Beaucoup a été fait au cours du précédent quinquennat, avec en point d’orgue la loi du 7 février 2022. Je tiens ici à saluer le travail du Sénat sur ce texte, ainsi que tous les travaux que vous avez rappelés, madame la rapporteure.
Beaucoup a été fait, disais-je, mais il reste beaucoup à faire, et les chiffres que vous avez cités, monsieur le sénateur, nous rappellent une triste réalité. Je n’en retiens qu’un : un enfant meurt tous les cinq jours dans le cadre familial, sous les coups de ses parents ou de proches. Ce chiffre doit évidemment nous interpeller. Ce chiffre, et tous les autres, est terrible.
Malgré les moyens humains et financiers mobilisés en faveur de la politique de l’enfance, malgré les très nombreux acteurs engagés sur le terrain – départements, associations, professionnels de tous horizons –, les droits fondamentaux de nos enfants sont encore fragiles : leur droit à la sécurité, leur droit à la santé, leur droit au bien-être, au logement ou encore à l’éducation ne sont toujours pas garantis dans notre pays.
Face à ce constat, nous devons inlassablement débattre, échanger, réfléchir, agir, quelles que soient nos appartenances partisanes, quels que soient nos champs de compétences.
À chaque politique publique menée, à chaque texte voté, nous, femmes et hommes politiques adultes, devons faire l’effort d’intégrer cette dimension : les droits de l’enfant, de nos enfants, sont-ils pris en compte ?
L’année prochaine, l’Organisation des Nations unies évaluera la France au regard des exigences de la Convention internationale des droits de l’enfant. Nous devrons être à la hauteur : le pays des droits de l’homme et des droits de la femme doit démontrer qu’il est aussi celui des droits de l’enfant !
La mobilisation de tous est donc une nécessité et, dirai-je même, une urgence.
Vous le savez, l’engagement du Gouvernement est très fort ; le Président de la République a souhaité faire de l’enfance et de sa protection des sujets prioritaires de ce quinquennat.
Cette priorité a été récemment au cœur du premier comité interministériel à l’enfance, au lendemain de la Journée internationale des droits de l’enfant.
Avec la Première ministre et les nombreux ministres concernés, nous avons déterminé cinq chantiers prioritaires et une quarantaine de mesures dont il m’appartiendra de coordonner la mise en œuvre. Je tiens ici à vous en présenter quelques-unes.
La première des priorités, c’est bien sûr la lutte contre les violences faites aux enfants. Dès l’année prochaine, le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, créera un office de police judiciaire spécialisé. Cette création sera assortie de la publication par le garde des sceaux, Éric Dupond-Moretti, d’une circulaire de politique pénale.
Le deuxième chantier prioritaire est celui de la santé, y compris la santé mentale, de nos enfants. Il s’agit, sur le terrain – vous le savez –, d’un sujet de grande préoccupation, qui apparaît dans chacun de mes échanges, avec les présidents des départements notamment. Le ministre de la santé, François Braun, a lancé, hier, les très attendues Assises de la pédiatrie et de la santé de l’enfant, qui permettront, au printemps, de définir des orientations.
Troisième priorité : le numérique. Partout où sont nos enfants, nous devons les protéger, notamment, donc, sur internet. La loi Studer visant à renforcer le contrôle parental sur les moyens d’accès à internet entrera en vigueur dans les prochaines semaines. À cette occasion, nous lancerons, avec Jean-Noël Barrot, une campagne de communication pour accompagner les parents dans cette si complexe parentalité numérique.
Au-delà de l’engagement de tous les ministres – je sais que vous y serez sensibles, mesdames, messieurs les sénateurs –, il nous faut renforcer notre action aux côtés des départements pour que soit facilité l’accès à tous les dispositifs de droit commun pour les enfants les plus fragiles, notamment les enfants en situation de handicap et ceux de la protection de l’enfance.
L’État doit en effet être plus fort aux côtés des départements et des acteurs de terrain : il doit les accompagner financièrement par le biais des contractualisations, mais aussi renforcer, via les préfets, la coordination de l’ensemble des administrations et des services de l’État sur les sujets de l’enfance.
La loi du 7 février 2022 a donné aux départements la possibilité d’expérimenter l’institution d’un comité départemental pour la protection de l’enfance, qui, sous l’égide du préfet et du président du conseil départemental, peut réunir l’ensemble des acteurs engagés, la direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS), l’éducation nationale, la santé, les directions territoriales de la protection judiciaire de la jeunesse, en présence de l’autorité judiciaire.
Je crois beaucoup à la mise en place de ces comités départementaux, qui correspondent à un réel besoin de terrain, pour améliorer la stratégie de l’offre, les contrôles et, évidemment – tel est l’enjeu –, la qualité des parcours des enfants, notamment ceux dont la situation est la plus complexe.
Ce constat est largement confirmé par mes échanges avec les élus et les acteurs locaux. Je tiens donc à lancer cette expérimentation dès le mois de janvier prochain.
Je souhaite par ailleurs souligner combien les parlementaires sont, eux aussi, très engagés sur les sujets de l’enfance ; ce débat en est une manifestation évidente, je l’ai dit. Depuis ma prise de fonction, voilà six mois, j’ai pu le constater à maintes reprises, lors des débats parlementaires, au Sénat comme à l’Assemblée nationale – ainsi, récemment, lors de l’examen du projet de loi de finances –, mais également à l’occasion des nombreux rendez-vous que j’ai avec vous et de mes déplacements sur le terrain.
L’Assemblée nationale a fait le choix de créer, en septembre, une délégation parlementaire aux droits des enfants.
Comme vous le savez, j’ai salué la création de cette délégation : si aucun ministre n’a le monopole de l’enfance, et pas plus moi qu’un autre, il en est de même des commissions parlementaires. Le sujet de l’enfance peut et même doit en effet être abordé dans plusieurs commissions : la commission des affaires sociales, naturellement, mais aussi la commission des lois, ou encore la commission des affaires culturelles et de l’éducation. Les droits de l’enfant sont partout ; mener la transition énergétique, n’est-ce pas, avant tout, préparer l’avenir de nos enfants ?
Ce sujet, faire des droits de l’enfant l’affaire de tous, mettre toutes les politiques à hauteur d’enfant, me tient pleinement à cœur ; je veille, tant au sein du Gouvernement que sur le terrain, à favoriser les échanges entre les acteurs dans un souci permanent de partage de l’information et d’efficacité. Au sein du Sénat, la délégation aux droits des femmes, dont je salue la présidente et les membres, joue par exemple un rôle précieux en ce sens. Son rapport récent sur la pornographie l’a fortement démontré, et je m’appuie régulièrement sur ses travaux.
Toutefois, je l’ai d’ailleurs dit aussi à l’Assemblée nationale, et je le répète au Sénat, la création d’une délégation relève de l’organisation interne du Parlement. Je ne peux donc que m’en remettre, quant à cette initiative, à la sagesse de la Haute Assemblée.
Je veux profiter de l’occasion qui m’est ici donnée pour exprimer à nouveau ma volonté de travailler avec vous toutes et vous tous, et ce quelle que soit la décision que vous prendrez à l’issue de l’examen de ce texte. Je sais que, quel que soit votre vote, chacune de vos commissions sera d’autant plus attentive à intégrer à ses travaux la question des droits des enfants que ce débat aura eu lieu.
En cette matière, je le sais, nous sommes toutes et tous pleinement engagés ; s’il est un sujet qui doit nous rassembler, c’est bien celui de l’avenir de nos enfants !