Intervention de Geneviève Darrieussecq

Réunion du 8 décembre 2022 à 16h00
Lutte contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap et des assistants d'éducation — Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Geneviève Darrieussecq :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’heure où je m’exprime devant vous, ce sont 430 000 élèves en situation de handicap qui sont scolarisés à l’école de la République dans des classes dites « ordinaires ». Leurs effectifs connaissent une croissance de 6 % à 10 % par an.

C’est, avant toute chose, une grande source de satisfaction, pour ces enfants d’abord, qui sont bien à la place qui est la leur, c’est-à-dire sur les bancs d’une école, mais aussi pour celles et ceux qui les accompagnent et travaillent avec eux à construire leur autonomie.

Et c’est, ensuite, une réussite due à la mobilisation de tous, en particulier de l’État depuis plus de dix-sept ans, soit depuis le vote de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Il s’agit bel et bien d’une école inclusive, telle qu’elle a été voulue par le Président de la République et mise en place lors de son premier quinquennat.

Le Gouvernement engage aujourd’hui des moyens importants et croissants pour accueillir les élèves en situation de handicap dans de bonnes conditions.

Il mobilise plus de 132 000 accompagnants d’élève en situation de handicap, les fameux AESH. À la rentrée 2022, 4 000 nouveaux AESH ont été recrutés, et 4 000 de plus sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2023.

Le nombre de ces accompagnants est ainsi en augmentation constante. Il a augmenté de 50 % entre 2017 et 2022. Il y a aujourd’hui un AESH pour huit enseignants, ce qui fait que ce métier est devenu, en quelques années, le deuxième métier de l’éducation nationale en termes d’effectifs. Il faut prendre la mesure de ce que signifie une telle évolution.

C’est précisément la philosophie de la proposition de loi discutée aujourd’hui, qui vise à contribuer à l’amélioration du système d’inclusion scolaire en renforçant la stabilité professionnelle des accompagnants et accompagnantes des élèves en situation de handicap.

L’enjeu de ce texte est simple, madame la rapporteure : il s’agit de rendre ce métier plus attractif en faisant en sorte qu’il ne soit plus un métier précaire. Je vous le dis sans détour : je partage avec vous cette ambition.

Avant d’en venir à votre proposition de loi, je tiens à rappeler que cette préoccupation s’est traduite dans les actes depuis 2017. De nombreuses mesures ont été mises en place pour améliorer l’attractivité du métier d’AESH et ses conditions d’exercice : le recrutement en contrat à durée déterminée (CDD) d’une durée minimale de trois ans ; l’accès au contrat à durée indéterminée (CDI) au bout de six ans d’exercice ; la mise en place d’une formation de prise de poste de soixante heures ; l’accès au droit à la formation professionnelle et aux prestations d’action sociale ; la création d’une grille indiciaire, afin d’automatiser leur avancement ; enfin, la création de la fonction de « référent AESH », afin d’appuyer leur exercice professionnel par des pairs expérimentés.

Le Gouvernement entend aujourd’hui poursuivre cette politique continue de consolidation de ces emplois, en prenant des mesures fortes sur leur rémunération.

Ainsi, dans le cadre des crédits de la mission « Enseignement scolaire », que vous avez adoptés la semaine dernière, le Gouvernement a soutenu des amendements qui permettront une augmentation salariale nette de 10 % de tous les AESH, dès le 1er septembre 2023. Une enveloppe supplémentaire de 80 millions d’euros sera ainsi consacrée à cette revalorisation en 2023.

Cette revalorisation s’ajoutera à l’extension aux AESH et aux assistants d’éducation (AED) des primes REP (réseau d’éducation prioritaire) et REP+ (réseau d’éducation prioritaire renforcé), prévue par le projet de loi de finances et qui correspond à une enveloppe de 74 millions d’euros.

Si ces mesures sont adoptées définitivement, nous serons également en capacité de renforcer notablement l’investissement de l’État dans la formation de ces personnels, sujet auquel le Sénat est particulièrement attentif.

Les dispositions prévues dans votre proposition de loi permettent d’avancer sur deux points importants.

Le premier est la situation sociale des AESH, qui s’améliorera : le CDI présente l’avantage de sécuriser les personnes dans leur emploi. Grâce à cette proposition, les AESH auront désormais accès au CDI après un contrat de trois ans, contre six ans actuellement, ce qui était effectivement trop long pour la perspective de stabilité que nous leur devons.

Second point : cette amélioration des conditions d’emploi rendra ce métier plus attractif. C’est déterminant à un moment où nous rencontrons des difficultés à recruter et à fidéliser dans ce métier essentiel à l’autonomie des élèves en situation de handicap.

Ce progrès est réel, concret, applicable rapidement sur le terrain, et surtout attendu par les personnes concernées.

Par ailleurs, je tiens à apporter une précision supplémentaire, concernant les dispositions prévues initialement pour lutter contre la précarité des assistants d’éducation, et maintenues dans le texte que nous examinons aujourd’hui. Je veux vous dire qu’elles sont d’ores et déjà satisfaites.

En effet, la loi du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire prévoit déjà un CDI obligatoire pour les AED au bout de six ans, et le décret qui en prévoit les modalités a été publié le 9 août 2022. Compte tenu de sa date de publication, il n’a pas pu encore produire tous ses effets au moment de la rentrée 2022, mais ce sera bien le cas à la prochaine rentrée. En outre, les primes REP et REP+ leur sont également accordées dans le projet de loi de finances.

Je veux, pour conclure, revenir sur la question des modes d’accompagnement des élèves en situation de handicap à l’école, pour rappeler que l’aide humaine qu’apportent les AESH doit être inscrite dans un cadre plus large.

Les élèves en situation de handicap doivent être scolarisés. C’est un droit, ce n’est pas une option. Et nous devons leur fournir les moyens d’accompagnement adéquats pour que notre école soit pleinement inclusive. Les AESH sont à cet égard des personnels essentiels, irremplaçables pour notre école pour tous. Nous entendons bien l’affirmer haut et fort en travaillant à l’amélioration de leurs conditions d’exercice de ce métier.

Mais il faut rappeler aussi l’esprit de la loi de 2005, avec cette idée cardinale de l’adaptation à chaque situation de handicap. Or tous les élèves n’ont pas besoin du même type d’aide pour apprendre et progresser vers l’autonomie. En outre, parmi celles et ceux qui en ont besoin, tous n’ont pas besoin d’un accompagnement individuel.

Par conséquent, la croissance continue du nombre d’AESH ne peut pas et ne doit pas être la seule réponse aux besoins d’accompagnement des élèves à l’école.

Il est nécessaire de progresser sur les autres moyens d’accompagner efficacement les élèves en fonction de leurs besoins, notamment par l’usage d’outils numériques et à travers l’évolution des méthodes pédagogiques et la formation des enseignants. Il faut aussi que nous avancions sur l’organisation administrative pertinente pour conduire cette politique.

C’est dans cette optique que s’est ouverte, dans la foulée du comité interministériel du handicap (CIH) du 6 octobre dernier, une phase de concertation et de réflexion avec les acteurs de l’école inclusive.

Cette réflexion associe les départements et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), car il est nécessaire de repenser l’ensemble du processus d’évaluation des besoins des élèves et de notification des aides nécessaires. Cette concertation, à laquelle des parlementaires sont associés, aboutira dans le cadre de la Conférence nationale du handicap (CNH) que le Président de la République convoquera au printemps 2023.

Je veux redire, pour conclure, que la stabilité professionnelle des AESH, ainsi que leurs conditions de revenus, sont déterminantes pour la qualité et l’effectivité de la scolarisation des enfants en situation de handicap. De cela dépendent aussi l’attractivité de leur métier et, donc, sa pérennité. Agir est essentiel pour le bien-être de ces personnels, mais aussi pour celui des élèves.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement est donc favorable à cette proposition de loi.

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