Intervention de Daniel Breuiller

Réunion du 6 décembre 2022 à 14h30
Loi de finances pour 2023 — Vote sur l'ensemble

Photo de Daniel BreuillerDaniel Breuiller :

Ce projet de loi de finances procède de choix qui ne nous conviennent pas. D’inspiration libérale, baissant l’impôt des entreprises, refusant toute nouvelle contribution de la part de ceux qui accumulent richesses et dividendes et donnant moins à ceux qui ont peu, il accentuera un peu plus les inégalités et les écarts de revenu sans cesse plus grands dans notre pays.

Selon l’Insee, les mesures sociales et fiscales intervenues en 2020 et 2021 profitent surtout à la moitié la plus aisée de la population : « Elles induisent une augmentation du niveau de vie allant jusqu’à 470 euros annuels en moyenne pour les personnes entre les 7e et 8e déciles, contre 90 euros pour les 50 % les plus modestes. »

L’inflation actuelle accentuera encore cette réalité brutale, car elle pénalise bien plus les catégories modestes et moyennes.

La suppression de la CVAE, privant l’État de 8 milliards d’euros de recettes, en pleine période de crise, serait immanquablement répercutée sur les ménages, via la TVA et l’endettement, et contribuerait ainsi à l’affaiblissement du service public, le bien commun de ceux qui n’ont pas de patrimoine. C’est pourquoi nous nous y sommes opposés.

Dans sa philosophie, notre projet politique, celui de la sobriété, est structuré par la volonté de garantir à tous une qualité de vie et par le fait de demander plus d’efforts à ceux qui accumulent toujours plus – plus de richesse, plus de biens, plus de dividendes –, et, bien sûr, qui polluent également plus.

Si l’immense majorité de nos amendements a été rejetée par la majorité sénatoriale, notre groupe a tout de même tenté d’exposer les termes possibles d’un avenir socialement plus juste, désirable et durable.

Sur la mission « Enseignement scolaire », qui concerne 12 millions d’élèves, nous avons voté la hausse indispensable de 3, 7 milliards d’euros de crédits. Toutefois, la crise est d’une profondeur qui va bien au-delà du simple sujet budgétaire.

Le budget de la mission « Économie » traduit une politique très généreuse d’aides non conditionnées, trop fortement, voire essentiellement, destinées aux grands groupes, et dont l’on ne se sert pas comme d’un outil efficace de la bifurcation écologique, ce à quoi s’essayent les États-Unis.

La hausse des crédits de la mission « Justice », que nous avons approuvée pour indispensable qu’elle est, ne suffira pas à remettre à flot un système à bout de souffle.

Sur le volet de la sécurité civile, notre déception est grande : les moyens ne sont pas à la hauteur, car les conséquences du dérèglement climatique sont et seront chaque année plus graves.

Les crédits de la mission « Santé » ne suffiront pas. L’hôpital public s’effondre, les déserts médicaux s’étendent, nombre de Français renoncent aux soins. La santé mentale est au projet de loi de finances ce que la psychiatrie est à la médecine : un parent pauvre et délaissé. Il faudrait pourtant aider les adolescents, qui sont nombreux à être en souffrance psychique. Leurs souffrances et celles de leurs familles sont si grandes !

Ce projet de loi de finances n’a pas non plus pris suffisamment la mesure de la détresse de nombreux étudiants. Nous avons proposé plus de justice fiscale pour les bourses insuffisantes : cela a été rejeté.

Rejetées aussi toutes les mesures visant à permettre aux jeunes de se loger et de vivre au pays, malgré la démultiplication des Airbnb et des résidences secondaires, et l’envolée de la spéculation immobilière.

Rejetées encore les aides aux autorités organisatrices de mobilité, partout en France, alors que d’autres pays européens s’y engouffrent. Comment peut-on consacrer des milliards d’euros pour faciliter les déplacements automobiles et, simultanément, refuser des aides pour améliorer les transports en commun ? Monsieur le ministre, la TVA à 5, 5 % sera-t-elle maintenue ?

Nous avons défendu l’augmentation du versement mobilité, demandée par Valérie Pécresse, mais refusée par la majorité sénatoriale. La désorganisation des transports va coûter cher. Elle coûtera cher à la planète, cher aux usagers, mais aussi aux entreprises, car les salariés ne pourront pas assurer leurs horaires de travail avec un système désorganisé.

Le Gouvernement a fait la sourde oreille durant tous nos débats. Faire payer 90 euros aux usagers d’Île-de-France, alors que les conditions de transport sont épouvantables et se dégradent, c’est inacceptable.

Dans le champ culturel, l’avenir de l’audiovisuel public reste incertain et les menaces que, au nom de la sécurité des jeux Olympiques, vous faites peser sur la saison 2024 inquiètent un secteur culturel déjà fortement fragilisé malgré un effort budgétaire réel.

Nous craignons la baisse des budgets locaux pour la culture, alors qu’ils réalisent 9, 8 milliards d’euros d’investissement, soit les trois quarts de l’investissement public.

Si les collectivités territoriales se retrouvent face à ce choix, ce n’est pas de gaieté de cœur. Ce projet de loi de finances pourrait, grâce à des amendements sénatoriaux, préserver leur capacité d’action, avec l’indexation de la DGF sur l’inflation et un bouclier énergie simplifié et étendu. Monsieur le ministre, respecterez-vous cela ?

Avec l’article 40 quater, vous avez décidé de passer au-dessus de tous les votes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Cela témoigne d’une défiance à l’encontre des collectivités et du Parlement. Les collectivités ont besoin de confiance, pas de contrats.

Enfin, en matière environnementale, nous sommes loin du compte. Il aurait été possible de faire, au fond, le même effort que celui que vous fîtes pour le bouclier carburant, ou mieux encore, celui que vous avez fourni face au covid-19, car la crise est d’une ampleur similaire.

Au lendemain de la COP27 et à la veille de la COP15 sur la biodiversité, la continuité budgétaire à peine améliorée est un contresens historique. Le report d’une véritable rénovation thermique pénalisera de nombreux foyers, portera atteinte à nos objectifs en matière d’émissions de CO2 et fragilisera notre balance commerciale par la dépendance aux fossiles.

La défense des écosystèmes, de la biodiversité et de la forêt, la préservation de la ressource en eau, l’adaptation de notre agriculture vers l’agroécologie doivent être érigées en grandes causes nationales. C’est une nécessité pour nous, pour nos enfants et pour nos petits-enfants.

Enfin, ce budget est rendu insincère par le choix de la majorité sénatoriale de supprimer des missions entières : plus d’aides personnelles au logement (APL), plus de passeports et de cartes d’identité, plus d’aides aux agriculteurs, plus d’hébergements d’urgence, plus de politique migratoire… Pour afficher une baisse de la dépense publique, vous laisserez donc le Gouvernement décider seul.

Pour notre part, nous ne voterons pas ce budget, qui privilégie les baisses d’impôt aux urgences sociales et écologiques. En outre, monsieur le ministre, toutes vos interventions n’ont fait qu’annoncer votre décision de le « 49.3iser » dès la semaine prochaine.

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