Intervention de Philippe Mouiller

Réunion du 8 décembre 2022 à 16h00
Équité territoriale face aux déserts médicaux et accès à la santé pour tous — Rejet d'une proposition de loi

Photo de Philippe MouillerPhilippe Mouiller :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’interviens en lieu et place de mon collègue Jean-Claude Anglars, sénateur de l’Aveyron.

La désertification médicale n’est pas un problème récent. Environ 30 % de la population vit dans un désert médical, chiffre qu’il faudrait encore préciser selon les spécialités. Les constats sont connus et ont été rappelés ; je ne reviendrai donc pas sur le sujet.

Dans le contexte actuel, où la question de la juste rémunération de l’acte se pose de manière accrue, et alors que la désertification médicale ne concerne désormais plus seulement la médecine générale et qu’il devient nécessaire de réfléchir aux inégalités d’accès aux spécialistes et à d’autres praticiens, cette proposition de loi ravive des débats que nous avons déjà eus au Sénat, mais n’aborde pas de nouveaux sujets.

L’instauration d’une année de professionnalisation obligatoire dans les déserts médicaux pour les médecins généralistes en fin de formation renvoie à des débats très actuels, de même que l’objectif d’une meilleure reconnaissance de la spécialité de médecine générale.

Par ailleurs, l’idée d’une départementalisation des affectations mériterait d’être étudiée à l’avenir pour lutter contre les déserts médicaux, même si le cadre géographique des centres hospitaliers universitaires (CHU) est évidemment plutôt la région qui les entoure.

Cependant, cette proposition de loi comporte des éléments insatisfaisants ; je veux en pointer plusieurs.

D’abord, contrairement à la proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale, que notre assemblée a adoptée le 18 octobre dernier, celle que nous examinons aujourd’hui ne prévoit pas de faire de la médecine générale une spécialité à part entière.

Ensuite, si l’obligation de garde pour les médecins libéraux peut constituer un facteur de désengorgement des urgences médicales, il ne me semble pas nécessaire de devancer, voire de supplanter les discussions en cours entre la profession et les autorités de tutelle.

Par ailleurs, nous avons déjà discuté lors de l’examen du PLFSS pour 2023 du dispositif de régulation à l’installation proposé, ainsi que de celui de rééquilibrage des cotisations sociales, des garanties de revenus et de l’aide à l’installation entre médecins libéraux et salariés, et nous les avons rejetés, pour des raisons pertinentes.

Plus largement, cette proposition de loi, comme d’autres, tend à s’inspirer plus ou moins directement des solutions trouvées dans certains territoires. Il y a des enseignements à tirer des expériences locales.

Dans cette perspective, je veux évoquer les facteurs de la réussite de la politique d’attractivité expérimentée en Aveyron depuis 2010 pour inciter les médecins généralistes à s’y installer. Dans ce département rural du Massif central, caractérisé par un vieillissement de la population et un éloignement des urgences et des hôpitaux, la permanence des soins de proximité et du maillage territorial de médecine générale était un préalable essentiel pour penser le problème de manière globale à l’échelle d’un territoire.

À cette fin, avec le concours du conseil de l’ordre des médecins, de l’université située sur le campus de Rangueil et de l’ARS départementale, nous avons développé l’accueil des stagiaires pour faciliter l’implantation sur le territoire. Nous nous sommes montrés précurseurs par le choix d’une organisation collective en maisons de santé pluridisciplinaire et en réseaux de santé.

L’efficacité de cette organisation et son succès auprès des professionnels ont conduit à la labellisation du territoire en communauté professionnelle territoriale de santé : la première CPTS en Occitanie est peut-être parmi les premières en France.

Il est nécessaire de répondre aux envies et aux besoins des jeunes praticiens, qui ne veulent plus être isolés. Le partage des tâches et la coordination avec les autres praticiens sont au cœur des nouvelles pratiques visant à favoriser l’installation sur le territoire.

Le développement des stages en Aveyron et le statut du médecin maître de stage ont favorisé la transmission des pratiques et l’installation de jeunes médecins. La formation de médecin sapeur-pompier, destinée aux internes, a aussi renforcé l’intégration.

Enfin, le succès de la lutte contre les déserts médicaux repose sur un accompagnement concret de l’installation.

Quatorze ans après les premières mesures prises en Aveyron, 9 % de l’effectif des internes y restent à l’issue de leur stage, contre 1 % en moyenne pour les territoires ruraux. Depuis 2011, il y a eu 105 installations de médecins généralistes pour 107 départs, soit un renouvellement presque complet de l’effectif.

Certes, l’Aveyron est beau. Mais cela ne suffit pas à expliquer une telle réussite ! §Celle-ci repose plus certainement sur la mise en place d’écosystèmes qui font émerger les conditions favorables à l’intégration de nouveaux praticiens.

Pour conclure, il me semble que cette proposition de loi arrive à la fois trop tôt, parce que la concertation entre les professionnels de santé et les pouvoirs publics, dont nous avons parlé, est toujours en cours, et trop tard, parce qu’elle fait écho à des débats que nous avons déjà eus.

Comme mes collègues du groupe LR, je voterai donc contre cette proposition de loi.

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