Intervention de Laurence Rossignol

Réunion du 8 décembre 2022 à 10h30
Création de délégations parlementaires aux droits de l'enfant — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Laurence RossignolLaurence Rossignol :

La question n’est pas celle de l’organisation de nos travaux ; elle est de savoir si vous êtes ou non d’accord pour que le sujet des droits de l’enfant soit traité de manière permanente par notre assemblée.

Mon sentiment est que vous ne savez pas ce que c’est que les droits de l’enfant, en réalité : les droits de l’enfant, ce sont avant tout les besoins de l’enfant, dans leurs multiples dimensions, et les politiques publiques qui vont garantir son bon développement, tant sur le plan social que sur le plan individuel, tout en lui permettant de vivre pleinement ce temps privilégié qu’est le temps de l’enfance.

Créer une délégation aux droits de l’enfant, c’est affirmer la cohérence d’une stratégie globale pour l’enfance, une stratégie décloisonnée, dont l’objectif est la mise en œuvre de politiques publiques favorables au développement de l’enfant dans ses cinq dimensions – développement physique, développement affectif, développement intellectuel, développement moteur, développement social – et dans le respect de ses droits. Les droits de l’enfant découlent de ses besoins fondamentaux.

Créer une délégation aux droits de l’enfant, ici, au Sénat, c’est nous doter d’une capacité d’expertise et ainsi nous donner les moyens d’agir au plus près des réalités que vivent les enfants et leurs familles. Et c’est anticiper, pour nous y adapter, les transformations familiales.

Je sais que les transformations familiales ont un peu tendance à électriser cette assemblée et à créer des réactions pour le moins tendues. Pour autant, elles existent, et ce n’est pas ici que l’on décide des transformations familiales : ici, on ne fait que les accompagner et garantir qu’elles respectent le principe d’égalité entre les membres de la famille ainsi que les droits de l’enfant. C’est cela, notre travail : ce n’est pas de nous opposer aux transformations familiales, sociétales, économiques, qui sont à l’œuvre.

Créer une délégation aux droits de l’enfant, c’est aussi décloisonner les politiques publiques. À l’heure actuelle, les politiques de l’enfance sont sectionnées : éducation, politique familiale, sport, santé. Or, justement, compte tenu du caractère multidimensionnel de son développement, les besoins et les droits de l’enfant nécessitent une approche panoramique. Un enfant, c’est la combinaison de différentes sphères de vie.

Je sais que, là encore, je vais choquer : on aimerait tellement que l’enfant ne soit que l’objet de sa famille, que seuls la famille et les parents puissent avoir la main sur le développement d’un enfant. Mais tel n’est pas le cas ! Un enfant est la combinaison de multiples dimensions : relations aux parents, vie à la maison, dans la ville, dans la nature, loisirs, sport, culture, citoyenneté, protection contre les violences sexistes et sexuelles, contre les écrans, contre la pauvreté. C’est tout cela, la politique des droits de l’enfant !

Et c’est tout cela dont nous voulons traiter, nous, sénatrices et sénateurs modernes, accompagnant un mouvement lancé voilà cent ans à la Société des Nations. Nous voulons pouvoir apporter notre capacité d’expertise : nous sommes, nous, parlementaires, le chaînon manquant entre les associations et les politiques publiques.

C’est la première fois que je vous entends, mes chers collègues, dire qu’en fin de compte le Parlement doit se dessaisir d’un sujet ou d’une compétence en le laissant soit à la société civile soit au Gouvernement. Non : nous voulons une délégation aux droits de l’enfant !

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