Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons la proposition de loi visant à rétablir l’équité territoriale face aux déserts médicaux et garantir l’accès à la santé pour tous.
Le sujet fait régulièrement l’objet de propositions de loi, de rapports et de diverses questions sur l’initiative des sénatrices et sénateurs, et il a occupé une partie de nos débats lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En effet, l’accès aux soins demeure un sujet de préoccupation essentiel pour nos concitoyens et nos élus locaux.
La réalité, nous la connaissons tous au sein de cet hémicycle ; nous partageons les constats. Le manque de médecins généralistes ne touche plus seulement nos campagnes ; il concerne également de grands centres urbains. Urbains ou ruraux, nous sommes tous concernés.
Les raisons qui ont conduit à une telle situation sont multiples. Le problème est plus complexe qu’il n’y paraît.
Les élus locaux se sentent désarmés et nos compatriotes demeurent dans le désarroi le plus total lorsqu’ils sont confrontés à des difficultés en matière d’accès aux soins.
Toutefois, peut-être n’en serions-nous pas à discuter de la création d’une année de professionnalisation pour les médecins généralistes en fin de formation si le Gouvernement avait pris le décret d’application de la disposition, inscrite dans la loi du 24 juillet 2019 relative à l’organisation et à la transformation du système de santé, instaurant au moins six mois en troisième année d’internat de médecine générale en autonomie supervisée auprès d’un médecin généraliste en zone sous dense.
Le décret d’application n’a jamais été pris malgré les promesses des ministres. Dont acte. Mais notre système de santé est déjà suffisamment mis à mal, y compris sur le plan éthique – je vous renvoie à l’avis 140 du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), qui vient juste d’être publié –, pour rendre acceptable ce défaut d’application d’une loi.
Je souhaite que le Gouvernement prenne la mesure de l’insuffisance, en particulier sur les sujets et les textes relatifs à la santé.
L’article 1er du texte proposé par nos collègues instaure une année de professionnalisation à la suite du troisième cycle de médecine générale.
Loin d’être opposée à une telle mesure, la majorité sénatoriale a adopté au mois d’octobre dernier la proposition de loi visant à la consolidation et à la professionnalisation de la formation des internes en médecine générale, afin de lutter contre les déserts médicaux, déposée par Bruno Retailleau. Celle-ci prévoit que le troisième cycle de médecine générale sera d’au moins quatre années, comme l’ensemble des autres spécialités. Nous privilégierons cette rédaction, plus solide sur le plan législatif, même si les objectifs des deux propositions de loi peuvent se rejoindre.
L’article 3 rétablit l’obligation de garde pour les médecins libéraux. L’article 4 étend à ces derniers un dispositif de régulation à l’installation.
Notre famille politique est historiquement attachée au caractère libéral de la médecine de ville. Si la notion de zones surdotées a pu s’appliquer par le passé, elle apparaît dépassée et illusoire en 2022.
Alors que le temps médical est compté, nous ne sommes pas certains des éventuels bénéfices d’une telle mesure. Au contraire, ses effets collatéraux nous semblent largement sous-estimés, notamment en matière d’attractivité pour la médecine générale.
De surcroît, à l’heure où des négociations conventionnelles se sont ouvertes entre l’assurance maladie et les syndicats de médecins pour une durée de six mois, il apparaît primordial de garantir la sérénité de ce dialogue, au cours duquel – je n’en doute pas – les points soulevés aux articles 3 et 4 seront discutés.
Le vote unilatéral au Sénat d’une mesure coercitive à l’installation serait un mauvais signal. Nous préférons attendre les conclusions des négociations conventionnelles.
L’article 5 concerne les centres de santé. Nous estimons que les médecins libéraux et les médecins salariés ne sont pas soumis aux mêmes contraintes. Ils ne doivent donc pas être aidés de la même manière.
En réalité, les centres de santé ne sont pas la solution idéale. Certains ne parviennent même pas à recruter autant de médecins que l’objectif qu’ils s’étaient fixé. De plus, une aide à un médecin salarié ne doit pas être une subvention déguisée à un centre de santé, même si nous reconnaissons qu’ils sont souvent déficitaires au début de leur fonctionnement.
Enfin, je tiens à rappeler que la majorité sénatoriale travaille depuis des années sur ces questions. De nombreuses mesures sont régulièrement évoquées lors de l’examen des projets de loi de financement de la sécurité sociale et des différents textes en rapport avec la santé : favoriser le cumul emploi-retraite, simplifier les démarches administratives pour dégager du temps médical ou encore favoriser l’exercice pluridisciplinaire.
Ainsi, nous sommes force de propositions, loin de tout dogmatisme, faisant toujours preuve du bon sens qui caractérise la Haute Assemblée. Aussi continuons-nous de plaider en faveur d’une nouvelle loi santé, afin de repenser plus globalement l’accès aux soins dans notre pays, en concertation avec les différents acteurs de santé, dont, bien entendu, les médecins.
Pour toutes ces raisons, et bien que partageant certains constats et objectifs des auteurs de la proposition de loi, le groupe Les Républicains ne la votera pas. Une accumulation de textes ne semble pas pertinente. Faisons confiance aux négociations conventionnelles.