Intervention de François Patriat

Réunion du 8 décembre 2022 à 16h00
Équité territoriale face aux déserts médicaux et accès à la santé pour tous — Rejet d'une proposition de loi

Photo de François PatriatFrançois Patriat :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, chercher désespérément un rendez-vous médical, devoir se rendre aux urgences, faute de médecin disponible… Nous avons, pour beaucoup d’entre nous, vécu ces moments de désolation face à un système de santé imparfait.

Lorsque l’accès aux soins devient un parcours du combattant, il faut agir. Comment parvenir demain à faire en sorte que chacun puisse avoir rapidement accès à un médecin proche de chez lui ?

Les propositions sont multiples. Face à cet éventail de choix, il faut trouver un juste équilibre. Entre coercition et laisser-faire, entre incitation et obligation, entre belles idées et réalité, les choses sont plus complexes.

Le texte qui nous est soumis relève d’une vision très coercitive. Quatre articles créent des obligations : obliger les médecins généralistes à réaliser leur année de professionnalisation en zones sous-dotées ; obliger une organisation des professionnels de santé en équipe de soins primaire, à partir de 2026 ; obliger les médecins libéraux à réaliser des gardes ; obliger, d’une certaine manière, les médecins libéraux à s’installer dans des zones précises…

Ces obligations comportent plusieurs risques : d’abord, celui que nos futures générations de médecins ne privilégient l’exercice salarié plutôt que l’exercice libéral ; ensuite, celui d’une fuite des professionnels de santé vers l’étranger, où les propositions ne manquent pas ; enfin, celui du surmenage pour les médecins libéraux qui se plieront à ces obligations, car ils seront submergés sous les demandes avant les effets de la suppression du numerus clausus.

Mais il n’est pas acceptable que nos concitoyens ne parviennent pas, dans certaines zones, à trouver un médecin disponible en soirée et soient forcés de se rendre aux urgences, parfois loin de chez eux, pour des raisons qui n’en sont pas.

Il n’est pas non plus acceptable que certains de nos territoires se voient privés de médecins et que nos concitoyens se retrouvent esseulés face à des pathologies complexes. En effet, 11 % des Français de plus de 17 ans n’ont pas de médecin traitant et 1, 6 million de Français renoncent chaque année à des soins médicaux.

Il nous faut donc évidemment répondre à cette situation, sans perdre de vue que, comme l’a montré une étude du CHU de Clermont-Ferrand voilà quelques années, près de 45 % des médecins généralistes français exerçant en libéral étaient en situation de burn-out.

Aller contre la volonté des médecins ne me semble pas le plus productif.

Pour faire face à une telle situation, des mesures fortes ont déjà été prises : la suppression du numerus clausus ; l’exonération des cotisations de retraite pour les médecins libéraux en cumul emploi-retraite pour 2023 ; la notion d’une responsabilité collective de participation à la permanence des soins, qui a été étendue aux chirurgiens-dentistes, aux infirmiers diplômés d’État (IDE) et aux sages-femmes ; l’expérimentation visant à permettre des consultations de médecins généralistes et spécialistes en zones sous-dotées.

Je crois qu’il faut laisser le temps à ces nouvelles mesures de prendre effet. Si la responsabilité collective ne suffisait pas, le rétablissement des gardes obligatoires s’imposerait. Mais donnons d’abord le temps à la concertation.

Nous pourrions par exemple demander que les gardes soient effectuées de cinq heures à minuit – passé cette heure, il s’agit d’urgences absolues –, mieux rémunérées, les hôpitaux envoyant les week-ends des médecins ou des internes en zones sous-dotées.

Plusieurs autres pistes de réflexion ont été proposées par nos collègues Patricia Schillinger et Philippe Mouiller dans leur rapport d’information : renforcer les liens entre les collectivités et les facultés de médecine, utiliser davantage les outils de télémédecine ou encore accélérer le déploiement des contrats locaux de santé. Sans faire office de solution unique, ces mesures pourraient constituer des outils pour favoriser l’égal accès aux soins.

La concertation me semble être la voie à privilégier.

C’est tout l’objet des CNR territoriaux santé en cours. J’étais moi-même présent la semaine dernière à celui de Dijon. En échangeant avec des professionnels de santé, nous voyons bien que nous souhaitons tous une amélioration de l’accès aux soins, une meilleure répartition entre la médecine de ville et l’hôpital et une plus grande coordination entre les professionnels.

L’objectif étant partagé, il nous semble préférable de chercher ensemble des solutions grâce à la concertation, sans décourager les médecins libéraux.

Mes chers collègues, compte tenu du fait que le texte est trop contraignant et que, pour notre part, nous retenons uniquement la possibilité de restaurer un système de gardes obligatoires, nous nous abstiendrons.

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