Intervention de Sabine Van Heghe

Réunion du 8 décembre 2022 à 16h00
Lutte contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap et des assistants d'éducation — Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Sabine Van HegheSabine Van Heghe :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je veux d’abord saluer la qualité du travail mené par notre rapporteure, Marie-Pierre Monier, qui s’est trouvé confirmé par l’adoption de cette proposition de loi à l’unanimité en commission jeudi dernier.

La « CDIsation » des accompagnants et accompagnantes des élèves en situation de handicap à l’issue d’un seul CDD, contre deux aujourd’hui, permise par l’article 1er de ce texte, est évidemment indispensable. Nous savons que les 132 000 AESH jouent un rôle fondamental dans l’école inclusive pour assurer dans les meilleures conditions la scolarisation des élèves en grande difficulté, dans tous les établissements d’enseignement. Combien d’enfants seraient en échec total sans ce soutien de qualité et indispensable ?

Le CDI est la norme dans notre pays et permet de se projeter dans l’avenir avec la possibilité de se loger, d’emprunter. Rappelons qu’actuellement seulement 20 % des AESH exercent dans le cadre d’un CDI.

Ces personnels ne bénéficient pas de la reconnaissance qu’ils méritent. Leur rémunération est très faible – en moyenne de 850 euros par mois, ce qui est sous le seuil de pauvreté – et leurs conditions de travail sont difficiles : temps incomplet subi ; affectations de dernière minute, parfois dans plusieurs écoles avec des frais de déplacement importants peu pris en charge ; et, pour certains, le droit à la pause méridienne non respecté.

Les AESH souffrent également d’un manque de formation, et il arrive que certains se forment sur leurs propres deniers ou même que ce soient leurs parents qui financent ces formations !

Du fait de ces multiples difficultés, on observe des phénomènes de démission de l’ordre de 10 %, et ce au bout de deux ou trois ans seulement.

Le Gouvernement ne prévoit pas de créer suffisamment de postes d’AESH – 4 000 seulement pour 2023 –, alors même que l’augmentation de prescription d’aide humaine pour 2020 et 2021 est de 12 %. Sur la même période, le nombre d’AESH n’a augmenté que de 5 %. Attention donc aux recours à des AESH « privés », et donc à la rupture d’égalité !

Il est primordial et urgent que le Gouvernement sorte de la précarité ces 132 000 accompagnants, qui sont essentiels pour la réussite de l’école inclusive et dont le nombre est amené à croître dans les années à venir. Ainsi, nous soutenons la demande de la rapporteure d’une réforme structurelle des conditions d’emplois des AESH, dans le cadre de l’acte II de l’école inclusive, récemment annoncé par M. le ministre de l’éducation nationale.

Les sénateurs socialistes avaient déposé de nombreux amendements dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour aller au-delà de la « CDIsation » et améliorer les conditions de vie et d’exercice des AESH : 20 millions d’euros supplémentaires pour revaloriser les salaires ; alignement du montant des primes REP et REP+ des AESH sur les autres personnels de l’éducation nationale ; ouverture de 10 270 postes supplémentaires au lieu des 4 000 prévus par le PLF.

Nous attendions là un signal du ministre de l’éducation nationale, mais nous nous sommes malheureusement heurtés au veto de la majorité sénatoriale et du Gouvernement.

De la même manière, M. le ministre nous avait assuré que le Gouvernement était favorable à une « CDIsation » au bout d’un an. Je m’étonne qu’aucune initiative de sa part en ce sens ne se concrétise par le dépôt d’un amendement du Gouvernement sur la proposition de loi dont nous débattons !

Ce texte entend aussi mettre l’accent sur la situation des 65 000 assistants d’éducation. Leur « CDIsation », prévue à l’article 2 de la proposition de loi, a été permise, grâce à un vote du Sénat, par la loi visant à lutter contre le harcèlement scolaire et le décret du 9 août 2022. Il semble cependant que certains recteurs ou chefs d’établissement y soient réticents, et que seul un cinquième des AED susceptibles d’être « CDIser » l’aient effectivement été. D’où l’importance que le Gouvernement réaffirme le principe, et surtout l’obligation, de la « CDIsation » des AED après six ans d’exercice.

Les missions des AED sont très polyvalentes et leurs conditions de travail également difficiles : rémunération insuffisante, différents lieux d’affectation, absence de formation.

Le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain soutient donc la demande de notre rapporteure pour que le Gouvernement engage une concertation avec l’ensemble des parties prenantes sur le devenir professionnel des assistants d’éducation.

Nous avions déposé des amendements au PLF pour 2023 visant à un alignement des primes REP et REP+ et la mise au même niveau de rémunération des AED de l’enseignement agricole et de l’enseignement général. Nous regrettons que ces amendements aient été, eux aussi, rejetés en séance le 1er décembre dernier par la majorité sénatoriale avec l’accord du Gouvernement.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui ne résoudra pas tout. Le chemin est encore long pour sortir ces personnels de la précarité, mais elle est un premier pas.

Le groupe des sénateurs socialistes, écologistes et républicains votera donc avec enthousiasme et lucidité cette proposition de loi, qui doit aussi être vue comme un appel au Gouvernement, à qui nous demandons solennellement d’agir vite et fort sur ces enjeux primordiaux pour l’avenir de nos enfants et pour l’accession à l’emploi des personnels concernés, dans des conditions dignes.

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