépenses de l’assurance maladie, l’ONDAM, et de ses sous-objectifs. Ceux du présent projet de loi sont, reconnaissons-le, globalement réalistes, contrairement à ceux qui nous avaient été présentés il y a seulement deux ans.

Si l’objectif de dépenses le plus important du projet de loi de financement de la sécurité sociale est crédible, l’effort de sincérité se retrouve également dans la volonté de mieux prendre en compte la sous-déclaration des accidents du travail et maladies professionnelles pour le financement de cette branche.

J’en ai terminé avec le premier axe stratégique déterminé par la présente loi de financement.

Que dire des deux autres axes que sont la sécurisation des recettes et la maîtrise médicalisée des dépenses ?

Nous pensons que, même si certaines des mesures en relevant sont prises pour des raisons purement comptables, elles n’en posent pas moins des questions fondamentales auxquelles, tôt ou tard, il nous faudra répondre.

Ainsi en est-il de la principale mesure de recettes nouvelles visant à porter de 2, 5 % à 5, 9 % le taux de la contribution des organismes complémentaires au fonds de financement de la couverture maladie universelle. Cette mesure de recettes rapportera 1 milliard d’euros.

Je ne reviendrai pas sur le débat relatif à l’équité d’une telle disposition. Mais une chose est certaine : tôt ou tard, cette mesure sera reportée sur les cotisations.

Loin d’être un simple aménagement comptable, elle traduit donc un choix clair et lourd de conséquences : celui de ne plus toucher aux prélèvements obligatoires. Pour ne pas élever encore un peu plus les cotisations de base qui ont déjà atteint un niveau beaucoup trop haut, il est décidé de ne faire porter l’effort que sur certaines cotisations, celles des complémentaires.

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