Intervention de Xavier Iacovelli

Réunion du 8 décembre 2022 à 10h30
Création de délégations parlementaires aux droits de l'enfant — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Xavier IacovelliXavier Iacovelli :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, au moment où nous entamons en séance l’examen de cette proposition de loi visant à créer, dans notre assemblée, une délégation aux droits de l’enfant, je reconnais bien volontiers une certaine émotion.

En effet, pendant trop longtemps, nous avons cessé, collectivement, de voir les enfants comme des sujets de droit à part entière. Nous avons refusé d’admettre que les problématiques qui les touchaient étaient diverses et englobaient, finalement, l’ensemble de nos politiques publiques.

En outre, je sais que cette délégation aux droits de l’enfant est attendue de longue date – plus de vingt ans ! – par l’ensemble des acteurs.

À cet égard, permettez-moi de remercier les associations, collectifs et toutes les personnalités engagées qui nous regardent aujourd’hui et qui œuvrent sans relâche pour que les droits des enfants soient davantage reconnus et protégés et qui, publiquement, ont fait le choix de soutenir cette proposition de loi.

Le constat est simple : de nombreux défis doivent être relevés pour assurer le respect des droits de l’enfant.

Si je me félicite de la récente création d’une délégation aux droits des enfants à l’Assemblée nationale, il n’est pas question pour nous de jouer sur le mimétisme.

Depuis 2018, avec un certain nombre d’entre vous, sur toutes les travées, nous avons décidé la création d’un groupe informel pour travailler sur la question de la protection de l’enfance, le Sénat se devant d’avoir une entité dédiée aux questions de l’enfance.

J’avais également demandé, en 2020, la création d’un groupe d’études au sein de la commission des affaires sociales auprès de sa présidente. Malheureusement, nous avons, une nouvelle fois, essuyé un refus.

Soyons tout à fait honnêtes, notre détermination à travailler sur les questions liées à l’enfance ne date pas de cette proposition de loi. Déjà, en février 2003, l’Assemblée nationale avait adopté, à l’unanimité, une proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits des enfants, présentée par le président du groupe UMP de l’époque, Jacques Barrot. Or ce texte n’a jamais été inscrit à l’ordre du jour du Sénat.

En 2009, notre collègue du groupe LR, Joëlle Garriaud-Maylam, avait déposé au Sénat cette même proposition de loi tendant à la création de délégations aux droits de l’enfant.

Notre rapporteure générale du budget de la sécurité sociale, Élisabeth Doineau, avait également proposé la création de cette délégation. Plus récemment, Mme Assassi et le groupe CRCE ont déposé, en 2019, un texte en vue de la création d’une telle délégation.

Vous le voyez donc, chers collègues la question de l’enfance rassemble, au-delà de nos étiquettes, et traverse même le temps.

Le texte que je vous présente aujourd’hui le démontre une fois encore. Fait suffisamment rare pour être souligné, il est cosigné par plusieurs sénatrices et sénateurs, de tous les groupes : des LR au CRCE, en passant par le RDSE et les groupes centriste, écologiste et socialiste. Toutes les sensibilités de notre chambre sont représentées.

Nous aurions pu penser que cet arc républicain suffirait à assurer le succès de cette proposition de loi. Toutefois, nous le savons, ce n’est jamais aussi simple au Sénat !

J’entends les réticences de Mme la rapporteure concernant la multiplication des délégations ou des groupes d’études, étant d’ailleurs moi-même pour la rationalisation. Je les entends d’ailleurs d’autant plus que ce sont les mêmes depuis vingt ans.

Ce sont les mêmes arguments qui ont justifié en 2003, en 2009, en 2019 et en 2022 le refus de créer de nouvelles délégations et de nouveaux groupes d’études.

Pourtant, mes chers collègues, je me suis penché sur les délégations dont nous disposons à l’heure actuelle. Si nous mettons de côté l’Opecst, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, créé en 1983 par la loi, ou la délégation aux droits des femmes, créée en 1999, également par la loi, nous avons, depuis 2007, créé cinq délégations : en 2007, la délégation au renseignement ; en 2009, la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation ; encore en 2009, la délégation à la prospective ; en 2011, la délégation aux outre-mer ; en 2014, la dernière mais pas la moindre, la délégation aux entreprises, créée par le bureau du Sénat.

En vingt ans, il n’a jamais été le moment de créer une délégation aux droits de l’enfant. Pourtant, notre chambre a continué à créer légitimement un certain nombre de délégations utiles au travail parlementaire.

Mais la question de l’enfance n’est pas une question annexe. L’enfance, par sa diversité, par l’éventail des thématiques qu’elle regroupe, est en elle-même un sujet majeur. Oui, mes chers collègues, les droits de l’enfant ne sont pas un sujet mineur.

Sommes-nous capables de considérer les droits des enfants comme une priorité de nos politiques publiques et, donc, par définition, comme un sujet transversal dans notre institution ?

Madame la rapporteure nous indiquera sans nul doute tous les travaux que notre chambre a menés sur le sujet de l’enfance. Elle aura raison, nous avons beaucoup travaillé sur l’enfance.

Toutefois, selon moi, nos travaux sur l’enfance doivent non plus fonctionner en silo, mais de façon transversale auprès des commissions permanentes.

Il ne s’agit pas, comme certains le dénoncent, d’une proposition exclusivement symbolique. Certes, il existe une dimension symbolique, puisque la création d’une délégation aux droits de l’enfant enverrait un signal fort au monde de l’enfance, qui demande cette création depuis plus de vingt ans. À l’inverse, le refus de créer cette délégation enverrait à l’opinion publique un message catastrophique sur la chambre haute.

Au-delà de cette portée symbolique, il y a un enjeu beaucoup plus fort. Les délégations ont le temps de travailler sur le fond, d’alimenter, par des auditions, par des rapports, les travaux des parlementaires et des commissions, en vue de mieux légiférer sur la base de rapports d’expertise.

Par ailleurs, outre les dimensions symbolique et utile d’une telle délégation, il faut rappeler que, pour ce qui concerne l’enfance, les départements sont chefs de file, dans le cadre d’une politique décentralisée.

Il est souhaitable que le Sénat, chambre des territoires et représentant des collectivités, s’intéresse à ce sujet et s’empare fortement de cette politique.

Je souhaiterais d’ailleurs prendre l’exemple de la délégation aux droits des femmes, qui effectue un travail remarquable, à l’image de son dernier rapport sur la pornographie.

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