Séance en hémicycle du 8 décembre 2022 à 16h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • AESH
  • centre
  • handicap
  • libéraux
  • l’éducation
  • médecin
  • médecine
  • médicaux
  • rémunération

La séance

Source

La séance, suspendue à treize heures quinze, est reprise à seize heures, sous la présidence de Mme Laurence Rossignol.

Debut de section - PermalienPhoto de Jocelyne Guidez

Madame la présidente, lors du scrutin n° 97 de ce jour, portant sur l’article unique constituant l’ensemble de la proposition de loi tendant à la création de délégations parlementaires aux droits de l’enfant, ma collègue Mme Denise Saint-Pé et moi-même souhaitions nous abstenir, et non pas voter contre.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Acte est donné de cette mise au point, ma chère collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation (proposition n° 379 [2021-2022], texte de la commission n° 172, rapport n° 171).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Debut de section - Permalien
Geneviève Darrieussecq

Madame la présidente, monsieur le président de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’heure où je m’exprime devant vous, ce sont 430 000 élèves en situation de handicap qui sont scolarisés à l’école de la République dans des classes dites « ordinaires ». Leurs effectifs connaissent une croissance de 6 % à 10 % par an.

C’est, avant toute chose, une grande source de satisfaction, pour ces enfants d’abord, qui sont bien à la place qui est la leur, c’est-à-dire sur les bancs d’une école, mais aussi pour celles et ceux qui les accompagnent et travaillent avec eux à construire leur autonomie.

Et c’est, ensuite, une réussite due à la mobilisation de tous, en particulier de l’État depuis plus de dix-sept ans, soit depuis le vote de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Il s’agit bel et bien d’une école inclusive, telle qu’elle a été voulue par le Président de la République et mise en place lors de son premier quinquennat.

Le Gouvernement engage aujourd’hui des moyens importants et croissants pour accueillir les élèves en situation de handicap dans de bonnes conditions.

Il mobilise plus de 132 000 accompagnants d’élève en situation de handicap, les fameux AESH. À la rentrée 2022, 4 000 nouveaux AESH ont été recrutés, et 4 000 de plus sont prévus dans le projet de loi de finances pour 2023.

Le nombre de ces accompagnants est ainsi en augmentation constante. Il a augmenté de 50 % entre 2017 et 2022. Il y a aujourd’hui un AESH pour huit enseignants, ce qui fait que ce métier est devenu, en quelques années, le deuxième métier de l’éducation nationale en termes d’effectifs. Il faut prendre la mesure de ce que signifie une telle évolution.

C’est précisément la philosophie de la proposition de loi discutée aujourd’hui, qui vise à contribuer à l’amélioration du système d’inclusion scolaire en renforçant la stabilité professionnelle des accompagnants et accompagnantes des élèves en situation de handicap.

L’enjeu de ce texte est simple, madame la rapporteure : il s’agit de rendre ce métier plus attractif en faisant en sorte qu’il ne soit plus un métier précaire. Je vous le dis sans détour : je partage avec vous cette ambition.

Avant d’en venir à votre proposition de loi, je tiens à rappeler que cette préoccupation s’est traduite dans les actes depuis 2017. De nombreuses mesures ont été mises en place pour améliorer l’attractivité du métier d’AESH et ses conditions d’exercice : le recrutement en contrat à durée déterminée (CDD) d’une durée minimale de trois ans ; l’accès au contrat à durée indéterminée (CDI) au bout de six ans d’exercice ; la mise en place d’une formation de prise de poste de soixante heures ; l’accès au droit à la formation professionnelle et aux prestations d’action sociale ; la création d’une grille indiciaire, afin d’automatiser leur avancement ; enfin, la création de la fonction de « référent AESH », afin d’appuyer leur exercice professionnel par des pairs expérimentés.

Le Gouvernement entend aujourd’hui poursuivre cette politique continue de consolidation de ces emplois, en prenant des mesures fortes sur leur rémunération.

Ainsi, dans le cadre des crédits de la mission « Enseignement scolaire », que vous avez adoptés la semaine dernière, le Gouvernement a soutenu des amendements qui permettront une augmentation salariale nette de 10 % de tous les AESH, dès le 1er septembre 2023. Une enveloppe supplémentaire de 80 millions d’euros sera ainsi consacrée à cette revalorisation en 2023.

Cette revalorisation s’ajoutera à l’extension aux AESH et aux assistants d’éducation (AED) des primes REP (réseau d’éducation prioritaire) et REP+ (réseau d’éducation prioritaire renforcé), prévue par le projet de loi de finances et qui correspond à une enveloppe de 74 millions d’euros.

Si ces mesures sont adoptées définitivement, nous serons également en capacité de renforcer notablement l’investissement de l’État dans la formation de ces personnels, sujet auquel le Sénat est particulièrement attentif.

Les dispositions prévues dans votre proposition de loi permettent d’avancer sur deux points importants.

Le premier est la situation sociale des AESH, qui s’améliorera : le CDI présente l’avantage de sécuriser les personnes dans leur emploi. Grâce à cette proposition, les AESH auront désormais accès au CDI après un contrat de trois ans, contre six ans actuellement, ce qui était effectivement trop long pour la perspective de stabilité que nous leur devons.

Second point : cette amélioration des conditions d’emploi rendra ce métier plus attractif. C’est déterminant à un moment où nous rencontrons des difficultés à recruter et à fidéliser dans ce métier essentiel à l’autonomie des élèves en situation de handicap.

Ce progrès est réel, concret, applicable rapidement sur le terrain, et surtout attendu par les personnes concernées.

Par ailleurs, je tiens à apporter une précision supplémentaire, concernant les dispositions prévues initialement pour lutter contre la précarité des assistants d’éducation, et maintenues dans le texte que nous examinons aujourd’hui. Je veux vous dire qu’elles sont d’ores et déjà satisfaites.

En effet, la loi du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire prévoit déjà un CDI obligatoire pour les AED au bout de six ans, et le décret qui en prévoit les modalités a été publié le 9 août 2022. Compte tenu de sa date de publication, il n’a pas pu encore produire tous ses effets au moment de la rentrée 2022, mais ce sera bien le cas à la prochaine rentrée. En outre, les primes REP et REP+ leur sont également accordées dans le projet de loi de finances.

Je veux, pour conclure, revenir sur la question des modes d’accompagnement des élèves en situation de handicap à l’école, pour rappeler que l’aide humaine qu’apportent les AESH doit être inscrite dans un cadre plus large.

Les élèves en situation de handicap doivent être scolarisés. C’est un droit, ce n’est pas une option. Et nous devons leur fournir les moyens d’accompagnement adéquats pour que notre école soit pleinement inclusive. Les AESH sont à cet égard des personnels essentiels, irremplaçables pour notre école pour tous. Nous entendons bien l’affirmer haut et fort en travaillant à l’amélioration de leurs conditions d’exercice de ce métier.

Mais il faut rappeler aussi l’esprit de la loi de 2005, avec cette idée cardinale de l’adaptation à chaque situation de handicap. Or tous les élèves n’ont pas besoin du même type d’aide pour apprendre et progresser vers l’autonomie. En outre, parmi celles et ceux qui en ont besoin, tous n’ont pas besoin d’un accompagnement individuel.

Par conséquent, la croissance continue du nombre d’AESH ne peut pas et ne doit pas être la seule réponse aux besoins d’accompagnement des élèves à l’école.

Il est nécessaire de progresser sur les autres moyens d’accompagner efficacement les élèves en fonction de leurs besoins, notamment par l’usage d’outils numériques et à travers l’évolution des méthodes pédagogiques et la formation des enseignants. Il faut aussi que nous avancions sur l’organisation administrative pertinente pour conduire cette politique.

C’est dans cette optique que s’est ouverte, dans la foulée du comité interministériel du handicap (CIH) du 6 octobre dernier, une phase de concertation et de réflexion avec les acteurs de l’école inclusive.

Cette réflexion associe les départements et les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH), car il est nécessaire de repenser l’ensemble du processus d’évaluation des besoins des élèves et de notification des aides nécessaires. Cette concertation, à laquelle des parlementaires sont associés, aboutira dans le cadre de la Conférence nationale du handicap (CNH) que le Président de la République convoquera au printemps 2023.

Je veux redire, pour conclure, que la stabilité professionnelle des AESH, ainsi que leurs conditions de revenus, sont déterminantes pour la qualité et l’effectivité de la scolarisation des enfants en situation de handicap. De cela dépendent aussi l’attractivité de leur métier et, donc, sa pérennité. Agir est essentiel pour le bien-être de ces personnels, mais aussi pour celui des élèves.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement est donc favorable à cette proposition de loi.

Applaudissements au banc des commissions .

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Monier

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est la deuxième fois en quelques mois que notre commission se penche sur la situation des accompagnants d’élèves en situation de handicap, personnels qui sont les chevilles ouvrières de l’école inclusive.

En février dernier, mes collègues Annick Billon, Max Brisson et moi-même, dans le cadre de la mission d’information que nous avons menée sur le bilan des mesures éducatives du précédent quinquennat, lancions une première alerte sur leurs conditions d’emploi et de travail.

Aujourd’hui, l’examen de cette proposition de loi, dont je salue l’auteure, l’ancienne députée Michèle Victory, nous offre l’opportunité de tirer une seconde fois la sonnette d’alarme, mais aussi et surtout de faire avancer la législation.

Reconnaissons d’emblée que la situation des 132 000 AESH, dont 93 % sont des femmes, n’est ni acceptable ni digne de l’école de la République. Un mot suffit à la caractériser : précarité. Lors de l’examen de la proposition de loi en commission, notre collègue Max Brisson a très justement qualifié cette précarité d’« institutionnalisée ».

Les causes et les manifestations de cette précarité sont nombreuses.

Il y a, d’abord, les conditions de recrutement : plus de 80 % des AESH exercent dans le cadre d’un CDD, contre moins de 20 % en CDI.

Il faut citer, ensuite, les conditions d’emploi : seulement 2 % des AESH disposent d’un emploi à temps complet, la quotité de travail moyenne n’étant que de 62 %. Ce temps incomplet subi contraint les AESH à cumuler d’autres « petits » contrats pour prétendre à un niveau de revenus plus décent.

J’en viens aux conditions de rémunération : sous l’effet cumulatif du temps incomplet imposé et d’une grille indiciaire concentrée à des niveaux proches du Smic, la rémunération mensuelle moyenne d’un AESH n’est que de 850 euros net. L’État rémunère donc en deçà du seuil de pauvreté ses professionnels de l’école inclusive.

Il y a enfin les conditions de formation, dont les lacunes, tant lors de la prise de poste qu’en cours d’exercice, laissent souvent les AESH démunis, lorsqu’ils ne sont pas contraints de s’autoformer !

À ce cumul de précarités viennent s’ajouter des conditions de travail qui, de l’avis unanime non seulement des AESH, mais aussi d’autres acteurs de l’école inclusive, n’ont cessé de se dégrader depuis quelques années.

La généralisation des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial) a assurément marqué un tournant dans leur aggravation.

Au regard du premier bilan que j’en dresse dans mon rapport, trois correctifs me paraissent devoir rapidement être apportés : mettre un terme aux dérives d’une gestion de la ressource humaine basée sur la flexibilité ; replacer la qualité de l’accompagnement au cœur du dispositif ; renforcer le cadrage national pour assurer plus d’harmonisation entre les territoires.

Aujourd’hui, être AESH dans le cadre d’un Pial, c’est être soumis à une très grande flexibilité : affectation dans plusieurs établissements, ce qui entraîne de nombreux déplacements dont les frais ne sont pas toujours pris en charge ; changements fréquents et non concertés d’emploi du temps et d’affectation ; prise en charge simultanée de plusieurs enfants ; accomplissement de tâches ne faisant pas partie des missions ; droits à la pause méridienne et au fractionnement des jours de congé non respectés.

Je me dois d’illustrer ce tableau, pour le moins édifiant, par les mots des intéressés eux-mêmes : « Des conditions de travail déshumanisées » ; « Sentiment d’être du sous-personnel » ; « AESH sous-payés et corvéables » ; « AESH toujours relégués en dernier ».

Malgré l’absence de reconnaissance et la perte de sens que ces professionnels dénoncent, nombre d’entre eux ont le courage de continuer. Qu’est-ce qui les fait tenir ? La réponse tient en ces deux citations : « AESH, c’est un beau métier » et « Sans AESH, il n’y a pas d’école inclusive », nous ont-ils dit.

Alors que le métier d’AESH n’a jamais été aussi peu attractif, le paradoxe veut que, dans le même temps, les besoins d’accompagnement des élèves en situation de handicap croissent à une vitesse très soutenue.

Depuis 2017, les notifications d’aide humaine des MDPH augmentent de 11 % par an, soit un rythme près de deux fois supérieur à celui des notifications de reconnaissance du handicap. Cette tendance à la systématisation de l’aide humaine est un sujet qui appelle une réflexion conjointe de l’éducation nationale et des départements. Plus largement, nos échanges en commission ont montré que la prise en charge de l’enfant dans sa globalité, à la fois sur le temps scolaire et sur le temps périscolaire, pose la question du partage des responsabilités. Notre commission entend bien l’approfondir dans le cadre de ses prochains travaux de contrôle.

Bien que les effectifs d’AESH aient progressé de 35 % sur les cinq dernières années et qu’ils continuent d’augmenter, l’école inclusive n’est pas encore une réalité pour tous les élèves en situation de handicap : certains s’étant vu notifier une aide humaine ne sont toujours pas accompagnés ; d’autres pâtissent d’un nombre d’heures d’accompagnement inférieur à celui qui leur a été notifié ; d’autres encore voient leurs besoins non couverts par la quotité fixée.

Cette carence de l’éducation nationale explique que certaines familles en arrivent à rechercher par elles-mêmes, ou par le biais d’associations, des AESH dits « privés ». Un nouveau marché de l’accompagnement privé est en train de se développer, même s’il est encore difficilement quantifiable. Cette évolution provoque une rupture d’égalité dans l’accompagnement du handicap, et renforce les inégalités sociales.

J’en viens, en quelques mots, à la situation des 65 000 assistants d’éducation, également confrontés à des conditions d’emploi et de travail précaires. Au moment de la création de cette fonction, l’idée était d’en faire un tremplin pour une éventuelle future carrière dans l’éducation nationale, par le biais des concours de conseiller principal d’éducation ou de professeur. Force est cependant de constater qu’aujourd’hui le taux de réussite des AED à ces concours n’est que de 15 % et que les étudiants représentent 30 % des effectifs, alors que les premiers étaient censés être majoritaires.

Se pose dès lors la question du devenir professionnel des AED. Faut-il professionnaliser cette fonction pour permettre à ceux qui le souhaitent de continuer à l’exercer et d’en faire un véritable métier ? Ou faut-il conserver sa nature première et mieux garantir ses débouchés vers d’autres emplois ?

Ce débat de fond mériterait, madame la ministre, un travail de concertation avec l’ensemble des acteurs concernés. En attendant, nous ne pouvons que constater et déplorer la grande précarité qui caractérise aussi les conditions d’emploi et de travail des AED : rémunération au niveau du Smic ; grille indiciaire inexistante ; pluralité d’affectations ; absence de formation et de perspective professionnelle.

Face à l’ampleur des enjeux que je viens de décrire, pour partie communs à ces deux catégories d’agents, la proposition de loi dont nous débattons aujourd’hui se veut comme une première étape, nécessairement modeste, vers une amélioration de leurs conditions d’emploi et une reconnaissance du service qu’ils rendent à l’école inclusive.

Son article 1er ouvre la possibilité de recruter en CDI les AESH ayant exercé pendant trois à six ans, soit potentiellement à l’issue d’un seul CDD contre deux actuellement exigés par la loi pour une école de la confiance.

Alors que la très grande majorité des AESH enchaînent aujourd’hui les contrats courts, synonymes d’instabilité, d’incertitude et de précarité, cette accélération de la possibilité de « CDIsation » est gage de stabilité de l’emploi, de sécurisation du parcours professionnel et de reconnaissance professionnelle. Elle est aussi une étape importante dans la professionnalisation du métier d’AESH et dans la construction de son attractivité.

Notre commission a eu un débat sur la durée de la condition d’exercice exigée pour pouvoir prétendre à une « CDIsation ». Où placer le curseur ? À trois ans, comme l’a proposé l’Assemblée nationale, ce qui, selon certains collègues, laisserait le temps d’évaluer les compétences professionnelles et permettrait de ne pas rigidifier le système ? Pourquoi pas plus tôt, dans la mesure où il s’agit d’une possibilité et non d’une obligation qui permettrait aux AESH ayant fait leurs preuves au bout d’un an de se projeter plus rapidement dans une carrière stable ?

Nous nous sommes en tout cas tous retrouvés sur la nécessité de garantir l’effectivité de la formation initiale des AESH, condition sine qua non de leur montée en compétences et de leur professionnalisation. Notre commission a par ailleurs pleinement conscience que si la « CDIsation » accélérée constitue une première avancée pour les AESH, le chemin qu’il reste à parcourir pour améliorer leur statut et leurs conditions de travail est encore long.

C’est pourquoi nous appelons collectivement le Gouvernement à lancer sans plus tarder une réforme structurelle des conditions d’emploi des AESH dans le cadre de « l’acte II de l’école inclusive ».

Nous estimons que plusieurs sujets, relevant principalement du niveau réglementaire, nécessitent d’être travaillés : la quotité de travail dans le but de permettre aux AESH qui le souhaitent de travailler à temps complet ; l’articulation entre le temps scolaire et le temps périscolaire ; l’augmentation du niveau de rémunération qui passe impérativement par une revalorisation de la grille indiciaire ; l’application effective de la réglementation de l’éducation nationale en matière de remboursement des frais de transport ; le renforcement de la formation et sa prise en charge financière ; la révision du fonctionnement des Pial afin de remédier aux dérives constatées et d’harmoniser les pratiques entre les territoires.

J’en viens à l’article 2 de la proposition de loi. Celui-ci ouvre aux AED ayant exercé pendant six ans en CDD le bénéfice du recrutement en CDI en cas de poursuite de leur mission.

Cette disposition, votée par l’Assemblée nationale le 20 janvier dernier, a entre-temps été satisfaite par l’article 10 de la loi du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire. Elle y a été introduite par le Sénat, lors de l’examen du texte en première lecture, à la suite de l’adoption d’un amendement présenté par notre collègue Toine Bourrat.

Pour éviter une redondance inutile, il conviendrait de la supprimer, ce que, sur ma proposition, la commission n’a pas souhaité faire. En effet, des remontées de terrain font état de réticences de la part de rectorats et de chefs d’établissement à « CDIser » les AED après six ans de service. Sur la cible de 5 000 « CDIsations » visées, seules 1 000 seraient effectives.

Même si le décret d’application, publié le 9 août dernier, ne présente pas d’ambiguïté, une circulaire ministérielle serait peut-être nécessaire pour inciter les rectorats et les chefs d’établissement à se saisir de cette disposition.

Nous attendons donc, madame la ministre, une réaffirmation du principe posé par la loi du 2 mars dernier et un engagement de la part du Gouvernement à veiller à son application effective sur le terrain.

Tel est le contenu des deux articles qui composent cette proposition de loi, que notre commission a adoptée à l’unanimité sans modification.

J’émets le souhait que nos débats permettent de confirmer notre consensus autour de ce premier pas en faveur des AESH, mais qu’ils ouvrent aussi la voie à des avancées supplémentaires dans un avenir très proche.

Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi que sur des travées des groupes RDSE, UC et LR.

Debut de section - PermalienPhoto de Samantha Cazebonne

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les accompagnants d’élèves en situation de handicap et les assistants d’éducation sont des pièces maîtresses, des piliers de l’école inclusive.

Cependant, ces pièces maîtresses sont aujourd’hui des pièces précaires dont la fragilité menace la solidité de cet édifice magnifique, de cette fierté républicaine qu’est l’école inclusive. J’entends par « école inclusive » la mise en œuvre de l’idée que le droit à l’éducation pour tous les enfants, quel que soit leur handicap, est un droit fondamental.

Nous connaissons tous ici ces chiffres sans équivoque qui témoignent de la précarité de ces deux métiers. Plus de 80 % des AESH exercent dans le cadre d’un CDD et seulement 2 % d’entre eux disposent d’un emploi à temps complet. S’agissant de leur rémunération moyenne, elle se situe autour de 850 euros net par mois. Quant aux AED, ils sont aussi recrutés par CDD, sont rémunérés au niveau du Smic et demeurent une profession au devenir incertain.

Ces chiffres sont d’autant plus regrettables que ces personnes, qui sont pour la grande majorité des femmes, aiment leur métier. Elles aiment accompagner, quotidiennement, les 400 000 élèves en situation de handicap que compte notre pays. À ce titre, nombre d’AESH, lorsqu’on les interroge sur leurs motivations à exercer ce métier, évoquent une forme de vocation.

Le Gouvernement a beaucoup investi en faveur de l’école inclusive depuis cinq ans puisque le budget dédié à cette dernière a augmenté de 66 % par rapport à 2017.

Par ailleurs, la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance a déjà amorcé la reconnaissance légitime des AESH : ces derniers ont été reconnus comme des membres à part entière de l’équipe éducative et peuvent désormais participer aux réunions de suivi de la scolarisation des élèves en situation de handicap.

En outre, c’est cette même loi qui a rendu possible leur « CDIsation » au bout de six ans de service. Et c’est encore elle qui a permis que des AED inscrits dans une formation préparant aux concours des métiers de l’enseignement et de l’éducation puissent exercer de véritables fonctions pédagogiques, comme le font les personnels enseignants.

Enfin, le budget présenté par le Gouvernement pour l’année 2023, que nous venons de voter, finance la création de 4 000 postes d’AESH et une augmentation de 10 % de leur rémunération. Le ministre a également annoncé que la prime REP et REP+ serait étendue aux personnels exerçant en réseau d’éducation prioritaire dans les premier et second degrés.

Alors, en ouvrant la possibilité de recruter les AESH en CDI à l’issue d’un seul CDD et en confirmant la possibilité de « CDIsation » des AED, cette proposition de loi poursuit l’indispensable réforme de ces professions. Mais il faudra aller plus loin et engager une réflexion approfondie sur l’amélioration du statut et des conditions d’emploi des AESH. Je pense évidemment au sujet de la rémunération, mais aussi au renforcement de la formation, à l’articulation entre le temps scolaire et le temps périscolaire et, bien sûr, à la « CDIsation » des AESH au bout d’un an.

Pour toutes ces raisons, le groupe RDPI est très favorable à cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, SER et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à Mme Sabine Van Heghe.

Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Annick Billon applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Sabine Van Heghe

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux d’abord saluer la qualité du travail mené par notre rapporteure, Marie-Pierre Monier, qui s’est trouvé confirmé par l’adoption de cette proposition de loi à l’unanimité en commission jeudi dernier.

La « CDIsation » des accompagnants et accompagnantes des élèves en situation de handicap à l’issue d’un seul CDD, contre deux aujourd’hui, permise par l’article 1er de ce texte, est évidemment indispensable. Nous savons que les 132 000 AESH jouent un rôle fondamental dans l’école inclusive pour assurer dans les meilleures conditions la scolarisation des élèves en grande difficulté, dans tous les établissements d’enseignement. Combien d’enfants seraient en échec total sans ce soutien de qualité et indispensable ?

Le CDI est la norme dans notre pays et permet de se projeter dans l’avenir avec la possibilité de se loger, d’emprunter. Rappelons qu’actuellement seulement 20 % des AESH exercent dans le cadre d’un CDI.

Ces personnels ne bénéficient pas de la reconnaissance qu’ils méritent. Leur rémunération est très faible – en moyenne de 850 euros par mois, ce qui est sous le seuil de pauvreté – et leurs conditions de travail sont difficiles : temps incomplet subi ; affectations de dernière minute, parfois dans plusieurs écoles avec des frais de déplacement importants peu pris en charge ; et, pour certains, le droit à la pause méridienne non respecté.

Les AESH souffrent également d’un manque de formation, et il arrive que certains se forment sur leurs propres deniers ou même que ce soient leurs parents qui financent ces formations !

Du fait de ces multiples difficultés, on observe des phénomènes de démission de l’ordre de 10 %, et ce au bout de deux ou trois ans seulement.

Le Gouvernement ne prévoit pas de créer suffisamment de postes d’AESH – 4 000 seulement pour 2023 –, alors même que l’augmentation de prescription d’aide humaine pour 2020 et 2021 est de 12 %. Sur la même période, le nombre d’AESH n’a augmenté que de 5 %. Attention donc aux recours à des AESH « privés », et donc à la rupture d’égalité !

Il est primordial et urgent que le Gouvernement sorte de la précarité ces 132 000 accompagnants, qui sont essentiels pour la réussite de l’école inclusive et dont le nombre est amené à croître dans les années à venir. Ainsi, nous soutenons la demande de la rapporteure d’une réforme structurelle des conditions d’emplois des AESH, dans le cadre de l’acte II de l’école inclusive, récemment annoncé par M. le ministre de l’éducation nationale.

Les sénateurs socialistes avaient déposé de nombreux amendements dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour aller au-delà de la « CDIsation » et améliorer les conditions de vie et d’exercice des AESH : 20 millions d’euros supplémentaires pour revaloriser les salaires ; alignement du montant des primes REP et REP+ des AESH sur les autres personnels de l’éducation nationale ; ouverture de 10 270 postes supplémentaires au lieu des 4 000 prévus par le PLF.

Nous attendions là un signal du ministre de l’éducation nationale, mais nous nous sommes malheureusement heurtés au veto de la majorité sénatoriale et du Gouvernement.

De la même manière, M. le ministre nous avait assuré que le Gouvernement était favorable à une « CDIsation » au bout d’un an. Je m’étonne qu’aucune initiative de sa part en ce sens ne se concrétise par le dépôt d’un amendement du Gouvernement sur la proposition de loi dont nous débattons !

Ce texte entend aussi mettre l’accent sur la situation des 65 000 assistants d’éducation. Leur « CDIsation », prévue à l’article 2 de la proposition de loi, a été permise, grâce à un vote du Sénat, par la loi visant à lutter contre le harcèlement scolaire et le décret du 9 août 2022. Il semble cependant que certains recteurs ou chefs d’établissement y soient réticents, et que seul un cinquième des AED susceptibles d’être « CDIser » l’aient effectivement été. D’où l’importance que le Gouvernement réaffirme le principe, et surtout l’obligation, de la « CDIsation » des AED après six ans d’exercice.

Les missions des AED sont très polyvalentes et leurs conditions de travail également difficiles : rémunération insuffisante, différents lieux d’affectation, absence de formation.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutient donc la demande de notre rapporteure pour que le Gouvernement engage une concertation avec l’ensemble des parties prenantes sur le devenir professionnel des assistants d’éducation.

Nous avions déposé des amendements au PLF pour 2023 visant à un alignement des primes REP et REP+ et la mise au même niveau de rémunération des AED de l’enseignement agricole et de l’enseignement général. Nous regrettons que ces amendements aient été, eux aussi, rejetés en séance le 1er décembre dernier par la majorité sénatoriale avec l’accord du Gouvernement.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui ne résoudra pas tout. Le chemin est encore long pour sortir ces personnels de la précarité, mais elle est un premier pas.

Le groupe des sénateurs socialistes, écologistes et républicains votera donc avec enthousiasme et lucidité cette proposition de loi, qui doit aussi être vue comme un appel au Gouvernement, à qui nous demandons solennellement d’agir vite et fort sur ces enjeux primordiaux pour l’avenir de nos enfants et pour l’accession à l’emploi des personnels concernés, dans des conditions dignes.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous voterons cette proposition de loi présentée par nos collègues socialistes que Marie-Pierre Monier a pris l’initiative de mettre à l’ordre du jour, ici, au Sénat.

Nous la voterons en regrettant que les députés de la majorité présidentielle, épaulés par ceux du groupe Les Républicains, en aient limité la portée.

Nous la voterons en ayant à l’esprit tout le chemin qui reste à parcourir pour que les AESH bénéficient d’une rémunération, d’une formation et d’un statut dignes, afin que l’école inclusive devienne une réalité pour tous.

Trop d’enfants, trop de familles, restent en effet encore sans solution. Longtemps, c’est le manque de moyens accordés aux académies pour recruter qui en a été la principale cause. Aujourd’hui, des postes créés ne sont pas pourvus. C’est le cas dans mon département de la Seine-Maritime, comme dans bien d’autres. Les conditions statutaires, les conditions de travail et de rémunération offertes aux AESH en sont directement la cause.

Or, je le rappelle, l’inclusion et l’accompagnement des élèves en situation de handicap constituent une obligation de résultat pour l’État.

Dans ce contexte, ouvrir la possibilité de recruter les AESH en CDI au bout d’un CDD de trois ans plutôt qu’au bout de six ans présente une avancée qu’il faut saisir.

Mais soyons lucides sur le fait que cela n’est qu’une possibilité et qu’elle ne mettra pas fin à la précarité qu’elles – car ce sont, vous le savez, des femmes à plus de 90 % – connaissent.

Depuis l’été dernier, cette possibilité est ouverte pour le recrutement des AED au bout de six ans de CDI. Force est de constater qu’elle n’a pas tenu toutes ses promesses puisque, comme cela a été rappelé, seuls 1 000 d’entre eux sur les 5 000 envisagés ont été « CDIsés ». Et l’on peut craindre que les AESH connaissent malheureusement la même situation.

Tout en adoptant cette proposition de loi, nous devons donc travailler à améliorer encore, et très nettement, leur sort. C’est indispensable pour garantir l’accueil d’enfants et de jeunes en situation de handicap dans le milieu scolaire.

Pouvons-nous accepter que la deuxième profession en termes d’effectifs au sein de l’éducation nationale soit rémunérée sous le seuil de pauvreté ?

Après avoir été condamné, à la suite d’une décision du Conseil d’État concernant les AED, le Gouvernement a décidé d’octroyer des primes REP et REP+ aux AESH, à compter du 1er janvier prochain. Mais elles sont inférieures à celles des autres personnels de l’éducation. Et la rémunération des AESH restera plus faible que le seuil de pauvreté, y compris après l’augmentation de 10 % qui leur est promise pour la rentrée 2023.

La mise en place des pôles inclusifs d’accompagnement localisés, les fameux Pial, qui répondent à une logique de mutualisation des moyens entre établissements, censés accroître leur temps de travail – essentiellement des temps partiels subis –, n’a pas amélioré leur situation. Au contraire !

Quant à leur formation, elle doit, elle aussi, être développée si l’on veut professionnaliser les AESH et leur donner toutes les compétences nécessaires à l’accueil d’enfants aux situations et aux besoins très divers.

À l’aube de l’acte II de l’école inclusive, annoncé par le ministre de l’éducation nationale, alors que se pose la question de l’accompagnement des enfants en situation de handicap en classe, mais également durant toutes leurs activités d’enfants, il nous semble urgent de mettre sur la table l’intégration des AESH à la fonction publique.

Ce statut, qu’il convient de moderniser plutôt que de détériorer, permet en effet des passerelles entre collectivités et État. Il pourrait former le creuset qui nous permettrait de répondre aux besoins que nous identifions, et de créer le cadre national nécessaire pour faire face aux disparités de situations que nous connaissons d’un département à l’autre.

Il permettrait aussi de mieux intégrer les AESH aux équipes éducatives, dont ils font à nos yeux pleinement partie, afin d’accompagner enfants et jeunes.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme la rapporteure et M. Bernard Fialaire applaudissent également.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd’hui a pour objectif de lutter contre la précarité de deux catégories de personnels de l’éducation nationale : les accompagnants d’élèves en situation de handicap et les assistants d’éducation.

À la rentrée dernière, l’éducation nationale recensait 132 000 AESH, dont 93 % de femmes. Les AESH et les AED n’ont pas tout à fait les mêmes missions, mais les uns comme les autres sont confrontés à des conditions de travail extrêmement précaires.

Parmi les causes de cette précarité, je citerai : les conditions de recrutement – 80 % sont recrutés en CDD – ; le temps partiel – seuls 2 % des AESH disposent d’un emploi à temps plein ; pour la majorité d’entre eux, ce temps partiel est un temps partiel subi, obligeant certains à cumuler plusieurs emplois – ; la rémunération, qui n’est en moyenne que de 850 euros mensuels ; et la formation. Sur ce dernier point, soixante heures de formation sont actuellement prévues par les textes. Ces heures, qui peuvent être effectuées en présentiel ou à distance, s’apparentent cependant plus à une boîte à outils.

La formation, initiale comme continue, fait donc défaut, ce qui peut contraindre les AESH à s’autoformer. Dans certains cas, ce sont même les familles des enfants accompagnés qui payent une formation. Cela n’est pas acceptable : c’est pourquoi j’ai déposé deux amendements concernant leur formation.

Ces amendements sont avant tout des amendements d’appel qui doivent permettre d’entamer un échange avec vous, madame la ministre. Les discussions que nous avons eues lors de l’examen du projet de loi de finances, et plus particulièrement lors de celui de la mission « Enseignement scolaire », ne nous ont pas satisfaits – le mot est faible.

Affectations dans différents établissements du territoire du Pial de rattachement, accompagnement simultané de plusieurs enfants présentant souvent des pathologies différentes, frais de déplacement qui ne sont pas pris en charge ou même parfois accomplissement de tâches qui ne font pas partie des missions de ces personnels : lors des différentes auditions auxquelles j’ai pu assister avec Mme la rapporteure, le constat a souvent été le même.

Des conditions de travail de plus en plus dégradées viennent s’ajouter à la précarité de l’emploi, ce qui mène de plus en plus à des arrêts maladie à répétition ou même à des démissions.

En dix ans, le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en classe ordinaire a connu une augmentation de 60 % dans le primaire et de 150 % dans le secondaire. Pour faire face à cette hausse, 4 000 AESH supplémentaires ont été recrutés et des efforts budgétaires substantiels ont été réalisés. Malgré cette hausse bienvenue, force est de constater que de nombreux élèves en situation de handicap ne sont pas, ou mal, accompagnés.

Face à cette situation, cela a été dit, les familles qui le peuvent en viennent à recourir à des AESH privés, ce qui crée – vous en conviendrez, madame la ministre – une vraie rupture d’égalité au sein de notre école.

Pour les AED, les conditions de travail sont tout aussi précaires. Si cette fonction, dont le statut n’a pas évolué depuis 2003, a été pensée à ses débuts pour les étudiants, l’âge moyen des assistants d’éducation est aujourd’hui de 30 ans, et nombreux sont ceux qui ont à leur charge une famille.

Ces dernières années, beaucoup d’entre eux ont démontré une volonté de se professionnaliser et de sécuriser leur parcours sur le long terme. À ce stade, ils n’ont pourtant pas la possibilité d’accéder à un CDI. Ils sont pourtant essentiels au bon fonctionnement de nos établissements et à la lutte contre le harcèlement scolaire, par exemple.

Mes chers collègues, ce texte marque une étape dans la lutte contre la précarité des métiers d’AESH et d’AED, mais ce n’est qu’une première étape. Trop de dispositions relèvent du domaine réglementaire, ce qui ne nous permet pas d’activer véritablement les leviers nécessaires pour faire évoluer leur situation.

L’éducation nationale doit entamer un travail de fond pour permettre une évolution, plus que nécessaire, des conditions de travail de ces chevilles ouvrières de l’école inclusive.

M. le ministre de l’éducation nationale a annoncé un acte II de l’école inclusive lors de sa dernière audition devant la commission de la culture du Sénat. Nous nous en réjouissons et suivrons avec attention les travaux qui seront menés sur ces problématiques.

Avant de conclure, je voudrais saluer le travail précis et de qualité de notre rapporteure Marie-Pierre Monier sur ce texte qui, je l’espère, permettra d’ouvrir une véritable réflexion sur ces métiers essentiels.

Enfin, la création d’une mission d’information sur les modalités de financement et la mise à disposition d’AESH sur le temps de la pause méridienne et d’accueil périscolaire, autres points de difficulté importants, apportera peut-être des réponses complémentaires à cette reconnaissance. Nous serons très attentifs à ses conclusions.

Mes chers collègues, vous l’aurez compris, le groupe Union Centriste votera avec enthousiasme ce texte, en espérant qu’il sera le point de départ d’une vraie évolution pour les AESH et les AED.

Applaudissements sur les travées du groupe SER, ainsi qu ’ au banc de s commission s . – Mme Monique de Marco applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fialaire

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en politique, la vertu est de mettre en cohérence son éthique de conviction et son éthique de responsabilité.

En soutenant l’adoption conforme, c’est-à-dire sans amendement, de cette proposition de loi, nous sacrifions un peu de notre esprit de responsabilité pour faire progresser la condition des accompagnants d’élèves en situation de handicap.

Puisqu’une unanimité de sagesse choisit la voie du petit pas, du compromis, plutôt que la quête du grand soir, vous comprendrez que le groupe RDSE se joindra à la légendaire modération sénatoriale.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Fialaire

Comme nous ne reviendrons pas sur la forme du texte, j’exprimerai quelques réflexions sur le fond.

L’intégration scolaire des enfants porteurs de handicaps est une belle et noble idée. L’accompagnement de ces enfants par des AESH et des AED est également une belle intention.

L’école inclusive permet à ces enfants de progresser, de s’épanouir, à d’autres de s’enrichir, en côtoyant les différences et en les intégrant.

Dans certains cas, elle offre également des activités enrichissantes à temps partiel, parfois à temps complet, à des accompagnants qui n’avaient pas forcément envisagé de les exercer, lesquels perçoivent ainsi un complément de revenu familial utile et qui a du sens.

Pourtant, je sais que tout n’est pas toujours aussi idyllique, et que la précarité de ces emplois et la lourdeur des tâches peuvent mettre en souffrance celles et ceux qui les subissent.

De fait, le balancier de l’école inclusive a peut-être trop penché dans un sens. Certains handicaps sont trop lourds pour l’inclusion scolaire, même accompagnée au mieux. Ils mettent en souffrance l’enfant, l’accompagnant, les autres enfants de la classe et les enseignants.

Ce remarquable dispositif d’inclusion ne convient pas à tous les handicaps. Les associations de familles d’enfants porteurs de handicaps nous alertent, madame la ministre, sur le besoin de places supplémentaires en institut médico-éducatif (IME), structure qui répond davantage aux besoins de handicaps plus lourds.

Une bonne orientation en IME, grâce à des places d’accueil disponibles, ou une inclusion à l’école, pour les handicaps compatibles, nous permettront de répondre à cette souffrance induite. Nous rendrons humainement supportable la tâche des accompagnants scolaires.

Enfin, j’en profite pour plaider en faveur de la prise en main des AESH et des AED par les départements, au travers de leur MDPH, pour une gestion cohérente et de proximité du handicap par leurs services médico-sociaux, lesquels assurent déjà le dépistage et l’accompagnement social des familles.

C’est un des domaines dont il faut « délester » l’éducation nationale, qui doit être plus ouverte aux collaborations avec les collectivités locales en fonction de leurs compétences. C’est un autre chantier qu’il ne faut pas oublier.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Mouiller.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains . – M. Jean-Pierre Decool applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner la proposition de loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation.

Comme cela a été indiqué, il s’agit de permettre aux AESH d’être recrutés en CDI au terme de leur premier CDD de trois ans, et aux assistants d’éducation ayant exercé pendant six ans leur activité d’être recrutés dans le cadre d’un CDI.

En 2022, on comptait plus de 135 000 AESH et environ 61 000 AED. La même année, le nombre d’enfants en situation de handicap accueillis en milieu ordinaire était de plus de 400 000.

Il faut souligner l’effort financier et l’effort de recrutement de l’éducation nationale ; les moyens sont importants. Pourtant, il existe un très fort décalage entre l’objectif annoncé par le Gouvernement sur l’inclusion scolaire et les résultats sur le terrain, un trop grand décalage entre l’augmentation des moyens humains et financiers en faveur de l’accompagnement des élèves en situation de handicap et le nombre croissant d’enfants dont les besoins ne sont pas, ou mal, couverts.

La promesse faite aux familles concernées par le handicap ne peut être tenue dans ces conditions.

Partout dans nos territoires, on rencontre heureusement des situations satisfaisantes grâce à des efforts ayant porté leurs fruits. Toutefois, de trop nombreux jeunes ne peuvent bénéficier de l’accompagnement humain dont ils ont besoin, faute de budget ou de personnel disponible.

De plus, les conditions de travail et le statut même d’AESH restent précaires, et trop peu attractifs. Par manque d’heures de travail, lesquelles se limitent en général à vingt-quatre heures par semaine, le niveau de rémunération est très faible. Il s’élève à environ 850 euros net par mois, même si une évolution est attendue dans les mois qui viennent.

Les AESH ne bénéficient pas toujours d’une formation adaptée et sont, souvent, mal intégrés à la communauté éducative.

À cela s’ajoute un point essentiel : des problèmes de dialogue entre l’éducation nationale, le médico-social et les MDPH. Ils entraînent des situations difficiles pour les accompagnants et les enfants suivis.

Dans mon département, j’ai eu connaissance de nombreux exemples d’AESH qui découvrent une semaine avant la rentrée scolaire le ou les établissements dans lesquels ils seront affectés, le nom de l’enfant en situation de handicap qu’ils suivront, et, surtout, la nature du handicap de l’enfant.

Dans ce contexte, comment une personne, quelle que soit sa bonne volonté, peut-elle accompagner de façon satisfaisante, sans formation ni préparation, un jeune autiste, puis, l’année suivante, un enfant scolarisé dans une unité localisée pour l’inclusion scolaire (Ulis) ?

En complément, la loi pour une école de la confiance a mis en place les Pial. Cette nouvelle organisation du travail des AESH devait permettre de mieux répartir et coordonner leurs interventions en fonction des besoins et de l’emploi du temps des élèves en question.

Néanmoins, la réalité est tout autre. En effet, dans de nombreux départements, ces pôles gèrent plutôt la pénurie de moyens.

Quel bilan, madame la ministre, pouvez-vous établir de la réforme qui a installé les Pial sur tous les territoires ? L’idée d’un principe général de coordination était bonne, mais le manque de moyens détourne ces structures de leur mission.

Malgré la bonne volonté des pouvoirs publics, le système n’est pas pleinement satisfaisant, entraînant, comme cela a été souligné, un manque d’attractivité du métier d’AESH, des situations sociales difficiles, et un accompagnement des enfants en situation de handicap imparfait.

Une véritable réforme s’impose ; son objectif principal devra être de placer le parcours de l’enfant au centre du dispositif. On ne peut résumer la situation en se contentant d’affirmer que les établissements et instituts sont la bonne réponse à apporter alors que les moyens sont insuffisants. Il faut une analyse globale du parcours de vie de l’enfant.

Des questions se posent : l’éducation nationale est-elle actuellement le meilleur gestionnaire de l’inclusion scolaire, ou ne faut-il pas s’appuyer davantage sur le médico-social ? Comment améliorer le dialogue entre ces deux mondes ? Ils ont tout de même en commun l’intérêt de l’enfant accompagné. Comment améliorer l’organisation sur le terrain, et mettre en place un statut professionnel satisfaisant pour les AESH ? Comment rendre, en somme, ce métier attractif ?

De nombreuses questions dont la réponse à l’heure actuelle demeure en suspens.

Concernant la proposition de loi que nous examinons, notre groupe politique s’est beaucoup interrogé sur le vote à exprimer, car voter favorablement risquerait d’inscrire dans le marbre et ainsi valider la situation précaire de ces agents de l’éducation nationale.

Cela risque d’être un moyen de pérenniser un système qui, pour l’instant, est défaillant.

Malgré cela, pour envoyer un signe positif aux agents, dont nous reconnaissons la qualité du travail, nous voterons en faveur de cette proposition de loi, tout en exprimant un vœu fondamental : la mise en place d’une véritable réforme de l’inclusion scolaire.

Nous partageons cet objectif avec les auteurs du texte actuel. Les moyens doivent être mis sur la table, car les résultats attendus ne sont pour l’instant pas satisfaisants.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Decool.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’école inclusive vise à assurer une scolarisation de qualité pour tous les élèves de la maternelle au lycée, partout et pour tous.

Cette belle ambition fait partie des priorités annoncées par le Président de la République pour le mandat en cours. Les accompagnants d’élèves en situation de handicap sont les pierres angulaires de la bonne intégration des élèves porteurs de handicap, raison d’être de l’école inclusive.

Pourtant, ces accompagnants vivent actuellement dans une situation de grande précarité. Cela n’est pas acceptable.

En moyenne, les AESH perçoivent un salaire moyen de 850 euros par mois, en deçà du seuil de pauvreté. Cette rémunération est évidemment insuffisante pour vivre décemment, et les oblige, parfois, à cumuler d’autres emplois à temps partiel. Le contexte inflationniste accentue la gravité de la situation et nous engage à agir.

Le 20 janvier 2022, la proposition de loi pour laquelle nous sommes réunis aujourd’hui a été votée en première lecture à l’Assemblée nationale. Jeudi dernier, le 1er décembre, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a également adopté le texte à l’unanimité. Je salue l’approche collégiale et transpartisane dont le Parlement a fait preuve.

L’article 1er ouvre la possibilité de recruter en contrat à durée indéterminée les AESH après trois ans d’exercice, c’est-à-dire à l’issue d’un seul contrat à durée déterminée. Par ce texte, nous déposons une première pierre pour l’amélioration des conditions de travail des accompagnants. Cette avancée est modeste, certes, mais elle va dans le bon sens.

Une contribution du Sénat à la loi visant à combattre le harcèlement scolaire a déjà permis de « CDIser » les assistants d’éducation à la suite de deux CDD.

Pourtant, certains chefs d’établissement refusent encore de mettre en pratique cette avancée sociale, comme le prouvent les remontées de terrain. Le vote de cette proposition de loi réaffirmera, je l’espère, ce dispositif pour endiguer la précarité dont souffrent les assistants d’éducation.

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une revalorisation salariale, mais aussi la création de 4 000 nouveaux postes d’AESH à la rentrée scolaire 2023. L’augmentation des effectifs est une bonne chose, tant les besoins sont en augmentation constante.

À ce jour, 44 % des élèves en situation de handicap ne bénéficient pas d’un accompagnement humain, pourtant essentiel pour les assister dans les pratiques quotidiennes, le travail scolaire et les activités relationnelles. Derrière ce taux abstrait, des milliers de jeunes sont privés de la présence d’un accompagnant à leurs côtés.

Pour autant, ces mesures ne peuvent nous satisfaire tant les enjeux sont immenses en matière d’amélioration des conditions de travail, de développement du recours aux temps plein et de rémunération. La grande disparité des situations observées en fonction des territoires nous interpelle, et souligne l’urgence de l’harmonisation des pratiques.

Enfin, la question de l’accès à la formation est essentielle, tant pour les AESH eux-mêmes que pour les jeunes en situation de handicap nécessitant un accompagnement spécifique.

Le groupe Les Indépendants – République et Territoires votera en faveur de ce texte. Il appelle à ne pas s’arrêter en si bon chemin. Cette proposition de loi doit marquer le lancement d’un débat d’ampleur sur l’accueil des enfants en situation de handicap à l’école. À ce titre, nous serons attentifs aux travaux prévus en amont de la Conférence nationale du handicap, annoncée pour le printemps 2023.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Thomas Dossus

La situation des accompagnants d’élèves en situation de handicap dans notre pays est un scandale absolu. Je le répète : absolu.

Plus de 130 000 femmes, la profession étant féminine à 93 %, exercent une mission indispensable auprès des enfants en situation de handicap. Sans leur travail, ces élèves ne pourraient pas suivre une scolarité comme les autres. Nous parlons donc ici de ce qui relève de l’essentiel, du non négociable, de quelque chose de vital pour notre pacte républicain.

Bien qu’elles œuvrent au service d’une politique indispensable, pour une école ouverte à toutes et tous, ces assistantes sont méprisées par l’État employeur. Comme bon nombre de travailleuses et de travailleurs essentiels, les AESH exercent leur mission dans des conditions indignes. Leur salaire moyen se situe autour de 800 ou 850 euros par mois, bien en dessous de tous les seuils de pauvreté, relatifs ou absolus.

Cette faible rémunération est en grande partie due à une incapacité systémique de ces femmes à travailler à temps plein. L’organisation du travail, notamment parce que les Pial recouvrent des aires trop importantes, ce qui les contraint ces personnels à une mobilité importante, ne permet pas d’atteindre les 35 heures. En moyenne, les AESH passent 24 heures par semaine auprès de leurs élèves. Le reste du temps, elles le passent sur les routes. Seulement 2 % des AESH sont à temps complet – 2 % !

Leur statut, ou plutôt l’absence de statut, est devenu un enjeu de premier ordre. Quelque 80 % des AESH accumulent les CDD, ce qui les plonge dans une grande précarité subie.

Si nous ajoutons à cela une faible formation, souvent une exclusion de l’équipe pédagogique et des incertitudes bureaucratiques pour savoir qui de l’État ou des collectivités doit prendre en charge les temps périscolaires, voilà réunies toutes les conditions pour saper, pour décourager, à petit feu, une profession tout entière.

Ce n’est pas du catastrophisme, car le système actuel des AESH nous montre de premiers signes d’effondrement. On compte dans notre pays deux fois plus d’enfants en situation de handicap ayant besoin d’une aide humaine que d’AESH. Dès lors, ces enfants se retrouvent bien souvent sans solution, à tel point que les familles qui le peuvent ont désormais recours à des AESH privés pour pallier les manques. Cette rupture d’égalité est insupportable, symptomatique de l’urgence de la situation.

Vient ensuite la question des AED. Si leur situation est moins critique que celle des AESH, elle doit aussi nous alerter.

Cette profession était pensée au départ comme une première immersion dans la communauté éducative pour des jeunes qui auraient vocation à se présenter ensuite aux concours de conseiller principal d’éducation (CPE) ou de professeur. Or, à l’heure actuelle, seuls 15 % des AED s’engagent dans cette voie ; moins d’un tiers sont des étudiants. Par conséquent, il s’agit de personnes pour qui être AED devient peu à peu le métier alors que la profession est tout aussi précaire que celle des AESH.

Voilà comment l’on traite à présent le personnel de l’éducation nationale. Dès lors, que faire ?

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’attaque à un premier problème : le statut. Certes, elle s’y attaque à la marge, mais ce n’est pas la faute de ses auteurs.

Revenons en décembre 2021 : le groupe socialiste, à l’Assemblée nationale, dépose un texte prévoyant le recrutement des AESH en CDI, avec un coefficient de pondération de 1, 2 pour reconnaître le temps de préparation. Pour les AED, il est prévu une possibilité de recrutement en CDI, et une obligation de les recruter sous ce type de contrat au bout de six ans ; un taux d’encadrement minimal est également arrêté. Pour les AESH et AED, il est enfin prévu l’accès aux primes accordées aux agents travaillant dans les REP ainsi qu’aux primes REP+.

Le texte qui arrive aujourd’hui devant nous a été largement vidé de sa substance après son passage à l’Assemblée, la faute à une majorité présidentielle, très large à l’époque, qui trouvait que le texte allait trop loin.

Le texte actuel prévoit seulement que les AESH peuvent être recrutés en CDI dès la fin de leur premier contrat de trois ans, et que les AED peuvent être recrutés sous ce même type de contrat au bout de six ans. Toutes les dispositions relatives à l’encadrement et à la pondération sont supprimées. Comble de l’ironie au sujet des AED : l’article ne change strictement rien à la législation. Nous en venons simplement à espérer une confirmation du droit actuel par la ministre en séance… Drôle de façon de légiférer, ou plutôt de ne pas légiférer.

Oui, le groupe écologiste votera en faveur de ce texte, car nous saluons chaque pas en avant, nous profitons de chaque avancée, si infime soit-elle, pour améliorer le sort des personnels de l’éducation. En revanche, nous regrettons très vivement les manœuvres politiques menées pour le vider de sa substance.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Vial

Nous vivons dans un pays, la France, souvent tenté par la division, accoutumé à la polémique. Pourtant, un sujet fait consensus : le droit fondamental à l’éducation pour tous les enfants, quel que soit leur handicap.

Depuis la loi de 2005, adoptée sous l’impulsion de Jacques Chirac, la prise en compte du handicap, sa prise en charge et son accompagnement sont désormais des priorités nationales et des défis pour chacun et chacune d’entre nous.

Depuis 2013, le principe de l’inclusion scolaire pour tous les enfants, sans aucune distinction, figure à l’article 1er du code de l’éducation.

D’énormes progrès ont été faits depuis ces dates. Pourtant, nous sommes encore loin d’être arrivés au bout du chemin.

Cette proposition de loi, déposée sur l’initiative du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation a été adoptée la semaine dernière à l’unanimité par la commission de la culture, de l’éducation et de la communication, sans aucune modification.

Elle ne constitue probablement pas une grande avancée, mais elle est un premier pas dans la bonne direction. Elle est aussi un message positif envoyé en direction des AESH, qui travaillent au quotidien dans des conditions difficiles à l’accompagnement des enfants en situation de handicap.

C’est pourquoi les élus du groupe Les Républicains et apparentés voteront en sa faveur, comme, je l’espère, l’ensemble des membres de notre assemblée.

Nous souhaitons aussi que ce texte soit voté conforme, afin qu’il puisse rapidement être mis en œuvre. En effet, la tentation de l’amender, que nous avons tous eue, à un moment ou à un autre, le condamnerait, en vérité, à se perdre dans une nouvelle navette parlementaire, à l’issue lointaine et incertaine.

Je remercie particulièrement notre collègue Marie-Pierre Monier, rapporteure de ce texte, pour le travail et les échanges qui ont été les nôtres lors des auditions auxquelles j’ai eu le plaisir de participer. Elles nous ont permis d’approfondir le sujet, en allant bien au-delà du texte qui nous rassemble aujourd’hui.

Par ailleurs, j’aurai l’honneur dans les prochaines semaines de prolonger ce travail au sein d’une mission spécifique que je mènerai au nom de la commission de la culture. Je remercie donc au passage le président Laurent Lafon et mon collègue Max Brisson pour leur confiance.

Notre pays compte actuellement 430 000 enfants scolarisés reconnus en situation de handicap. Ce chiffre a quadruplé durant les vingt dernières années. Ils représentent environ 3, 5 % de l’ensemble des effectifs scolaires, soit, en moyenne, un enfant par classe.

Le ministère de l’éducation nationale emploie 130 000 AESH, faisant d’eux, après les enseignants, le deuxième métier le plus important relevant ce ministère. J’utilise le mot « métier » à dessein, car il est grand temps, justement, de faire de ces missions d’AESH un véritable métier.

Il est temps de passer d’une logique purement quantitative à une approche plus qualitative. Il est temps, madame la ministre, de mettre enfin de la justice, de l’ordre et de l’organisation dans l’accompagnement des enfants et des adolescents concernés.

N’oublions pas que, au cœur de ce débat, l’objectif visé est la réussite de la scolarisation des enfants en situation de handicap. Pour cela, l’aide humaine est essentielle et nécessaire.

Néanmoins, elle ne doit pas être l’unique réponse pour garantir l’inclusivité de l’école. D’autres solutions et moyens supplémentaires sont nécessaires pour que l’environnement pédagogique permette cette inclusion scolaire : adapter le matériel pédagogique, les espaces d’enseignement, mais aussi la pédagogie elle-même, améliorer la formation des enseignants.

De plus, mon collègue Philippe Mouiller l’a rappelé, le lien avec le secteur médico-social est incontournable. Il constitue probablement une condition sine qua non de la réussite de cet accompagnement dans les années futures.

Au sujet de l’accompagnement humain, il n’est pas concevable de poursuivre dans la voie actuelle, avec un système complexe, flou, sans véritable cadre national pour le recrutement des agents ou l’affectation auprès des enfants. La différenciation est trop faible pour adapter les agents à l’accompagnement collectif ou individualisé nécessaire au suivi de chaque enfant.

Nous ne pouvons poursuivre avec un système qui s’appuie sur des agents désormais très nombreux, mais qui sont insuffisamment accompagnés pour se professionnaliser et être mieux formés. Ils se retrouvent, dans une énorme proportion, enfermés dans une situation de précarité indigne de l’État.

L’accélération de la « CDIsation » permettra de donner un peu plus de stabilité et d’accorder un début de reconnaissance. Il reste encore de nombreuses autres questions en suspens, particulièrement depuis que le Conseil d’État – à la demande du ministère de l’éducation nationale, rappelons-le – a scindé l’organisation du temps scolaire et du temps périscolaire entre l’État et les collectivités, revenant sur la règle, qui semblait acquise jusqu’ici, selon laquelle tout ce qui concourt à l’inclusion scolaire est de la compétence de l’État. Cette décision a été lourde de conséquences, pour les collectivités comme pour les AESH.

Du reste, j’ai appris ce matin fort opportunément par le ministre de l’éducation nationale qu’une circulaire allait, dans les tout prochains jours, être signée afin de permettre la prise en charge des AESH par un employeur unique ; ils bénéficieront ainsi d’un seul contrat. Plusieurs problèmes seront ainsi réglés.

Les collectivités attendent fortement cette décision. Nous étions nombreux à espérer cette avancée. Toutefois, il est nécessaire, à présent, de mettre sur le métier la réforme de la professionnalisation des AESH.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

(Non modifié)

L’article L. 917-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « peuvent être » sont remplacés par le mot : « sont » ;

2° Au deuxième alinéa, les mots : « peuvent également être » sont remplacés par les mots : « sont également » ;

3° Le sixième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Un décret définit les conditions dans lesquelles, lorsque l’État conclut un nouveau contrat avec une personne ayant exercé pendant trois à six ans en qualité d’accompagnant des élèves en situation de handicap en vue de poursuivre ses missions, le contrat peut être à durée indéterminée. » ;

Supprimé

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Gatel

Je salue cette initiative : le sujet est important, et même essentiel. À cet égard, je remercie le président Laurent Lafon et Max Brisson, ainsi que Cédric Vial, d’avoir accepté cette mission qui vient d’être à l’instant évoquée.

Je reviens sur la réflexion menée à l’occasion de la discussion de la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dite loi 3DS, au sujet de l’efficacité de l’action publique. De fait, le sujet dont nous parlons relève d’une chaîne de décisions dont la mise en œuvre est inopérante.

La décision d’accompagnement d’un enfant handicapé relève – je le rappelle – de la MDPH. Cette dernière la signifie à l’éducation nationale, qui, à tout moment de l’année, sollicite des crédits auprès de l’agence régionale de santé (ARS) compétente. Pourtant, les communes se retrouvent dans un vide sidéral, car elles ne disposent pas des ressources pour payer les AESH, pour des raisons diverses et variées.

Il faut améliorer l’organisation du système, professionnaliser et sécuriser tant ces assistants remarquables que les enseignants, afin de rendre la profession plus attractive. Ces mesures le permettent.

Toutefois, j’aimerais que l’on poursuive la réflexion en envisageant un transfert de compétences – sous réserve, naturellement, du volontariat et d’un transfert de moyens – aux seuls départements, à titre expérimental, afin de créer des services mutualisés mis à disposition de l’éducation nationale et des communes.

Chacun d’entre nous connaît la situation des communes éloignées des villes qui sont contraintes de trouver pour l’heure du déjeuner, c’est-à-dire une heure et demie, des AESH afin d’accompagner les enfants. Cela ne relève même pas du miracle, c’est simplement impossible !

Je vous remercie à nouveau, monsieur le président Lafon, d’avoir ouvert la réflexion ; nous creusons des pistes de notre côté. Nous continuerons en ce sens dans le cadre du groupe de travail sur la décentralisation que le président Larcher a réuni.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Je salue également cette proposition de loi, mais je voudrais faire un pas de côté. Depuis des années, on constate une explosion du nombre de dossiers déposés sur le bureau des MDPH, mais aussi une explosion des cas de troubles du comportement et de l’apprentissage.

Les études s’empilent. Les responsabilités sont plurielles, mais deux responsables ressortent particulièrement parmi tous ceux que nous connaissons : d’une part, le temps passé devant les écrans, d’autre part, les perturbateurs endocriniens.

Si nous ne traitons pas de cette explosion des cas, nous ne nous en sortirons pas. Certes, nous cherchons actuellement à équilibrer le budget, car tout cela a un coût, mais je propose que les responsables de ces perturbations soient également les payeurs. Instaurons des taxes sur ces causes d’altération de la santé mentale de nos enfants.

La situation actuelle relève de la maltraitance envers les AESH, les AED, les enfants et les parents, laquelle est palpable. Il faut en sortir, et, pour cela, il va falloir un budget important, mais aussi traiter le problème à la source.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Je reviens brièvement sur le propos de M. Salmon. Sans m’attarder sur ses motivations, je relèverai seulement un détail : si, au cours de nos débats au Sénat, nous considérons le handicap comme la conséquence d’autre chose, une maladie, alors, dans ce cas, il faudra tout revoir et tout refaire !

Je tenais à le préciser. Le handicap peut résulter d’une maladie, mais il relève avant tout de situations données. L’inclusion, c’est l’intégration de cette différence et non pas celle d’une simple maladie.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’amendement n° 2 rectifié, présenté par Mme Billon, M. Lafon, Mme de La Provôté, MM. Hingray, Kern, Laugier et Levi et Mme Morin-Desailly, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ce décret précise les conditions dans lesquelles les accompagnants des élèves en situation de handicap, recrutés sur contrat à durée indéterminée, bénéficient d’une formation continue répondant aux objectifs fixés dans le cahier des charges national susmentionné.

La parole est à Mme Annick Billon.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

J’ai évoqué cet amendement d’appel, comme d’autres intervenants, au cours de la discussion générale.

Il tend à insister sur la formation, qu’elle soit initiale ou continue. À ce titre, nous avons constaté au cours de nos auditions, tout comme vous, madame la rapporteure, que certains départements sont exemplaires, quand d’autres mettent en œuvre une formation à géométrie très variable.

La « CDIsation » est importante ; c’est même un pas essentiel, nous l’avons tous reconnu, vers la reconnaissance de ce métier. Néanmoins, à long terme, nous ne pouvons concevoir cette « CDIsation » sans une formation solide, obligatoire et efficace, qu’elle soit initiale ou continue. La « CDIsation » ne fera pas tout en matière de reconnaissance de ce métier essentiel.

Monsieur le président Lafon, nous avons discuté en commission. Je connais la position de la rapporteure sur l’amendement. Nous partageons le même constat ; nous sommes tous d’accord pour faire le premier pas vers les AESH, mais il n’est pas suffisant.

Madame la ministre, j’attends de savoir ce que sera l’acte II : qu’allez-vous proposer à la suite de ce texte ? Comme le disait Céline Brulin au cours de la discussion générale, tous les amendements au projet de loi de finances qui apportaient des améliorations pour les AESH ont été balayés d’un revers de main.

Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER. – Mme Nadia Sollogoub applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre Monier

À partir du moment où l’on « CDIse », il est vrai qu’une formation est nécessaire. Au cours de nos auditions, nous nous sommes rendu compte que, d’un département à l’autre, les formations mises en place n’étaient pas les mêmes ; je le confirme.

Néanmoins, cette nécessité de formation est déjà inscrite dans la loi. Le bénéfice d’actions de formation continue est formulé dans l’article L. 917-1 du code de l’éducation.

Le problème n’est pas tant l’absence de règles de niveau législatif que les difficultés qu’on rencontre pour les appliquer sur le terrain. Il revient aux services académiques de veiller à l’effectivité de l’accès des AESH à la formation continue, en particulier aux modules de formation spécifiques à l’accompagnement des élèves en situation de handicap, prévus dans les plans académiques et départementaux de formation.

Cet amendement, madame la ministre, est pour ses auteurs l’occasion de mettre en garde sur la nécessité de garantir véritablement l’efficacité des formations.

Néanmoins, ma chère collègue, je vous demanderai le retrait de cet amendement. Le cas échéant, l’avis serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Geneviève Darrieussecq

Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour vous remercier de la richesse de notre débat, qui a montré que nous étions unanimes à considérer les AESH comme des personnels précieux.

Nous devons donc conforter leur statut – il doit leur permettre d’accomplir plus sereinement leurs missions – et renforcer l’attractivité de leur métier qui est si important pour que les enfants en situation de handicap accèdent à l’autonomie.

Je veux aussi vous confirmer que nous avons lancé la préparation de la conférence nationale du handicap et que des groupes de travail se réunissent, y compris au sein du ministère de l’éducation nationale, notamment pour amorcer le deuxième acte de l’école inclusive.

Des parlementaires participent à ces groupes de travail et je les encourage à vous transmettre des informations au sujet de nos réunions.

Nous sommes pleinement mobilisés pour rapprocher le médico-social de l’éducation nationale ; je crois que c’est un élément important pour nous faire avancer sur la voie de l’école inclusive.

Nous avons déjà bien avancé et nous pouvons nous réjouir du fait que 2, 5 fois plus d’enfants en situation de handicap entrent aujourd’hui dans le secondaire, ce qui montre que les élèves qui entrent en primaire poursuivent leur scolarité. D’ailleurs, le nombre de ces enfants qui passent le brevet des collèges et le baccalauréat augmente de manière importante.

Par conséquent, il me semble que l’école inclusive est déjà une réussite, même si elle reste imparfaite et que nous devons poursuivre nos efforts inlassablement. Pour nous améliorer encore, nous devrons peut-être avoir une organisation différente.

Avant de répondre plus directement à Mme Billon, je le redis, nous sommes très mobilisés et nous avons besoin de vous pour faire progresser l’école inclusive.

En ce qui concerne la question de la formation soulevée par cet amendement, c’est évidemment un sujet essentiel tant pour les AESH que pour les enseignants et l’ensemble des agents qui travaillent dans les écoles, y compris les agents des collectivités locales. Chacun doit être sensibilisé au handicap et à la façon de se comporter avec ces enfants et de prendre en charge les différentes situations qui peuvent se présenter.

Les AESH bénéficient de soixante heures de formation au moment de leur prise de poste et le code de l’éducation prévoit qu’ils peuvent suivre des formations continues – Mme la rapporteure en a parlé.

Il est très important que ces agents soient formés – je pense à la formation initiale comme à la formation continue. L’accès à cette dernière doit être renforcé et effectif et celle-ci doit avoir lieu au bon moment. Nous aurions aussi intérêt à ce que certaines de ces formations se fassent en commun avec les enseignants pour améliorer l’intégration des AESH dans les équipes éducatives.

Vous le voyez, je partage les préoccupations qui ont été évoquées. Sachez que le ministère de l’éducation nationale travaille sur ce sujet.

Pour autant, je demande le retrait de cet amendement, parce que les mesures en vigueur permettent déjà de préparer les AESH à leur entrée dans le métier et de développer ensuite leurs compétences. Cela est clairement inscrit dans le code de l’éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Vial

Le sujet de la formation est évidemment important ; nous en avons tous conscience.

Madame la ministre, je voudrais attirer votre attention sur trois points et je souhaiterais que vous en fassiez part au ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

Tout d’abord, la formation des enseignants doit changer d’échelle, puisqu’en raison de la massification de l’inclusion ils seront tous confrontés à un moment ou à un autre à la présence d’enfants en situation de handicap.

Ensuite, alors que les collectivités locales sont elles-mêmes dans l’obligation d’embaucher du personnel pour accompagner ces enfants, les agents concernés des collectivités doivent eux aussi bénéficier de formations. Aujourd’hui, la fonction publique territoriale ne prévoit pas de statut pour ces agents – on les recrute en fait comme adjoints techniques ou adjoints d’animation – et il faut que les formations organisées par l’éducation nationale leur soient ouvertes. Certains rectorats le font, mais pas tous. Surtout, les élus et les agents ne reçoivent pas vraiment d’informations à ce sujet ; ils ne sont donc pas au courant.

Enfin, la formation à la prise de poste reste très variable selon les endroits et elle arrive souvent trop tardivement, puisqu’elle doit simplement être dispensée durant la première année.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Vial

On envoie donc des AESH devant des élèves sans aucune formation.

Si nous voulons professionnaliser ce métier, il faut une formation initiale préalable à la prise de poste. Il faut aussi développer la formation continue et l’adapter aux différentes situations de handicap que vont rencontrer les AESH.

J’insiste, en conclusion, sur l’importance de communiquer auprès des collectivités locales sur les formations dispensées par l’éducation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Non, je vais le retirer, madame la présidente.

Comme le disait à l’instant Cédric Vial, il ne peut y avoir professionnalisation sans formation. Or nos auditions ont montré que les dispositions inscrites au code de l’éducation sont appliquées de manière très inégale selon les territoires – on pourrait même dire que c’est à géométrie variable ! De plus, le code parle d’une formation « spécifique », ce qui n’est pas suffisamment précis.

Et la situation est la même pour la formation initiale comme pour la formation continue, où les disparités sont très fortes. C’est pourquoi nous resterons mobilisés sur ce sujet.

Vous avez pu entendre, madame la ministre, que nous partageons tous ici les mêmes constats, quels que soient les groupes auxquels nous appartenons, ainsi que le combat pour un acte II de l’école inclusive.

La mission d’information de la commission de la culture, à laquelle j’ai participé avec Marie-Pierre Monier et Max Brisson, a fait des propositions. Emparez-vous, madame la ministre, de tout le travail que le Sénat a déjà réalisé ! Les constats ont été dressés ; nul besoin de prendre encore des mois pour avancer concrètement !

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’amendement n° 2 rectifié est retiré.

L’amendement n° 1 rectifié, présenté par Mme Billon, M. Lafon, Mme de La Provôté, MM. Hingray, Kern, Laugier et Levi et Mme Morin-Desailly, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

…° À la première phrase du cinquième alinéa, après les mots : « formation spécifique », sont insérés les mots : «, initiale et continue, ».

La parole est à Mme Annick Billon.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Mme Annick Billon. Cet amendement va dans le même sens que le précédent et je vais le retirer, madame la présidente, pour gagner du temps. Beaucoup de collègues, y compris Mme la rapporteure, auraient aimé déposer des amendements sur ce texte et nous sommes tous un peu frustrés. Nous devons malheureusement accepter d’avancer à petits pas…

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

L ’ article 1 er est adopté.

(Non modifié)

L’article L. 916-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, les mots : « peuvent être » sont remplacés par le mot : « sont » ;

Supprimé

3° Le cinquième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Un décret définit les conditions dans lesquelles l’État peut conclure un contrat à durée indéterminée avec une personne ayant exercé pendant six ans en qualité d’assistant d’éducation, en vue de poursuivre ses missions. » ;

(Supprimés) –

Adopté.

4° et 5° §

(Suppression maintenue)

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Avant de mettre aux voix l’ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Sylvie Robert, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylvie Robert

Je voudrais d’abord remercier notre rapporteure, Marie-Pierre Monier, de son travail extrêmement rigoureux sur cette proposition de loi. Elle a organisé des auditions particulièrement intéressantes.

Je voudrais également remercier tous nos collègues qui se sont exprimés et grâce auxquels nous nous dirigeons vers un vote conforme – nous ne pouvons que nous en féliciter. J’ai d’ailleurs une pensée pour Michèle Victory, l’auteure de ce texte.

Cette proposition de loi est un premier pas qu’il faut saluer. Son adoption nous engage à continuer de travailler sur les questions de statut, de rémunération, d’organisation ou encore, chère Annick Billon, de formation.

C’est aussi une marque de reconnaissance pour ces professionnels qui contribuent au quotidien à l’école inclusive : ils accompagnent les enfants, ils rassurent les parents, ils épaulent les enseignants.

Nous avons senti que le ministre de l’éducation nationale voulait aller plus loin. Nous nous en félicitons, mais malheureusement il n’a guère donné de signes d’ouverture, singulièrement pendant l’examen du projet de finances, puisque beaucoup de nos amendements portant sur les AESH ont été rejetés.

Madame la ministre, si le Gouvernement veut aller plus loin, il faut qu’il le montre, et très vite ! En tout cas, le Sénat va continuer à travailler sur ces questions.

Cette proposition de loi, je le répète, est un premier pas, mais je crois que c’est une belle étape et je veux tous vous en remercier, mes chers collègues.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Lafon

Je voudrais d’abord exprimer ma satisfaction à l’idée que le Sénat vote cette proposition de loi – ce sera le cas dans quelques instants et, je l’espère, à l’unanimité.

Naturellement, nous sommes tous un peu frustrés, puisque nous n’avons pas pu l’enrichir par nos amendements, mais l’esprit de responsabilité nous pousse à voter ce texte conforme, même si nous aurions souhaité aller au-delà.

Je précise – c’est une parenthèse – qu’il ne faudrait pas que cela devienne une habitude. La navette parlementaire doit garder tout son sens, y compris dans le contexte particulier que vit l’Assemblée nationale en ce moment, et l’initiative sénatoriale ne doit pas être freinée par ces circonstances.

Je voudrais saluer le travail réalisé par notre rapporteure, Marie-Pierre Monier. Le constat qu’elle a dressé a réuni tous les membres de la commission comme du Sénat. Or ce constat est inquiétant : des efforts ont été faits – je ne les nie pas – par l’État, en particulier par l’éducation nationale, en termes de nombre d’AESH et d’organisation ; pourtant, celle-ci reste imparfaite et le résultat n’est pas encore satisfaisant pour les familles et les enfants.

Le résultat n’est pas non plus satisfaisant pour le personnel, en particulier pour les AESH eux-mêmes.

Nous devons donc continuer de travailler avec l’État sur ce sujet ; c’est l’objectif de la mission que nous avons confiée à Cédric Vial.

Nous connaissons les forces et les faiblesses de l’éducation nationale. Nous connaissons cette capacité à monter en puissance et à gérer 130 000 agents. Nous connaissons aussi ses faiblesses, notamment les disparités qui existent d’un territoire à l’autre, d’un département à l’autre – c’est un point qui ressortait clairement du constat dressé par Marie-Pierre Monier et sur lequel nous serons très attentifs, madame la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Victoire Jasmin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

J’ai une pensée, à cet instant, pour les familles, car nous parlons bien d’elles ici. Et c’est aussi pour elles que je souhaite que nous allions plus loin.

C’est la loi du 11 février 2005 qui a fixé le principe de l’inclusion en milieu scolaire ordinaire, mais beaucoup d’enfants ne peuvent toujours pas aller à l’école en l’absence de réponse adaptée à leur situation. Il est vrai qu’il existe une grande diversité de handicaps. Nous devons donc continuer de travailler pour répondre à toutes les familles.

Nous allons adopter aujourd’hui une avancée, mais beaucoup de questions posées par les AESH ne trouvent toujours pas de réponses. Comme le disait Annick Billon, la loi prévoit un certain nombre de choses, mais tout cela n’est pas toujours appliqué sur le terrain. Il n’y a pas vraiment eu d’évaluation et nous avons besoin d’un référentiel métier qui couvre l’intégralité des handicaps.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Annick Billon, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Annick Billon

Le groupe Union Centriste votera la proposition de loi. C’est une première reconnaissance pour les AESH et les AED, qui seront peut-être ainsi davantage intégrés dans les équipes éducatives. Ils y ont toute leur place, ce qui n’est pas forcément bien le cas aujourd’hui.

J’ai souhaité insister sur la question de la formation, parce que celle-ci est essentielle lorsqu’on doit accompagner des élèves en situation de handicap – ils méritent une attention particulière et cela ne s’improvise pas ! C’est encore plus vrai, lorsqu’on doit accompagner des enfants dont les handicaps sont différents.

Je voudrais aussi revenir sur la féminisation de ces professions. La délégation du Sénat aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a organisé des auditions sur les femmes et le travail et les études montrent que, lorsqu’une profession se féminise, les conditions de travail et de rémunération se dégradent.

En outre, dans ces métiers, beaucoup de femmes sont dans des situations difficiles et s’occupent seules de leurs enfants, alors même que les salaires qu’elles perçoivent ne permettent pas de faire vivre une famille. Ce n’est pas notre rapporteure, qui est très engagée dans les travaux de notre délégation, qui me contredira.

Je voudrais aussi revenir sur ce que disait précédemment notre collègue Françoise Gatel au sujet de la décision du Conseil d’État du 20 novembre 2020. Un chef d’établissement m’a adressé un message sur la question de la pause méridienne, en m’interpellant sur la situation des établissements privés sous contrat, qui ne pourront bénéficier de l’assistance des collectivités, rendue nécessaire par cette décision : ils devront peut-être favoriser des solutions différentes qui ne seront pas satisfaisantes en termes d’égalité.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Cédric Vial, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cédric Vial

Le groupe Les Républicains est très heureux de l’adoption – probable – de ce texte déposé par nos collègues socialistes. C’est l’honneur du Sénat de montrer qu’un tel sujet d’intérêt général peut dépasser le cadre partisan et tous nous rassembler.

Au-delà de son caractère juridique, ce texte est aussi, d’une certaine façon, une « carte postale » que nous adressons aux AESH pour leur dire que nous avons conscience du problème et que nous pensons à eux.

Pour autant, madame la ministre, le problème reste entier et nombre de sujets doivent encore être réglés : le statut, la formation, l’accompagnement global, le lien avec le médico-social et les MDPH, etc.

Il n’est pas possible de gérer plus de 130 000 agents sans une organisation robuste, un cadre national ou un référentiel métier. Nous devrons absolument reparler de ces sujets.

Nous n’échapperons pas non plus à la question, pas seulement sémantique, soulevée tout à l’heure par notre collègue Philippe Mouiller : le rôle des AESH est-il d’accompagner la scolarité ou le handicap ? Répondre à cette question a des conséquences juridiques en termes de responsabilité et de professionnalisation.

Nous devons débattre de toutes ces questions et trouver des solutions. Au fond, nous devons savoir quel accompagnement nous voulons pour les enfants en situation de handicap dans une école inclusive.

M. Philippe Mouiller et Mme Françoise Gatel applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Céline Brulin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Céline Brulin

Je voudrais à mon tour confirmer que le groupe CRCE va voter ce texte.

La situation des AESH doit être considérablement améliorée et, pour cela, nous devons aller au-delà de cette proposition de loi. Ce sont des sujets que nous abordons régulièrement en commission et je suis heureuse de voir qu’ils intéressent aussi d’autres collègues.

Je partage ce qui a été dit sur la nécessité d’une formation initiale comme d’une formation continue. Ces formations doivent aussi impliquer les enseignants afin que les AESH soient partie intégrante de la communauté éducative et reconnus comme tels.

Je voudrais aussi évoquer la question des rémunérations. Madame la ministre, vous avez dit que les AESH constituaient maintenant la deuxième profession de l’éducation nationale en termes d’effectifs. Il n’est pas concevable que ces agents soient rémunérés en dessous du seuil de pauvreté, ce qui est le cas même en prenant en compte les mesures de revalorisation qui ont été prises !

Enfin, je voudrais insister sur la réalité du processus de « CDIsation ». On constate en effet, je le redis, que les choses ne sont pas aussi claires pour les AED : certes, le décret n’a été publié qu’au mois d’août, si bien qu’il était certainement difficile de l’appliquer dès la rentrée, mais le fait est que peu d’entre eux ont obtenu un CDI à ce jour. J’appelle donc le Gouvernement à la mobilisation et à adresser des consignes claires pour que la « CDIsation » se mette effectivement en place sur le terrain.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Personne ne demande plus la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble de la proposition de loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, de la proposition de loi visant à rétablir l’équité territoriale face aux déserts médicaux et à garantir l’accès à la santé pour tous, présentée par Mmes Émilienne Poumirol, Annie Le Houerou et plusieurs de leurs collègues (proposition n° 68, résultat des travaux de la commission n° 158, rapport n° 157).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Émilienne Poumirol, auteure de la proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Émilienne Poumirol

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je présente aujourd’hui devant vous la proposition de loi que j’ai déposée avec ma collègue Annie Le Houerou et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain visant à rétablir l’équité territoriale face aux déserts médicaux et à garantir l’accès à la santé pour tous.

« Déserts médicaux » : cette expression est aujourd’hui sur toutes les lèvres et au cœur des préoccupations de tous les Français. Nous connaissons les constats, je n’y reviendrai que succinctement, mais certaines réalités méritent néanmoins d’être rappelées.

Aujourd’hui, 11 % des Français, soit 6 millions de personnes, n’ont pas de médecin traitant ; parmi elles, c’est essentiel, 657 000 personnes sont en affection de longue durée. En outre, 72 % de la population française vit en zone sous-dense.

Et cette situation, nous le savons, va de se détériorer dans les années à venir. La projection des effectifs, établie par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) du ministère de la santé, fait état d’une diminution des effectifs jusqu’en 2024 et un retour au niveau actuel, donc insatisfaisant, seulement à l’horizon de l’année 2030.

Ce contexte est d’autant plus préoccupant que la croissance démographique et le vieillissement de la population induisent une hausse toujours plus importante des besoins en santé.

Je le dis en préambule, ce texte n’a pas vocation, à lui seul, à résoudre l’ensemble des difficultés d’accès aux soins dans notre pays.

La France connaît une pénurie profonde de médecins, spécialistes comme généralistes. Les gouvernements successifs, soutenus par les syndicats et l’ordre des médecins, ont adopté, dans une volonté de réduire les coûts de la santé, une politique de diminution de l’offre.

Ainsi, dans les années 1970, nous formions 10 000 médecins par an, puis 3 500 dans les années 1990. Nous en formons aujourd’hui 8 500.

Nous avons voté un numerus ap ertus dont l’efficacité, faute de moyens supplémentaires donnés aux universités, pose aujourd’hui question : à ce jour, l’augmentation réelle du nombre d’étudiants admis en deuxième année est à peine de 10 % !

Nos politiques de santé, tout comme les études en médecine, sont hospitalo-centrées et nous ont amenés à négliger les politiques publiques, notamment celles envers les territoires ruraux.

Aujourd’hui, les médecins sont issus des classes sociales supérieures et des métropoles. Ce manque de mixité sociale et territoriale nuit à une répartition plus équilibrée sur les territoires.

Nous avons organisé beaucoup d’auditions et rencontré nombre d’acteurs de terrain. Face à cette problématique multifactorielle, nous avons conscience qu’il n’existe pas de réponse simpliste, facile ou miracle, mais que la réponse repose sur un ensemble de mesures coordonnées qui permettront d’améliorer de façon pérenne l’accès aux soins.

Nous sommes convaincus qu’une réponse au problème des déserts médicaux doit reposer sur un équilibre entre tous les acteurs, c’est-à-dire les médecins, les étudiants, les collectivités territoriales, qui, chacun à leur niveau, sont impliqués dans la santé des Français.

La mise en place d’une année de professionnalisation en autonomie supervisée réalisée obligatoirement en zone sous-dense répond à la double ambition d’une meilleure reconnaissance de la spécialité de médecine générale et de la lutte contre les déserts médicaux.

Cette mesure permettrait de déployer rapidement 3 500 à 4 000 jeunes médecins généralistes dans les zones sous-denses, soit en moyenne 35 à 40 par département.

Nous avons entendu les craintes exprimées par les étudiants, mais je veux les rassurer : nous souhaitons respecter les jeunes médecins et leurs problématiques de vie. Nous voulons aussi qu’ils soient rémunérés à hauteur de ce qu’ils méritent.

Cette année de professionnalisation ne sera donc pas un simple stage. Ses modalités de mise en œuvre, dont la rémunération spécifique, seront négociées – j’insiste bien sur ce terme –, avec toutes les parties prenantes, et en particulier les organisations syndicales des étudiants de troisième cycle.

Il est primordial, pour assurer l’effectivité de cette mesure, qu’il y ait un réel intérêt pédagogique, tant sur la formation médicale elle-même que sur les modalités pratiques d’installation. Aussi, cette année sera accomplie avec un encadrement renforcé, assuré par des médecins maîtres de stage universitaire.

Cette proposition s’articule autour des départements, échelon le plus approprié, selon le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie, pour organiser la réponse en santé dans les territoires.

Les étudiants choisiront leur futur lieu d’exercice sur une liste départementale établie par une commission d’affectation et d’accompagnement à l’exercice de l’année de professionnalisation. Celle-ci sera composée de représentants des universités, de l’ordre départemental des médecins, de l’ARS, ainsi que des élus locaux.

Les départements, comme c’est déjà le cas dans les Pyrénées-Atlantiques, avec Présence médicale 64, pourraient également gérer les conditions matérielles d’accueil des étudiants, ainsi que l’accompagnement dans l’installation définitive des jeunes médecins sur leur territoire.

L’exercice de la médecine a évolué et les jeunes médecins aspirent à un exercice en lien avec d’autres professionnels de santé. Néanmoins, aujourd’hui encore, un tiers des médecins généralistes exerce de manière isolée. Ce chiffre, bien loin des ambitions de « Ma santé 2022, un engagement collectif », nous amène donc à proposer de rendre l’exercice coordonné obligatoire dès 2026.

Aussi, l’article 2 de notre proposition de loi définit une nouvelle organisation de soins centrée sur un partage des tâches entre le médecin traitant et les autres professionnels de santé, au travers de protocoles dûment établis par l’ensemble de l’équipe traitante.

Cette équipe traitante sera coordonnée par un médecin généraliste, responsable du diagnostic et de la prescription, et devra être la plus inclusive possible. Elle devra également être renforcée par des assistants médicaux et des infirmiers de pratique avancée.

L’exercice coordonné dans des équipes de soins primaires devra être le plus souple possible et pourra prendre la forme d’une simple convention d’équipe de soins primaires, ou, d’une manière plus complexe, d’une maison de santé pluriprofessionnelle, voire d’un centre de santé.

Ainsi, le partage des tâches permettra de dégager du temps médical en priorité pour les patients sans médecin traitant ou en affection longue durée (ALD) à ce jour. C’est essentiel à nos yeux.

L’exercice coordonné permet, en outre, une diversification de l’activité médicale : exercice mixte avec un temps partiel en libéral et un temps partiel salarié dans un hôpital de proximité, dans la recherche ou la prévention institutionnelle, type protection maternelle et infantile (PMI), par exemple. Cette perspective est de nature à attirer les jeunes.

Pour répondre aux besoins en santé des territoires, nous proposons également, avec l’article 3, de rétablir l’obligation de garde pour les médecins libéraux.

Depuis 2002 et la décision du ministre Jean-François Mattei de supprimer l’obligation déontologique de garde individuelle, on observe une érosion de la permanence des soins. Le volontariat n’est pas suffisant pour répondre à la demande. Malgré les revalorisations financières régulières de l’astreinte, seuls 38 % des médecins, toujours les mêmes, participaient, en 2021, à la permanence des soins ambulatoires (PDSA).

Pendant les horaires de fermeture des cabinets médicaux, en particulier après vingt heures ou le week-end, nos concitoyens n’ont comme seule ressource que d’aller à l’hôpital, et cette situation participe à l’engorgement des urgences hospitalières.

Face au désarroi de la population, qui se sent délaissée, il nous est apparu indispensable de réinstaurer une obligation de garde par bassin de vie pour assurer la continuité de l’accès aux soins. Cette mission sera assurée en collaboration avec les établissements de santé et en concertation avec les professionnels.

Depuis de nombreuses années, les différents contrats d’aide à l’installation ont été multipliés. Pourtant, malgré les sommes considérables mises en jeu, le résultat n’est pas à la hauteur. Il nous semble donc indispensable de mettre en place aujourd’hui une mesure forte de régulation à l’installation.

Il s’agit d’étendre aux médecins libéraux un dispositif qui existe déjà pour plusieurs autres professionnels de santé – sages-femmes, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes.

La Drees confirme que ce type de dispositif apporte des résultats ailleurs dans le monde, par exemple au Canada.

Dans des zones définies par les ARS en concertation avec les syndicats médicaux, et dans lesquelles existe un excédent en matière d’offre de soins, un nouveau médecin libéral ne pourra s’installer en étant conventionné avec l’assurance maladie que lorsqu’un médecin libéral de la même zone cessera son activité.

Loin de remettre en cause la liberté d’installation, cette mesure a pour objectif de préparer l’avenir en orientant l’installation des médecins en fonction des besoins des territoires lorsque la démographie de la profession le permettra. En effet, aujourd’hui, au regard de la pénurie et du nombre de médecins partant à la retraite dans les cinq ans, cette règle sera très peu contraignante et n’entraînera pas, comme certains le prédisent, des vagues de déconventionnement.

Enfin, l’article 5 vise à rééquilibrer les conditions d’assujettissement aux cotisations sociales, les garanties de revenu et l’aide à l’installation : ces mesures doivent bénéficier de la même manière à la médecine salariée et à la médecine libérale. Les centres de santé sont souvent gérés et financés par les collectivités ou la Mutualité française et il convient de soutenir leur action en faveur de l’accès aux soins.

Je conclurai en rappelant notre responsabilité collective.

Comment pouvons-nous accepter le renoncement aux soins de nos concitoyens et la perte de chance que cela représente ? Comment accepter de renier notre promesse républicaine, le droit fondamental à la protection de la santé et l’égal accès aux soins ? Il s’agit d’un enjeu de santé publique et il est de notre devoir de trouver des solutions.

L’effondrement de notre système de soins, malgré l’implication de tous nos soignants, mérite une grande loi Santé. Celle-ci ne semble pas être à votre agenda, madame la ministre, ni même dans vos ambitions. À défaut, nous vous proposons un texte volontariste, pragmatique et rapidement opérationnel, répondant à la préoccupation majeure des Français. Mes chers collègues, si vous partagez nos propositions ambitieuses, je vous demande de voter ce texte.

Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Le Houerou

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain a demandé l’examen, dans son espace réservé, de la proposition de loi que nous avons déposée, avec notre collègue Émilienne Poumirol, et visant à lutter contre la désertification médicale de nos territoires. Le constat est connu et abondamment documenté : je n’y reviendrai donc que brièvement.

Notre pays connaît de graves difficultés de démographie médicale, qui sont appelées à perdurer une décennie, le temps nécessaire à la suppression du numerus clausus de produire des effets, et à la condition que le Gouvernement donne réellement les moyens aux universités pour assurer ces formations.

Les soins de premier recours sont particulièrement affectés. La France a perdu 5 000 médecins généralistes entre 2010 et 2021, quand elle gagnait 2, 5 millions d’habitants. Sur la même période, l’âge moyen de la population française a augmenté de deux ans, tandis que la prévalence des maladies chroniques s’est accrue de plus de deux points.

L’inégale répartition des professionnels de santé sur le territoire exacerbe encore davantage la difficulté. Les données, récemment mises à jour par la Drees, montrent que les 10 % de la population les moins bien dotés ont accès en moyenne à une consultation médicale et demie par an et par habitant, contre une moyenne nationale de 3, 4 consultations.

La qualification du territoire par les ARS retient que 72 % de la population vit en zone sous-dense.

Il serait inutile de disserter ici sur les causes de cette situation et les raisons d’un tel défaut d’anticipation par les pouvoirs publics et les médecins eux-mêmes. La responsabilité est partagée.

Il convient plutôt de trouver des solutions pour garantir l’accès aux soins sur l’ensemble du territoire, dans l’attente d’un retour à meilleure fortune en 2030. C’est à cet indispensable édifice collectif que la présente proposition de loi entend contribuer.

L’article 1er prévoit une année de professionnalisation à l’issue du diplôme d’études spécialisées (DES) de médecine générale afin de bien préparer les médecins à l’exercice de la médecine de ville. Contrairement aux propositions déjà discutées voilà quelques semaines sur ces travées, c’est non pas une année de stage, mais une année complémentaire d’exercice médical qui est ici proposée. Elle sera assortie de conditions spécifiques visant à garantir son efficacité, notamment par des conditions de rémunération négociées.

Afin de garantir l’effectivité du dispositif, cette année d’exercice en autonomie progressive sera réalisée à l’issue du troisième cycle, obligatoirement en zone sous-dense. Il nous faut, sur ce point, tenir un discours de franchise et assumer de demander aux diplômés une contribution à l’effort collectif pour améliorer l’accès aux soins dans nos territoires.

Pour favoriser la construction de projets personnels, les jeunes médecins pourront librement choisir leur affectation sur des listes départementales établies en coordination entre les professionnels de santé, les autorités de santé et les élus. Ces derniers doivent pleinement être reconnus dans ce rôle et prendre leur part en créant des conditions d’accueil de qualité sur leur territoire pour répondre aux besoins de logement, d’accompagnement familial et personnel. C’est à cette condition que le dispositif favorisera l’installation.

En contrepartie, nous souhaitons que cette année de professionnalisation enrichisse véritablement le parcours des étudiants et valorise justement l’effort demandé. Les jeunes médecins bénéficieront d’un statut spécifique défini par décret, après négociation avec les organisations syndicales. Nous souhaitons qu’il se distingue nettement des statuts d’interne et de docteur junior, et qu’il donne accès à une rémunération attractive.

L’article 2 impose la constitution d’équipes de soins primaires (ESP) avec d’autres professionnels pour l’exercice de la médecine générale à compter de 2026. Il s’agit là de favoriser la coordination entre les professionnels de santé de premier recours et l’élaboration de projets de santé répondant aux besoins d’un territoire.

Ce dispositif n’a connu depuis 2016 qu’un succès limité : seules 220 ESP, en cours ou en projet, sont recensées par le ministère. Pourtant, l’exercice coordonné constitue un outil indispensable non seulement pour structurer le parcours de soins, mais aussi pour améliorer l’offre sur un territoire. Il accroît en effet l’attractivité de l’exercice en ville, surtout pour les jeunes médecins qui ne souhaitent plus s’installer de manière isolée.

La tendance est réelle ; il s’agit de l’amplifier pour gagner du temps.

Pour mieux répondre aux attentes des professionnels, le texte conforte les ESP dans leur vocation de dispositif souple, complémentaire des maisons de santé, centres de santé ou communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), en prévoyant que les équipes pourront reposer sur une simple convention conclue entre les professionnels.

L’article 3 rétablit une obligation, pour les médecins, de participer à la permanence des soins ambulatoires lorsque la continuité de ce service public l’exige.

Le principe du volontariat individuel, qui prévaut depuis la suppression de l’obligation de garde au début des années 2000, ne permet plus d’assurer aujourd’hui une couverture satisfaisante de l’ensemble de nos territoires par la PDSA. Dans un contexte de démographie médicale déclinante et de désengagement, il faut le dire, de certains professionnels, il conduit également à concentrer l’effort sur les médecins volontaires. En 2021, d’après le ministère, seuls 38 % des médecins en moyenne participaient à la permanence. Là encore, les inégalités se creusent entre les territoires. Le Conseil national de l’ordre des médecins fait état, chaque année, de la progression des zones blanches et révèle que certains territoires ne sont plus couverts en soirée ou les week-ends.

Or la continuité de la PDSA est indispensable pour améliorer la prise en charge des patients comme pour désengorger les services d’urgence hospitaliers, dont l’embolie a encore été crainte l’été dernier. C’est d’ailleurs encore le cas à l’approche des fêtes de fin d’année.

C’est pourquoi le texte vise à renforcer la responsabilité collective des médecins en consacrant une obligation de continuité de la permanence, sans rétablir pour autant un mécanisme disproportionné et rigide de contrainte individuelle. Ainsi, il ne conduit pas à imposer une obligation de garde à chaque médecin sans évaluation préalable des besoins, notamment en nuit profonde. Il appartiendra, au contraire, aux agences régionales de santé, en lien avec l’ordre des médecins et les représentants des professionnels, de mesurer les besoins en soins non programmés pendant les horaires de fermeture des cabinets, de définir en conséquence la permanence nécessaire et, lorsque la continuité du service le justifie, d’appliquer l’obligation dans chaque territoire.

L’article 4 met en place un conventionnement sélectif dans les zones surdotées médicalement, de sorte qu’un médecin ne pourra être conventionné que si un praticien déjà installé cesse son activité.

Permettez-moi de répondre à quelques arguments régulièrement avancés pour refuser ce dispositif.

D’une part, nul ne prétend que ce mécanisme de conventionnement constituera le remède miracle pour orienter d’urgence les médecins vers les territoires les plus sous-dotés. Le dispositif s’insère dans un ensemble de mesures incitatives et évite surtout que les déséquilibres territoriaux ne s’accroissent davantage.

D’autre part, il convient de récuser les récriminations quant à une coercition excessive. Bien au contraire, les nombreux départs à la retraite à venir rendront ce dispositif rarement limitatif dans un premier temps. Il ne découragera nullement les vocations médicales et les exercices conventionnés. En revanche, l’application de ce conventionnement conditionnel est de bonne politique publique. Elle anticipe le dynamisme attendu de la démographie médicale et prépare ainsi une installation équilibrée des promotions d’internes plus importantes.

Enfin, l’article 5 propose que la distinction entre l’exercice libéral, d’une part, et l’exercice salarié en centre de santé, d’autre part, ne puisse suffire à fonder des différences dans l’octroi des aides conventionnelles visant à encourager l’installation des professionnels ou le maintien de leur activité dans des zones sous-dotées.

Les conventions entre l’assurance maladie et les professionnels prévoient toutes sortes de contrats incitatifs aux paramètres variables. Il ressort de ce paysage confus que les aides ne sont pas systématiquement défavorables aux centres de santé. Cependant, les contrats d’aide à l’installation des médecins sont clairement plus avantageux pour les médecins libéraux que pour les postes salariés en centres de santé. Nous proposons donc de mettre fin à cette inégalité de traitement, puisque les centres de santé concourent également, aux côtés de la médecine libérale, à l’accès aux soins de premier recours dans les zones sous-dotées.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, à titre personnel, je suis favorable à cette proposition de loi. Le texte prend acte de la pénurie de médecins et propose d’atténuer ses effets. Il demande, pour cela, des efforts proportionnés aux étudiants comme aux médecins, et favorise l’indispensable coopération avec les autres professionnels de santé.

C’est seulement par les efforts conjugués, dans chaque territoire, des pouvoirs publics, des professionnels de santé, mais aussi, dans une certaine mesure, des patients, que nous pourrons préserver l’accès aux soins partout, sans concurrence néfaste entre collectivités ou entre professionnels de santé.

La commission des affaires sociales n’a toutefois pas adopté la proposition de loi. C’est donc le texte initialement déposé que nous nous apprêtons à examiner aujourd’hui.

Applaudissements sur les travées des groupes SER, CRCE et GEST.

Debut de section - Permalien
Agnès Firmin Le Bodo

Madame la présidente, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, madame la rapporteure, mesdames, messieurs les sénateurs, sur l’initiative du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, la Haute Assemblée examine cet après-midi une proposition de loi portant plusieurs mesures de lutte contre les déserts médicaux.

À l’Assemblée nationale comme au Sénat, les initiatives parlementaires se multiplient pour trouver des solutions face à cet enjeu clé pour nos concitoyens qu’est l’accès aux soins. Le premier des besoins, le plus essentiel peut-être, est celui de l’accès pour tous et partout à la santé.

Avant d’être ministre, je reste une professionnelle de santé et, tous les jours jusqu’à ma nomination, j’ai pu constater, comme vous, les difficultés rencontrées par les Françaises et les Français pour avoir accès à un médecin et se soigner correctement.

Permettez-moi d’ailleurs d’être un peu taquine en regrettant que le gouvernement de François Hollande n’ait pas jugé bon de supprimer le nume rus clausus entre 2012 et 2017.

Exclamations sur les travées du groupe SER.

Debut de section - Permalien
Agnès Firmin Le Bodo

Nous aurions gagné un temps précieux, que nous n’avons plus aujourd’hui, pour mieux anticiper les évolutions de la démographie médicale. J’y insiste, peut-être que ceux qui prônent aujourd’hui l’obligation, et qui étaient aux manettes entre 2012 et 2017, auraient pu le proposer.

La situation, vous la connaissez, elle est préoccupante : 6 millions de patients, dont plus de 650 000 en ALD, sont sans médecin traitant ; 87 % du territoire français est aujourd’hui considéré comme une zone de sous-densité médicale ; les délais d’attente ne cessent de s’allonger. On constate enfin une crise des vocations et une perte de sens chez de nombreux personnels soignants.

Devant cette situation, qui n’est pas nouvelle, mais qui s’est aggravée avec la crise sanitaire, le PLFSS pour 2023 apporte des premières réponses, dont une qui a recueilli l’assentiment de votre assemblée : l’allongement à quatre ans du diplôme d’études spécialisés de médecine générale.

Nous partageons donc pleinement votre volonté d’agir.

Cependant, sur le fond, le Gouvernement regrette les mesures de coercition prévues dans cette proposition de loi.

L’obligation n’est pas la bonne solution. Nos voisins européens qui l’ont fait en reviennent. Réguler le vide n’apportera rien, et je ne crois pas que nous donnerons envie en obligeant.

Ainsi, l’article 1er de cette proposition prévoit que les étudiants réalisent, à l’issue du troisième cycle des études de médecine, une année de professionnalisation obligatoirement en zone sous-dense. Nous partageons la volonté de mettre en place une quatrième année de professionnalisation, mais nous divergeons sur la philosophie. Nous souhaitons plutôt inciter les étudiants en médecine à s’installer volontairement dans les territoires sous-dotés. C’est tout l’objet de la création de cette quatrième année de médecine générale dans le PLFSS, dont le Parlement vient d’achever l’examen. L’objectif est bien de donner confiance dans l’exercice ambulatoire, y compris en zone sous-dotée.

La mission que le ministre de la santé et de la prévention, François Braun, et moi-même avons lancée sur la création d’une quatrième année de médecine générale a précisément pour objectif de travailler aux nouvelles modalités pédagogiques et aux règles de répartition des terrains de stage et des praticiens maîtres de stage universitaires. Il s’agit bien de favoriser une affectation dans les territoires et zones sous-denses.

Les dispositions prévues à l’article 2 visent à rendre obligatoire l’exercice libéral de la médecine générale de premier recours sous la forme d’équipes de soins primaires, lesquelles pourront prendre la forme d’une convention entre professionnels de santé.

Là encore, le Gouvernement n’est pas favorable à l’obligation. Le risque est de ne pas réellement engager les professionnels dans un projet collaboratif, en rendant cette reconnaissance uniquement administrative.

Cependant, l’encouragement à l’exercice coordonné sous toutes ses formes, sur l’initiative des personnels de santé eux-mêmes, est bien une priorité du Gouvernement.

Depuis mon entrée en fonction, en juillet dernier, j’ai souhaité rencontrer, lors de mes déplacements sur le terrain, les professionnels de santé qui ont fait le choix d’un exercice coordonné au travers d’une communauté professionnelle territoriale de santé ou d’une maison de santé pluridisciplinaire.

J’ai ainsi découvert des structures qui fonctionnent bien, mais aussi d’autres qui connaissent plus de difficultés. Toutes sont différentes, mais les structures qui fonctionnent bien, et c’est heureusement la grande majorité, sont celles où les professionnels sont pleinement à l’initiative.

De même, instaurer, comme le prévoit l’article 3, une obligation à la permanence des soins en ambulatoire ne nous paraît pas adapté. C’est vrai, le taux de couverture en PDSA varie selon les territoires, mais il n’est pas directement lié au caractère sous-dense des zones. En effet, dans les zones sous-dotées, les médecins participent le plus souvent à la PDSA.

Cette disparité pose la question de l’équité entre médecins, ceux qui sont installés en zones moins dotées assurant nécessairement plus de gardes que les autres. Or la réintroduction de l’obligation individuelle de PDSA ne réglerait pas cette difficulté.

Le principe de responsabilité collective introduit par amendement gouvernemental dans le PLFSS pour 2023 nous semble préférable à un retour à l’obligation individuelle.

L’article 4 prévoit de subordonner le conventionnement d’un médecin dans les zones surdotées médicalement à la condition qu’un médecin déjà installé cesse son activité.

Le Gouvernement n’y est pas non plus favorable.

Alors que la négociation conventionnelle est en cours, nous n’entendons pas limiter de façon unilatérale la liberté de conventionnement des médecins en fonction de leur zone d’installation.

Enfin, je ne vous suis pas sur le bien-fondé de l’article 5, même si je partage le constat, que vous avez souligné dans votre rapport, madame la rapporteure, sur la multiplicité des aides à l’installation, dont le nombre et les paramètres peuvent être source de confusion pour les jeunes professionnels.

C’est bien dans cette perspective que le PLFSS pour 2023 porte la création des guichets uniques d’accompagnement à l’installation des professionnels de santé, ainsi qu’une simplification des aides données aux professionnels qui s’installeront.

J’en viens à la différence de traitement, que vous regrettez, entre centres de santé et médecine libérale.

Ces aides conventionnelles fournies aux centres de santé existent et relèvent des négociations entre les représentants des centres de santé et l’assurance maladie. Aujourd’hui, les premiers peuvent être aidés pour financer jusqu’à trois médecins ETP, à condition que le centre installé dans la zone sous-dotée reste ouvert pendant cinq ans et participe à la PDSA.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je me réjouis que nous ayons ce débat cet après-midi. Les défis et les attentes sur ce sujet sont immenses. Nous avons un devoir collectif d’agir, tous ensemble, dans un esprit de responsabilité et d’engagement pour apporter des réponses concrètes et opérantes aux besoins de nos concitoyens.

Pour autant, et je conclurai par là, l’instauration de mesures coercitives n’est pas la solution. C’est bien en partant des initiatives du terrain, avec la mobilisation de l’ensemble des acteurs, et non pas contre eux, que nous réussirons.

Madame la sénatrice Poumirol, je tiens à vous rassurer sur l’ambition de répondre aux besoins de santé que porte, tout comme vous, le Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Agnès Firmin Le Bodo

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée. Plus qu’une ambition, c’est un devoir, auquel nous nous attelons activement.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – Mmes Véronique Guillotin et Nadia Sollogoub applaudissent également.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Lubin

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, portée par nos collègues Émilienne Poumirol et Annie Le Houerou, est le fruit du travail des sénateurs du groupe socialiste depuis plusieurs années maintenant.

Nous avons déjà présenté certaines de ces dispositions dans le cadre du débat parlementaire, au cours de l’examen de textes et de propositions du Gouvernement et d’autres groupes politiques qui nous ont semblé apporter des réponses insuffisantes à un problème de plus en plus aigu.

Nous sommes confrontés à une crise profonde et durable concernant l’accès aux médecins, généralistes aussi bien que spécialistes.

Nous l’avons rappelé lors de précédentes discussions : dans les années 1970, 10 000 médecins, toutes spécialités confondues, étaient formés par an, ce chiffre tombant à moins de 4 000 en 2004, dont 2 000 médecins généralistes, pour remonter entre 8 000 et 9 000, dont 4 000 généralistes, de 2011 à 2016, avant une nouvelle baisse en dessous de 3 400 de 2017 à 2021 pour les généralistes, alors que la progression était continue pour les autres spécialités sur cette même période.

En 2022, nous formons 9 024 médecins, dont 3 634 généralistes. C’est donc une réduction de 67, 5 % en cinquante ans ! Dans ce laps de temps, notre population est passée de 50 millions à plus de 65 millions d’habitants, soit une augmentation de 21 %, avec, de surcroît, la montée en puissance des problématiques du vieillissement, de l’autonomie et de la dépendance.

Avec les départs à la retraite des baby-boomers, le chemin parfois long pour les médecins diplômés avant de pouvoir s’installer dans les territoires, les tensions liées aux multiples difficultés des secteurs du médico-social et de la santé, sans oublier les dix ans nécessaires pour former un médecin, nous avons là tous les ingrédients d’une situation critique. Et nous en voyons les effets dans nos territoires, que ce soit à Canenx-et-Réaut, Retjons ou Cère, dans les Landes, à Moncontour, Bourbriac ou au Mené, dans les Côtes-d’Armor, ou à Antichan-de-Frontignes, Aurin ou Bax, en Haute-Garonne, mais je pense que vous pourriez tous me citer des communes de vos départements. Pourtant, les élus locaux font des efforts considérables en la matière.

L’adoption de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2023 n’aura pas offert de réponse satisfaisante à ce problème. Elle crée une quatrième année d’études pour les médecins généralistes, sans rémunération prévue, mais cette mesure reste très floue. Dès son annonce, elle a eu des effets délétères, puisqu’un étudiant en médecine sur trois a pensé arrêter ses études dans les dernières semaines, selon une enquête de l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf).

Parfois, le remède est pire que le mal : nous avons besoin de tout sauf d’une crise des vocations chez les futurs médecins.

La France entre, en tout état de cause, dans une période dans laquelle tout le territoire est ou sera en situation d’insuffisance chronique en matière de démographie médicale. Le pays pâtit des manques des politiques de l’État que tous paient aujourd’hui.

D’abord, nos concitoyens, qui sont confrontés à la situation angoissante de ne pas être assurés de trouver les rendez-vous médicaux dont ils ont besoin, au prix de pertes de chances de guérison et d’une grande dégradation de leur qualité de vie.

Ensuite, les médecins eux-mêmes, qui voient les listes de patients à suivre s’allonger et ont plus que jamais besoin d’accompagnement pour assurer leur mission.

Enfin, les élus locaux, qui multiplient les projets, les innovations et les offres pour attirer les médecins sur leurs territoires et les amener à s’y installer durablement pour assurer la permanence des soins.

Chacun de nous dans cet hémicycle, chacun de nos territoires est, ou, pour les plus chanceux, sera concerné. La situation exige de nous des réponses qui apportent des améliorations sur les court, moyen et long termes, des réponses qui ne fassent pas plus de mal que de bien.

Les sénateurs du groupe socialiste ont travaillé à partir des situations que nous constations sur nos territoires, souvent alertés par ces vigies de la santé publique que sont aussi les élus. Nous avons auditionné les associations d’élus, l’État, les représentants des médecins et les syndicats de jeunes médecins.

Nous avons œuvré avec la conviction qu’il est aujourd’hui impératif de conjuguer une meilleure professionnalisation des médecins avec l’apport de temps médical dans nos territoires sous-dotés. C’est pourquoi nous avons investi à la fois le cadre pédagogique et l’apport de santé publique, comme le soulignait dans cet hémicycle notre collègue Bernard Jomier.

L’une de nos propositions phares présentées dans cette proposition de loi est en effet l’année de professionnalisation, dont nous avons déjà abondamment parlé. Elle a plusieurs avantages, au nombre desquels la reconnaissance et la rémunération à sa juste valeur de la contribution qui est demandée aux futurs jeunes médecins.

Une telle année de professionnalisation permet également de mieux prendre en compte leurs problématiques de vie, en associant aux universités les collectivités territoriales, qui sont mieux à même de leur garantir des conditions matérielles adaptées en matière de logement, de transport et de vie quotidienne.

Cette proposition de loi, si elle était adoptée, ne résoudrait pas à elle seule à la crise des déserts médicaux, mais elle apporterait des solutions opérationnelles qui se verraient tout de suite dans les territoires. Elle aurait le précieux avantage de permettre le déploiement très rapide de 4 000 jeunes médecins généralistes, soit en moyenne 40 médecins par département.

Notre texte contient aussi, grâce au travail de notre collègue Patrice Joly, un article consacré aux conditions de l’exercice libéral et de l’exercice salarié.

Notre proposition de loi a par ailleurs pour objet de mettre en place une organisation du parcours de soins facilitant la prise en charge de chaque patient, dans chaque territoire. Cela serait rendu possible par le gain de temps médical obtenu grâce à une meilleure coordination entre les professionnels de proximité. Cette nouvelle organisation permettrait de dégager du temps médical en priorité pour les patients sans médecin traitant ou subissant une affection de longue durée.

Notre texte rétablit également l’obligation de garde pour les médecins libéraux, afin de permettre la permanence des soins. Pour mémoire, c’est un dispositif de prise en charge aux horaires de fermeture des cabinets libéraux. Depuis la suppression de cette obligation en 2002, on observe une dégradation du service rendu. Le volontariat ne suffit plus pour répondre à la demande.

La voie que nous ouvrons ainsi nous semble susceptible d’apporter des réponses d’ores et déjà concrètes, efficaces et pragmatiques au problème des déserts médicaux, qui nous taraude tous.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux avant tout remercier ici nos collègues Émilienne Poumirol et Annie Le Houerou, ainsi que l’ensemble du groupe socialiste d’avoir déposé cette proposition de loi, qui vise à réduire les inégalités territoriales d’accès aux soins. Ces dernières ne cessent de se creuser dans notre pays.

Nous avons plusieurs fois eu l’occasion de débattre du problème, tout dernièrement lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

Contrairement aux membres du groupe Les Républicains et au Gouvernement, qui proposent d’instaurer une dixième année d’études de médecine devant s’effectuer en stage dans un désert médical, les auteurs du présent texte souhaitent instaurer une année de professionnalisation obligatoire dans ces mêmes déserts médicaux.

Il s’agit non pas d’une simple incitation à effectuer un stage dans un désert médical, mais d’une véritable année de professionnalisation, encadrée par un maître de stage universitaire et rémunérée à hauteur de 3 500 euros bruts par mois.

Par ailleurs, aux termes de la proposition de loi, les modalités de mise en œuvre du dispositif devront faire l’objet de discussions avec les organisations syndicales des étudiants de médecine générale. Une telle concertation était absente des propositions du groupe LR et du Gouvernement.

Face au manque de médecins généralistes, cette proposition de loi met en place une organisation coordonnée du parcours de soins de premier recours.

Nous ne pouvons pas rester dans une situation où 6 millions de nos concitoyennes et de nos concitoyens, y compris des malades en affection de longue durée, se trouvent sans médecin traitant. Les équipes de soins primaires proposées ici sont une solution pour les actes de premier recours.

Par ailleurs, la proposition de loi rétablit l’obligation de garde pour les médecins libéraux, supprimée par le décret Mattei du 15 septembre 2003, et étend l’obligation de permanence des soins des établissements publics de santé aux médecins libéraux lorsque l’offre de soins du territoire de santé l’exige, notamment dans des disciplines comme l’ophtalmologie ou la radiologie.

C’est exactement ce que notre groupe défend depuis 2019, quand nous avons déposé notre proposition de loi portant mesures d’urgence pour la santé et les hôpitaux.

De la même manière, nous convenons de la nécessité de réguler l’installation des médecins dans les zones surdenses, comme cela existe pour d’autres professionnels de santé, notamment les pharmaciens, les infirmières, les chirurgiens-dentistes et les orthophonistes.

Enfin, la proposition de loi revient sur les disparités existantes entre maisons et centres de santé en matière de fiscalité, de cotisations sociales, de garanties de revenu et d’aides à l’installation.

Il est en effet inacceptable que l’aide financière accordée à l’installation des médecins libéraux et des maisons de santé soit de 50 000 euros, tandis qu’un centre de santé bénéficie d’une aide financière de seulement 30 000 euros.

Je le rappelle, à la différence des maisons de santé pluriprofessionnelles, les centres de santé sont gérés par des organismes publics ou privés à but non lucratif, et garantissent un accès aux soins de proximité sans dépassements d’honoraires et sans avances de frais. Surtout, les professionnels y exercent leur activité de manière salariée, ce qui répond à une aspiration grandissante des jeunes médecins.

En conclusion, la proposition de loi, qui reprend de nombreuses mesures défendues par notre groupe depuis de nombreuses années, va dans le bon sens.

À ces mesures d’urgence, il conviendrait d’ajouter la suppression du numerus apertus et une augmentation des moyens des universités, de manière à former davantage de médecins. Il faut, par conséquent, une politique ambitieuse pour consolider et améliorer notre système de santé et de protection sociale. Mais c’est au Gouvernement de prendre la main !

En attendant, nous voterons évidemment cette proposition de loi.

Je profite de l’occasion, madame la ministre, pour vous alerter de vive voix, après avoir adressé un courrier au ministre de la santé, sur la situation des hôpitaux de Saint-Maurice, où l’agence régionale de santé et la direction ont prévu une opération immobilière de grande ampleur. Alors que psychiatrie et pédopsychiatrie sont en grande difficulté, mon collègue Pascal Savoldelli et moi-même craignons que ce projet purement spéculatif ne porte un coup fatal à la qualité de la prise en charge des patients. Je vous appelle donc à intervenir afin que la direction revoie sa copie.

Applaudissements sur des travées du groupe SER. – Mme Raymonde Poncet Monge applaudit également.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Nadia Sollogoub

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, Élisabeth Doineau, qui est souffrante, m’a demandé de porter sa voix dans notre hémicycle.

L’accès aux soins est l’un des principaux sujets de préoccupation des Français. Aussi, il est naturel que les parlementaires se saisissent de cette problématique et tentent d’apporter des réponses par le biais de propositions de loi. Celles-ci se multiplient. C’est la preuve que nous avons à cœur de répondre aux difficultés rencontrées en la matière par nos concitoyens sur tous les territoires.

Le constat est largement partagé. De nombreux rapports ont été publiés ces dernières années et les statistiques produites par diverses institutions, comme la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère de la santé, permettent de saisir en toute connaissance de cause l’ampleur des difficultés.

Deux raisons principales à cette situation doivent cependant être rappelées : d’une part, le manque d’anticipation des pouvoirs politiques face au vieillissement de la population ; d’autre part, le changement de la pratique médicale, les jeunes médecins souhaitant légitimement aménager leur temps de travail pour une meilleure vie familiale. D’un côté, davantage de temps médical est requis, pour plus de polypathologies ; de l’autre, on dispose de moins de temps médical par praticien.

Les auteurs de cette proposition de loi tentent de répondre au problème de la désertification médicale. Je veux à mon tour tenter d’expliquer pourquoi les solutions envisagées ne sont pas les bonnes et elles auraient même des conséquences préjudiciables pour notre système de santé et pour toute une profession.

Je me permettrai de ne pas commenter l’article 1er, car nous avons largement débattu de questions similaires ces dernières semaines, en particulier à l’occasion de l’examen du PLFSS pour 2023.

Je ne suis pas opposée à l’article 2 sur le fond, puisque je suis favorable à l’accélération du développement de la coordination entre les professionnels et du travail pluridisciplinaire ; je soutiens en particulier la pratique en équipe de soins primaires. Cependant, cette dernière ne peut pas tout simplement se décréter ! Elle nécessite la participation active des principaux concernés. C’est d’ailleurs ce que l’on observe dans la plupart des MSP, voire sur un plus large périmètre quand il existe une CPTS. Cela demande du temps, de la volonté et beaucoup d’investissement de la part de tous les professionnels de santé, des paramédicaux jusqu’aux professionnels du secteur médico-social.

L’article 3 soulève le sujet essentiel de la permanence des soins ambulatoires. Celle-ci recule fortement, ce qui accroît les tensions sur les services d’urgence hospitaliers.

Néanmoins, obliger les professionnels à assurer la permanence des soins dans un contexte de pénurie contribue à accélérer leur épuisement, dès lors que les rotations sont de plus en plus fréquentes faute de relais. Prenons donc garde à ne pas apporter une réponse plus néfaste que le problème initial !

L’article 4 pose le principe d’une arrivée pour un départ en matière de conventionnement dans les zones surdotées. De l’aveu même de Mme la rapporteure, une telle mesure ne s’appliquerait qu’à la marge.

J’en viens à l’article 5. Certes, il est difficile de s’y retrouver dans le maquis des aides. Mais aligner les aides apportées aux centres de santé sur celles dont bénéficient les MSP reviendrait à encourager encore plus le salariat. Or les chiffres nous montrent que cette tendance est déjà prégnante. Je ne suis pas opposée à la pratique médicale salariée dans l’absolu, mais elle diminue en moyenne d’un tiers le temps médical par rapport à l’exercice libéral. Attention à ne pas accélérer davantage le phénomène !

Après ce réquisitoire, vous pourriez être tentés, mes chers collègues, de me rétorquer que la critique est aisée, mais que l’art est difficile. Alors, quelles solutions apporter ?

Je suis persuadée que nous avons déjà un arsenal d’outils, mais que le plus difficile est de les mettre en œuvre.

Il est ainsi possible de dégager du temps médical en recrutant des assistants médicaux et en répartissant le parcours de soins entre des médecins et d’autres professionnels de santé, notamment des infirmiers en pratique avancée (IPA).

Le partage des tâches est logique et indispensable, parce que nous devons penser à l’échelle des équipes traitantes ; il l’est aussi, parce que la montée en compétences de certains professionnels de santé permet de répartir les prises en charge ; il l’est enfin, parce que la coordination des soins, la complexité de certaines situations et la notion même de « parcours » l’imposent.

La télémédecine est un autre outil qui a prouvé, pendant la crise sanitaire, combien il pouvait être utile lorsqu’il est bien encadré.

Je crois également en la territorialisation des politiques de santé. À chaque territoire ses spécificités ! Il conviendrait sans doute de déterminer quelle collectivité doit être chargée de l’accès aux soins. L’échelon le plus pertinent est le département. Celui-ci pourrait déployer avec l’ARS des brigades de coordination et d’ingénierie pour accompagner les élus et les professionnels de santé sur le territoire.

Je souhaite aborder deux autres points.

D’une part, nous ne pouvons pas rester sourds aux demandes des médecins quant à la revalorisation du tarif des consultations, qui est l’un des plus faibles d’Europe.

D’autre part, si le PLFSS pour 2023 impulse un premier virage en faveur de la prévention, un chantier énorme s’ouvre à nous, d’une alimentation plus saine à une activité sportive régulière, en passant par une réduction des conduites addictives. Plus de prévention, c’est vivre en meilleure santé ; c’est donc moins de besoin de temps médical.

Améliorer l’offre en santé ne peut pas se résumer à traiter de la médecine de ville. Il faut une refonte globale et graduée entre la ville et l’hôpital.

Le Gouvernement a lancé les travaux du volet santé du Conseil national de la refondation. Attendons ses conclusions et les actions qui en découleront.

Pour conclure, je crois qu’il convient d’assumer un discours de vérité. Nous savons que la prochaine décennie sera encore difficile. La régulation est une coercition qui ne dit pas son nom ; elle ne répondra pas à la pénurie. À l’inverse, la coopération peut nous aider à passer ce cap difficile.

Pour toutes ces raisons, la majorité du groupe Union Centriste ne votera pas cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Véronique Guillotin applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Guillotin.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les auteurs de cette proposition de loi dressent un constat qui est partagé sur toutes les travées de l’hémicycle.

Nous observons en effet depuis plusieurs années un recul de l’accès aux soins et un déclin de la permanence des soins. Ce sont des sujets de préoccupation, voire d’inquiétude grandissante pour les élus, les patients et les professionnels de santé.

Les chiffres le confirment. En vingt ans, nous avons perdu 18 % de généralistes et 9 % de spécialistes. Un bon nombre de médecins partiront à la retraite, alors que les besoins liés au vieillissement de la population et à la prévalence des maladies chroniques augmentent et que les jeunes médecins, comme d’ailleurs le reste de la population, sont désireux – c’est légitime – de mieux concilier vie personnelle et vie professionnelle. Nous sommes donc face à un problème de pénurie bien plus que de répartition.

Cette pénurie a été instaurée dès le début des années 1980 à des fins avouées de régulation des dépenses de santé. Il fallait boucher le trou de la sécurité sociale, comme en témoigne le slogan des années 1990 : « La sécurité sociale, c’est bien ; en abuser, ça craint ! » Tous les gouvernements, de droite et de gauche, ont poursuivi cette approche mortifère pendant plus de deux décennies. Voilà la principale raison de la situation que patients et professionnels subissent au quotidien.

L’augmentation du numerus clausus, puis sa transformation en numerus apertus, décidées tardivement, ne porteront leurs fruits que dans une bonne dizaine d’années. À ce propos, madame la ministre, pourriez-vous nous donner des chiffres précis sur le nombre d’étudiants en médecine, notamment en médecine générale, ayant entamé leurs études ces dernières années ? Combien de médecins supplémentaires pouvons-nous espérer pour 2030 ? Seront-ils en nombre suffisant pour faire face aux enjeux qui nous attendent demain ?

Face à la pénurie, la proposition de loi que nous examinons propose une fois encore de renforcer les contraintes et les obligations : à l’article 1er, stage obligatoire dans les déserts médicaux ; à l’article 2, obligation de création d’équipes de soins primaires ; à l’article 3, obligation de garde ; à l’article 4, régulation à l’installation.

Or nous devons tous prendre conscience qu’aujourd’hui, la médecine générale n’est plus attractive. Cela n’est pas assez dit, me semble-t-il. J’en veux pour preuve qu’elle est l’avant-dernière spécialité choisie aux épreuves classantes nationales (ECN). Les raisons en sont multiples, entre les contraintes administratives et la charge de travail grandissante. En outre, les perspectives de carrière sont limitées : fini l’accès aux métiers d’urgentiste et de gériatre ; finis les diplômes universitaires d’angiologie ou de médecine esthétique, qui permettaient de diversifier le métier. Enfin, le stage libre a été retiré des stages autonomes en soins primaires ambulatoires supervisés (Saspas) ; la quatrième année a encore failli être limitée à la pratique ambulatoire.

Les tentatives, nombreuses et répétées, de renforcer les obligations pour compenser plusieurs décennies de politiques publiques de santé défaillantes ne réconcilieront pas les jeunes avec l’exercice de la médecine générale. Les professionnels font face à des conditions de travail suffisamment dégradées ; je ne crois pas qu’il faille les aggraver encore en faisant peser davantage de contraintes sur ceux qui tiennent, tant bien que mal, notre système de santé à bout de bras. C’est avec eux, et non contre eux, que les solutions seront trouvées, notamment dans le cadre des négociations conventionnelles avec l’assurance maladie qui se tiennent en ce moment. Dans le cadre de ces dernières, il faut miser sur la responsabilité collective, notamment pour la permanence des soins ambulatoires.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous ne croyons pas que les mesures proposées dans ce texte puissent résoudre nos problèmes.

En période de crise et de pénurie, en attendant que le numerus apertus produise ses effets, nous devons au contraire serrer les rangs, instaurer la confiance, laisser le terrain s’organiser, comme il a su le faire pendant la crise du covid, décharger les professionnels des tâches administratives, valoriser et respecter leur travail, lever les freins et accélérer le déploiement d’outils déjà existants, qu’il s’agisse des MSP ou de toutes les autres formes d’exercice coordonné. Il faudra aussi assouplir les règles de cumul emploi-retraite, avoir recours aux assistants médicaux et aux IPA, ou encore déployer la télémédecine, voire encourager le partage de tâches, pour in fine donner envie aux jeunes de s’engager dans cette voie. Ce n’est, selon moi, qu’à ce prix que nous pourrons améliorer l’accès aux soins partout et pour tous.

Pour toutes ces raisons, notre groupe votera contre cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE et UC. – Mme Corinne Imbert applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviens en lieu et place de mon collègue Jean-Claude Anglars, sénateur de l’Aveyron.

La désertification médicale n’est pas un problème récent. Environ 30 % de la population vit dans un désert médical, chiffre qu’il faudrait encore préciser selon les spécialités. Les constats sont connus et ont été rappelés ; je ne reviendrai donc pas sur le sujet.

Dans le contexte actuel, où la question de la juste rémunération de l’acte se pose de manière accrue, et alors que la désertification médicale ne concerne désormais plus seulement la médecine générale et qu’il devient nécessaire de réfléchir aux inégalités d’accès aux spécialistes et à d’autres praticiens, cette proposition de loi ravive des débats que nous avons déjà eus au Sénat, mais n’aborde pas de nouveaux sujets.

L’instauration d’une année de professionnalisation obligatoire dans les déserts médicaux pour les médecins généralistes en fin de formation renvoie à des débats très actuels, de même que l’objectif d’une meilleure reconnaissance de la spécialité de médecine générale.

Par ailleurs, l’idée d’une départementalisation des affectations mériterait d’être étudiée à l’avenir pour lutter contre les déserts médicaux, même si le cadre géographique des centres hospitaliers universitaires (CHU) est évidemment plutôt la région qui les entoure.

Cependant, cette proposition de loi comporte des éléments insatisfaisants ; je veux en pointer plusieurs.

D’abord, contrairement à la proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale, que notre assemblée a adoptée le 18 octobre dernier, celle que nous examinons aujourd’hui ne prévoit pas de faire de la médecine générale une spécialité à part entière.

Ensuite, si l’obligation de garde pour les médecins libéraux peut constituer un facteur de désengorgement des urgences médicales, il ne me semble pas nécessaire de devancer, voire de supplanter les discussions en cours entre la profession et les autorités de tutelle.

Par ailleurs, nous avons déjà discuté lors de l’examen du PLFSS pour 2023 du dispositif de régulation à l’installation proposé, ainsi que de celui de rééquilibrage des cotisations sociales, des garanties de revenus et de l’aide à l’installation entre médecins libéraux et salariés, et nous les avons rejetés, pour des raisons pertinentes.

Plus largement, cette proposition de loi, comme d’autres, tend à s’inspirer plus ou moins directement des solutions trouvées dans certains territoires. Il y a des enseignements à tirer des expériences locales.

Dans cette perspective, je veux évoquer les facteurs de la réussite de la politique d’attractivité expérimentée en Aveyron depuis 2010 pour inciter les médecins généralistes à s’y installer. Dans ce département rural du Massif central, caractérisé par un vieillissement de la population et un éloignement des urgences et des hôpitaux, la permanence des soins de proximité et du maillage territorial de médecine générale était un préalable essentiel pour penser le problème de manière globale à l’échelle d’un territoire.

À cette fin, avec le concours du conseil de l’ordre des médecins, de l’université située sur le campus de Rangueil et de l’ARS départementale, nous avons développé l’accueil des stagiaires pour faciliter l’implantation sur le territoire. Nous nous sommes montrés précurseurs par le choix d’une organisation collective en maisons de santé pluridisciplinaire et en réseaux de santé.

L’efficacité de cette organisation et son succès auprès des professionnels ont conduit à la labellisation du territoire en communauté professionnelle territoriale de santé : la première CPTS en Occitanie est peut-être parmi les premières en France.

Il est nécessaire de répondre aux envies et aux besoins des jeunes praticiens, qui ne veulent plus être isolés. Le partage des tâches et la coordination avec les autres praticiens sont au cœur des nouvelles pratiques visant à favoriser l’installation sur le territoire.

Le développement des stages en Aveyron et le statut du médecin maître de stage ont favorisé la transmission des pratiques et l’installation de jeunes médecins. La formation de médecin sapeur-pompier, destinée aux internes, a aussi renforcé l’intégration.

Enfin, le succès de la lutte contre les déserts médicaux repose sur un accompagnement concret de l’installation.

Quatorze ans après les premières mesures prises en Aveyron, 9 % de l’effectif des internes y restent à l’issue de leur stage, contre 1 % en moyenne pour les territoires ruraux. Depuis 2011, il y a eu 105 installations de médecins généralistes pour 107 départs, soit un renouvellement presque complet de l’effectif.

Certes, l’Aveyron est beau. Mais cela ne suffit pas à expliquer une telle réussite ! §Celle-ci repose plus certainement sur la mise en place d’écosystèmes qui font émerger les conditions favorables à l’intégration de nouveaux praticiens.

Pour conclure, il me semble que cette proposition de loi arrive à la fois trop tôt, parce que la concertation entre les professionnels de santé et les pouvoirs publics, dont nous avons parlé, est toujours en cours, et trop tard, parce qu’elle fait écho à des débats que nous avons déjà eus.

Comme mes collègues du groupe LR, je voterai donc contre cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat examine ce soir un nouveau texte visant à lutter contre les déserts médicaux.

Le texte a le même objectif que la proposition de loi de Bruno Retailleau, objectif que l’on retrouve dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023.

Cette proposition de loi arrive donc, si l’on peut dire, à contretemps. Pourtant, le problème qu’elle soulève reste entier. Une autre initiative transpartisane vient d’être présentée à l’Assemblée nationale. Le Parlement reste mobilisé, et notre groupe considère qu’il est important que le Sénat puisse débattre de ces enjeux, qui affectent tout particulièrement nos territoires ruraux. Je veux donc remercier notre collègue Émilienne Poumirol.

Le déficit chronique de médecins en France est le résultat de plusieurs décennies d’inaction. Le remplacement du numerus clausus par le numerus apertus va dans le bon sens, mais ce n’est pas assez rapide.

L’article 1er du texte ajoute une année de professionnalisation au cursus de formation des étudiants en médecine générale. Cette année devrait être effectuée dans un désert médical, en pratique ambulatoire, auprès d’un maître de stage universitaire.

Cela va dans le bon sens. Je crains pour ma part que le fait d’imposer l’encadrement du stagiaire par un maître de stage universitaire ne soit parfois contre-productif. En effet, il pourrait être difficile de trouver partout de tels maîtres de stage, surtout dans certains départements éloignés des CHU. C’est pourquoi je défendrai deux amendements tendant à assouplir ces conditions, en prévoyant la possibilité de réaliser cette année ou, à tout le moins, un semestre, auprès d’un médecin traitant référent.

L’exposé des motifs de la proposition de loi indique que les étudiants pourront toucher 3 500 euros nets par mois. J’avais proposé pour ma part une rémunération équivalente à dix consultations par jour, soit 5 000 euros par mois. Cela revient peu ou prou à la même chose, une fois les frais de transport pris en compte. Enfin, je tiens à dire que l’organisation prévue, en lien avec le conseil départemental, me paraît pertinente. Le département est la collectivité de proximité la plus adaptée, les conseillers départementaux sont proches des maires et connaissent la réalité du territoire.

L’article 2 encourage la coordination entre les professionnels. Nous ne pouvons qu’y être favorables. Les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) la favorisent déjà.

L’article 3 rétablit l’obligation de garde pour les médecins libéraux. Notre groupe sait que cette mesure est contraignante et peut nuire à l’attractivité du statut. Cependant, elle nous paraît nécessaire pour garantir l’accès aux soins partout en France. Le recours aux CPTS nous semble à cet égard pertinent.

L’article 4 instaure un conventionnement sélectif, en prévoyant qu’un médecin libéral ne peut pas être conventionné en zone dense, sauf si l’un de ses confrères déjà installés cède sa place. Nous sommes favorables à cette mesure, qui répond à un besoin exprimé par de nombreux élus des territoires ruraux.

En revanche, l’article 5 du texte pose problème. Il prévoit une égalité de traitement, en matière d’aides publiques, entre médecins libéraux et médecins salariés. Or les conditions d’exercice des médecins salariés et libéraux ne sont pas les mêmes.

Il faut être clair : les médecins salariés ne peuvent pas garantir une offre de soins complète sur l’ensemble du territoire. Il existe trop de contraintes d’organisation liées au droit du travail. Le salariat répond peut-être aux aspirations de certains jeunes médecins – c’est possible à l’hôpital, où il y a plus de médecins –, mais les médecins libéraux prodiguent plus de présence et de soins que les médecins salariés. Ils sont donc les plus à même de lutter contre les déserts médicaux. Je rappelle que ce sont eux qui gèrent, avec les paramédicaux, les maisons de santé dans un cadre associatif. C’est pourquoi je présenterai un amendement de suppression de l’article 5.

Cette proposition de loi a le mérite de remettre dans le débat un sujet d’extrême importance pour la cohésion territoriale et sociale de notre pays. Notre groupe déterminera son vote sur le texte en fonction des ajustements qui auront été retenus.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, c’est la deuxième fois en quelques mois que nous débattons du sujet prégnant des zones sous-denses. Cela témoigne de l’urgence de la situation et du manque de réponse à la hauteur de la part du Gouvernement.

Le constat est connu et s’aggrave. Un médecin sur deux ne prend plus de nouveaux patients, alors que 660 000 personnes souffrant d’une affection de longue durée n’ont pas de médecin traitant. Le fait que ce problème affecte presque toute la France ne doit pas masquer l’aggravation des disparités entre territoires. Ainsi, 30 % de la population vit dans une zone d’intervention prioritaire, c’est-à-dire une zone fortement tendue.

Les territoires ruraux sont particulièrement touchés, car ils subissent à la fois le non-remplacement des médecins et la fermeture d’hôpitaux de proximité, de services d’urgence, ou de maternités. En conséquence, selon la Drees, 60 % des habitants de territoires ruraux connaissent des difficultés d’accès à un médecin généraliste et 6 millions de personnes se retrouvent sans médecin traitant. Cela affecte particulièrement les jeunes, mais aussi les plus pauvres et les plus isolés.

Devant un tel creusement des inégalités territoriales, nous avons le devoir d’agir, et d’agir vite, car la fin du numerus clausus, pour autant qu’elle soit suffisante, ne portera pas ses fruits avant une décennie. Cela oblige à gérer le moyen terme, au travers, par exemple, de mesures plus contraignantes de planification de l’offre, comme il est proposé dans le texte.

En effet, jusqu’à présent, les mesures d’incitation financière se sont soldées par des échecs. En outre, comme la Cour des comptes l’a relevé, elles ont plutôt provoqué des effets d’aubaine pour des médecins qui exerçaient déjà en zone sous-dense.

Face à cela, le Gouvernement ne propose que des demi-mesures.

C’est le cas de la dixième année d’études introduite dans le PLFSS pour 2023. Certes, plusieurs études concluent qu’un stage long dans une zone sous-dotée pourrait encourager certains médecins à s’y installer. Mais qui peut croire qu’il s’agit là d’une solution suffisante ?

Pour notre part, nous estimons plutôt que le premier cycle devrait être raccourci. Il est donc dommage qu’une dixième année soit ajoutée sans refonte de l’ensemble des cycles. En tout état de cause, la volonté que cette année soit accomplie prioritairement dans une zone sous-dense ne peut s’entendre que si des mesures de régulations s’appliquant à tous les professionnels, et non pas seulement aux jeunes médecins entrants, sont prises parallèlement.

Nous sommes donc assez favorables à d’autres mesures de régulation équilibrant l’effort.

Ainsi, nous soutenons l’idée, exprimée dans ce texte, de conditionner le conventionnement des médecins, dans les zones surdotées, au remplacement à l’identique de médecins déjà installés sur le territoire de vie-santé concerné, afin de ne pas accroître encore les inégalités, à l’instar de ce qui se fait pour de multiples autres professions de santé.

Nous soutenons aussi la disposition rétablissant, par la responsabilité collective, l’obligation de participer à la permanence des soins ambulatoires. En effet, aujourd’hui, seulement 38 % des médecins y participent, contre 67 % voilà sept ans. Cette proportion ne cesse de baisser. S’y ajoutent de fortes disparités territoriales. Voilà le résultat du laisser-faire et de l’appel au seul volontariat.

Mais ces mesures doivent s’inscrire dans des réformes structurelles, qui engagent le long terme.

En l’occurrence, la solution pour réduire les déserts médicaux passe aussi par la décentralisation des premières années d’exercice de la médecine, comme le recommande l’Organisation mondiale de la santé (OMS) – cela a été amorcé timidement en France –, et par la diversification des étudiants.

En effet, selon la méta-analyse de la Drees, l’origine géographique et sociale des étudiants ressort dans tous les pays comme un déterminant majeur du choix d’installation. Ainsi, être originaire d’une zone rurale accroît l’intérêt d’exercer en zone rurale, souvent sous-dense.

Parallèlement aux réformes structurelles que nous appelons de nos vœux, le texte propose dès maintenant des solutions de régulation. Les membres du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires voteront donc en sa faveur.

Applaudissements sur les travées des groupes GEST et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chercher désespérément un rendez-vous médical, devoir se rendre aux urgences, faute de médecin disponible… Nous avons, pour beaucoup d’entre nous, vécu ces moments de désolation face à un système de santé imparfait.

Lorsque l’accès aux soins devient un parcours du combattant, il faut agir. Comment parvenir demain à faire en sorte que chacun puisse avoir rapidement accès à un médecin proche de chez lui ?

Les propositions sont multiples. Face à cet éventail de choix, il faut trouver un juste équilibre. Entre coercition et laisser-faire, entre incitation et obligation, entre belles idées et réalité, les choses sont plus complexes.

Le texte qui nous est soumis relève d’une vision très coercitive. Quatre articles créent des obligations : obliger les médecins généralistes à réaliser leur année de professionnalisation en zones sous-dotées ; obliger une organisation des professionnels de santé en équipe de soins primaire, à partir de 2026 ; obliger les médecins libéraux à réaliser des gardes ; obliger, d’une certaine manière, les médecins libéraux à s’installer dans des zones précises…

Ces obligations comportent plusieurs risques : d’abord, celui que nos futures générations de médecins ne privilégient l’exercice salarié plutôt que l’exercice libéral ; ensuite, celui d’une fuite des professionnels de santé vers l’étranger, où les propositions ne manquent pas ; enfin, celui du surmenage pour les médecins libéraux qui se plieront à ces obligations, car ils seront submergés sous les demandes avant les effets de la suppression du numerus clausus.

Mais il n’est pas acceptable que nos concitoyens ne parviennent pas, dans certaines zones, à trouver un médecin disponible en soirée et soient forcés de se rendre aux urgences, parfois loin de chez eux, pour des raisons qui n’en sont pas.

Il n’est pas non plus acceptable que certains de nos territoires se voient privés de médecins et que nos concitoyens se retrouvent esseulés face à des pathologies complexes. En effet, 11 % des Français de plus de 17 ans n’ont pas de médecin traitant et 1, 6 million de Français renoncent chaque année à des soins médicaux.

Il nous faut donc évidemment répondre à cette situation, sans perdre de vue que, comme l’a montré une étude du CHU de Clermont-Ferrand voilà quelques années, près de 45 % des médecins généralistes français exerçant en libéral étaient en situation de burn-out.

Aller contre la volonté des médecins ne me semble pas le plus productif.

Pour faire face à une telle situation, des mesures fortes ont déjà été prises : la suppression du numerus clausus ; l’exonération des cotisations de retraite pour les médecins libéraux en cumul emploi-retraite pour 2023 ; la notion d’une responsabilité collective de participation à la permanence des soins, qui a été étendue aux chirurgiens-dentistes, aux infirmiers diplômés d’État (IDE) et aux sages-femmes ; l’expérimentation visant à permettre des consultations de médecins généralistes et spécialistes en zones sous-dotées.

Je crois qu’il faut laisser le temps à ces nouvelles mesures de prendre effet. Si la responsabilité collective ne suffisait pas, le rétablissement des gardes obligatoires s’imposerait. Mais donnons d’abord le temps à la concertation.

Nous pourrions par exemple demander que les gardes soient effectuées de cinq heures à minuit – passé cette heure, il s’agit d’urgences absolues –, mieux rémunérées, les hôpitaux envoyant les week-ends des médecins ou des internes en zones sous-dotées.

Plusieurs autres pistes de réflexion ont été proposées par nos collègues Patricia Schillinger et Philippe Mouiller dans leur rapport d’information : renforcer les liens entre les collectivités et les facultés de médecine, utiliser davantage les outils de télémédecine ou encore accélérer le déploiement des contrats locaux de santé. Sans faire office de solution unique, ces mesures pourraient constituer des outils pour favoriser l’égal accès aux soins.

La concertation me semble être la voie à privilégier.

C’est tout l’objet des CNR territoriaux santé en cours. J’étais moi-même présent la semaine dernière à celui de Dijon. En échangeant avec des professionnels de santé, nous voyons bien que nous souhaitons tous une amélioration de l’accès aux soins, une meilleure répartition entre la médecine de ville et l’hôpital et une plus grande coordination entre les professionnels.

L’objectif étant partagé, il nous semble préférable de chercher ensemble des solutions grâce à la concertation, sans décourager les médecins libéraux.

Mes chers collègues, compte tenu du fait que le texte est trop contraignant et que, pour notre part, nous retenons uniquement la possibilité de restaurer un système de gardes obligatoires, nous nous abstiendrons.

Mme Samantha Cazebonne applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Corinne Imbert. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.)

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons la proposition de loi visant à rétablir l’équité territoriale face aux déserts médicaux et garantir l’accès à la santé pour tous.

Le sujet fait régulièrement l’objet de propositions de loi, de rapports et de diverses questions sur l’initiative des sénatrices et sénateurs, et il a occupé une partie de nos débats lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En effet, l’accès aux soins demeure un sujet de préoccupation essentiel pour nos concitoyens et nos élus locaux.

La réalité, nous la connaissons tous au sein de cet hémicycle ; nous partageons les constats. Le manque de médecins généralistes ne touche plus seulement nos campagnes ; il concerne également de grands centres urbains. Urbains ou ruraux, nous sommes tous concernés.

Les raisons qui ont conduit à une telle situation sont multiples. Le problème est plus complexe qu’il n’y paraît.

Les élus locaux se sentent désarmés et nos compatriotes demeurent dans le désarroi le plus total lorsqu’ils sont confrontés à des difficultés en matière d’accès aux soins.

Toutefois, peut-être n’en serions-nous pas à discuter de la création d’une année de professionnalisation pour les médecins généralistes en fin de formation si le Gouvernement avait pris le décret d’application de la disposition, inscrite dans la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, instaurant au moins six mois en troisième année d’internat de médecine générale en autonomie supervisée auprès d’un médecin généraliste en zone sous dense.

Le décret d’application n’a jamais été pris malgré les promesses des ministres. Dont acte. Mais notre système de santé est déjà suffisamment mis à mal, y compris sur le plan éthique – je vous renvoie à l’avis 140 du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), qui vient juste d’être publié –, pour rendre acceptable ce défaut d’application d’une loi.

Je souhaite que le Gouvernement prenne la mesure de l’insuffisance, en particulier sur les sujets et les textes relatifs à la santé.

L’article 1er du texte proposé par nos collègues instaure une année de professionnalisation à la suite du troisième cycle de médecine générale.

Loin d’être opposée à une telle mesure, la majorité sénatoriale a adopté au mois d’octobre dernier la proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale, afin de lutter contre les déserts médicaux, déposée par Bruno Retailleau. Celle-ci prévoit que le troisième cycle de médecine générale sera d’au moins quatre années, comme l’ensemble des autres spécialités. Nous privilégierons cette rédaction, plus solide sur le plan législatif, même si les objectifs des deux propositions de loi peuvent se rejoindre.

L’article 3 rétablit l’obligation de garde pour les médecins libéraux. L’article 4 étend à ces derniers un dispositif de régulation à l’installation.

Notre famille politique est historiquement attachée au caractère libéral de la médecine de ville. Si la notion de zones surdotées a pu s’appliquer par le passé, elle apparaît dépassée et illusoire en 2022.

Alors que le temps médical est compté, nous ne sommes pas certains des éventuels bénéfices d’une telle mesure. Au contraire, ses effets collatéraux nous semblent largement sous-estimés, notamment en matière d’attractivité pour la médecine générale.

De surcroît, à l’heure où des négociations conventionnelles se sont ouvertes entre l’assurance maladie et les syndicats de médecins pour une durée de six mois, il apparaît primordial de garantir la sérénité de ce dialogue, au cours duquel – je n’en doute pas – les points soulevés aux articles 3 et 4 seront discutés.

Le vote unilatéral au Sénat d’une mesure coercitive à l’installation serait un mauvais signal. Nous préférons attendre les conclusions des négociations conventionnelles.

L’article 5 concerne les centres de santé. Nous estimons que les médecins libéraux et les médecins salariés ne sont pas soumis aux mêmes contraintes. Ils ne doivent donc pas être aidés de la même manière.

En réalité, les centres de santé ne sont pas la solution idéale. Certains ne parviennent même pas à recruter autant de médecins que l’objectif qu’ils s’étaient fixé. De plus, une aide à un médecin salarié ne doit pas être une subvention déguisée à un centre de santé, même si nous reconnaissons qu’ils sont souvent déficitaires au début de leur fonctionnement.

Enfin, je tiens à rappeler que la majorité sénatoriale travaille depuis des années sur ces questions. De nombreuses mesures sont régulièrement évoquées lors de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale et des différents textes en rapport avec la santé : favoriser le cumul emploi-retraite, simplifier les démarches administratives pour dégager du temps médical ou encore favoriser l’exercice pluridisciplinaire.

Ainsi, nous sommes force de propositions, loin de tout dogmatisme, faisant toujours preuve du bon sens qui caractérise la Haute Assemblée. Aussi continuons-nous de plaider en faveur d’une nouvelle loi santé, afin de repenser plus globalement l’accès aux soins dans notre pays, en concertation avec les différents acteurs de santé, dont, bien entendu, les médecins.

Pour toutes ces raisons, et bien que partageant certains constats et objectifs des auteurs de la proposition de loi, le groupe Les Républicains ne la votera pas. Une accumulation de textes ne semble pas pertinente. Faisons confiance aux négociations conventionnelles.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Véronique Guillotin et M. Bernard Fialaire applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La discussion générale est close.

La commission n’ayant pas élaboré de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi initiale.

Le premier alinéa du II de l’article L. 632-2 du code de l’éducation est remplacé par dix alinéas ainsi rédigés :

« II. – Le troisième cycle de médecine générale est suivi d’une année de professionnalisation lors de laquelle les étudiants exercent des fonctions de prévention, de diagnostic et de soins, avec pour objectif de parvenir progressivement à une pratique professionnelle autonome. Ils exercent en pratique ambulatoire auprès d’un maître de stage universitaire, dans l’un des territoires mentionnés au 1° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique.

« Leurs conditions matérielles d’exercice sont fixées par décret, après négociation avec les organisations syndicales des étudiants de troisième cycle des études de médecine générale.

« Les étudiants choisissent leur futur lieu d’exercice sur une liste départementale fixée par une commission départementale d’affectation et d’accompagnement à l’exercice de l’année de professionnalisation. Elle est composée :

« 1° D’un représentant de l’unité de formation et de recherche de médecine correspondante ;

« 2° Du directeur de délégation départementale de l’agence régionale de santé ;

« 3° D’un représentant du conseil départemental ;

« 4° D’un représentant du conseil départemental de l’Ordre des médecins ;

« 5° Un représentant départemental de l’union régionale des professionnels de santé ;

« 6° Un représentant départemental de l’Association des Maires de France.

« Un décret en Conseil d’État détermine les conditions d’application du présent II. »

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à M. Dany Wattebled, sur l’article.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Dany Wattebled

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tenais à prendre la parole pour évoquer l’amendement que j’ai déposé sur l’article 1er, mais qui a été jugé irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.

Je regrette une telle décision : un maire peut affecter son personnel sur d’autres missions sans aggraver la charge publique. Il me semble important que le sujet soit évoqué.

En matière de lutte contre les déserts médicaux, les principaux fantassins sont les élus locaux ; les maires sont en première ligne. Or tous ne sont pas logés à la même enseigne. Certains tentent de pallier l’incurie par des incitations financières substantielles. Une commune propose même 50 000 euros de prime à l’installation de nouveaux médecins.

Un département voisin du mien est engagé dans une expérimentation de salariat des médecins qui représente un investissement de 90 000 euros comprenant la prise en charge des factures, un secrétariat médical et un salaire. Ce n’est plus de la médecine libérale. L’État met même à disposition des assistants médicaux depuis la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé.

Le maire de Grand-Fort-Philippe, M. Sony Clinquart, qui est présent en tribune et que je salue, a pris ses fonctions en 2020. Afin de pouvoir maintenir une maison médicale dans sa commune, il a décidé dans l’urgence de mettre à disposition deux agents communaux pour réaliser des tâches administratives et soulager les médecins, et ce pendant huit mois. L’intention était louable. Mais, à cause de maladresses commises dans le processus, cet élu a été lourdement condamné pour détournement de fonds à une triple peine : un an d’inéligibilité, une lourde amende et l’inscription au casier judiciaire.

L’amendement que j’avais déposé visait ainsi à ouvrir un débat sur la possibilité de mettre des agents de mairie à la disposition de cabinets médicaux ou de maisons de santé, comme cela se pratique pour les bureaux de poste communaux.

Souvenez-vous : en 1990, afin de maintenir les services postaux dans tous les territoires, le Parlement avait confié à La Poste une mission de contribution à l’aménagement du territoire. Il faudrait faire de même pour les cabinets médicaux et les maisons médicales.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrick Kanner

Madame la ministre, voilà quelques instants, vous avez eu des mots peu agréables à l’égard du président Hollande en rappelant ce que vous estimez être son bilan en matière d’accès aux soins. Je n’aurai donc pas des mots très agréables non plus à votre égard ou, en tout cas, à l’égard de l’exécutif.

Au mois de novembre 2021, j’avais demandé à M. Castex quand allait sortir le fameux décret d’application que Corinne Imbert a évoqué à l’instant. Il m’avait alors répondu : « au printemps prochain », c’est-à-dire au printemps 2022.

Pouvez-vous nous éclairer sur cette incurie gouvernementale manifeste, qui conduit à ce que la loi ne puisse pas être appliquée dans de bonnes conditions ?

Si je vous pose cette question, c’est parce que vous avez décidé dans le PLFSS d’instaurer une quatrième année d’études pour les internes en médecine générale, en affectant les étudiants dans des zones sous-denses. Or plusieurs mesures réglementaires sont nécessaires à l’application de ce texte, adopté via l’article 49.3 de la Constitution.

Vous connaissez l’expression populaire : chat échaudé craint l’eau froide. Ne sommes-nous pas là dans une forme d’enfumage de la représentation parlementaire au travers de mesures réglementaires que nous attendrons pendant des mois, voire des années ?

Il est très important d’avoir votre éclairage, madame la ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Il y a les déserts médicaux, et il y a les travées désertiques de la droite sénatoriale, qui n’est apparemment pas très intéressée par le sujet. Pourtant, cela fait de nombreuses années qu’elle est censée traiter le sujet, si j’ai bien compris ce qu’a indiqué Mme Imbert.

Le résultat, c’est que rien n’avance. Je dirais même que l’on recule. Aujourd’hui, l’offre de soins dans les territoires se restreint. Cela devient un vrai problème.

La question doit également être appréhendée du côté des médecins et des professionnels. Nous respectons bien évidemment profondément la profession libérale. Pour autant, d’autres possibilités existent. Nous voyons bien que la demande change ; nos administrés ont besoin d’une médecine différente, plus pointue. Nous sollicitons donc les professionnels de santé pour qu’ils y répondent.

Je souhaite évoquer les maires, en particulier ruraux. On ne parle pas des contraintes qui pèsent sur eux, notamment en matière d’investissement. Ils n’ont aucune visibilité.

Depuis des années, on prend des mesurettes, à défaut du vrai projet de santé qui nous avait été promis. Depuis six ans que vous êtes au pouvoir, vous n’avez esquissé aucun geste en ce sens, vous n’avez fait preuve d’aucune ambition et vous n’avez apporté aucune réponse.

Je tiens donc à féliciter Mme la rapporteure Le Houerou de son travail sur un texte mesuré, équilibré et conçu de manière à pouvoir avancer tranquillement sur le sujet et répondre aux besoins des Français en matière de santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lozach

Madame la ministre, vous avez qualifié la situation en matière d’offre de soins de « préoccupante ». C’est vraiment un euphémisme : la situation n’est pas préoccupante ; elle est dramatique ! Elle l’est d’ores et déjà pour 87 % du territoire national et pour 6 millions de nos concitoyens. Les chiffres parlent d’eux-mêmes.

Selon les projections qui sont faites sur une très grande partie des territoires de notre pays, la situation ne va pas cesser de se dégrader dans les prochaines années.

Dans beaucoup de territoires, le solde entre les médecins généralistes qui s’installent et ceux qui partent, pour des raisons diverses, vers d’autres régions est d’ores et déjà négatif.

Il va donc falloir prendre des mesures fortes, audacieuses, ambitieuses, et ne plus se contenter de demi-mesures, faute de quoi la situation n’ira qu’en se dégradant.

Nous pouvons dresser un premier bilan des dispositions incitatives. Nous les connaissons… Nous voyons bien ce qui se passe dans les zones de revitalisation rurale (ZRR), qui représentent tout de même plus de 15 000 communes dans notre pays : cela ne fonctionne pas ! Dans ces ZRR, lorsqu’on propose à un médecin 50 000 euros et une exonération fiscale totale pendant cinq ans pour qu’il s’installe, ce sont tout de même des mesures incitatives très fortes ! Malgré cela, la situation continue de se dégrader.

De manière plus générale, compte tenu de l’urgence des urgences que constitue l’offre de soins – c’est la préoccupation numéro un de nos concitoyens dans les territoires –, la question de la crédibilité de l’action et de la parole publique se pose. Si nous sommes incapables de satisfaire ce besoin fondamental qu’est le respect du droit à la santé, nous ne serons pas crédibles.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Joly

Sur les quatre amendements que j’avais déposés, deux ont été retenus et deux ont été déclarés irrecevables.

Le premier de mes amendements non retenus visait à supprimer le forfait patient urgences (FPU). Je considérais que le sujet avait un lien avec celui de la désertification médicale.

En effet, dans de nombreux territoires, plusieurs millions de Français n’ont pas de médecin référent et n’ont ainsi pas d’autre solution que d’aller aux urgences pour se faire soigner. Ils sont donc sanctionnés par la défaillance du système de santé, qui les empêche de trouver un médecin référent.

Le second amendement déclaré irrecevable portait sur l’intérim médical, qui est, selon moi, insatisfaisant. En effet, il épuise financièrement nos établissements et ne permet pas de faire fonctionner les équipes de santé de manière cohérente, l’engagement d’un intérimaire ne pouvant pas être le même que celui d’un agent permanent.

En limitant la possibilité et la durée pendant laquelle il est possible d’exercer son activité médicale par intérim, nous pourrions favoriser une meilleure répartition des médecins sur le territoire et encourager les installations définitives dans certains établissements.

Debut de section - Permalien
Agnès Firmin Le Bodo

Lors de la discussion générale, Mme Guillotin m’a interrogée sur les chiffres. Pour la rentrée 2022, quelque 3 388 postes d’internes en médecine générale ont été ouverts. En 2027, ce sera 4 635 postes, soit une augmentation de 26 %.

Par ailleurs, nous travaillons bien sur l’anticipation. Nous construisons un modèle démographique prenant en compte la pyramide des âges, mais pas seulement, car ce critère ne suffit plus. En effet, le mode d’exercice a beaucoup changé ; le temps médical et le temps de travail ont évolué.

Nous travaillons sur un modèle différent grâce à un transfert de tâches et à l’arrivée du numérique. Nous sommes bien dans une phase d’anticipation, pas seulement pour la médecine générale, mais pour toutes les professions de santé. Comme vous le savez, nous manquons aussi d’aides-soignants et d’infirmiers. Ce sera l’enjeu du groupe de travail de l’un des CNR nationaux qui seront lancés très prochainement.

Le ministère dont j’ai l’honneur d’avoir la charge a pour mission – c’est dans son intitulé – l’organisation territoriale. Je me trouvais lundi en Aveyron, où j’ai pu constater la situation que vous avez décrite. La nouvelle méthode souhaitée par le Président de la République et la Première ministre est de partir des territoires et de travailler avec eux pour apporter des réponses.

C’est ce changement de méthode que nous voulons promouvoir. Je réalise de nombreux déplacements en ce moment. Au travers des CNR, qui sont en train de se dérouler, nous voyons des propositions émaner de chaque territoire. Elles peuvent d’ailleurs être adaptées à d’autres.

Nous accompagnerons rapidement ceux qui formulent des propositions et nous mettrons à leur disposition, dans cette fameuse grande boîte à outils, des solutions innovantes et intéressantes qui proviennent d’autres territoires.

L’idée est bien de partir de chaque territoire pour faire remonter des propositions, plutôt que de prendre des décisions unilatérales s’appliquant à tous. Ce que j’ai vu à Saint-Georges-de-Luzençon ne pourrait pas être appliqué en Île-de-France, qui est, je le rappelle, le plus grand désert médical de France.

Monsieur Wattebled, nous sommes en train d’expertiser la mesure envisagée dans votre amendement déclaré irrecevable avec l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Peut-être pourrait-on effectivement donner aux maires la possibilité de mettre à disposition du personnel dans les maisons médicales. §Expertiser ne veut pas dire promettre d’appliquer. Mais nous avons lancé l’expertise.

Je rappelle à ceux qui déplorent l’absence de projet de loi sur la santé l’existence de Ma santé 2022.

La situation est tellement préoccupante que je ne cesse de dire que nous sommes dans le mur. La France est, pour 87 % de son territoire, un désert médical. Or, précisément parce que nous sommes dans le mur, nous sommes convaincus que c’est bien ensemble, et avec les élus locaux, les professionnels de santé et les usagers – il ne faut pas les oublier –, que nous trouverons des réponses. Celles-ci passeront à la fois par la coordination entre les professionnels de santé et par la coopération entre les élus, les professionnels de santé et les usagers, et non par de la coercition.

Mme Nadia Sollogoub applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Decool, Wattebled, Guerriau et Grand, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Malhuret et Louault, Mme Perrot, M. Bonhomme et Mme Dumont, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Après le mot :

universitaire

insérer les mots :

pendant un semestre et auprès d’un médecin traitant pendant l’autre semestre de l’année de professionnalisation

La parole est à M. Daniel Chasseing.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

L’année de professionnalisation prévue dans la proposition de loi constitue un moyen efficace pour lutter contre les déserts médicaux.

Toutefois, dans sa rédaction actuelle, le texte prévoit que cette année soit effectuée auprès d’un maître de stage universitaire. Or, dans les territoires ruraux, certains médecins qui ont beaucoup de clientèle n’auront peut-être pas les moyens ou le temps d’aller se former comme maîtres de stage.

Cet amendement vise donc à prévoir que le stage puisse être réalisé pendant six mois avec un maître de stage, puis pendant six mois avec un médecin traitant, qui serait le médecin référent.

La dixième année d’études médicales intervient après trois ans d’internat, auxquels on ajoute une quatrième année d’études. Le médecin junior pourrait déjà, si cette quatrième année n’existait pas, effectuer des remplacements.

Je propose donc de raccourcir à six mois la période de stage avec un maître de stage et d’ouvrir la possibilité, les six derniers mois, d’exercer avec un médecin traitant, qui serait le médecin référent. Cela permettrait, d’une part, de soulager ce dernier, d’autre part, de favoriser une éventuelle association par la suite.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Decool, Wattebled, Guerriau et Grand, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Malhuret et Louault, Mmes Perrot et F. Gerbaud, M. Bonhomme, Mme Dumont et M. Lefèvre, est ainsi libellé :

Alinéa 2, seconde phrase

Après le mot :

universitaire

insérer les mots :

ou d’un médecin traitant

La parole est à M. Daniel Chasseing.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Cet amendement vise à permettre à un médecin traitant d’encadrer la professionnalisation pendant un an. Mais je soutiens plutôt l’amendement n° 8 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Le Houerou

Le statut de maître de stage universitaire nous paraît très important. Il suppose une formation préalable à l’agrément et permet d’assurer la qualité de l’encadrement des jeunes médecins en année de professionnalisation.

De plus, le nombre de maîtres de stage universitaires a beaucoup augmenté ces dernières années, et il continue de croître, grâce aux efforts conjugués des universitaires et des collectivités.

Par ailleurs, il ne paraît pas souhaitable de scinder l’année de professionnalisation en deux semestres auprès de deux praticiens distincts. Un exercice long est préférable pour favoriser tant l’autonomie progressive du jeune médecin que son installation dans le territoire.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Debut de section - Permalien
Agnès Firmin Le Bodo

Le Gouvernement, qui est particulièrement vigilant sur la qualité de l’encadrement pédagogique des futurs professionnels de santé, émet un avis défavorable sur ces deux amendements, pour les mêmes raisons que la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Je ne soutiendrai pas non plus les amendements de Daniel Chasseing, car je pense qu’il faut faire attention au message que l’on envoie aux jeunes médecins. Ces derniers nous demandent, si nous leur imposons de faire une année de plus, d’être encadrés par un maître de stage universitaire.

Je nous appelle d’ailleurs à prendre garde à ne pas brutaliser les jeunes médecins à chaque disposition que nous adoptons. Les internes sont en souffrance ; ils nous le disent sans cesse. Cela ne se passe pas bien dans les hôpitaux, et c’est récurrent : ils sont soumis à des rythmes très élevés.

De plus, leur rémunération pour remplir une fonction essentielle n’est pas satisfaisante. Ce qui est problématique dans le texte du Gouvernement comme dans la proposition de loi, adoptée par la majorité sénatoriale, de Bruno Retailleau, c’est le fait de considérer qu’il s’agit d’une quatrième année d’internat, donc avec la rémunération d’un interne.

Dire qu’il s’agit d’une année non pas d’internat, mais de professionnalisation ouvre la voie à une rémunération plus élevée et plus juste. C’est la raison pour laquelle je défends cet article 1er.

Madame la ministre, le rôle des maires ne se définit pas en expertisant un amendement. Il faut modifier les compétences dans la loi. Or les occasions n’ont pas manqué. Je pense notamment à l’examen du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (3DS).

À chaque fois, le Gouvernement a refusé d’étendre la compétence des maires en la matière. S’il l’avait fait, ces derniers n’auraient pas les problèmes qui ont été rappelés par notre collègue. J’appelle donc à ce que l’on reconnaisse dans la loi le rôle des collectivités territoriales en matière de santé.

Enfin, madame la ministre, vous poursuivez largement une politique de l’offre reposant sur la restriction du nombre de soignants formés, puisque l’Ondam de soins de ville augmente deux fois moins vite que le niveau des prix et que la hausse de l’Ondam hospitalier est également inférieure à l’inflation.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Je suis d’accord avec Bernard Jomier : ces praticiens ne doivent pas être rémunérés comme des internes. C’est pourquoi je proposais dix consultations par jour, c’est-à-dire 5 000 euros par mois. C’est indispensable si nous voulons un dispositif efficace en milieu rural, où les médecins ont plus de 60 ans, ont une patientèle énorme et ne voudront pas être maîtres de stage.

Autrefois, on faisait des remplacements dès l’internat. Attendre la dixième année serait excessif. Nous pourrions donc permettre, au cours des six derniers mois, qu’un médecin traitant soit médecin référent d’un interne, qui viendrait l’aider et serait, en quelque sorte, un médecin remplaçant. Le médecin référent serait là au cas où le médecin junior rencontre un problème ou a besoin d’un avis pour aiguiller au mieux son malade.

Je pense que ce serait une bonne idée. Mais, comme on me dit que c’est mal, je retire mes deux amendements, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Les amendements n° 8 rectifié et 7 rectifié sont retirés.

L’amendement n° 13, présenté par Mmes Poumirol, Le Houerou et Lubin, M. Kanner, Mmes Conconne, Féret, Jasmin, Meunier, Rossignol et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Remplacer les mots :

départemental de l’Association des maires de France

par les mots :

des communes du département

La parole est à Mme Émilienne Poumirol.

Debut de section - PermalienPhoto de Émilienne Poumirol

Nous avions d’abord prévu de faire siéger des membres de l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) au sein de la commission départementale chargée de gérer l’affectation et l’aide à l’installation. Mais il existe d’autres associations de maires, comme l’Association des maires ruraux de France (AMRF).

Il nous paraît donc préférable, d’un point de vue rédactionnel, de mentionner les « communes du département » plutôt que le représentant de l’AMF.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Le Houerou

La commission ayant rejeté le texte, elle a émis un avis défavorable sur cet amendement.

À titre personnel, je crois qu’il serait souhaitable qu’un représentant des communes du département participe aux commissions départementales. Les collectivités territoriales jouent un rôle important dans l’accueil des étudiants stagiaires et, plus largement, dans les politiques d’attractivité visant à favoriser l’installation des médecins.

L’amendement tend à substituer au représentant de l’AMF, mentionné dans le texte, un représentant des communes. Certains maires qui s’investissent sur la question sont membres, par exemple, de l’AMRF. Ils pourraient participer à cette commission départementale. Il faut être le plus ouvert possible.

Debut de section - Permalien
Agnès Firmin Le Bodo

Cet amendement vise à prévoir que la commission d’affectation et d’accompagnement à l’exercice de l’année de professionnalisation, qui serait chargée de fixer dans chaque département la liste des futurs médecins généralistes et leurs lieux d’exercice, compte un représentant des communes du département au lieu d’un représentant départemental de l’AMF.

À mon sens, il n’y a pas de différence entre ce que vous proposez et ce qui figure dans le texte initial. L’AMF représente en effet chaque commune du département, et son représentant départemental est en mesure de représenter les communes du département. De plus, afin d’organiser la mise en œuvre de la quatrième année d’internat de médecine générale, une mission a été confiée par le Gouvernement à quatre personnalités qualifiées. Elle a auditionné les représentants des principales associations représentatives des collectivités territoriales.

Cet amendement est donc satisfait. J’en demande le retrait. À défaut, l’avis du Gouvernement serait défavorable.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je mets aux voix l’article 1er, modifié.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 98 :

Le Sénat n’a pas adopté.

L’article L. 1411-11-1 du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Après la première occurrence du mot : « santé », la fin de la seconde phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : «, d’une maison de santé ou d’une convention entre professionnels de santé de soins de premier recours dont au moins un médecin généraliste de premier recours. » ;

2° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À compter du 1er janvier 2026, l’exercice libéral de la médecine générale de premier recours est organisé sous la forme d’équipes de soins primaires. »

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je mets aux voix l’article 2.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 99 :

Le Sénat n’a pas adopté.

La première phrase du premier alinéa de l’article L. 6314-1 du code de la santé publique est remplacée par deux phrases ainsi rédigées : « La mission de service public de permanence des soins est assurée, en collaboration avec les établissements de santé et en concertation avec les professionnels de santé, le cas échéant regroupés sous la forme d’une communauté professionnelle territoriale de santé, par les médecins mentionnés à l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, dans le cadre de leur activité libérale, et aux articles L. 162-5-10 et L. 162-32-1 du même code, dans les conditions définies à l’article L. 1435-5 du présent code, de manière obligatoire si la continuité du service public l’exige. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent alinéa. »

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je mets aux voix l’article 3.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 100 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Après le 20° de l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale, il est inséré un 20° bis ainsi rédigé :

« 20° bis Dans les zones définies au 2° de l’article L. 1434-4 du code de la santé publique par les agences régionales de santé en concertation avec les organisations syndicales représentatives des médecins au plan national dans lesquelles est constaté un excédent en matière d’offre de soins, les conditions du conventionnement à l’assurance maladie de tout nouveau médecin libéral sous réserve de la cessation d’activité libérale concomitante d’un médecin exerçant dans la même zone. Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent 20° bis ; ».

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je mets aux voix l’article 4.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 101 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’amendement n° 14, présenté par M. P. Joly, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article L. 4131-6 du code de la santé publique, il est inséré un article L. 4131-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 4131 -6 -…. – La signature par un médecin, généraliste ou spécialiste, installé dans une zone caractérisée par une offre de soins particulièrement élevée au sens du 2° de l’article L. 1434-4, d’une convention prévue par l’article L. 162-5 du code de la sécurité sociale est subordonnée à l’exercice préalable de son activité, pendant au moins douze mois en équivalent temps plein dans une zone autre que celles évoquées aux 1° et 2° de l’article L. 1434-4 du présent code. Cette durée peut être accomplie, selon le choix du médecin, de manière continue ou par intermittence et à un rythme qu’il détermine.

« Dans l’une des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins au sens du 1° de l’article L. 1434-4 cette durée est réduite à six mois. Cette durée peut être accomplie, selon le choix du médecin, de manière continue ou par intermittence et à un rythme qu’il détermine. Le cas échéant, la période accomplie dans cette zone est prise en compte pour le calcul de la durée mentionnée au premier alinéa si le médecin concerné s’installe ultérieurement dans une zone relevant du 2° de l’article L. 1434-4.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »

II. – Les dispositions du I ne sont pas applicables aux médecins qui, à la date de publication de la présente loi, remplissaient les conditions mentionnées au I de l’article L. 632-2 du code de l’éducation.

La parole est à M. Patrice Joly.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Joly

Cet amendement a pour objet de faciliter et de renforcer l’accès aux soins. C’est une urgence dans les territoires.

Les conséquences de la difficulté d’accéder aux soins sont dramatiques. Dans les territoires, la fréquence des consultations médicales est deux fois plus faible que la moyenne nationale. Résultat, l’espérance de vie y est plus faible – certes, ce n’est évidemment pas la seule raison – de quatre ans à cinq ans. En fait, si l’on ajoute à cette inégalité territoriale les inégalités sociales, l’espérance de vie peut même être plus faible de treize ans. C’est inacceptable !

Il nous faut aujourd’hui gérer la pénurie. La situation actuelle dans les territoires crée une insécurité totale pour la population, en particulier là où elle est vieillissante, donc avec le besoin de soins que vous connaissez, et dans les territoires ruraux.

Notre proposition n’est pas conçue contre les étudiants ou les médecins qui viennent d’être formés. Il s’agit non pas d’une coercition – soyons attentifs aux mots qui sont employés –, mais plutôt d’une démarche de régulation.

Les mesures incitatives, qui sont nombreuses et très avantageuses, ne sont pas suffisantes. Il faut aller au-delà.

C’est la raison pour laquelle cet amendement vise à demander aux étudiants formés souhaitant exercer leur activité dans une zone surdotée de s’installer d’abord dans une zone normale pendant douze mois, fractionnables sur une durée de trois ans pour prendre en compte d’éventuelles contraintes familiales. Ils viendraient y effectuer des présences médicales d’un jour ou un jour et demi par semaine, par exemple. Cela permet de se constituer une patientèle et de la suivre, et n’empêche pas d’exercer en même temps dans les zones métropolitaines denses, ni d’organiser une vie de famille ou de prendre en compte les contraintes d’un conjoint. Ces douze mois seraient réduits à six mois dans les zones sous-dotées, c’est-à-dire les déserts médicaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’amendement n° 15, présenté par M. P. Joly, est ainsi libellé :

Après l’article 4

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après l’article L. 4131-6, il est inséré un article L. 4131-6-… ainsi rédigé :

« Art. L. 4131 -6 -…. – L’exercice de la médecine à tout autre titre que ceux mentionnés à l’article L. 4131-6 est subordonné à l’exercice préalable de la médecine générale, pendant six mois en équivalent temps plein, dans l’une des zones caractérisées par une offre de soins insuffisante ou par des difficultés dans l’accès aux soins au sens du 1° de l’article L. 1434-4. Cette durée doit être accomplie de manière continue dès l’obtention du diplôme.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »

II. – Les dispositions du I ne sont pas applicables aux médecins qui, à la date de publication de la présente loi, remplissaient les conditions mentionnées au I de l’article L. 632-2 du code de l’éducation.

La parole est à M. Patrice Joly.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Joly

Cet amendement tend à prévoir que les étudiants formés souhaitant exercer la médecine non pas devant des patients, mais, par exemple, en laboratoire devraient pratiquer pendant six mois dans un territoire sous-doté à la sortie de leur formation avant d’exercer leur activité professionnelle.

Actuellement, selon des modalités de calcul que l’on peine à maîtriser et qui, à mon avis, mériteraient d’être révisées, il est considéré que 13 % de notre territoire est en zone surdotée. La réalité est que nous souffrons d’une pénurie. Si l’on calcule une moyenne de présence médicale par rapport à la population, compte comme zones surdotées tout territoire où la présence médicale est supérieure à la moyenne, et comme zone sous-dotée tout territoire où elle est inférieure à la moyenne nationale. Nous devons revoir ces méthodes, car la pénurie durera encore au moins une dizaine d’années.

Il faut y apporter des réponses de long terme et sortir des définitions théoriques de ce qui constitue un encadrement satisfaisant de la population sur le plan médical.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Le Houerou

L’amendement n° 14 tend à proposer un mécanisme plus contraignant que le conventionnement prévu à l’article 4. Cela n’éviterait pas la surconcentration des médecins en zones surdotées et ne permettrait donc pas une répartition équilibrée des professionnels sur le territoire. La commission en demande donc le retrait. À défaut, l’avis serait défavorable.

L’amendement n° 15 vise à résorber la pénurie de médecins généralistes dans les zones en difficulté, mais la méthode employée ne me semble pas tout à fait convaincante. Elle supposerait en effet que la médecine générale puisse exercer « au pied levé ». Or il s’agit bien d’une spécialité en soi, à laquelle les internes en médecine générale sont formés. Il ne serait pas opportun de créer des médecins généralistes contre leur gré ou sans formation spécifique adaptée. La commission émet donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Agnès Firmin Le Bodo

Avis défavorable sur l’amendement n° 14, qui vise à conditionner le conventionnement en zones surdotées à un exercice préalable équivalent à au moins douze mois en ETP sur trois ans en zone que l’auteur qualifie de « normale ». Mais la contrainte à l’installation n’est pas la solution. Introduire une telle coercition conduirait inéluctablement un grand nombre de médecins à retarder leur installation ou à s’orienter vers des solutions de contournement. Cela risquerait d’aggraver encore les problèmes d’accès aux soins. Les résultats très mitigés des dispositifs de conventionnement coercitif mis en œuvre en Allemagne, par exemple, montrent bien les limites de ce type de mesures.

Par ailleurs, il est difficile d’identifier des zones surdenses pour les médecins, en particulier généralistes, car les difficultés démographiques affectent aujourd’hui la quasi-totalité du pays, puisque 87 % du territoire français est en désert médical.

En outre, dans les zones moins sous-dotées, les projections démographiques annoncent souvent qu’un nombre important de médecins partiront à la retraite dans les cinq prochaines années.

L’avis du Gouvernement est également défavorable sur l’amendement n° 15, ayant pour objet de mettre en place une obligation générale d’exercice en médecine générale pour l’ensemble des nouveaux diplômés qui n’exerceraient pas devant des patients. Une telle généralisation reviendrait à nier la spécificité de la médecine générale. Tout interne de médecine n’est pas directement au contact d’un patient au cours de sa formation initiale. Je pense par exemple aux étudiants en santé publique, dont la formation vise à leur donner une approche collective des problèmes de santé, et à les rendre capables d’apporter une expertise médicale aux questions posées en termes de santé des populations et de contribuer à l’argumentation des politiques sanitaires. Par ailleurs, nous n’entendons pas contraindre la liberté d’installation.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

J’entends dire que les zones sous-denses représenteraient 87 % du territoire national.

Mais la Drees, organisme scientifique sérieux, montre bien qu’il y a une gradation dans la densité médicale. Elle indique notamment que 30 % du territoire compte comme zone d’intervention prioritaire. En deuxième niveau figurent les zones d’action complémentaire, qui couvrent plus de 40 % du territoire. En somme, les trois quarts du territoire nécessitent des actions prioritaires ou complémentaires. C’est donc un quart qui reste, et non 13 %. Veillons à l’équité territoriale, pour que les inégalités ne s’approfondissent pas. Cela implique de ne pas minimiser les gradations, pour agir d’abord dans les zones les moins bien loties.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je mets aux voix l’amendement n° 14.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 102 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’amendement n° 15.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Le 4° du I de l’article L. 162-14-1 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : « La distinction entre l’exercice à titre libéral ou en centre de santé ne peut en elle-même fonder de différences dans l’octroi des aides attribuées aux praticiens en application du présent 4° ; ».

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

L’amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Chasseing, Decool, Wattebled, Guerriau et Grand, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Malhuret et Louault, Mmes Perrot et F. Gerbaud, M. Bonhomme et Mme Dumont, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Chasseing.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

L’article 5 pose le problème d’une égalité de traitement entre les médecins libéraux et les médecins salariés en matière d’aide publique.

Compte tenu des particularités de chacun des modes d’exercice, cette égalité n’est pas juste. Les médecins libéraux prennent des risques : ils vont s’installer dans une maison de santé pluridisciplinaire, ils paient une secrétaire, ils versent un loyer à la commune ou à la communauté de communes, et ils gèrent en association la maison de santé.

Il s’agit non pas de hiérarchiser les modes d’exercice, mais simplement de reconnaître que les statuts sont différents. Le volume de travail des médecins libéraux permet de prodiguer davantage de soins que celui des médecins salariés.

Le salariat répond aux aspirations de nombreux médecins. Il convient à l’hôpital, où les médecins sont nombreux et où les horaires, notamment aux urgences, sont précis. Mais la médecine libérale est chargée de résoudre les difficultés d’accès aux soins, tout particulièrement en zone rurale. Il faut donc encourager les médecins qui prennent des risques pour s’y installer et y accomplissent un volume horaire important.

C’est pourquoi mon amendement n° 6 tend à supprimer l’article 5.

Debut de section - PermalienPhoto de Annie Le Houerou

La commission a malheureusement émis un avis favorable sur cet amendement, qui vise à supprimer l’article 5. Elle a considéré que les modes d’exercice libéral et salarié avaient leurs singularités, pouvant fonder une distinction dans l’octroi des aides.

Les contrats incitatifs prévoient déjà des montants et des modalités différents. Pour un praticien travaillant à temps plein en zone sous-dotée, l’aide est de 50 000 euros pour un exercice en libéral contre 30 000 euros pour le premier ETP au sein d’un centre de santé. Les porteurs d’un projet de centre de santé prennent aussi un risque.

À titre personnel, je considère que l’exercice salarié de la médecine contribue aux soins de premier recours au même titre que l’exercice libéral. Il est donc normal que les aides ne soient pas discriminantes et qu’elles incitent équitablement à travailler dans les zones sous-denses.

Debut de section - Permalien
Agnès Firmin Le Bodo

Avis favorable. L’un des enjeux aujourd’hui est de répondre aux aspirations des jeunes médecins, qui peuvent être différentes dans les choix du mode d’exercice, salariat ou libéral. Je souscris à l’argument selon lequel il n’y a pas de hiérarchisation des modes d’exercice.

Des dispositions conventionnelles régies par le code de la sécurité sociale prévoient bien une transposition des dispositions de la convention nationale médicale aux centres de santé. Le contrat d’aide à l’installation des centres de santé médicaux polyvalents est une transposition à l’identique du contrat d’aide à l’installation accessible aux médecins s’installant en libéral.

Ainsi, à condition de maintenir le centre de santé pendant cinq ans dans la zone sous-dotée et de participer à la permanence des soins ambulatoires, ce centre peut bénéficier de 30 000 euros par ETP de médecin généraliste salarié.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Patrice Joly, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Patrice Joly

J’avais cru comprendre que certains collègues étaient pour la liberté. L’article 5 vise justement à favoriser un choix libre en garantissant que les avantages soient les mêmes, que l’on s’installe comme libéral ou comme salarié d’un centre de santé. Il me semblerait cohérent d’organiser une forme de neutralité dans l’accompagnement de l’installation si nous voulons encourager les jeunes médecins à s’installer dans les territoires en manque de professionnels de santé. Ils pourront ainsi choisir ce qui leur convient le mieux, au regard à la fois de leurs envies professionnelles et de leur choix personnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Émilienne Poumirol

Lorsque nous avons rédigé cet article, nous avons en effet pensé à la liberté d’installation, qui est un principe important. Il nous semblait anormal qu’il y ait une discrimination entre l’exercice libéral et l’exercice en centres de santé. Les deux sont complémentaires ; il n’est évidemment pas question de les opposer. Nous devons permettre à chaque jeune médecin de choisir l’exercice qui lui paraît le plus intéressant en fonction de ses envies ou de ses goûts particuliers.

Or la discrimination est importante, puisqu’en centre de santé, l’aide, de 30 000 euros pour le premier ETP, n’est plus que de 20 000 euros pour le second, et s’arrête après le troisième médecin. Dans une maison de santé pluriprofessionnelle en zone sous-dotée, elle est de 50 000 euros, quel que soit le nombre de médecins installés. Le différentiel est donc important. Nous proposons de le supprimer pour offrir une véritable liberté de choix à nos jeunes étudiants.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

La liberté d’installation, quel que soit le style d’exercice retenu, me paraît très importante.

Ne méconnaissons pas l’activité des centres de santé. Ceux-ci attirent les jeunes médecins, qui aiment travailler en équipe et apprécient le statut de salarié, sans dépassement d’honoraires, mais sans tâches de gestion ; c’est un peu comme à l’hôpital.

Ne pas voir cette appétence, c’est ne pas encourager les jeunes médecins à s’installer là où ils le souhaitent. Or il est de plus en plus difficile de recruter des médecins, y compris dans les centres de santé. Ne mettons donc pas des bâtons supplémentaires dans les roues au nom d’une conception idéalisée de l’exercice libéral.

Nous devons encourager chaque mode d’exercice sans discrimination : seul en cabinet, en maison de santé ou en centre de santé. Ainsi, nous obtiendrons un vrai maillage dans nos territoires, qui en ont tous besoin. Gommons donc les discriminations existantes, car nous devons faire face à une situation d’urgence absolue.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Raymonde Poncet Monge, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Raymonde Poncet Monge

Autant l’on peut entendre que les médecins libéraux prennent des risques, notamment en termes d’engagement de capital, autant il est quelque peu choquant de dire qu’ils consentent des sacrifices que les médecins salariés, voire hospitaliers ne consentent pas.

Vous dites que le volume de travail des médecins libéraux est supérieur. C’est un fait. Mais vous en tirez la conclusion que seule la médecine libérale est aujourd’hui en mesure de résoudre les difficultés d’accès aux soins.

Revenons à la réalité. Voyez d’ailleurs le titre de la présente proposition de loi : pas plus qu’une autre, la médecine libérale n’assure spontanément l’équité territoriale. Elle laisse prospérer des zones de plus en plus désertées par les médecins libéraux, tandis que l’offre de médecins conventionnés en secteur 1 diminue.

Je vous renvoie à d’autres expériences, qui répondent à l’aspiration croissante des médecins, quel que soit leur statut, à la réduction de leur temps de travail.

Certains territoires n’hésitent pas à faciliter l’ouverture de centres de santé. C’est le cas du département de Saône-et-Loire, qui est parvenu à attirer 70 médecins de statut salarié.

Rien n’empêche ces soignants – d’ailleurs, ils le font – de travailler en heures supplémentaires et, en conséquence, de prodiguer autant de soins que les médecins libéraux.

C’est en particulier le cas des nouveaux médecins, qui ne travaillent pas comme autrefois. Il ne faut donc pas considérer le nouvel exercice salarié à travers le prisme des anciens médecins libéraux.

Cette démarche issue des territoires montre bien que la solution passe aussi par les médecins salariés.

Que l’on exerce en libéral ou en salarié, la spécialité de médecine générale relève des mêmes motivations et doit faire l’objet des mêmes attentions.

Si notre objectif est de lutter sérieusement contre les déserts médicaux, toutes les solutions doivent être envisagées, en octroyant le même niveau d’aide aux médecins salariés et aux médecins libéraux.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Je n’ai rien contre les médecins salariés. Je suis pour la liberté d’installation.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Par mon amendement, je souhaite ni plus ni moins favoriser l’installation des médecins libéraux.

Un médecin libéral qui s’installe dans une maison de santé ne compte pas ses heures.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Je retire le mot « sacrifice », mais je répète que le médecin en maison de santé ne compte pas ses heures. Il s’occupe, en plus, de la gestion, de la coordination des soins et de l’association regroupant les professionnels paramédicaux.

Il faut encourager les médecins qui veulent s’investir dans les maisons de santé. Les centres de santé peuvent être situés en ville et les départements peuvent créer des centres de santé, afin d’attirer les médecins qui manquent.

J’approuve tout à fait cette démarche. Cependant, vous souhaitez que la dotation publique soit la même pour tous, libéraux comme salariés. Je ne suis pas d’accord. Je souhaite, par mon amendement, maintenir la différenciation qui existe actuellement.

Je suis favorable aux propositions du Gouvernement visant à favoriser l’installation des médecins libéraux.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à Mme Véronique Guillotin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Véronique Guillotin

Je suis favorable à cet amendement. On ne peut pas comparer une installation libérale avec un exercice salarié, dans lequel la concurrence n’existe pas.

Les centres de santé ont leur raison d’être et les aides incitatives ont pour objet d’attirer les médecins libéraux dans les territoires sous-denses.

Il existe également des aides en faveur des centres de santé et on ne peut pas dire qu’ils ne soient pas soutenus. En tout cas, dans ma région, l’agence régionale de santé est présente quand se montent des centres de santé ou des centres mutualistes.

On ne saurait accorder une aide strictement identique aux médecins salariés et libéraux par souci d’équité. L’exercice est différent : les premiers intègrent une structure, puis gèrent leurs contrats et leurs heures, là où les seconds s’installent avec leur matériel et leur équipement et subissent des charges plus lourdes.

Les deux modes d’exercice ne sont pas antinomiques, mais on ne peut pas les comparer. C’est pourquoi je voterai l’amendement de Daniel Chasseing.

M. Bernard Fialaire applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Bernard Jomier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Je partage la préoccupation de mes collègues qui souhaitent – c’était le sens de l’amendement de Patrice Joly – un traitement égalitaire des médecins, quel que soit leur mode d’exercice. Le mode d’exercice est aussi un choix de vie ; il faut le respecter.

J’attire l’attention sur le fait que les aides doivent être discutées – les discussions ont d’ailleurs commencé – dans le cadre des négociations sur la nouvelle convention.

Il faut revoir le système, car, si les aides ne sont pas totalement inefficaces, la manière dont elles sont attribuées – cela a été souligné – ne les rend pas les plus efficientes possible.

Par ailleurs, le destinataire de l’aide est un paramètre important. Ce n’est pas la même chose si l’aide est perçue directement par le professionnel de santé ou par la structure dans laquelle il exerce.

J’attire l’attention du Gouvernement sur la nécessité de prendre des mesures contre certains centres de santé qui se développent et qui n’ont rien de sympathique.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

Ces centres pratiquent l’optimisation des aides, en s’inspirant de ce que font certains grands groupes privés.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Jomier

En effet ! Nous connaissons ces pratiques. Il y a des champions qui se sont fait une spécialité de collecter les aides et de les optimiser pour développer leurs bénéfices à l’arrivée. Cela ne se sert ni la qualité des soins ni la qualité d’exercice des professionnels de santé concernés.

Nous devons affronter ces problèmes. On peut reprocher à l’amendement de ne pas être parfait sur ce point – quel amendement l’est ? –, mais il a le mérite de poser le problème.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

La parole est à M. Jean-Luc Fichet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Madame la ministre, vous nous expliquez qu’il faut partir de la demande des médecins. Je suis assez d’accord. Mais les médecins demandent aujourd’hui à pouvoir exercer dans le domaine du salariat.

Debut de section - Permalien
Agnès Firmin Le Bodo

Pas seulement !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Il faut prendre en compte cette réalité. Vous nous expliquez que les médecins libéraux sont épuisés, qu’ils ont des charges très lourdes ou encore qu’ils ne sont pas assez payés. Mais vous indiquez aussi qu’ils pourraient continuer à exercer plusieurs années, bien au-delà de la retraite, dans ces conditions difficiles. Ne seraient-ils plus épuisés ?

Quand on vous présente une autre solution qui permettrait de diversifier l’offre au travers des centres de santé à la condition que les aides soient équitables, vous nous répondez que les choses sont différentes, que les centres de santé disposent d’autres moyens et qu’ils ne nécessitent pas autant de financements que l’installation en libéral.

Je trouve qu’il y a des contradictions dans vos explications.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je mets aux voix l’article 5.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 103 :

Le Sénat n’a pas adopté.

I. – Les conséquences financières résultant pour l’État de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

II. – Les conséquences financières résultant pour les organismes de sécurité sociale de l’application de la présente loi sont compensées, à due concurrence, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Je vais mettre aux voix l’article 6.

Mes chers collègues, je vous rappelle que, si l’article 6 n’était pas adopté, il n’y aurait plus lieu de voter sur l’ensemble de la proposition de loi, dans la mesure où les six articles qui la composent auraient été rejetés. Aucune explication de vote sur l’ensemble du texte ne pourrait donc être admise.

Je vous invite donc à prendre la parole maintenant, si vous souhaitez vous exprimer sur ce texte.

La parole est à Mme Angèle Préville, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Puisqu’il ne restera rien de ce texte, je souhaite à tout le moins exprimer ma déception.

Tout le monde l’a dit : nous sommes face à une situation désastreuse, que nous n’avions pas connue depuis bien longtemps. J’ignore d’ailleurs à quelle date il faudrait remonter pour trouver de semblables difficultés d’accès aux soins.

Chaque Français est confronté à la difficulté d’accéder aux soins normalement. Je vous le dis en tant qu’élue d’un territoire rural : les Français ne comprennent pas ce qui est en train de se passer. Ils ne comprennent pas que nous n’agissions pas et qu’il y ait tant de difficultés à résoudre un tel problème.

Je souhaitais également vous interroger sur ce qui est fait pour améliorer la situation. Je voudrais notamment vous demander si les moyens déployés dans les facultés de médecine – je pense au nombre de places ouvertes, de salles, d’amphis, de laboratoires – sont suffisants.

Permet-on aujourd’hui à chaque étudiant désireux de devenir médecin d’étudier ? L’accès aux études de médecine a-t-il été facilité ? Combien d’enfants d’agriculteurs et d’ouvriers peuvent devenir médecins actuellement ? Les choses ont-elles changé ces dernières années ?

Vous avez indiqué qu’il revenait aux territoires de s’organiser. Les élus consacrent beaucoup de temps et d’énergie pour bricoler des solutions sans savoir où cela les mènera ni si leurs solutions seront efficaces. À mon sens, il n’est pas acceptable de dire tout simplement que les territoires doivent s’organiser.

Pour terminer, il a beaucoup été question de coercition. Je ne sais si j’oserai parler de devoir ou d’obligation, sachant qu’un étudiant en médecine coûte à l’État, je crois, 20 000 euros.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la ministre déléguée le conteste également.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Mme la présidente. La parole est à Mme Émilienne Poumirol, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Émilienne Poumirol

Je voudrais également souligner ma déception.

Le travail qui a été mené sur l’initiative du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain s’est fondé sur des auditions à répétition, auxquelles nous sommes nombreux à avoir participé.

Je pensais que nous aurions là une occasion de discuter ensemble de ce problème majeur, qui touche notre pays et qui inquiète très fortement – vous le savez bien, puisque la chambre haute représente les collectivités territoriales – les élus locaux et nos concitoyens.

Or l’usage de la technique du scrutin public systématique à chaque article a permis, malgré de très faibles effectifs – un ou deux sénateurs présents en séance –, au groupe Les Républicains d’emporter le vote. La présence n’est pas obligatoire pour les scrutins publics.

Pire : nous n’avons pas pu discuter.

Madame la ministre, vous avez affirmé que nos propositions étaient contraignantes.

À l’article 1er, la contrainte n’est pas plus importante que celle que vous avez intégrée, dans le droit fil de la proposition de loi déposée par M. Retailleau, dans l’article 23 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Vous imposez un stage rémunéré comme un stage d’internat, alors que nous parlons d’une rémunération à négocier avec les internes.

Dans notre article 2, nous parlons d’un exercice coordonné, et non d’une obligation. Je vous rappelle que l’ordre national des médecins s’est prononcé récemment pour instaurer une obligation dès 2026. Nous ne sommes pas plus coercitifs que lui.

Depuis quatre ou cinq ans, l’exercice coordonné est favorisé. Malheureusement, nous attendons encore et toujours des résultats. À ce jour, à peine 220 équipes de soins primaires (ESP) ont été montées en France. C’est trop peu.

Dans l’article 3, relatif à la PDSA, nous ne parlons pas de garde individuelle. Nous demandons que l’on mène une concertation avec les ARS et les CPTS pour définir des zones de garde qui soient intéressantes pour tout le monde.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Ma chère collègue, vous avez dépassé votre temps de parole.

La parole est à M. Daniel Chasseing, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Tous les sénateurs représentant des territoires ruraux constatent des difficultés. Malheureusement, le numerus clausus a été supprimé bien trop tard. Les problèmes ne se résoudront pas du jour au lendemain et dureront au moins jusqu’en 2030.

J’étais en accord avec la plupart des articles de la proposition de loi. Il est en effet préférable de viser non pas les internes, mais des docteurs juniors, avec des salaires beaucoup plus élevés.

Comme je souhaite que les médecins libéraux soient plus nombreux, j’avais proposé une rémunération de 5 000 euros.

La coordination prévue à l’article 2 me semble également très pertinente. De toute manière, les maisons de santé favorisent la coordination. Il faut donc aller dans ce sens.

Nous devons aussi – c’est possible – favoriser l’accès aux soins non programmés dans les CPTS.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Arrêtons les petits pas ! Soyons audacieux !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Par ailleurs, les professionnels doivent accepter qu’il y ait des gardes à faire. Cela me paraît tout à fait normal.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Chasseing

Je suis également favorable au conventionnement sélectif prévu à l’article 4.

Mais je suis en désaccord sur l’article 5. Si je n’ai rien contre les centres de santé ni contre les médecins salariés, je souhaite que l’on favorise les médecins qui s’installent en libéral.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Je remercie Mme la rapporteure, ainsi que les auteurs de ce texte pour les travaux réalisés. Nous avons lu le rapport. Il sera source d’inspiration pour les débats futurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l’article 6.

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe Les Républicains.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 104 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Les six articles de la proposition de loi ayant été successivement rejetés par le Sénat, je constate qu’un vote sur l’ensemble n’est pas nécessaire, puisqu’il n’y a plus de texte.

En conséquence, la proposition de loi n’est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Rossignol

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au dimanche 13 novembre 2022 :

À neuf heures trente :

Questions orales.

À quatorze heures trente :

Projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture (procédure accélérée ; texte de la commission n° 187, 2022-2023).

À dix-sept heures trente :

Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à la politique de l’immigration.

Éventuellement, le soir :

Suite du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture (procédure accélérée ; texte de la commission n° 187, 2022-2023).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures cinq.