Intervention de Philippe Mouiller

Réunion du 8 décembre 2022 à 16h00
Lutte contre la précarité des accompagnants d'élèves en situation de handicap et des assistants d'éducation — Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Philippe MouillerPhilippe Mouiller :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes aujourd’hui réunis pour examiner la proposition de loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation.

Comme cela a été indiqué, il s’agit de permettre aux AESH d’être recrutés en CDI au terme de leur premier CDD de trois ans, et aux assistants d’éducation ayant exercé pendant six ans leur activité d’être recrutés dans le cadre d’un CDI.

En 2022, on comptait plus de 135 000 AESH et environ 61 000 AED. La même année, le nombre d’enfants en situation de handicap accueillis en milieu ordinaire était de plus de 400 000.

Il faut souligner l’effort financier et l’effort de recrutement de l’éducation nationale ; les moyens sont importants. Pourtant, il existe un très fort décalage entre l’objectif annoncé par le Gouvernement sur l’inclusion scolaire et les résultats sur le terrain, un trop grand décalage entre l’augmentation des moyens humains et financiers en faveur de l’accompagnement des élèves en situation de handicap et le nombre croissant d’enfants dont les besoins ne sont pas, ou mal, couverts.

La promesse faite aux familles concernées par le handicap ne peut être tenue dans ces conditions.

Partout dans nos territoires, on rencontre heureusement des situations satisfaisantes grâce à des efforts ayant porté leurs fruits. Toutefois, de trop nombreux jeunes ne peuvent bénéficier de l’accompagnement humain dont ils ont besoin, faute de budget ou de personnel disponible.

De plus, les conditions de travail et le statut même d’AESH restent précaires, et trop peu attractifs. Par manque d’heures de travail, lesquelles se limitent en général à vingt-quatre heures par semaine, le niveau de rémunération est très faible. Il s’élève à environ 850 euros net par mois, même si une évolution est attendue dans les mois qui viennent.

Les AESH ne bénéficient pas toujours d’une formation adaptée et sont, souvent, mal intégrés à la communauté éducative.

À cela s’ajoute un point essentiel : des problèmes de dialogue entre l’éducation nationale, le médico-social et les MDPH. Ils entraînent des situations difficiles pour les accompagnants et les enfants suivis.

Dans mon département, j’ai eu connaissance de nombreux exemples d’AESH qui découvrent une semaine avant la rentrée scolaire le ou les établissements dans lesquels ils seront affectés, le nom de l’enfant en situation de handicap qu’ils suivront, et, surtout, la nature du handicap de l’enfant.

Dans ce contexte, comment une personne, quelle que soit sa bonne volonté, peut-elle accompagner de façon satisfaisante, sans formation ni préparation, un jeune autiste, puis, l’année suivante, un enfant scolarisé dans une unité localisée pour l’inclusion scolaire (Ulis) ?

En complément, la loi pour une école de la confiance a mis en place les Pial. Cette nouvelle organisation du travail des AESH devait permettre de mieux répartir et coordonner leurs interventions en fonction des besoins et de l’emploi du temps des élèves en question.

Néanmoins, la réalité est tout autre. En effet, dans de nombreux départements, ces pôles gèrent plutôt la pénurie de moyens.

Quel bilan, madame la ministre, pouvez-vous établir de la réforme qui a installé les Pial sur tous les territoires ? L’idée d’un principe général de coordination était bonne, mais le manque de moyens détourne ces structures de leur mission.

Malgré la bonne volonté des pouvoirs publics, le système n’est pas pleinement satisfaisant, entraînant, comme cela a été souligné, un manque d’attractivité du métier d’AESH, des situations sociales difficiles, et un accompagnement des enfants en situation de handicap imparfait.

Une véritable réforme s’impose ; son objectif principal devra être de placer le parcours de l’enfant au centre du dispositif. On ne peut résumer la situation en se contentant d’affirmer que les établissements et instituts sont la bonne réponse à apporter alors que les moyens sont insuffisants. Il faut une analyse globale du parcours de vie de l’enfant.

Des questions se posent : l’éducation nationale est-elle actuellement le meilleur gestionnaire de l’inclusion scolaire, ou ne faut-il pas s’appuyer davantage sur le médico-social ? Comment améliorer le dialogue entre ces deux mondes ? Ils ont tout de même en commun l’intérêt de l’enfant accompagné. Comment améliorer l’organisation sur le terrain, et mettre en place un statut professionnel satisfaisant pour les AESH ? Comment rendre, en somme, ce métier attractif ?

De nombreuses questions dont la réponse à l’heure actuelle demeure en suspens.

Concernant la proposition de loi que nous examinons, notre groupe politique s’est beaucoup interrogé sur le vote à exprimer, car voter favorablement risquerait d’inscrire dans le marbre et ainsi valider la situation précaire de ces agents de l’éducation nationale.

Cela risque d’être un moyen de pérenniser un système qui, pour l’instant, est défaillant.

Malgré cela, pour envoyer un signe positif aux agents, dont nous reconnaissons la qualité du travail, nous voterons en faveur de cette proposition de loi, tout en exprimant un vœu fondamental : la mise en place d’une véritable réforme de l’inclusion scolaire.

Nous partageons cet objectif avec les auteurs du texte actuel. Les moyens doivent être mis sur la table, car les résultats attendus ne sont pour l’instant pas satisfaisants.

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