Pourquoi examiner à nouveau une telle proposition de loi ? Tout simplement parce que, trente-trois ans après l’adoption de la Convention internationale des droits de l’enfant, ceux-ci ne sont pas toujours respectés en France. Dans notre pays, un enfant sur cinq – soit près de 3 millions d’enfants – vit sous le seuil de pauvreté. En vingt ans, la proportion des enfants de moins de 18 ans vivant sous le seuil de pauvreté est passée de 16 % à 20 %. Des dizaines de milliers d’entre eux vivent et dorment dans la rue.
Nous ne pouvons ignorer non plus les inégalités en matière de santé, de logement, d’accès à l’éducation ou aux loisirs, qui demeurent considérables. Je ne peux ici qu’exprimer mon inquiétude et celle de mon groupe concernant des enfants étrangers, nés en France ou arrivés, seuls ou avec leurs parents, en provenance de l’étranger, qui vivent des situations particulièrement difficiles, contraints à une vie précaire, placés en centre de rétention, expulsés avec leurs parents.
Je tiens d’ailleurs à dénoncer le manque d’action de l’État face à la situation de ces mineurs qui, vivant dans un campement à Ivry-sur-Seine, sont installés depuis quelques jours devant le Conseil d’État. Le fait qu’ils soient étrangers ne peut en aucune façon expliquer ou, pis, justifier cette situation intolérable et profondément inhumaine. Nous ne sommes pas dans la France de Zola ; nous sommes au XXIe siècle, mes chers collègues : réveillons-nous, c’est inhumain !
En matière de justice, on assiste à un durcissement pénal depuis l’entrée en vigueur, le 30 septembre 2021, du nouveau code de la justice pénale des mineurs, qui remet profondément en cause l’ordonnance de 1945 et la primauté des mesures éducatives – un enfant est un enfant.
Pour toutes ces raisons, nous devons agir. Le Parlement doit être à l’initiative d’une veille et d’un contrôle plus assidus en ce qui concerne le respect des droits des enfants.
À l’heure des scandales qui éclatent sur les violences intrafamiliales, les agressions sexuelles, les incestes, nous devons ici, au Sénat, montrer une détermination sans faille afin de créer les conditions d’un travail rigoureux sur les droits des enfants. C’est ce qu’ont fait, fort à propos, nos collègues de l’Assemblée nationale le 13 septembre 2022.
Examiner des propositions de loi ou des projets de loi en bénéficiant du travail spécifique d’une délégation ne peut que constituer un plus. Je le mesure clairement avec la délégation aux droits des femmes, laquelle apporte une plus-value et une expertise, sans empiéter sur le travail des commissions saisies au fond. Le propre d’une délégation n’est-il pas, précisément, de traiter de sujets transversaux ?
Je ne partage donc pas les arguments de Mme la rapporteure sur la rationalisation des structures ou sur le renvoi de la décision au bureau du Sénat. C’est fuir ses responsabilités et c’est donner une image rétrograde de notre assemblée !