Séance en hémicycle du 6 décembre 2022 à 14h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Lors du scrutin n° 93, sur les amendements identiques tendant à supprimer l’article 40 quater du projet de loi de finances pour 2023, MM. Alain Marc, Franck Menonville et Pierre-Jean Verzelen souhaitaient voter pour, et les autres sénateurs du groupe Les Indépendants – République et Territoires souhaitaient s’abstenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Acte vous est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin concerné.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote du projet de loi de finances pour 2023, considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution (projet n° 114, rapport général n° 115, avis n° 116 à 121).

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Avant de passer au vote sur l’ensemble du texte, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits par les groupes pour expliquer leur vote, conformément aux règles fixées par la conférence des présidents.

La parole est à M. Rémi Féraud, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, malgré des heures de débats, y compris, cette année, sur la seconde partie du budget – dans cet hémicycle, aucun 49.3 ne les aura interrompus –, la discussion en séance publique du projet de loi de finances pour 2023 ne nous aura pas rassurés pour autant.

Nous ne sommes pas rassurés, tout d’abord, car les hypothèses de ce budget sont irréalistes : personne, pas même le Président de la République désormais – si j’en crois ses propos – ne croit en effet à l’hypothèse d’une croissance de 1 % pour l’an prochain.

Nous ne sommes pas rassurés, ensuite, car l’inflation, qui risque de persister et de s’établir au-delà des prévisions du Gouvernement, a des conséquences immédiates sur la vie de nos concitoyens, en particulier des plus précaires, qui les subissent de plein fouet.

Nous ne sommes pas rassurés, enfin, d’apprendre dans la presse que sans remettre en cause les baisses fiscales prévues, les discussions entre le Gouvernement et Les Républicains sur la loi de programmation des finances publiques pourraient déboucher sur un coup de rabot supplémentaire porté aux politiques publiques.

Dès la première année du quinquennat, le Gouvernement nous propose donc un nouveau budget injuste, traduisant, une fois encore, sa volonté de concentrer les baisses d’impôts sur les entreprises et les Français les plus fortunés. C’est un choix que partage la majorité sénatoriale, et que nous ne sommes malheureusement pas parvenus à contrebalancer.

Vous persistez dans la même trajectoire, monsieur le ministre : réduire les ressources de l’État et contraindre ses dépenses. Votre politique de l’offre est un échec, mais vous la reconduisez coûte que coûte, et vous continuez à dévaloriser les revenus du travail par rapport aux revenus du capital.

Telle est la réalité de la politique fiscale qui est menée. Telle est la vision de la valeur travail portée par le Gouvernement.

Nous n’avons pas été assez nombreux pour que le Sénat adopte une véritable taxe sur les superprofits de toutes les grandes entreprises ou sur la distribution des superdividendes.

La gauche – je tiens à le saluer – n’a pourtant pas été seule à défendre un peu plus de justice et de redistribution.

Si le Sénat n’a pas rétabli un peu de justice dans ce budget, nos travaux n’ont pas été inutiles pour autant. Nous avons en effet obtenu des avancées pour les collectivités territoriales.

Alors que les finances des collectivités sont mises à mal par l’inflation et menacées par l’explosion des coûts de l’énergie, nous avons obtenu que l’indexation pour 2023 de la dotation globale de fonctionnement (DGF) sur l’inflation et l’élargissement du filet de sécurité soient votés par le Sénat.

Nous avons également adopté la baisse du taux de TVA à 5, 5 % sur les transports publics. Voilà une baisse de taux de TVA indispensable en cette période !

Nous avons, en outre, annulé la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la fameuse CVAE. À la suite du président de la commission des finances Claude Raynal, je rappelle au Gouvernement qu’il revient au Parlement de voter l’impôt. Or – il faut le noter – ni l’Assemblée nationale ni le Sénat ne se seront prononcés pour la suppression de la CVAE.

Enfin, malgré le rejet de ce dispositif par l’Assemblée nationale puis par le Sénat lors de la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques, le Gouvernement avait réintroduit dans ce projet de loi de finances l’encadrement des dépenses de fonctionnement des collectivités par de bien mal nommés « pactes de confiance » assortis de sanctions. Hier soir, à une large majorité, notre assemblée a de nouveau supprimé ce mécanisme coercitif.

La question est aujourd’hui posée au Gouvernement, monsieur le ministre : que restera-t-il de nos votes en faveur des collectivités dans le budget final ? Avec ou sans le rouleau compresseur du 49.3, êtes-vous prêt à écouter le Sénat lorsqu’il porte la voix des territoires au-delà des clivages partisans ?

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Si le volet « recettes » n’est pas satisfaisant, le volet « dépenses » ne l’est pas davantage.

Des efforts sont certes engagés dans le domaine régalien – nous l’avons d’ailleurs reconnu –, mais serez-vous en mesure de les tenir dans la durée ?

Sinon, nous sommes très loin du compte, compte tenu des besoins du pays en matière sociale, dans le domaine éducatif ou encore pour la transition écologique.

Est-ce que ce budget est à même de relancer la construction de logements ? À l’évidence, non !

Est-ce que ce budget répond aux difficultés immenses de l’éducation nationale ? Si peu !

Est-ce que ce budget est à la hauteur de la crise écologique dont l’été 2022 aura été l’ultime révélateur ? Quels que soient les discours, nous en sommes loin !

Est-ce que ce budget permet de faire face à l’explosion des prix de l’énergie ?

Non ! sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Est-ce que ce budget permet de résoudre les difficultés du ferroviaire et le risque d’effondrement des transports publics en Île-de-France ? §Non, et nos débats auront montré que le Gouvernement et les amis politiques de Mme Pécresse se renvoient la balle sur le dos des usagers.

Je pourrais continuer sur tant de sujets si j’en avais le temps, …

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

… mais je ne veux pas omettre celui de l’aide médicale d’État, à laquelle s’est attaquée la majorité sénatoriale, y voyant un outil de lutte contre l’immigration, quand elle ne devrait être considérée que pour ce qu’elle est : un outil de santé publique indispensable, qui protège toute notre société.

Debut de section - PermalienPhoto de Rémi Féraud

Par notre vote, nous refuserons donc le dogme du « moins d’impôts » qui bénéficie presque toujours aux mêmes, c’est-à-dire aux entreprises et aux plus riches. Ce dogme contraint le Gouvernement à reporter la charge sur l’ensemble des Français et à renoncer à des politiques essentielles.

C’est ainsi, monsieur le ministre, que par la réforme de l’assurance chômage, vous préférez taxer les chômeurs plutôt que les superprofits, avant d’engager une réforme des retraites dont le but avoué est purement comptable.

C’est ainsi que nos grands services publics continuent à se dégrader – tous nos débats l’attestent : l’hôpital, l’école, les transports publics, et de manière générale le maillage territorial de l’État.

Le vote du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain sera bien sûr négatif, mais nous gardons espoir que sur certains points précis, en particulier pour les collectivités locales, nos travaux, nos débats et nos votes aient été utiles. C’est désormais la responsabilité du Gouvernement et de sa majorité relative.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Éric Bocquet, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne doute pas que la citation qui suit vous fera plaisir : « Je ferai en sorte qu’à l’avenir, il soit interdit de financer les dépenses de tous les jours par de la dette. » Ces mots, de Nicolas Sarkozy, figuraient dans son projet présidentiel de 2007.

Comment ne pas regarder avec ironie ce budget qui emporte un déficit public de 4, 9 %, soit près de 160 milliards d’euros – excusez du peu –, à la suite du vote de la première partie ? En 2023, le besoin d’endettement s’élèvera en conséquence à 270 milliards d’euros.

À l’heure du retour du principe de souveraineté dans le cadre idéologique de l’exécutif, la dépendance aux marchés financiers demeure, plus que jamais.

La révision constitutionnelle a tendu à sacraliser les lois de programmation des finances publiques, ce qui, sans aller jusqu’à une règle d’or intangible, a contribué à réduire le champ d’expression du Parlement.

Les règles de recevabilité financière, qui corsètent le droit d’initiative des parlementaires, ont une nouvelle fois miné l’examen de ce texte.

Lors de l’examen des dépenses, la responsabilité des parlementaires est à chaque moment engagée. Notre irresponsabilité se manifeste par l’impossibilité de proposer une dépense sans piller les crédits d’une autre politique publique. Il ne fait décidément pas bon être progressiste sous la Ve République…

Le calendrier contraint a emporté des situations qui pourraient être qualifiées d’ubuesques si elles n’étaient pas si graves, conduisant par exemple, lors de l’examen de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » les sénateurs de toutes les travées à retirer l’intégralité de leurs amendements. Pressez-vous mes chers collègues, le huitième 49.3 doit d’intervenir au plus vite !

La démocratie parlementaire est abîmée, meurtrie par le peu d’égard manifesté pour nos débats.

En matière de taxation du capital, le projet de budget sort du Sénat comme il est arrivé. Le Gouvernement et la majorité sénatoriale se sont rejoints pour refuser ensemble une nouvelle modalité d’imposition des multinationales fondée sur le chiffre d’affaires afin de lutter contre l’évasion fiscale, mais aussi le rétablissement d’une véritable exit tax pour lutter contre l’évasion fiscale, la taxation des superprofits, indispensable mesure de justice fiscale, la hausse de la taxe sur les transactions financières, ainsi que l’accroissement des taxations des dividendes versés et reçus.

Il s’agit non pas seulement d’un refus d’impôts supplémentaires, mais d’une union sacrée contre l’imposition du capital, d’un front commun contre la justice fiscale la plus élémentaire.

La France est une anomalie européenne dans un contexte d’augmentation des prix de l’énergie et de l’alimentation qui affecte nos concitoyens et concitoyennes, nos entreprises et nos collectivités.

Pourtant, le 28 juillet 2022, lorsque la présidente de notre groupe Éliane Assassi interrogeait la Première ministre sur le double langage du Gouvernement en matière de taxation des superprofits, à Matignon on soufflait de l’air chaud, tandis qu’à Bercy on expirait de l’air glacial, dans un « en même temps » dont le Gouvernement a le secret. Et Mme Borne de conclure : « Madame la présidente, nous serons attentifs à ce que chacun prenne ses responsabilités, et nous serons prêts à agir, s’il le faut, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023. »

Apparemment, il ne l’a pas fallu… Après une soixantaine d’heures de débats sur la première partie du projet de loi de finances, nous avons compris que le Gouvernement refusait d’envisager toute taxation supplémentaire sur le capital.

Il n’y a pas de versements indus de dividendes : 44, 3 milliards d’euros pour le seul deuxième trimestre, ce n’est pas un record !

Il n’y a pas d’inflation différenciée selon que l’on est aisé ou pas, il faut donc rehausser toutes les tranches du barème de l’impôt sur le revenu.

Pour le Gouvernement, il n’y a pas eu de superprofits indus – il est même allé jusqu’à laisser entendre que l’armateur CMA CGM connaissait une période de difficultés après des profits records.

Il n’y a pas de superprofits, à part pour quelques producteurs d’énergie, et les profits réalisés par Total sur son activité pétrolière ne concernent que ses raffineries.

Il ne faudrait pas croire, comme on l’entend, que les versements de dividendes sont la conséquence d’une reprise de l’activité économique. Pas du tout ! Ils découlent de politiques fiscales accommodantes, favorables et incitatives, décidées lors du précédent quinquennat.

À titre d’exemple, en 2018, l’année suivant la mise en place du prélèvement forfaitaire unique, la fameuse flat tax, les dividendes éligibles ont augmenté de 61 %, pour atteindre un montant de 23, 2 milliards d’euros. Jusqu’en 2020, leur niveau avait toujours été stable, signe que la crise sanitaire n’a pas enrayé la distribution de dividendes.

Sans surprise – en tout cas pour nous –, la part des superdividendes supérieurs à 1 million d’euros a elle aussi explosé pour s’établir à 24 % des dividendes versés, contre seulement 10 % en 2017.

Pour rappel, 1 million d’euros, c’est 90 334 heures de travail au Smic horaire brut, soit 2 580 semaines ou encore cinquante ans de labeur.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, ce budget pour 2023 est un budget pour rien : si peu pour nos compatriotes, rien pour l’avenir…

Après avoir refusé les propositions de recettes, il a fallu toute l’inventivité de la majorité sénatoriale et du Gouvernement pour expliquer que nos concitoyennes et nos concitoyens allaient voir leur facture d’électricité exploser cette année de 15 %, après une augmentation de 4 % l’année dernière et une envolée de 50 % sur les dix dernières années.

Les Français payaient, avant la guerre en Ukraine, les décisions coupables d’ouverture au marché de l’énergie et les sous-investissements chroniques dans l’énergie nucléaire. Le bouclier énergie n’y peut rien, même à 45 milliards d’euros ! Avec des recettes supplémentaires, nous aurions pourtant pu faire autrement, mes chers collègues.

Je dirai un mot, enfin, sur les collectivités territoriales. Le contexte est tel que les élus ne se mettent même plus en colère : ils se sentent condamnés à subir. Ils bataillent dans leur coin, ne se révoltent pas, mais font beaucoup, discrètement, au quotidien.

Ils attendaient une rallonge du petit filet de sécurité, indiscutablement imparfait, pour 2022. Même amélioré par le Sénat, ce dispositif reste insuffisant.

La seule proposition qui vaille pour répondre à la préoccupation des élus locaux partout dans tous les territoires est le retour aux tarifs réglementés de l’électricité et du gaz pour toutes les collectivités. Cette proposition de notre groupe sera débattue ici même, au Sénat, dès demain.

Qu’adviendra-t-il du texte issu de nos travaux ?

Le Sénat s’est déjà dédit en faisant voter la suppression d’amendements adoptés, s’appliquant à lui-même une forme de 49.3 interne.

Sans grande illusion – nous l’avions indiqué dès le début de l’examen de ce budget –, un huitième 49.3 s’abattra sur l’Assemblée nationale.

Tout en feignant le dialogue, le Gouvernement aura les coudées franches pour retenir les seuls amendements auxquels il accorde ses préférences.

Je tiens toutefois à indiquer que s’il revenait sur le maintien de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la CVAE, cela constituerait à nos yeux un casus belli.

Le Gouvernement s’adonne à un jeu de dupes auquel le Sénat a malheureusement accepté de jouer. Nous le regrettons, et nous voterons contre ce budget.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE, ainsi que sur des travées des groupes GEST et SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Bernard Delcros, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout au long de l’examen de ce projet de loi de finances pour 2023, le groupe Union Centriste a eu à cœur de suivre une ligne qui nous semble claire et cohérente, guidée par deux constantes.

La première de ces constantes est le souci de contenir notre déficit et notre endettement, non seulement en limitant autant que possible les dépenses de l’État, mais aussi en agissant sur le levier des recettes. Nous sommes en effet convaincus que nous ne réussirons pas à redresser nos comptes publics sans accroître nos recettes.

Mme Françoise Gatel applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

La seconde constante est la recherche, non pas de l’égalité de traitement, mais de l’équité fiscale, sociale et territoriale.

C’est au regard de cette ligne que nous avons défendu, au travers d’un amendement soutenu par notre collègue Sylvie Vermeillet, l’instauration d’une contribution exceptionnelle de solidarité sur les superprofits pour toutes les entreprises, c’est-à-dire au-delà du seul secteur de l’énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Cette mesure aurait permis de compenser pour partie les dépenses exceptionnelles prévues dans ce budget – que nous soutenons par ailleurs – afin de protéger les Français, les entreprises et les collectivités face à la hausse des prix, notamment de l’énergie.

À un moment où l’on demande beaucoup aux Français, comment leur expliquer que les plus grandes entreprises qui enregistrent des profits records, parfois en raison de la crise actuelle, ne contribuent pas davantage à la solidarité nationale ? À dépenses exceptionnelles, mesures exceptionnelles !

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

C’est aussi pour ne pas priver l’État de 4 milliards d’euros de recettes cette année et de 8 milliards d’euros l’année prochaine que nous avons défendu le report de la suppression de la CVAE. §Cette suppression ne nous paraît pas opportune au moment où tant de dépenses sont nécessaires pour faire face à la crise, et alors que les données macroéconomiques qui sous-tendent ce budget paraissent fragiles au regard des incertitudes qui pèsent sur le contexte européen et mondial.

En ce qui concerne par ailleurs la suppression de plusieurs niches fiscales – un sujet cher à notre collègue Michel Canévet –, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

… nous nous réjouissons que le Sénat nous ait suivis, car ces suppressions répondent à un double objectif d’efficacité budgétaire et de justice fiscale.

Parmi celles-ci, je citerai la suppression d’une niche implicite sur la transmission du patrimoine des plus fortunés qui contournent l’impôt sur le revenu en exploitant une faille du dispositif nouveau des plans d’épargne retraite (PER), une anomalie qui coûterait plusieurs milliards d’euros à l’État, selon certaines estimations.

Plusieurs mesures, souvent de justice fiscale, adoptées par le Sénat en première partie de ce projet de loi de finances, ont ainsi permis de réduire notre déficit de 6, 9 milliards d’euros, et sans doute au-delà, car un certain nombre de mesures n’ont pu être chiffrées par vos services, monsieur le ministre.

Sur le volet budgétaire, le projet de loi de finances pour 2023 reconduit la stratégie de hausse des budgets de plusieurs ministères régaliens : la justice, la santé, l’enseignement, la sécurité, la défense. Nous considérons que ces hausses sont nécessaires pour permettre à ces ministères de mener à bien leurs missions essentielles pour le pays.

J’en viens aux collectivités locales.

En ce qui concerne la DGF, notre groupe n’était pas favorable à une réponse uniforme pour toutes les collectivités. Nous savons bien, en effet, que des moyennes parfois flatteuses cachent de fortes disparités. Aussi, pour tenir compte de cette réalité et par souci d’équité, nous avons soutenu une augmentation de la DGF ciblant les collectivités les plus fragiles.

Nous avons eu un long débat sur la réforme des critères de répartition de la dotation de solidarité rurale (DSR), lors duquel des voix se sont élevées sur toutes les travées, demandant que le critère de la longueur de voirie communale soit maintenu, car sa suppression pénaliserait les plus petites communes. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre, pour entendre cet appel unanime du Sénat.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Delcros

Le Sénat a par ailleurs renforcé les moyens consacrés à la dotation aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales afin d’assurer une meilleure reconnaissance de l’apport de la ruralité à la préservation de notre environnement. C’est un message positif adressé aux maires des campagnes de France. Nous souhaitons vivement que le Gouvernement conserve cette belle avancée dans le texte final.

En matière d’investissements, le nouveau fonds vert, dont la gestion sera confiée au préfet de département – ce que nous soutenons –, sera doté de 2 milliards d’euros. Il complétera utilement la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) et la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) pour soutenir les investissements des collectivités locales.

Enfin, le Sénat a adopté la réintégration des dépenses d’aménagement de terrains dans l’éligibilité au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA), mesure – vous le savez, monsieur le ministre – très attendue par les élus locaux.

Je souhaite pour terminer évoquer les mesures visant à protéger les collectivités, les ménages et les entreprises face à l’explosion des coûts de l’énergie.

Nous soutenons le plafonnement de la hausse des tarifs réglementés en faveur des ménages et des petites collectivités, ainsi que l’amortisseur électricité en faveur des collectivités et des entreprises. Ce dernier dispositif nous semble bien ciblé et mieux calibré à 180 euros plutôt qu’à 325 euros le mégawattheure comme cela était prévu initialement. Je salue cette avancée.

Mon groupe a également soutenu l’amendement du Gouvernement voté par le Sénat vendredi visant à élargir l’éligibilité au bouclier tarifaire gaz et électricité, notamment en faveur des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) et des résidences autonomie.

Le Sénat a enfin revu les critères d’éligibilité au filet de sécurité visant à compenser la hausse des dépenses d’énergie pour les collectivités, afin de le rendre plus simple et plus efficace. Il nous semble important que le Gouvernement conserve un dispositif simplifié et suffisamment ouvert.

Monsieur le ministre, au terme de ces semaines de débats, notre groupe tient à vous remercier de votre présence continue, de votre écoute et de la facilité de nos échanges, même si nous aurions parfois souhaité que vous fassiez preuve de plus d’ouverture concernant les propositions du Sénat.

Le groupe Union Centriste votera à la quasi-unanimité le projet de budget issu des travaux du Sénat.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – M. le rapporteur général applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de finances est très inquiétant pour l’avenir, car la politique suivie actuellement est une fuite en avant.

En matière budgétaire, elle nous conduit dans le mur, si bien que nous risquons de nous retrouver dans la situation de la Grèce.

Une réflexion d’ensemble est nécessaire, en particulier au regard des conséquences de la politique du « quoi qu’il en coûte » et des séquelles qu’emporte pour la France le blocus économique imposé contre la Russie.

La politique du « quoi qu’il en coûte », tout d’abord, conduit à un endettement massif en faisant croire qu’on peut toujours continuer à dépenser sans se soucier des conséquences pour l’avenir. Cependant, il n’y a pas d’argent magique.

Or, depuis le président Sarkozy inclus, tous nos dirigeants se comportent comme la cigale de la fable de La Fontaine. Dès lors, il ne faut pas s’étonner que notre situation financière soit beaucoup plus dégradée que celle de l’Allemagne. Il est temps de dire à nos concitoyens la vérité à ce sujet.

La guerre en Ukraine ensuite, ou plutôt la décision cautionnée par la France d’organiser un blocus économique contre la Russie, est une autre source de difficultés.

Ce blocus économique a en effet des conséquences très graves pour notre économie, probablement plus graves pour nous que pour la Russie. C’est un comble !

Ce matin, sur une grande radio nationale, deux économistes ont ainsi confirmé que le seul boycott du gaz et du pétrole russes – sans compter les autres sanctions – est à l’origine de plus de 50 % de l’inflation.

Nos concitoyens, qui sont victimes d’une hausse galopante des prix, doivent être informés et conscients de cette réalité.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, telles sont les raisons pour lesquelles je voterai contre ce projet de budget pour 2023.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après l’examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2023, sensiblement allongé par la réforme de la loi organique relative aux lois de finances, mais aussi par la croissance continue, d’année en année, du nombre d’amendements, nous avons achevé hier soir, ou plutôt ce matin, puisqu’il était une heure trente, la discussion de la seconde partie.

Comme je l’ai indiqué lors de la discussion générale, le 17 novembre dernier, le Sénat a délibéré.

Si cette délibération a parfois été contrainte par les nouvelles règles d’examen des missions selon un temps programmé, ces règles, sur l’invitation du président de la commission des finances, ont dans l’ensemble été bien respectées par notre assemblée.

Que subsistera-t-il des nombreuses modifications adoptées lors de cette première lecture, alors que la réunion de la commission mixte paritaire a été avancée à ce soir et que selon toute probabilité, le 49.3 sera de nouveau utilisé à l’Assemblée nationale ?

Nous suivrons cela de près tant la situation actuelle est inédite.

Le Sénat et l’Assemblée nationale ont su trouver un terrain d’entente dans le cadre des deux lois de finances rectificatives adoptées cette année, évitant ainsi de nouvelles lectures. Ne pourrait-il en être ainsi pour le projet de loi de finances pour 2023 ? J’en appelle à la modération de chacun, afin de préserver la crédibilité, à terme, de nos institutions.

Les amendements proposés par le Gouvernement et adoptés par le Sénat ont de fortes chances de perdurer : suppression de la condition d’âge de décès d’un époux ancien combattant pour la demi-part de sa veuve, modalités d’indexation de la déduction pour épargne de précaution, ajustements de la contribution exceptionnelle sur les bénéfices des énergéticiens, ainsi qu’un certain nombre d’ouvertures de crédits dans les domaines de la sécurité civile – lutte contre les incendies –, de la justice judiciaire, de l’alimentation des étudiants, de l’enseignement agricole – revalorisation des salaires de l’action sanitaire et sociale – et, surtout, abondement des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » à hauteur de 6 milliards d’euros afin d’élargir le bouclier tarifaire à l’habitat collectif et de réévaluer les charges du service public de l’énergie.

Le rejet par la majorité sénatoriale de quatre missions, en particulier les missions « Cohésion des territoires » et « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », n’est pas très surprenant – cela arrive tous les ans –, mais il nous conduit à voter un budget amputé de nombreux crédits, même si la question des missions de l’État dans certains domaines peut légitimement se poser. C’est d’autant plus vrai au vu du déficit massif que nous nous apprêtons encore à valider en 2023.

Ce déficit pourrait en outre être aggravé par des imprévus liés à la situation internationale. Les prévisions de croissance du Gouvernement restent crédibles, bien que, dans ce domaine, celles-ci s’apparentent souvent à des prévisions météorologiques.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

La réforme phare de la première partie du projet de loi de finances était la suppression, en deux ans, de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, la fameuse CVAE. La majorité sénatoriale a tenté une solution médiane, préservant à la fois la compétitivité des entreprises et les finances des collectivités, avec un coût budgétaire non négligeable pour l’État, mais la CVAE a survécu, du moins au Sénat.

Ces dernières années, les réformes de la fiscalité ont été marquées par un recours de plus en plus fréquent et diversifié aux recettes de TVA : d’abord, pour le financement des régions, bientôt, pour celui des départements, aujourd’hui, de façon massive, en faveur de la sécurité sociale. En période d’inflation des prix à la consommation, cette évolution n’est pas défavorable aux finances publiques, même si le consommateur en paye concrètement la facture.

Le rapport de la Cour des comptes de cet automne sur la situation des finances locales était éclairant au regard des comparaisons internationales. Les finances des collectivités territoriales ne représentent en France qu’environ 20 % de la dépense publique, loin derrière les dépenses de la sécurité sociale et celles de l’État. C’est bien inférieur à la moyenne européenne, où les dépenses des collectivités locales représentent en moyenne 40 % de la dépense publique. Il est vrai que le niveau global de la dépense publique en France reste l’un des plus élevés de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

En 2023, toutes les missions de l’État ou presque verront leur budget augmenter. C’est l’effet, d’une part, de l’inflation, d’autre part, de la volonté du Gouvernement d’assurer un certain nombre de missions essentielles. C’est aussi la conséquence du grand retour du « service » de la dette lié à la remontée des taux d’emprunt, auquel l’on consacrera plus de 50 milliards d’euros l’an prochain…

Mon groupe se félicite de l’adoption de certaines de ses propositions : l’exonération de la taxe malus sur les véhicules pour les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), l’indexation de la DGF sur l’inflation, la suppression du critère de potentiel financier pour la dotation particulière « élu local » (DPEL) et, dans la seconde partie du projet de loi de finances, le financement des charges de débroussaillement pour les communes à fort linéaire, la majoration de la dotation biodiversité à hauteur de 4 millions d’euros, ou encore la réintégration du critère de voirie pour le calcul de la DSR.

Nous regrettons malgré tout que de nombreuses autres propositions n’aient pas rencontré le même succès, en particulier dans les secteurs du développement local et durable, et du médico-social, ou dans le secteur patrimonial et culturel.

Sur la taxe d’aménagement, la suppression de la réforme de la répartition au sein du bloc communal, votée l’an dernier, nous paraît préférable, dans la mesure où la répartition des charges d’aménagement varie beaucoup en fonction de chaque territoire.

La répartition du produit de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l’Ifer, reste un sujet complexe qui mériterait davantage de débats. Il faut en tout cas veiller à ce que celle-ci reste incitative pour les acteurs locaux afin de favoriser l’acceptation et l’implantation de parcs éoliens ou solaires.

Une nouveauté de ce projet de loi de finances pour 2023 est la possibilité d’amender les indicateurs de performance et plus largement les plafonds d’emplois de l’État et de ses opérateurs. Nous verrons s’il s’agit bien d’un levier d’amélioration de l’action publique ou d’un gadget de plus.

En conclusion, après ces différentes remarques et au vu des nombreux points évoqués, les élus du groupe du RDSE voteront majoritairement pour l’adoption de ce projet de loi de finances pour 2023, à l’exception néanmoins de quelques abstentions, diversité et liberté de vote obligent.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jérôme Bascher, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà le premier projet de loi de finances que nous examinons dans le cadre de la nouvelle loi organique sur les lois de finances (Lolf), dont le président de la commission des finances, Claude Raynal, s’est attaché à bien faire respecter les modalités. Rien que pour cela et parce qu’il nous a permis de tenir les délais dans ce nouveau temps contraint, il faut le remercier.

Je remercie aussi M. le rapporteur général, ainsi que vous, monsieur le ministre, car vous nous avez offert, par votre présence, la possibilité d’un dialogue et d’une contribution. Vous aurez compris en creux de qui nous notons l’absence !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

Ce budget, c’est celui de la volatilité, de la variabilité, de l’instabilité et de l’inflation.

D’ailleurs, la variabilité vaut y compris pour les avis du Gouvernement ! Prenons l’article 40 quater, que nous examinions hier encore : monsieur le ministre, vous avez maintenu la disposition concernant les nouveaux contrats de Cahors – à moins que ce ne soit les anciens ou bien ceux de Lourdes, car tous les termes sont apparus. Ce qui est certain, pourtant, c’est que Mme la Première ministre avait soutenu le contraire devant l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) et nous étions nombreux aux côtés de nos élus locaux.

Ces avis fluctuants ne facilitent pas le débat, à un moment où nous aurions besoin d’un cap de politique économique, voire d’un cap politique tout court.

Monsieur le ministre, il y a eu aussi de l’inflation, notamment dans les amendements : mes chers collègues, nous sommes passés en dix ans de 500 à 3 000 amendements sur ce dernier projet de loi de finances. Pourquoi pas ? C’est le droit du Parlement et nous l’avons utilisé à plein après que l’Assemblée nationale en a été largement privée.

L’inflation se constate aussi dans le nombre de milliards d’euros en jeu dans les amendements : le Gouvernement a ainsi présenté un amendement à plus de 25 milliards d’euros, qui a fait l’objet d’un sous-amendement à près de 6 milliards d’euros. Nous n’avons jamais vu des mouvements à une telle hauteur dans des amendements. Peut-être faudrait-il retrouver de la mesure en la matière pour bien légiférer sans trop d’instabilité ?

À ce propos, une certaine instabilité s’est manifestée au sujet de l’article d’équilibre, car l’on s’est trompé d’un moins ou d’un plus – il est vrai, là encore, que ce ne sont que des milliards d’euros.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

En effet, le budget que le groupe Les Républicains votera très largement n’est pas complet, nous en avons bien conscience. Monsieur le ministre, c’est aussi la limite de l’article 40 de la Constitution qui ne nous permet pas de reconstruire totalement un budget. Nous le savons, mais nous avons fait des propositions, car on ne peut pas continuer d’avoir un budget en déséquilibre. Sur les 500 milliards d’euros de budget, 156 milliards d’euros concernent le déficit et 270 milliards d’euros sont relatifs aux emprunts de long terme. L’année dernière, la moitié du budget était financée par la dette ; nous sommes dorénavant au-delà de la moitié.

Bien évidemment, on ne peut pas continuer ainsi : vous nous proposez la baisse d’impôt et nous pouvons y adhérer, notamment sur la CVAE, car les élus du groupe Les Républicains sont pour sa suppression, mais pas comme cela !

M. le ministre délégué sourit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

C’est de l’improvisation, tout comme vous avez improvisé sur la suppression de la redevance audiovisuelle : à ce sujet, vous ne nous avez toujours rien proposé pour remplacer cette ressource en 2024. Il en va de même pour la suppression de la CVAE. Votre mécanisme de compensation aux collectivités locales ne convient pas.

Alors, c’est au travail que nous vous appelons et nous vous invitons à privilégier la concertation avant de prendre des mesures à l’emporte-pièce, quand l’enjeu représente des milliards d’euros pour les collectivités territoriales et qu’il y va de la compétitivité de la France.

Monsieur le ministre, nous vous avons fait des propositions, dans la lignée des recommandations du Fonds monétaire international (FMI) et de ce que le Sénat a voté lors de la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027. Nous avons réorienté le budget en diminuant les dépenses. Nous nous y étions engagés lors de l’examen de ce texte et nous avons donc agi en cohérence. Nous parvenons ainsi à réduire le déficit public – je ne parle pas là des missions que nous avons refusées.

Pourquoi avons-nous refusé certaines missions, mes chers collègues ? Il ne s’agit pas d’une toquade ; ces missions concernent des secteurs où ce qui manque, ce sont non pas les crédits, mais la réforme et le courage de la mettre en œuvre.

Absence de réforme sur l’immigration : c’est pour cela que nous avons rejeté les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Notre agriculture est dans une très mauvaise passe, comme de nombreux rapports sénatoriaux d’information l’ont souligné. Nos alertes sont récurrentes et c’est pourquoi, là encore, nous avons refusé les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » : ce n’est pas que nous n’avons pas besoin d’argent pour notre agriculture, pour la moderniser et pour la rendre plus bio et plus écologique, la raison, c’est que vous ne travaillez pas à la moindre réforme, monsieur le ministre.

Pourtant, nous vous avons fait des propositions, dont certaines étaient bienvenues. Je pense à la suggestion de Christine Lavarde, qui visait à éviter 500 millions d’euros de dépenses pour acheter des voitures chinoises et permettait d’améliorer à la fois le déficit public et le déficit commercial, pour un double bénéfice.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jérôme Bascher

Avant de terminer, je souhaite donc appeler votre attention sur quelques points qu’il nous faut retenir.

Bien évidemment, il y a l’augmentation de la dotation globale de fonctionnement et le filet de sécurité tel que le Sénat l’a proposé et qui a reçu l’aval de tous les territoires : l’AMF, l’Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France.

Il y a aussi le mécanisme de contribution de la rente inframarginale des installations électriques, notamment avec des tarifs revalorisés à 145 euros le mégawattheure pour le biogaz. Nous vous avions vivement alerté sur le sujet et les entreprises continuent d’y travailler avec vous, je le sais, et je vous sais attentif sur ce point, monsieur le ministre.

Nous vous avons aussi alerté au sujet de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP). Si nous avons gelé cette taxe, c’est que l’augmenter en période d’inflation risquerait de créer un effet « gilets jaunes » : la crise avait éclaté à la suite de l’augmentation de la taxe carbone et de la hausse des prix du carburant. La logique sera la même pour l’électricité.

Enfin, nous restons très attachés au FCTVA.

Dans les quelques secondes qui me restent, je tiens à mentionner le taux réduit de TVA pour les chevaux !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Emmanuel Capus, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après trois semaines de discussion, de jour comme de nuit, vingt-six débats sur les missions et les comptes spéciaux et plus de 2 500 amendements examinés, nous achevons l’examen du premier budget de ce nouveau quinquennat.

Puisque ces moments sont partagés, je tiens à remercier, au nom du groupe Les Indépendants – République et Territoires, la commission des finances et le Gouvernement de leur engagement. Celui-ci a permis la bonne tenue des débats et a contribué à la qualité de notre travail.

Cela vaut particulièrement pour vous, monsieur le ministre chargé des comptes publics, et pour vous aussi, monsieur le rapporteur général.

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains .

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Je tiens également à remercier le président de la commission des finances

Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Nos débats ont été riches lors de l’examen de la seconde partie, comme ils l’avaient été lors de la discussion de la première partie. Nous avons pu débattre sur des sujets importants pour les collectivités territoriales et pour les élus locaux.

Je pense notamment à la mise en place du fonds vert. Cet outil sera à la disposition des acteurs de terrain. Il permettra de faire avancer la transition écologique par des actes plutôt que par des polémiques. C’est cela, l’écologie du réel ; c’est cela, l’écologie de l’action.

Nous avons également renforcé les dispositifs pour aider les collectivités à faire face à l’inflation. Aujourd’hui, le coût de l’énergie est l’angoisse majeure des élus locaux. S’ils savent pouvoir compter sur l’État, ils attendent désormais des actes.

Je ne reviens pas sur les dispositifs votés en première partie, notamment le filet de sécurité, dont les conditions d’éligibilité ont été supprimées, et l’indexation de la DGF sur l’inflation. Ces mesures répondaient aux inquiétudes des collectivités.

Toutefois, comme je l’ai déjà dit à la fin de la première partie, ces mesures ne sont pas ciblées sur les collectivités qui en ont le plus besoin. C’est pourquoi notre groupe a déposé plusieurs amendements visant à encadrer ces dispositifs, non pas pour pénaliser certaines collectivités, mais bien pour soulager les finances publiques dans leur ensemble.

C’est dans ce même esprit que nous avons abordé l’article 40 quater. Il réintroduisait dans le projet de loi de finances, l’article 23 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, en y instaurant des contrats de confiance, nouvelle version adoucie des contrats de Cahors. §Ces accords visent à maîtriser l’évolution des dépenses locales et à renforcer le crédit de la France. Ce n’est pas rien.

Notre groupe a cependant clairement exprimé, au moment de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques, ses réserves vis-à-vis de mécanismes contraignants. Ces réserves persistent, notamment à cause des sanctions, qui sont trop sévères pour les collectivités.

Toutefois, nous pensons plus opportun d’améliorer les solutions proposées par le Gouvernement, plutôt que de les rejeter en bloc. Aussi avons-nous proposé de conserver le mécanisme de suivi des dépenses, tout en supprimant les pénalités associées.

Nous aurions ainsi préféré que le Sénat puisse aboutir à un mécanisme de contrôle des finances locales sans mesures coercitives, …

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

… car c’est là que le bât blesse.

J’espère que, dans le cadre de la navette parlementaire, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous aboutirons à un accord sur ce sujet, qui concerne à la fois les collectivités et nos finances publiques.

À ce propos, je me réjouis que la Haute Assemblée ait pu réduire le déficit public de 0, 2 point de PIB. Certes, c’est moins que l’objectif que le Sénat s’était fixé lors de l’examen du projet de loi de programmation des finances publiques, mais c’est une avancée probante que notre groupe salue.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

C’est grâce à la mission « Travail et emploi » !

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

D’ailleurs, la réduction du déficit est, formellement, bien supérieure à 0, 2 point de PIB, mais cette hausse est en trompe-l’œil. En effet, le budget sur lequel nous devons nous prononcer est amputé de certaines missions, et non des moindres. Or cette carence brouille le message politique que nous envoyons.

Quel est le message envoyé à nos agriculteurs, qui comptent sur notre soutien, lorsque le Sénat ne vote pas les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Quel est le message envoyé à nos élus locaux, qui comptent aussi sur notre soutien, lorsque le Sénat ne vote pas les crédits de la mission « Cohésion des territoires » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Loïc Hervé

Nous avons voté la mission « Relations avec les collectivités territoriales » !

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

M. Emmanuel Capus. Quel est le message envoyé à tous nos compatriotes, qui souhaitent que notre politique migratoire soit à la fois plus juste et plus ferme, lorsque le Sénat ne vote pas les crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » ?

Protestations sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Rejeter ces missions, c’est convenir qu’il y a un problème. Certes, je l’entends bien, mais cela ne dit rien de la solution souhaitée. Cela dit juste ce que nous ne voulons, pas ce que nous voulons.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

En conséquence, le texte ne nous paraît pas parfaitement équilibré à ce stade. C’est pourquoi…

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

… les élus du groupe INDEP s’abstiendront majoritairement, certains votant néanmoins en faveur du texte.

Pour conclure, je dirai un mot sur les communes nouvelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

Sur l’initiative de notre collègue Françoise Gatel, le Sénat a envoyé un message clair : il faut de toute urgence pallier la baisse de dotations qui menace certaines communes nouvelles. Le dispositif retenu par le Sénat est peut-être à améliorer techniquement, mais j’espère que nous parviendrons à une solution de compromis qui répondra aux attentes des élus locaux. Je pense notamment aux communes de Doué-en-Anjou et de Segré-en-Anjou, dont la situation n’est tout simplement pas tenable.

Debut de section - PermalienPhoto de Emmanuel Capus

M. Emmanuel Capus. Il y a urgence pour elles, mais cela vaut aussi pour les autres communes concernées.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Daniel Breuiller, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Breuiller

M. Daniel Breuiller. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après 2 600 amendements et des dizaines d’heures de débat, je voudrais dire, en particulier à M. le ministre et à M. le rapporteur général : « Merci pour ce moment ! »

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Breuiller

Ce projet de loi de finances procède de choix qui ne nous conviennent pas. D’inspiration libérale, baissant l’impôt des entreprises, refusant toute nouvelle contribution de la part de ceux qui accumulent richesses et dividendes et donnant moins à ceux qui ont peu, il accentuera un peu plus les inégalités et les écarts de revenu sans cesse plus grands dans notre pays.

Selon l’Insee, les mesures sociales et fiscales intervenues en 2020 et 2021 profitent surtout à la moitié la plus aisée de la population : « Elles induisent une augmentation du niveau de vie allant jusqu’à 470 euros annuels en moyenne pour les personnes entre les 7e et 8e déciles, contre 90 euros pour les 50 % les plus modestes. »

L’inflation actuelle accentuera encore cette réalité brutale, car elle pénalise bien plus les catégories modestes et moyennes.

La suppression de la CVAE, privant l’État de 8 milliards d’euros de recettes, en pleine période de crise, serait immanquablement répercutée sur les ménages, via la TVA et l’endettement, et contribuerait ainsi à l’affaiblissement du service public, le bien commun de ceux qui n’ont pas de patrimoine. C’est pourquoi nous nous y sommes opposés.

Dans sa philosophie, notre projet politique, celui de la sobriété, est structuré par la volonté de garantir à tous une qualité de vie et par le fait de demander plus d’efforts à ceux qui accumulent toujours plus – plus de richesse, plus de biens, plus de dividendes –, et, bien sûr, qui polluent également plus.

Si l’immense majorité de nos amendements a été rejetée par la majorité sénatoriale, notre groupe a tout de même tenté d’exposer les termes possibles d’un avenir socialement plus juste, désirable et durable.

Sur la mission « Enseignement scolaire », qui concerne 12 millions d’élèves, nous avons voté la hausse indispensable de 3, 7 milliards d’euros de crédits. Toutefois, la crise est d’une profondeur qui va bien au-delà du simple sujet budgétaire.

Le budget de la mission « Économie » traduit une politique très généreuse d’aides non conditionnées, trop fortement, voire essentiellement, destinées aux grands groupes, et dont l’on ne se sert pas comme d’un outil efficace de la bifurcation écologique, ce à quoi s’essayent les États-Unis.

La hausse des crédits de la mission « Justice », que nous avons approuvée pour indispensable qu’elle est, ne suffira pas à remettre à flot un système à bout de souffle.

Sur le volet de la sécurité civile, notre déception est grande : les moyens ne sont pas à la hauteur, car les conséquences du dérèglement climatique sont et seront chaque année plus graves.

Les crédits de la mission « Santé » ne suffiront pas. L’hôpital public s’effondre, les déserts médicaux s’étendent, nombre de Français renoncent aux soins. La santé mentale est au projet de loi de finances ce que la psychiatrie est à la médecine : un parent pauvre et délaissé. Il faudrait pourtant aider les adolescents, qui sont nombreux à être en souffrance psychique. Leurs souffrances et celles de leurs familles sont si grandes !

Ce projet de loi de finances n’a pas non plus pris suffisamment la mesure de la détresse de nombreux étudiants. Nous avons proposé plus de justice fiscale pour les bourses insuffisantes : cela a été rejeté.

Rejetées aussi toutes les mesures visant à permettre aux jeunes de se loger et de vivre au pays, malgré la démultiplication des Airbnb et des résidences secondaires, et l’envolée de la spéculation immobilière.

Rejetées encore les aides aux autorités organisatrices de mobilité, partout en France, alors que d’autres pays européens s’y engouffrent. Comment peut-on consacrer des milliards d’euros pour faciliter les déplacements automobiles et, simultanément, refuser des aides pour améliorer les transports en commun ? Monsieur le ministre, la TVA à 5, 5 % sera-t-elle maintenue ?

Nous avons défendu l’augmentation du versement mobilité, demandée par Valérie Pécresse, mais refusée par la majorité sénatoriale. La désorganisation des transports va coûter cher. Elle coûtera cher à la planète, cher aux usagers, mais aussi aux entreprises, car les salariés ne pourront pas assurer leurs horaires de travail avec un système désorganisé.

Le Gouvernement a fait la sourde oreille durant tous nos débats. Faire payer 90 euros aux usagers d’Île-de-France, alors que les conditions de transport sont épouvantables et se dégradent, c’est inacceptable.

Dans le champ culturel, l’avenir de l’audiovisuel public reste incertain et les menaces que, au nom de la sécurité des jeux Olympiques, vous faites peser sur la saison 2024 inquiètent un secteur culturel déjà fortement fragilisé malgré un effort budgétaire réel.

Nous craignons la baisse des budgets locaux pour la culture, alors qu’ils réalisent 9, 8 milliards d’euros d’investissement, soit les trois quarts de l’investissement public.

Si les collectivités territoriales se retrouvent face à ce choix, ce n’est pas de gaieté de cœur. Ce projet de loi de finances pourrait, grâce à des amendements sénatoriaux, préserver leur capacité d’action, avec l’indexation de la DGF sur l’inflation et un bouclier énergie simplifié et étendu. Monsieur le ministre, respecterez-vous cela ?

Avec l’article 40 quater, vous avez décidé de passer au-dessus de tous les votes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Cela témoigne d’une défiance à l’encontre des collectivités et du Parlement. Les collectivités ont besoin de confiance, pas de contrats.

Enfin, en matière environnementale, nous sommes loin du compte. Il aurait été possible de faire, au fond, le même effort que celui que vous fîtes pour le bouclier carburant, ou mieux encore, celui que vous avez fourni face au covid-19, car la crise est d’une ampleur similaire.

Au lendemain de la COP27 et à la veille de la COP15 sur la biodiversité, la continuité budgétaire à peine améliorée est un contresens historique. Le report d’une véritable rénovation thermique pénalisera de nombreux foyers, portera atteinte à nos objectifs en matière d’émissions de CO2 et fragilisera notre balance commerciale par la dépendance aux fossiles.

La défense des écosystèmes, de la biodiversité et de la forêt, la préservation de la ressource en eau, l’adaptation de notre agriculture vers l’agroécologie doivent être érigées en grandes causes nationales. C’est une nécessité pour nous, pour nos enfants et pour nos petits-enfants.

Enfin, ce budget est rendu insincère par le choix de la majorité sénatoriale de supprimer des missions entières : plus d’aides personnelles au logement (APL), plus de passeports et de cartes d’identité, plus d’aides aux agriculteurs, plus d’hébergements d’urgence, plus de politique migratoire… Pour afficher une baisse de la dépense publique, vous laisserez donc le Gouvernement décider seul.

Pour notre part, nous ne voterons pas ce budget, qui privilégie les baisses d’impôt aux urgences sociales et écologiques. En outre, monsieur le ministre, toutes vos interventions n’ont fait qu’annoncer votre décision de le « 49.3iser » dès la semaine prochaine.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST et sur des travées des groupes SER et CRCE. – Mme Esther Benbassa applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Didier Rambaud, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Rambaud

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a un an, une motion tendant à opposer la question préalable a été adoptée, excluant ainsi tout débat sur les différentes missions budgétaires du projet de loi de finances pour 2022. Notre assemblée a alors été privée des nocturnes budgétaires hivernales. Certains en sont peut-être nostalgiques vu le nouveau record du nombre d’amendements discutés cette année, que ce soit en première partie avec 1 741 amendements discutés ou en seconde partie.

Mes chers collègues, ce projet de loi de finances pour 2023 a été l’occasion d’adopter des mesures positives pour notre pays, pour les ménages, les services publics et les collectivités territoriales.

Pour commencer, le pouvoir d’achat des ménages a bénéficié de l’indexation du barème de l’impôt sur le revenu qui représente 6, 2 milliards d’euros.

Ce budget est également au service des missions régaliennes, grâce à des efforts considérables en faveur du ministère de la justice, dont le budget est en augmentation de 8 % pour la troisième année consécutive.

Le ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse bénéficie quant à lui de la revalorisation des salaires des enseignants, l’objectif étant que le salaire minimum soit de 2 000 euros net par mois en début de carrière.

Enfin, ce budget montre que le Gouvernement est à l’écoute des collectivités, puisqu’il prévoit l’augmentation en 2023 de la dotation globale de fonctionnement de 320 millions d’euros. Après des années de baisse – 14 milliards d’euros au total, ce dont le maire que j’ai été entre 2001 et 2017 se souvient douloureusement –, puis de stabilisation entre 2017 et 2022, la DGF augmente pour la première fois depuis treize ans : je veux une fois encore le rappeler en cette période si délicate pour les collectivités territoriales.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Rambaud

Cependant, force est de constater que, à l’issue de son examen au Sénat, le projet de loi de finances pour 2023 est dénaturé. C’est la raison pour laquelle le groupe RDPI s’abstiendra sur l’ensemble du texte, comme il s’est abstenu sur la première partie.

En réalité, dès l’examen de cette première partie, les fondations de ce budget pour 2023 étaient méconnaissables. Les amendements adoptés sur l’indexation de la DGF et sur le filet de sécurité y sont pour quelque chose. La suppression ubuesque de la réforme de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises enfonce définitivement le clou.

Vous avez rejeté des amendements de suppression de la réforme de la CVAE, puis improvisé un dégrèvement entre les réunions de commission et l’examen du texte en séance pour ensuite rejeter l’article que vous aviez pourtant modifié et justifier ce report de la mesure à après les sénatoriales !

Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Rambaud

Le Gouvernement vous proposait pourtant, en supprimant la CVAE, une mesure qui bénéficierait à 530 000 entreprises et dont 25 % des gains seraient fléchés vers l’industrie.

Chers collègues, je m’interrogeais déjà sur la cohérence de la majorité sénatoriale ; en cette fin de période automnale, tout en saluant la courtoisie et l’écoute du rapporteur général, je constate que mes demandes sont visiblement restées lettre morte.

Dénaturé sur le fond en première partie, le projet de loi de finances l’est tout autant d’un point de vue budgétaire en seconde partie. Arrêtons-nous un instant sur le bilan de l’examen des missions « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », « Cohésion des territoires », « Immigration, asile et intégration » et « Administration générale et territoriale de l’État », confirmé encore hier soir par celui de la mission « Aide publique au développement » et l’adoption d’un amendement de suppression de 200 millions d’euros.

Les crédits de ces missions pourtant primordiales dans l’ossature budgétaire ont été rejetés, avec pour résultat 33, 7 milliards d’euros d’économies en trompe-l’œil. Si le projet de loi de finances était adopté tel qu’il est issu du Sénat, il n’y aurait plus de financement pour les aides personnelles au logement (APL), pour les maisons France Services ou pour les aides au logement des personnes en difficulté.

Nous sommes tous ici d’accord pour maîtriser la dépense publique, mais mon groupe n’approuve absolument pas les cibles choisies pour réaliser ces économies.

En votant des économies non structurantes, le déficit s’établirait à 3, 7 % du PIB, mais ce chiffre est factice : il reflète tout simplement la suppression sèche de politiques publiques qui sont pourtant essentielles !

Cela étant, je tiens à saluer l’adoption d’un certain nombre d’amendements, issus du groupe RDPI, qui sera positive pour les territoires ultramarins.

Ainsi, Wallis-et-Futuna disposera de 450 millions d’euros supplémentaires pour financer le remplacement des huit générateurs d’hémodialyse. À Mayotte sera prorogée la majoration des seuils de revenus fiscaux de référence, en dessous desquels les contribuables modestes ou âgés peuvent bénéficier des allègements de taxe foncière sur les propriétés bâties.

En Guadeloupe, le taux de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux appliquée aux centrales géothermiques électrogènes, essentiel par exemple pour la commune de Bouillante, sera augmenté.

Des mesures plus générales ne doivent pas être oubliées. Je pense à la prolongation de plusieurs dispositifs de défiscalisation en faveur des collectivités d’outre-mer jusqu’en 2029, à l’augmentation de 4 millions d’euros des crédits dédiés à la lutte contre l’habitat insalubre. Je pense encore au relèvement, de 205 euros à 400 euros, de la franchise de taxation appliquée à l’octroi de mer et à la TVA pour les biens faisant l’objet de petits envois non commerciaux, ce qui constitue, de nouveau, une mesure de soutien au pouvoir d’achat des ménages.

Compte tenu de l’adoption de ces amendements, les sénateurs ultramarins du groupe RDPI voteront en faveur du projet de loi de finances pour 2023. Néanmoins, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous comprendrez qu’une majorité des membres de ce groupe s’abstiendra.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Le Sénat va maintenant procéder au vote sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2023, modifié.

En application de l’article 59 du règlement, le scrutin public ordinaire est de droit.

Conformément à l’article 60 bis du règlement, il va être procédé à un scrutin public à la tribune, dans les conditions fixées par l’article 56 bis du règlement.

J’invite Mme Françoise Férat et M. Joël Guerriau, secrétaires du Sénat, à superviser les opérations de vote.

Je vais tirer au sort la lettre par laquelle commencera l’appel nominal.

Le sort désigne la lettre H.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Le scrutin sera clos après la fin de l’appel nominal.

Le scrutin est ouvert.

Huissiers, veuillez commencer l’appel nominal.

L ’ appel nominal a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Personne ne demande plus à voter ?…

Il ne va donc pas être procédé à un nouvel appel nominal.

Le scrutin est clos.

Mme et M. les secrétaires vont procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 94 :

Le Sénat a adopté.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, voici quelques éléments de statistiques, qui souligneront votre présence sur ces travées : nous venons d’adopter le projet de loi de finances pour 2023 au terme de 160 heures de séance, soit dix heures de plus qu’il y a deux ans. Il s’agit d’une durée record depuis 1995 – ce qui nourrira, mes chers collègues, nos futures méditations dans le cadre de la conférence des présidents –, pendant laquelle a été examiné un nombre également record d’amendements, soit 3 057.

Je tiens à remercier le rapporteur général de la commission des finances, Jean-François Husson, qui, par son travail, sa rigueur et sa vigueur, a éclairé nos débats qui ont porté sur l’ensemble des politiques publiques examinées ces dernières semaines.

Je veux également féliciter le président de la commission des finances, Claude Raynal, qui, en bon capitaine, a eu parfois, et même souvent, à choquer un peu nos voiles, lorsque l’hémicycle était tenté de lofer un peu.

Cela nous a permis, malgré quelques coups de vent, de naviguer dans une sérénité de bon aloi, si je puis dire, et de tenir le calendrier de la discussion budgétaire, tel qu’il est fixé par la Constitution.

Je salue tous les autres membres de l’équipage. Je pense aux 47 rapporteurs spéciaux de la commission des finances, aux 77 rapporteurs pour avis des autres commissions ainsi qu’à leurs présidents, et aux chefs de file des huit groupes politiques.

Enfin, je tiens à remercier particulièrement les vice-présidents de séance, qui ont conduit nos débats tout au long de ces semaines.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je remercie également l’ensemble des personnels des services du Sénat et des groupes politiques, de leur disponibilité et de leur engagement. Permettez-moi de saluer particulièrement les collaborateurs des commissions qui ont été extrêmement présents et qui ont fait face à cette charge de travail.

Nouveaux applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Monsieur le ministre, je vous remercie de votre présence assidue – je ne rappelle pas le nombre d’heures – tout au long de l’examen de ce projet de loi de finances, mais aussi des nécessaires conciliabules menés à l’extérieur de l’hémicycle et qui font partie intégrante de la vie parlementaire.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai toujours plaisir à voir s’achever l’examen du projet de loi de finances et sa mise aux voix par un scrutin public à la tribune. Ce vote dure environ une heure – ce que certains pourraient regretter –, mais cela confère à ce moment une force particulière et j’y suis particulièrement attaché.

Si nous sommes attachés à ce mode de scrutin, certains, je ne dirais pas trichent, mais s’arrangent pour passer en premier. Je ne me permettrai pas de citer le rapporteur général, Jean-François Husson, mais je constate que, pour la troisième année consécutive, c’est la lettre H qui a été tirée au sort.

Rires et applaudissements.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Si je n’y entends pas malice, c’est toutefois assez inattendu. D’un point de vue statistique, les chances de tirer une même lettre trois fois de suite sont assez minces !

Monsieur le président, je vous remercie d’avoir ouvert nos débats et de les conclure. Je remercie également, comme vous venez de le faire, les vice-présidents de séance qui ont présidé à la bonne organisation de nos travaux, ce qui ne fut pas si simple cette année, sans que cela signifie pour autant que cela l’ait été davantage les années précédentes.

Je salue évidemment le rapporteur général, qui a été aux avant-postes durant toute cette période, les rapporteurs spéciaux et les rapporteurs pour avis, ainsi que l’ensemble des services du Sénat, particulièrement ceux de la direction de la séance, qui ont dû quelquefois modifier l’organisation de nos travaux pour que les débats se passent au mieux. Nous devrons sans doute collectivement progresser sur ce dernier point.

À mon tour, je salue le ministre Gabriel Attal, qui a toujours été présent au banc du Gouvernement, ainsi que l’ensemble de son cabinet. Je le remercie de sa disponibilité et de son envie d’expliquer ses positions, ce qui est utile dans nos débats.

Monsieur le président, vous l’avez indiqué, 3 000 amendements ont été examinés.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Raynal

Je rappelle moi aussi, à la suite de Jérôme Bascher que, si nous avons examiné 500 amendements voilà dix ans, puis 1 000 amendements il y a cinq ans, nous en avons discuté 3 000 cette année. Oserais-je dire, n’en jetez plus, la coupe est pleine !

La difficulté est en effet de faire tenir les débats dans le temps fixé par la Constitution, soit une vingtaine de jours. Ce calendrier s’impose à nous et nous obligera, sans doute, dans les mois qui viennent, à réfléchir à l’organisation de nos travaux, afin qu’ils se déroulent de la meilleure façon possible dans ce délai contraint.

Enfin, il aurait été inutile de mener ce travail, pendant trois mois en commission et trois semaines en séance publique, si l’Assemblée nationale et le Gouvernement avaient l’idée de ne pas tenir pleinement compte de cette lecture complète du texte réalisée au Sénat.

Cependant, je n’ai aucun doute à ce sujet et j’en tire les conséquences en vue de l’adoption du texte définitif.

Un peu de travail reste donc encore à accomplir, mais nous y arriverons !

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Husson

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’adresse moi aussi des remerciements à tous les sénateurs, ainsi qu’à l’ensemble des équipes du Sénat présentes aussi bien dans l’hémicycle qu’en coulisses, que ce soit avant ou pendant l’examen du budget, période pendant laquelle – je le confesse volontiers – les nuits très courtes se sont succédé.

S’il ne s’est pas toujours agi d’un long fleuve tranquille, nous avons su, les uns et les autres, faire preuve d’écoute et trouver des modalités d’échanges, que ceux-ci soient brefs ou plus développés selon les sujets.

Je suis rapporteur général de la commission des finances pour la troisième année. Si, l’an dernier, nos travaux ont été plus courts, il s’agit d’une forme de marathon, mais c’est aussi une façon de prendre le pouls de la France au travers des discours de chacun.

Dans le cadre de ma fonction, si je m’efforce toujours de conserver un ton juste, j’essaie d’ajouter un peu de bonne humeur. Même s’il faut faire preuve de sérieux, des moments de respiration sont nécessaires.

Monsieur le ministre, le plus important nous attend : que restera-t-il des travaux du Sénat ?

Il n’a échappé à personne que nous vivons un quinquennat d’un temps nouveau, où la configuration de l’Assemblée nationale rend la situation plus complexe et où la Haute Assemblée vous adresse des messages clairs appuyés sur des positions quasi unanimes sur un certain nombre de sujets.

Ce n’est ni le moment ni l’heure de vous rappeler ce que nous vous proposons de promouvoir et de conserver dans le débat démocratique. En effet, nous devons prendre garde à ce que le Parlement continue d’être écouté et entendu tant par la voix qu’il porte que par les décisions qu’il prend et qu’il confie au Gouvernement.

Notre responsabilité collective est importante. Nous nous préparons à affronter des temps plus difficiles et nous devons être aux côtés des Français pour les aider à les traverser sans crainte particulière, sans amplifier leurs angoisses, mais en nous donnant la main avec les élus locaux et les chefs d’entreprise, afin que, en 2023 et les années suivantes, il fasse encore bon vivre dans notre si beau pays de France.

Debut de section - Permalien
Gabriel Attal

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à mon tour, je veux remercier le président de la commission des finances et le rapporteur général de la commission des finances pour ces nombreuses heures d’examen et pour la qualité du travail que nous avons accompli ensemble.

Je remercie aussi l’ensemble des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis de leurs contributions tout au long de ces semaines.

Jérôme Bascher indiquait qu’il s’agissait du premier projet de loi de finances examiné en application de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances (Lolf). En ce qui me concerne, il s’agissait tout simplement de mon premier projet de loi de finances en tant que ministre délégué chargé des comptes publics, donc du premier examen budgétaire auquel je participais au Sénat.

Pour ma part, j’ai beaucoup apprécié les échanges que nous avons eus. Ceux-ci ont toujours été empreints d’une très grande courtoisie républicaine, d’un très grand respect et d’une très grande écoute mutuelle. Cela fait du bien !

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Gabriel Attal

Nous avons eu de débats approfondis, parfois des divergences marquées. Cela me semble profondément utile.

Vous avez adopté un texte assez sensiblement différent de celui qui vous avait été présenté. Le solde budgétaire s’est amélioré. Cependant, comme l’a souligné Emmanuel Capus, cette évolution est en trompe-l’œil, puisqu’elle est essentiellement due à la suppression de pans entiers de l’action publique, avec le rejet des missions « Cohésion des territoires », « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et « Administration générale et territoriale de l’État ».

Si la navette parlementaire nous permettra évidemment de revenir sur certaines suppressions, je suis profondément convaincu que le texte adopté à son issue conservera la marque du Sénat.

Marques de satisfaction sur les travées du groupe L es R épublicains .

Debut de section - Permalien
Gabriel Attal

En effet, de nombreux amendements ayant trait à nos valeurs et aux effets très concrets et importants sur la vie quotidienne des Français comme sur nos territoires ont été adoptés.

Il est impossible de tous les citer, mais je pense à l’amendement cosigné, me semble-t-il, par des sénateurs représentant l’intégralité des groupes, notamment par M. Rietmann, visant la suppression du malus auto pour les Sdis et pour la protection civile.

Je pense aussi à l’amendement tendant à majorer la dotation biodiversité défendu par Bernard Delcros, à l’amendement relatif à l’habitat insalubre en outre-mer présenté par Georges Patient, à l’amendement ayant trait à la continuité territoriale et au prix des billets d’avion de Mme Jacques ou encore à l’amendement ayant pour objet la suppression des prêts et avances pour l’Iran de M. Cozic, qui est très important dans le contexte que nous connaissons actuellement.

Je pense encore aux amendements de Claude Raynal ayant trait au financement des nouvelles lignes à grande vitesse (LGV), très importantes pour nos territoires et leur cohésion. Je pense enfin aux amendements du rapporteur général sur la lutte contre la fraude fiscale, issus du très bon rapport de la mission d’information relative à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, créée au sein de la commission des finances.

Deux grands sujets ont irrigué nos débats.

Il s’agit, d’une part, de la suppression de la CVAE, que vous avez souhaité supprimer. Je le dis d’emblée, comme je l’avais déjà indiqué après le vote de cette mesure : nous proposerons à l’Assemblée nationale de rétablir la suppression de la CVAE.

Cependant, j’ai retenu de nos échanges que nous pouvions aller plus loin et être plus clairs s’agissant des modalités de compensation de cette suppression en faveur des collectivités territoriales. Croyez bien que nous allons poursuivre ce travail afin d’être plus convaincants.

Il s’agit, d’autre part, du nouveau filet de sécurité, adopté sur l’initiative du rapporteur général et de différents groupes. J’ignore si le filet de sécurité adopté à l’issue de la navette parlementaire sera conforme à celui qui a été voté par le Sénat, mais je sais qu’il sera différent de celui qu’a adopté en première lecture l’Assemblée nationale : davantage de communes seront concernées et elles seront mieux accompagnées. J’ai entendu le message que vous avez adressé en ce sens ici même et nous en tiendrons compte.

Tous ces exemples montrent que nous avons abordé des enjeux très concrets pour la vie des Français et de nos collectivités.

Le rapporteur général l’a souligné : notre pays et le monde entier connaissent des troubles, des inquiétudes, des angoisses.

S’il est un élément profondément rassurant dans ce contexte, c’est la capacité à continuer à se parler, à travailler ensemble, à échanger des arguments, selon la sensibilité et le tempérament de chacun, mais toujours dans l’intérêt des Français.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est l’expérience que j’ai vécue ces dernières semaines avec vous au Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures cinquante, sous la présidence de Mme Pascale Gruny.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Kern

Ma collègue Christine Herzog, sénatrice de la Moselle, souhaite modifier son vote lors du scrutin n° 51 du 15 novembre 2022 portant sur l’ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Elle a été déclarée comme ne prenant pas part au vote, alors qu’elle souhaitait s’abstenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Acte est donné de cette mise au point, mon cher collègue. Elle figurera dans l’analyse politique du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

L’ordre du jour appelle, à la demande de la commission des affaires économiques, les explications de vote et le vote, en deuxième lecture, sur la proposition de loi, modifiée par l’Assemblée nationale, visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée (proposition n° 30, texte de la commission n° 150, rapport n° 149).

La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Je donne lecture du texte élaboré par la commission.

(Conforme)

Le titre VII du livre III du code de l ’ environnement est ainsi modifié :

1° A L ’ intitulé est ainsi rédigé : « Continuités écologiques » ;

1° B Il est inséré un chapitre I er intitulé : « Trame verte et bleue » et comprenant les articles L. 371 -1 à L. 371 -6 ;

1° Il est ajouté un chapitre II ainsi rédigé :

« CHAPITRE II

« Dispositions propres aux clôtures

« Art. L. 372-1. – Les clôtures implantées dans les zones naturelles ou forestières délimitées par le règlement du plan local d ’ urbanisme en application de l ’ article L. 151 -9 du code de l ’ urbanisme ou, à défaut dudit règlement, dans les espaces naturels permettent en tout temps la libre circulation des animaux sauvages. Elles sont posées 30 centimètres au -dessus de la surface du sol, leur hauteur est limitée à 1, 20 mètre et elles ne peuvent ni être vulnérantes ni constituer des pièges pour la faune. Ces clôtures sont en matériaux naturels ou traditionnels définis par le schéma régional d ’ aménagement, de développement durable et d ’ égalité des territoires prévu à l ’ article L. 4251 -1 du code général des collectivités territoriales, par le plan d ’ aménagement et de développement durable de la Corse prévu aux articles L. 4424 -9 à L. 4424 -15 -1 du même code, par le schéma d ’ aménagement régional pour la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion prévu à l ’ article L. 4433 -7 dudit code ou par le schéma directeur de la région d ’ Île -de -France prévu à l ’ article L. 123 -1 du code de l ’ urbanisme. Les clôtures existantes sont mises en conformité avant le 1 er janvier 2027. Tout propriétaire procède à la mise en conformité de ses clôtures dans des conditions qui ne portent pas atteinte à l ’ état sanitaire, aux équilibres écologiques ou aux activités agricoles ou forestières du territoire. Le présent alinéa ne s ’ applique pas aux clôtures réalisées plus de trente ans avant la publication de la loi n° … du … visant à limiter l ’ engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée. Il appartient au propriétaire d ’ apporter par tous moyens la preuve de la date de construction de la clôture, y compris par une attestation administrative. Toute réfection ou rénovation de clôtures construites plus de trente ans avant la promulgation de la loi n° … du … précitée doit être réalisée selon les critères définis au présent article.

« Le premier alinéa du présent article ne s ’ applique pas :

« 1° A Aux clôtures des parcs d ’ entraînement, de concours ou d ’ épreuves de chiens de chasse ;

« 1° B Aux clôtures des élevages équins ;

« 1° Aux clôtures érigées dans un cadre scientifique ;

« 2° Aux clôtures revêtant un caractère historique et patrimonial ;

« 3° Aux domaines nationaux définis à l ’ article L. 621 -34 du code du patrimoine ;

« 4° Aux clôtures posées autour des parcelles sur lesquelles est exercée une activité agricole définie à l ’ article L. 311 -1 du code rural et de la pêche maritime ;

« 5° Aux clôtures nécessaires au déclenchement et à la protection des régénérations forestières ;

« 6° Aux clôtures posées autour des jardins ouverts au public ;

« 7° Aux clôtures nécessaires à la défense nationale, à la sécurité publique ou à tout autre intérêt public.

« L ’ implantation de clôtures dans les espaces naturels et les zones naturelles ou forestières délimitées par le règlement du plan local d ’ urbanisme en application de l ’ article L. 151 -9 du code de l ’ urbanisme est soumise à déclaration.

« Les habitations et les sièges d ’ exploitation d ’ activités agricoles ou forestières situés en milieu naturel peuvent être entourés d ’ une clôture étanche, édifiée à moins de 150 mètres des limites de l ’ habitation ou du siège de l ’ exploitation. » ;

2° et 2° bis (Supprimés)

3° L ’ article L. 371 -3 est ainsi modifié :

a) (Supprimé)

b) Le d du III est complété par les mots : «, notamment par la limitation de l ’ implantation de clôtures dans le milieu naturel » ;

4° (Supprimé)

(Conforme)

L ’ article L. 424 -3 du code de l ’ environnement est ainsi modifié :

1° Le I est ainsi rédigé :

« I. – Les terrains attenant à une habitation et entourés d ’ une clôture continue et constante faisant obstacle à toute communication avec les héritages voisins et empêchant complètement le passage des animaux non domestiques et celui de l ’ homme réalisée plus de trente ans avant la promulgation de la loi n° … du … visant à limiter l ’ engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée font l ’ objet, dans des conditions définies par décret en Conseil d ’ État, d ’ un plan de gestion annuel contrôlé par la fédération départementale des chasseurs et garantissant la prévention de la diffusion des dangers sanitaires entre les animaux non domestiques, les animaux domestiques et l ’ homme ainsi que la préservation de la biodiversité et des continuités écologiques. » ;

2° La première phrase du premier alinéa du II est complétée par les mots : « ou clôturés dans les conditions prévues à l ’ article L. 372 -1 ».

(Conforme)

La section 2 du chapitre IV du titre II du livre IV du code de l ’ environnement est complétée par un article L. 424 -3 -1 ainsi rédigé :

« Art. L. 424-3-1. – I. – Tout propriétaire d ’ un enclos prenant la décision d ’ en supprimer la clôture ou se conformant à l ’ article L. 372 -1 procède à son effacement dans des conditions qui ne portent atteinte ni à l ’ état sanitaire, ni aux équilibres écologiques, ni aux activités agricoles du territoire.

« II. – Dans le cas où une des atteintes mentionnées au I du présent article résulte de l ’ effacement d ’ une clôture, celui -ci est soumis à déclaration préalable auprès du représentant de l ’ État dans le département où l ’ enclos est situé.

« III. – Les modalités de déclaration préalable prévoient notamment d ’ informer l ’ administration des mesures qui sont prises préalablement à l ’ effacement de la clôture en vue de la régulation des populations de grand gibier contenues dans l ’ enclos.

« Un arrêté conjoint des ministres chargés de l ’ environnement et de l ’ agriculture détermine ces modalités de déclaration préalable. »

(Conforme)

Le I de l ’ article L. 171 -1 du code de l ’ environnement est ainsi modifié :

1° À la première phrase du 1°, les mots : « espaces clos et aux » et les mots : « des domiciles ou de la partie » sont supprimés ;

2° Au 2°, après le mot : « lieux », sont insérés les mots : «, notamment aux enclos ».

(Conforme)

Le code de l ’ environnement est ainsi modifié :

1° Après le 5° de l ’ article L. 415 -3, il est inséré un 6° ainsi rédigé :

« 6° Le fait d ’ implanter ou de ne pas mettre en conformité des clôtures dans les espaces ou zones naturels en violation de l ’ article L. 372 -1. » ;

bis À l ’ avant -dernier alinéa du même article L. 415 -3, après la référence : « 2° », sont insérés les mots : « du présent article » ;

2° Le 2° de l ’ article L. 428 -15 est complété par des g et h ainsi rédigés :

« g) La non -conformité des clôtures implantées dans les conditions définies à l ’ article L. 372 -1 ;

« h) Le non -respect des règles d ’ agrainage et d ’ affouragement définies en application de l ’ article L. 425 -5. »

(Conforme)

Le dernier alinéa de l ’ article L. 428 -21 du code de l ’ environnement est ainsi modifié :

1° Après le mot : « relatives », sont insérés les mots : « à la conformité des clôtures mentionnées à l ’ article L. 372 -1, au plan de gestion annuel mentionné au I de l ’ article L. 424 -3, » ;

bis À la fin, les mots : «, sauf opposition préalablement formée par ces derniers » sont supprimés ;

2° Sont ajoutées deux phrases ainsi rédigées : « Ils disposent à cet effet des mêmes droits d ’ accès que ceux reconnus aux fonctionnaires et agents chargés de la police de l ’ environnement en application du 1° du I de l ’ article L. 171 -1. Toute infraction constatée est signalée au représentant de l ’ État dans le département. »

(Conforme)

Après l ’ article 226 -4 -2 du code pénal, il est inséré un article 226 -4 -3 ainsi rédigé :

« Art. 226-4-3. – Sans préjudice de l ’ application de l ’ article 226 -4, dans le cas où le caractère privé du lieu est matérialisé physiquement, pénétrer sans autorisation dans la propriété privée rurale ou forestière d ’ autrui, sauf les cas où la loi le permet, constitue une contravention de la 4 e classe. »

(Conforme)

Le troisième alinéa de l ’ article L. 421 -14 du code de l ’ environnement est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces actions peuvent contribuer à remplacer par des haies composées de différentes espèces locales d ’ arbres et d ’ arbustes les clôtures non conformes à l ’ article L. 372 -1. »

L ’ article L. 425 -5 du code de l ’ environnement est ainsi modifié :

1° Au début du premier alinéa, est ajoutée la mention : « I. – » ;

2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :

« II. – L ’ agrainage et l ’ affouragement sont interdits dans les espaces clos empêchant complètement le passage des animaux non domestiques sauf exceptions inscrites au schéma départemental de gestion cynégétique dans les cas et les conditions prévus par décret. Dans les espaces clos permettant le passage des animaux non domestiques, les conditions d ’ agrainage et d ’ affouragement sont celles prévues au I du présent article. »

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, au Gouvernement, puis au rapporteur de la commission pendant sept minutes et, enfin, à un représentant par groupe pendant cinq minutes.

La parole est à Mme la secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Bérangère Couillard

Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, monsieur le sénateur Cardoux, auteur de cette proposition de loi, mesdames, messieurs les sénateurs, aujourd’hui est une étape importante pour la biodiversité française.

Aujourd’hui, vous avez l’opportunité de mettre fin à des années de dégradation de notre belle nature.

Aujourd’hui, il vous est offert la possibilité de voter la proposition de loi visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée.

Le Gouvernement fait déjà beaucoup pour la biodiversité.

Un fonds vert de 2 milliards d’euros va être déployé.

Debut de section - Permalien
Bérangère Couillard

Par ailleurs, 150 millions d’euros seront consacrés à notre stratégie nationale pour la biodiversité. C’est inédit !

Nous nous étions fixé un objectif de protection de 30 % de notre territoire terrestre et marin, objectif que nous avons atteint, et bientôt 10 % du territoire seront même en protection forte. Nous défendons les mêmes objectifs à l’échelle internationale.

Debut de section - Permalien
Bérangère Couillard

Nous mettons également en place des plans d’action nationaux pour protéger les espèces en danger. Je pourrais encore en dire beaucoup sur notre action : la liste est longue, car nous agissons avec détermination !

La protection de notre biodiversité passe aussi par l’arrêt du développement et le retrait des grillages, qui ruinent nos paysages naturels.

Les citoyens qui nous regardent et nous écoutent doivent s’en rendre compte : en 2019, plus de 3 000 kilomètres de grillage, au minimum, ont été recensés sur les trois départements du Loiret, du Cher et du Loir-et-Cher. Comment ne pas s’indigner d’un tel chiffre ?

Cette proposition de loi est la concrétisation d’un bel exemple de coconstruction législative entre le Sénat, l’Assemblée nationale et le Gouvernement. Que la politique est belle quand elle nous réunit ainsi pour l’intérêt commun du plus grand nombre !

Exclamations amusées.

Debut de section - Permalien
Bérangère Couillard

Mme Bérangère Couillard, secrétaire d ’ État. Je suis d’autant plus heureuse de vous retrouver, mesdames, messieurs les sénateurs, que l’examen de la proposition de loi a commencé ici, au Sénat. Vous en êtes à l’initiative, monsieur le sénateur Cardoux, et je veux saluer une fois de plus votre engagement sincère sur ce sujet important pour votre belle Sologne.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bérangère Couillard

J’en profite également pour saluer le travail des rapporteurs des deux assemblées, Laurent Somon, ici même, et Richard Ramos, à l’Assemblée nationale.

Nous abordons maintenant une nouvelle étape dans la discussion de cette proposition de loi, après son examen, la semaine dernière, selon la procédure de législation en commission. Cet examen a donné lieu à un dialogue apaisé et constructif, le choix d’un tel format témoignant de l’efficacité de nos débats sur le sujet.

Le texte atteint de nombreux objectifs que nous partageons.

Il met fin à l’engrillagement, qui rompt les continuités écologiques.

Pour leur survie, les espèces doivent pouvoir se déplacer sans contrainte. Avec la trame verte et bleue, nous devons reconstituer un réseau d’échanges leur permettant, qu’elles soient animales ou végétales, de circuler, s’alimenter, se reproduire, se reposer et, ainsi, assurer leur cycle de vie.

Debut de section - Permalien
Bérangère Couillard

Il met également fin à la défiguration de notre paysage.

Nos concitoyens attendent de nous que nous restaurions la beauté de nos campagnes. Nous ne pouvons pas laisser quelques-uns accaparer nos bois, nos forêts ou nos prairies.

Il met aussi fin à des obstacles qui nous empêchent de lutter contre les incendies.

Le risque d’incendie grandit dans un contexte de réchauffement climatique et touche dorénavant des régions que nous pensions jusqu’à présent épargnées. Il est de notre devoir d’aider nos pompiers à accéder facilement à ces zones.

Nous sommes évidemment conscients que certaines clôtures sont nécessaires. Elles protègent parfois nos routes et nos voies ferrées. Elles participent aussi à la régénération forestière et soutiennent l’activité agricole.

Ces clôtures ne seront pas concernées.

Celles que nous devons réguler sont celles qui sont installées pour des pratiques purement cynégétiques ou celles, trop largement étendues, qui relèvent de la propriété privée.

Deux points de ce texte méritent d’être soulignés.

D’une part, l’article 1er prévoit une obligation de mise en conformité des clôtures hermétiques pour rétablir les continuités écologiques.

Lors de la navette parlementaire, le délai de prescription a évolué. Le Gouvernement y était favorable. Une prescription de trente ans a été introduite, de manière que la date ne soit pas contestable. Ce point a été sécurisé juridiquement. Il a fait l’objet d’une étude de constitutionnalité, qui en a souligné la pertinence.

Lors de la procédure de législation en commission, un point a été soulevé pour s’assurer que les troupeaux et l’agropastoralisme étaient bien compris dans les exceptions. J’ai pu confirmer que c’était le cas et me suis engagée à ce qu’une circulaire vienne explicitement préciser cette exception pour lever toute ambiguïté.

D’autre part, l’article 5 est le fruit d’une coconstruction entre le Sénat, l’Assemblée nationale et le Gouvernement. Initialement introduit par les députés, il prévoyait l’interdiction d’agrainage et d’affouragement dans les espaces clos. Le Sénat est venu préciser juridiquement cette disposition, en définissant les espaces clos concernés, à savoir les espaces étanches qui ne permettent pas le passage des animaux non domestiques. J’y étais également favorable.

La mesure permet de rétablir la cohérence entre les espaces ouverts et les espaces clos permettant le passage des animaux non domestiques, pour lesquels il est clairement précisé désormais que la même réglementation s’applique. Cela va dans le bon sens.

L’efficacité de notre travail permettra la mise en place rapide de cette nouvelle législation. Le Gouvernement souhaite, en effet, mesdames, messieurs les sénateurs, que le texte que vous êtes appelés à voter aujourd’hui soit soumis très rapidement à l’Assemblée nationale en deuxième lecture.

Une fois adopté, il sera nécessaire de poursuivre le travail sur le terrain. Il nous faut engager une action efficace, qui se concrétise le plus rapidement possible.

Le dialogue devra donc débuter très prochainement avec les acteurs de terrain, les propriétaires comme les élus, les fédérations départementales des chasseurs comme les associations écologiques.

Nous devons nous assurer que cette transition se déroule dans les meilleures conditions.

Je suis convaincue que cette proposition de loi sera une contribution réellement significative en faveur de la biodiversité.

J’aurai l’occasion de défendre haut et fort, au nom du Gouvernement, cet enjeu majeur lors de l’événement international que constitue la 15e conférence des parties à la convention sur la diversité biologique, dite COP15, à Montréal.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comptez sur moi pour mettre toute mon énergie et aboutir à une COP décisive, avec des objectifs clairs, ambitieux et surtout quantifiés, associés à des moyens de financement adaptés.

Nous agissons en France autant qu’à l’international. C’est ainsi que nous sauverons notre biodiversité !

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – MM. Jean-Noël Cardoux et Daniel Salmon applaudissent également.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme la présidente de la commission applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Somon

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes appelés à nous prononcer sur la proposition de loi, présentée par Jean-Noël Cardoux, visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée.

Ce texte a été examiné et voté, la semaine passée, en deuxième lecture, par la commission des affaires économiques dans le cadre de la procédure de législation en commission. En première lecture, il a reçu l’approbation unanime du Sénat et de l’Assemblée nationale. J’espère qu’il en sera de même cet après-midi.

Ce rare et remarquable consensus est le fruit d’une patiente coconstruction.

En s’attaquant au fléau de l’« emprisonnement de la nature », la proposition de loi a réussi à rassembler sénateurs et députés, chasseurs et non-chasseurs, citoyens et associations engagés de longue date dans ce combat. Il y avait urgence, tant l’engrillagement pose des problèmes pour la sécurité dans la lutte contre les incendies, la libre circulation de la faune et l’attractivité de nos territoires ruraux.

Cette réussite est d’abord le résultat du travail et de l’engagement de son auteur, Jean-Noël Cardoux, que je tiens à saluer.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme la présidente de la commission applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Somon

Ce texte, très complet, est le fruit de sa grande connaissance de la chasse. Ardent défenseur de notre patrimoine naturel et forestier, notre collègue a su faire des propositions en dehors de tout esprit partisan. Militant pour une chasse durable, éthique et exigeante, il a dénoncé l’artificialisation des pratiques de chasse et de sylviculture, ainsi que l’enfermement de la nature, comme des hommes, derrière les grillages.

Sa proposition de loi, dès sa rédaction initiale, adoptait une approche globale et proposait des solutions équilibrées, dont la pertinence a été relevée par les deux assemblées.

Je tiens également à remercier Richard Ramos, rapporteur du texte à l’Assemblée nationale. À l’écoute des différentes sensibilités, il a su rassembler pour aboutir à un approfondissement des dispositions votées par le Sénat. Sa recherche du consensus est à souligner et manifeste la volonté d’avancer ensemble vers l’objectif commun de protection de nos espaces naturels.

Enfin, madame la secrétaire d’État, je vous remercie de votre disponibilité et de votre aide pour permettre à cette initiative parlementaire d’aboutir. J’inclus dans ces remerciements les services de votre ministère, ainsi que l’Office français de la biodiversité (OFB), dont l’expertise a été précieuse pour enrichir le texte. Je me félicite de ce travail partenarial.

L’objectif de la commission des affaires économiques a été de consolider la proposition de loi en garantissant l’équilibre du texte, entre désengrillagement et respect du droit de propriété, mais aussi en garantissant sa bonne application.

Ainsi, en première lecture, la commission avait étendu les pouvoirs de contrôle des agents de l’Office français de la biodiversité afin de faire appliquer le droit de la chasse partout où elle se pratiquait et, plus particulièrement, dans les enclos qui s’y soustrayaient. Elle avait aussi voulu démultiplier les capacités de contrôle, en étendant les pouvoirs des agents assermentés des fédérations départementales des chasseurs. La commission avait en outre veillé à assortir les dispositions de la proposition de loi d’un volet répressif, en instaurant une sanction pour non-respect des nouvelles règles applicables aux clôtures, dont les modalités viennent d’être rappelées par Mme la secrétaire d’État.

En commission, en deuxième lecture, nous avons adopté conforme la quasi-totalité des articles amendés par l’Assemblée nationale, les modifications restant en ligne avec les orientations définies par le Sénat en première lecture. L’unique amendement adopté par la commission, à l’article 5 sur la réglementation de l’agrainage et de l’affouragement, poursuit ce travail de mise en cohérence et traduit une vision commune des solutions à apporter.

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, pour conclure, je formule le vœu que ce texte soit adopté dès le début de l’année 2023 par l’Assemblée nationale, afin de garantir une application rapide et effective de la loi.

Je suis heureux de voir un texte dépasser les oppositions partisanes par des compromis constructifs entre le Gouvernement, l’Assemblée nationale et le Sénat, dans le but de protéger l’intérêt général. Nous pouvons en être fiers.

Pour que les milieux naturels restent des havres de paix et de tranquillité, libérons-les de ces grillages et luttons contre leur artificialisation ! Protégeons leur faune et leur flore, qui font leur charme et notre bonheur !

Pour satisfaire à l’envie de lyrisme de François Bonhomme, préférons, avec notre illustre prédécesseur Victor Hugo, au fil de fer l’œuvre du génie de la nature :

« Je ne demande pas autre chose aux forêts

« Que de faire silence autour des antres frais

« Et de ne pas troubler la chanson des fauvettes.

« Je veux entendre aller et venir les navettes

« De Pan, noir tisserand que nous entrevoyons

« Et qui file, en tordant l’eau, le vent, les rayons,

« Ce grand réseau, la vie, immense et sombre toile

« Où brille et tremble en bas la fleur, en haut l’étoile. »

Applaudissements sur des trav ées du groupe Les Républicains. – M. Alain Marc et Mme Cécile Cukierman applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Somon

Je terminerai par une note moins célèbre, mais plus personnelle :

Voilà cette nature partagée

Que j’observe vue des chemins autorisés,

Chasseur d’image ou de gibier

Tous engagés à la protéger.

Respect du gibier

Et de la propriété privée,

Il était urgent d’y contribuer.

À nous de légiférer !

Bravo ! et applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC et INDEP.

Sourires sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Mme Cécile Cukierman . Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je vous prie par avance de m’excuser de ne pas faire, à mon tour, une intervention en alexandrins ou en rimes. J’en resterai à un exercice qui peut, lui aussi, prendre tout son sens : la prose libre !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Comme nous l’avons rappelé en première lecture, cette proposition de loi visant à garantir la libre circulation des animaux sauvages dans les territoires concernés par les pratiques d’engrillagement est bienvenue.

Si ce phénomène n’est pas nouveau, il n’est plus circonscrit à la Sologne et concerne aujourd’hui un nombre croissant de territoires. Lors d’une assemblée, le président de la Fédération nationale des chasseurs évoquait un véritable problème et expliquait que, si l’on ne réagissait pas rapidement, l’on finirait par avoir des cages partout en France.

Cette pratique, qui fait obstacle aux continuités écologiques, pose en effet des problèmes de sécurité incendie et de sécurité sanitaire, empêche la libre circulation de la faune, cantonne les populations de gibiers à l’intérieur des domaines, interdit la promenade et nuit au développement du tourisme rural. Elle traduit aussi une logique de privatisation de nos espaces forestiers, qui exacerbe les conflits d’usage.

Comme le souligne le rapport de mission interministérielle sur l’engrillagernent en Sologne, « il s’agit d’une appropriation renforcée de l’espace et un frein à l’exercice de la police de l’environnement, par une déviance du droit des enclos créant des zones de non-droit […] où la gestion “cynégétique” est littéralement aberrante ».

Le rapport mentionne même des installations de miradors et postes de tir mettant en danger les usagers des voies publiques.

Loin d’être un texte contre la chasse, cette proposition de loi met fin à une pratique – réservée à une très petite partie de la population, à une élite – qui s’apparente plus à un carnage. Je veux le dire ici : ce n’est pas là le sens de la chasse, n’en déplaise à certains !

De plus, ces barrières créent des risques sanitaires, liés à la surdensité et la maîtrise des populations. Elles interrogent sur l’égalité d’application du droit de la chasse, sur l’éthique, ainsi que sur l’illégalité de certaines pratiques, comme le souligne le rapport commandé par le ministère de la transition écologique et solidaire, en 2019.

En ce sens, la chasse en enclos contrevient au principe même d’une chasse populaire issue de la Révolution française, devenu acquis de la République.

En étendant le droit commun de la chasse à l’ensemble des territoires sur lesquels celle-ci est pratiquée et en renforçant l’accès aux enclos cynégétiques à des fins de contrôle, cette proposition de loi marque une avancée significative, même si nous pouvons regretter que le texte n’aille pas jusqu’à interdire la chasse en enclos à caractère commercial.

Ainsi, nous regardons comme une avancée la possibilité désormais offerte aux gardes de l’Office français de la biodiversité d’aller voir ce qui se passe dans ces enclos, sans avoir à saisir le juge des libertés et de la détention en cas de refus du propriétaire.

Nous nous réjouissons également de l’équilibre trouvé entre les deux assemblées quant à la sanction en cas de pénétration dans la propriété rurale ou forestière. La violation d’une propriété ne sera en effet sanctionnée par une contravention de quatrième classe uniquement dans le cas où le caractère privé du lieu est clairement identifié par une signalétique spécifique.

Les débats et la navette parlementaire aboutissent donc à un texte qui nous paraît prendre la bonne direction et pourrait être en mesure de contribuer – c’est le vœu que nous formons en cette fin d’année – à apaiser autant que possible le débat autour de la chasse dans notre pays, à faciliter cette pratique tout en en limitant les excès.

Cette proposition de loi, attendue par les chasseurs comme par les différents acteurs de nos territoires ruraux, va donc dans le bon sens et nous la voterons.

Applaudissements au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Jean-Paul Prince, pour le groupe Union Centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Prince

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à réitérer mes remerciements à notre collègue Jean-Noël Cardoux pour avoir permis l’inscription à l’ordre du jour des travaux de notre assemblée de ce sujet clé pour nos territoires.

Cette proposition de loi contribue en effet à la poursuite de nos efforts pour faire du Sénat une véritable caisse de résonance des enjeux territoriaux. Elle témoigne également du travail long et minutieux du rapporteur, Laurent Somon, qui a su s’emparer du sujet lors des deux lectures, afin de faire évoluer le texte pour le rendre encore plus complet d’un point de vue juridique et lui donner une ampleur de nature à convaincre les membres de la chambre basse du Parlement.

J’en profite pour saluer les travaux de l’Assemblée nationale sur le texte – notamment l’implication du rapporteur Richard Ramos. Ceux-ci ont permis de corriger certaines malfaçons et de mettre cette proposition de loi toujours plus en adéquation avec la réalité de nos territoires.

L’engrillagement des espaces naturels est un phénomène déjà ancien, mais qui a tendance à s’accentuer et à « contaminer », si j’ose dire, une part croissante de notre territoire.

La Sologne, souvent prise en exemple, est malheureusement caractéristique de ce phénomène. Comme d’autres ici, je la connais bien – même très bien. Aujourd’hui, on y compte près de 4 000 kilomètres de grillages, soit plus que la longueur totale des routes départementales dans mon département du Loir-et-Cher. Ce chiffre est révélateur des dérives néfastes de l’engrillagement !

Le développement de ce phénomène est l’un des symboles de l’évolution de la ruralité dans notre pays, mais aussi de la hausse d’une forme d’égoïsme dans notre société. Il caractérise non seulement une défense excessive du droit de propriété et un manque de respect des terrains d’autrui, mais aussi une perte de la culture rurale et cynégétique, ainsi qu’une atteinte à la biodiversité.

Cette proposition de loi visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée, que nous examinons en seconde lecture, pose des règles pour mettre fin à ces difficultés, avec, pour conséquence, l’amélioration de la sécurité incendie, la consolidation de la sécurité sanitaire, l’arrêt de la destruction de la faune et de la flore, ainsi que le développement du tourisme rural.

Le dispositif proposé est global et les mesures vont dans la bonne direction.

L’interdiction des clôtures ne laissant pas passer la faune et utilisant des matériaux naturels représente le cœur de ce texte. Il s’agit en définitive de redonner de l’air à nos ruralités et à nos forêts sans priver les propriétaires de leurs biens.

Le renforcement du volet pénal condamnant les intrusions dans les propriétés privées est salutaire, afin de donner des garanties aux propriétaires et d’équilibrer le texte.

Enfin, l’obligation de mise en conformité des clôtures datant de moins de trente ans, et non plus, après examen par l’Assemblée nationale, de celles qui seraient postérieures à 2005 – preuve de l’intérêt pour le Parlement de travailler de concert au service de nos territoires –, permettra de contourner le phénomène d’opportunité que l’on a pu constater, visant à engrillager rapidement par peur de la nouvelle réglementation. Les exceptions prévues et recalibrées par les rapporteurs des deux assemblées sont aussi importantes, à l’image de la prise en compte du caractère historique et patrimonial des clôtures.

J’appelle néanmoins votre attention, mes chers collègues, sur une nouvelle disposition introduite à l’Assemblée nationale, qui, à mon sens, est problématique. Il s’agit de l’interdiction de la pratique de l’agrainage et de l’affouragement en enclos.

Je ne suis pas favorable à cette interdiction, aussi rigide que dogmatique, qui ne s’inspire pas de la réalité du terrain. Les récents apports de la commission des affaires économiques, élaborés grâce à la procédure de législation en commission, me semblent toutefois aller dans le bon sens.

En conclusion, madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, vous l’aurez compris, bien que j’émette une réserve sur les dispositions relatives à l’interdiction de l’agrainage et de l’affouragement, je soutiens pleinement cette proposition de loi et la majorité du groupe Union Centriste votera en sa faveur.

Applaudissements sur les travées du groupe UC, ainsi qu ’ au banc des commissions. – M. Jean-Noël Cardoux applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Madame le président, madame le secrétaire d’État, chers collègues, je considère la proposition de loi que nous nous apprêtons à adopter comme un texte excellent. En effet, nous ne pouvions pas laisser la France entière se faire engrillager et nous ne pouvions pas laisser privatiser tous les espaces naturels.

Au cours des dernières années, nous avons assisté à une explosion de cet accaparement des forêts et, à travers elles, de l’espace public : à mon sens, c’est une très mauvaise chose.

La navette parlementaire a apporté des améliorations substantielles. En particulier, je me félicite que les enclos existant depuis très longtemps soient finalement exclus du champ de cette proposition de loi ; certains d’entre eux ont une dimension historique. Ces enclos sont en fait victimes des pratiques tout à fait abusives qui se développent depuis une dizaine d’années et qui les frappent de discrédit. C’est contre ce dernier phénomène qu’il fallait réagir.

Ce travail commun entre l’Assemblée nationale et le Sénat a donc été très fructueux. Nous avons bien avancé, face à ce qui se passe notamment en Sologne. En la matière, tout le monde cite ce territoire comme le plus mauvais exemple de France, et à juste titre : les chiffres sont effarants et ce que l’on y constate est tout à fait scandaleux. Il était donc absolument nécessaire de trouver une réponse.

En l’occurrence, notre réaction est mesurée. Non seulement les mesures prévues sont assorties de délais, mais les enclos existant depuis un certain nombre d’années pourront être maintenus.

Cette dérogation est d’autant plus admissible que les enclos dont il s’agit ne sont pas si nombreux que cela. Je le répète, c’est seulement dans la période récente que ce phénomène a connu l’explosion face à laquelle il faut intervenir.

Pour ma part, je voterai cette proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Mme le président. La parole est à M. Christian Bilhac, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Bilhac

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée revient devant la Haute Assemblée en deuxième lecture, après que nos collègues députés ont encore étendu sa portée.

Son objectif est d’arrêter l’expansion de la pratique de l’engrillagement, laquelle représente aujourd’hui 3 000 à 4 000 kilomètres linéaires de clôtures érigées sur des propriétés privées. Ces dernières empêchent à la fois la circulation de la faune sauvage, son brassage génétique et une gestion équilibrée de la biodiversité de nos territoires.

L’image que cette pratique donne de la chasse est loin d’être éthique : l’engrillagement, ce sont des animaux engraissés tués sans limite de nombre, toute l’année, dans des propriétés fermées. Telle n’est pas ma conception de la chasse.

À cet égard, il était urgent de mettre fin au privilège de l’enclos.

L’article L. 424-3 du code de l’environnement distingue deux formes de chasse sur les propriétés privées.

Le premier statut est celui de l’enclos cynégétique, apparenté au domicile. Il est assorti d’un droit de chasse dérogatoire permettant au propriétaire de chasser ou de faire chasser le gibier à poil, de pratiquer l’agrainage ou l’affouragement, tout en l’exemptant de plan de chasse et d’indemnisation financière des dégâts du grand gibier. C’est précisément le privilège de l’enclos.

Le second statut est celui des établissements professionnels de chasse à caractère commercial, ou parcs de chasse.

Par son article 1er, qui modifie la trame verte, cette proposition de loi supprime ce privilège et encadre les clôtures érigées par les parcs de chasse. L’article L. 371-1 du code de l’environnement est ainsi modifié pour réglementer les clôtures, qui devront désormais respecter plusieurs conditions : permettre en tout temps la libre circulation des animaux sauvages ; ne pas être enterrées dans le sol ou dépasser 1, 20 mètre de hauteur ; être constituées de matériaux naturels ou traditionnels, tels que définis par le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddet).

Je suis satisfait que l’Assemblée nationale ait élargi le périmètre d’application de ces nouvelles règles aux zones naturelles et forestières identifiées par les plans locaux d’urbanisme (PLU) ou, à défaut, dans les espaces naturels, les trames vertes ne couvrant pas tous les espaces protégés subissant l’engrillagement.

Seront désormais autorisées les clôtures posées autour de parcelles agricoles, pour préserver les récoltes, ou nécessaires à la protection des régénérations forestières, ainsi que les clôtures d’intérêt public.

Pour ce qui concerne les clôtures existant au 1er janvier 2021, l’Assemblée nationale a avancé la date limite de mise en conformité au 1er janvier 2027. Cette mesure, qui va dans le bon sens, est assortie d’un certain nombre d’exemptions : les clôtures érigées dans un cadre scientifique, celles des domaines nationaux ou celles qui ont été réalisées avant la publication de la loi de 2005 relative au développement des territoires ruraux, la preuve devant être apportée par tous moyens.

Entre autres avancées, je relève l’extension, aux clôtures réalisées moins de trente ans avant la publication du présent texte, de l’obligation de conformité aux normes environnementales et de protection des paysages. Les députés ont estimé que la date de 2005 limitait les effets de la loi, la majorité des clôtures hermétiques ayant été édifiées dans les années 1980.

L’article 1er quinquies crée des sanctions pénales : engrillager ou ne pas mettre en conformité les clôtures sera puni de trois ans de prison et de 150 000 euros d’amende.

L’article 1er sexies prévoit le contrôle par des agents des fédérations de chasse de la conformité des clôtures et des plans de gestion des enclos.

À l’article 2, l’Assemblée nationale a rétrogradé la contravention prévue par le Sénat de la cinquième à la quatrième classe pour intrusion dans une propriété rurale ou forestière, passible de 1 500 euros d’amende. En effet, la nature n’appartient pas à tout le monde !

Après de longs débats, à l’article 5, les députés ont interdit l’agrainage et l’affouragement en enclos dans les espaces naturels définis, sauf ceux à visée scientifique. Toutefois, cette interdiction a été assouplie par un amendement de notre rapporteur, adopté en commission.

En vertu dudit amendement, ces pratiques sont interdites dans les espaces clos empêchant complètement le passage des animaux non domestiques, sauf exception inscrite au schéma départemental de gestion cynégétique (SDGC). Ces précisions sont renvoyées aux décrets d’application.

Avec les autres membres de mon groupe, je voterai en faveur de ce texte, dont les avancées répondent en grande partie aux attentes que j’ai exprimées ici même en première lecture.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur des travées du groupe Les Républicains. – M. Franck Menonville applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Mme le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, il nous reste une petite étape à franchir, mais nous sommes presque à la fin du chemin. Je tiens à rappeler une nouvelle fois les trois grands axes qui ont guidé ma réflexion sur ce texte.

Premièrement, il s’agissait d’assurer le respect des équilibres naturels et de la biodiversité en permettant la libre circulation de la faune sauvage.

Deuxièmement, il s’agissait de garantir le respect de la propriété privée.

Troisièmement– ce dernier axe étant tout aussi important que les précédents –, il s’agissait de revenir vers une chasse naturelle dans laquelle l’éthique l’emporte sur la performance. On assimile toujours la chasse au tir et c’est une grave erreur : ce n’est pas parce que l’on tire bien que l’on chasse bien.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Ce travail n’a pas été un long fleuve tranquille ; il a inspiré beaucoup d’incrédulité. On me disait encore il y a peu de temps : « Vous n’y arriverez jamais. »

Ce texte a également soulevé des oppositions. Ce n’est pas un hasard si, en même temps, on m’a traité de bolchevik et de défenseur du grand capital.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Somon

M. Laurent Somon, rapporteur. C’est un bon équilibre !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

C’est en effet la preuve que ce texte est équilibré.

Le Sénat, chambre de réflexion, s’est montré fidèle à sa réputation : il a pris son temps tout en prenant du recul. Tout le monde parlait de ce problème, tout le monde gesticulait, tout le monde communiquait depuis plusieurs années déjà. Nous, nous avons réfléchi. Nous avons étudié la question. Loin des déclarations, loin du simple affichage, nous avons travaillé. Nous avons agi en étroite collaboration avec l’Assemblée nationale et le Gouvernement et, maintenant, nous touchons au but.

Madame la secrétaire d’État, nous nous sommes découverts au cours de ce travail commencé avec Mme Abba, avec qui nous avions d’excellents contacts : vous lui avez succédé au pied levé en faisant preuve du même esprit constructif. Je tenais à vous en remercier.

Il faut également le souligner : il n’est pas si fréquent de voir une proposition de loi approuvée à l’unanimité, aussi bien au Sénat qu’à l’Assemblée nationale. On pourrait en compter les exemples.

Mes chers collèges, cette proposition de loi a de nouveau recueilli l’unanimité lors de sa deuxième lecture en commission, la semaine dernière : une quatrième unanimité aujourd’hui serait parfaite pour montrer le chemin à nos collègues députés, en vue de la dernière lecture !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

Je pense évidemment à l’article 5, car tous les autres articles ont été votés conforme. Il faut dire que les diverses améliorations, dont les précédents orateurs viennent de parler, ont toutes été négociées avec le rapporteur du texte à l’Assemblée nationale, Richard Ramos, que je connais bien : il est de mon département.

Notre collègue député a proposé d’inscrire cette proposition de loi dans l’une des niches de son groupe parlementaire, ce que j’ai bien sûr accepté. Nous avons travaillé de manière très étroite et – j’y insiste – toutes les avancées votées par l’Assemblée nationale ont fait l’objet d’une concertation entre lui et moi ; nous pouvons tous deux en être satisfaits.

L’article 5, dont nous avons déjà parlé, pose un problème de discrimination pour certains territoires. En outre – Jean-Paul Prince l’a souligné –, il faut prendre en compte le cas des territoires entièrement clos. À ce titre, il reste un grand travail à accomplir en aval, avec les décrets d’application, qu’il s’agisse de l’affouragement, de l’agrainage ou d’autres sujets. Nous entamerons bientôt cette nouvelle étape, en concertation avec les services du ministère.

Espérons que cet article puisse être voté très vite par l’Assemblée nationale : il ne compte que quatre lignes ! Si nos collègues députés se rallient à la rédaction que nous avons adoptée en commission, ce texte que tout le monde attend sera mis en œuvre très vite.

Je réitère mes remerciements au Gouvernement. Je remercie également Richard Ramos – nous avons beaucoup travaillé ensemble –, Laurent Somon, notre rapporteur poète

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Noël Cardoux

De ce travail intense, mené en équipe, c’est la biodiversité et la faune sauvage qui sortent vainqueurs !

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et RDSE, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Franck Menonville, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Menonville

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je tiens à saluer à mon tour Jean-Noël Cardoux, à qui nous devons cette proposition de loi : elle est le fruit d’un travail intense, qui aboutit à un résultat consensuel.

Cette proposition de loi est très attendue et largement soutenue par les associations, notamment par la Fédération nationale des chasseurs (FNC). Il s’agit d’un texte important et courageux, dont la qualité s’est confirmée lors des échanges en commission.

Ce travail constructif, collégial et transpartisan a été couronné de succès en première lecture, ce texte ayant été adopté à l’unanimité dans nos deux assemblées.

Je salue également le travail accompli par le rapporteur, Laurent Somon.

Ensemble, nous nous sommes accordés sur des mesures justes et équilibrées pour réguler et limiter le développement de l’engrillagement. Cette pratique néfaste est, en effet, en pleine expansion. Elle frappe désormais un certain nombre de territoires, à commencer par la Sologne, où 3 000 à 4 000 kilomètres de clôtures ont été érigées.

La beauté de cette région a été chantée par Maurice Genevoix, dont la voix résonne encore dans mon département de la Meuse, pour d’autres raisons. Dans son ouvrage Raboliot, qui lui valut le prix Goncourt, il dépeint ainsi la Sologne, ses étangs, ses chaumes, la fulgurance des odeurs.

Mes chers collègues, en votant ce texte, nous nous inscrirons aujourd’hui dans la droite ligne d’une chasse éthique, respectueuse de la faune, de la flore et des traditions ancestrales. Les valeurs qui les animent sont précisément celles que nous défendons au sein du groupe d’études Chasse et pêche du Sénat

M. Jean-Noël Cardoux le confirme.

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Menonville

Plusieurs modifications notables ont été introduites par l’Assemblée nationale. Je pense notamment à la rétroactivité, fixée à l’année 1992. En outre, pour ce qui concerne la mise en conformité des clôtures, les députés ont retenu comme date butoir le 1er janvier 2027, ce qui assure la solidité juridique du dispositif.

L’Assemblée nationale a également remanié le texte en y ajoutant un article 5, qui interdit l’agrainage et l’affouragement en enclos. Cette disposition soulève toutefois une difficulté. En effet, elle est source d’iniquité entre les territoires déjà ouverts et ceux qui le seront par la future loi.

Ce problème a été résolu en commission, par un amendement de M. le rapporteur tendant à confirmer le principe de l’interdiction tout en ouvrant un certain nombre d’exceptions, qui seront encadrées par décret.

Ces évolutions vont dans le bon sens. Elles témoignent de débats sereins et constructifs avec l’ensemble des forces politiques, qui font honneur au Parlement.

La proposition de loi adoptée en première lecture au Sénat et à l’Assemblée nationale garantit la liberté de circuler tout en mettant l’accent sur la protection de la biodiversité et en protégeant le droit de propriété.

Ce texte relève un autre défi : préserver un équilibre entre défense de la propriété privée et lutte contre l’engrillagement des espaces naturels. En effet, il sanctuarise le respect de la propriété privée en durcissant les sanctions en cas d’intrusion illégale, même si l’Assemblée nationale a rétrogradé la contravention prévue de la cinquième à la quatrième classe.

Il est important de rappeler que la forêt et le foncier agricole ne sont en aucune manière des biens communs : détenus par des propriétaires, ils sont le fruit de leur engagement et de leur travail.

Cette proposition de loi permet aussi de répondre aux problèmes causés par les pratiques abusives d’engrillagement, qui créent de graves difficultés, notamment en matière sanitaire. L’absence de brassage entre les espèces, qui ne peuvent plus circuler librement, engendre des hausses de consanguinité et un certain nombre de maladies.

Enfin, la prolifération des clôtures aggrave les risques d’incendie, les pompiers se trouvant parfois dans l’impossibilité d’accéder à certaines parcelles. Le réchauffement climatique que nous vivons nous rappelle l’importance de ces enjeux.

Pour toutes ces raisons, les élus de notre groupe se prononcent évidemment en faveur de ce texte, tel qu’il a été modifié par l’Assemblée nationale, puis par le Sénat en commission.

Applaudissements sur des travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu ’ au banc des commissions. – Mme Patricia Schillinger applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Daniel Salmon, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le constat est unanime : l’engrillagement est un véritable fléau pour nos territoires ruraux et pour la faune. Non seulement il entrave la libre circulation des animaux, mais il entraîne souvent une surpopulation artificielle de gibier, dont découlent des problèmes sanitaires et des effets négatifs pour tout l’écosystème, qu’il s’agisse de la faune ou de la flore.

Je me félicite donc de cette proposition de loi et du travail constructif d’amélioration mené de concert par l’auteur du texte et les rapporteurs du Sénat et de l’Assemblée nationale.

J’avais proposé en première lecture un amendement, malheureusement rejeté, visant à réduire le délai de mise en conformité de sept à cinq ans : finalement, un délai de quatre années a été retenu.

M. le rapporteur rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

Je me félicite également de l’interdiction, introduite dans ce texte, de l’agrainage et de l’affouragement dans les enclos hermétiques. Une interdiction plus générale eût été préférable, même si je comprends que cette technique puisse perdurer exceptionnellement dans une logique de protection des cultures.

Toutefois, madame la secrétaire d’État, j’appelle votre attention sur ce point : les exceptions dont il s’agit, et qui seront encadrées par décret, devront être strictement limitées. N’oublions pas que le nourrissage participe de l’explosion démographique des populations de grand gibier et que l’on justifie ensuite leur chasse par cette prolifération, au motif que ces animaux sont devenus des nuisibles.

Se pose également la question des contrôles. Comment faire en sorte que l’agrainage et l’affouragement ne soient plus pratiqués dans les enclos ? Qui s’en assurera ? Ce sont là de véritables questions.

Je me dois à présent d’ajouter quelques bémols.

Je pense notamment à l’article 2, qui crée une contravention de quatrième classe pour pénétration dans une propriété privée rurale ou forestière. Si l’ajout d’un critère de matérialisation physique des limites d’une propriété privée permet de prévenir tout risque d’infraction involontaire, j’ai été alerté sur le fait que les chasseurs pourraient continuer à pénétrer des propriétés privées au prétexte du passage des chiens de chasse et de leur récupération. À ce titre, il faut à tout prix éviter le « deux poids, deux mesures ». §Cette situation pourrait susciter des conflits : aussi un éclaircissement semble-t-il nécessaire.

Enfin, ce texte fait l’impasse sur la chasse commerciale en enclos de manière générale. Or nous ne pourrons pas esquiver le débat quant à cette pratique, jusqu’alors méconnue, mais qui n’est pas pour autant anecdotique : je rappelle qu’elle concerne environ 1 300 parcs et enclos, détenant au total 50 000 à 100 000 animaux – en majorité des cerfs, des chevreuils, des mouflons et des daims.

C’est la question de l’éthique de cette pratique qu’il faut se poser. Je sais que l’auteur de cette proposition de loi est très attaché à l’éthique de la chasse et, à mon sens, il s’agit là d’un vrai sujet. Il faut compter 500 euros pour tirer sur un mouflon, 600 euros pour abattre un daim, le sanglier étant, lui, coté autour de 300 euros. Ces safaris organisés sans aucune logique de régulation ne sont plus acceptables aujourd’hui. Nous devrons bel et bien nous pencher sur ce problème.

Malgré ces quelques réserves, ce texte permet des évolutions indéniables et j’en remercie une nouvelle fois son auteur. Il participe à la fois à une reconquête du paysage et à la libre circulation de la faune sauvage : les élus du groupe écologiste le soutiendront.

Lorsque des jours sans chasse auront été édictés nationalement, …

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Salmon

… nous aurons fait un grand pas vers le retour de la sérénité, dans nos forêts et sur nos chemins ruraux.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Nous avons le droit de ne pas être d’accord !

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Mme le président. La parole est à Mme Patricia Schillinger, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Patricia Schillinger

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, dès le début de l’examen de ce texte en séance publique, au mois de janvier dernier, nous avons été nombreux sur ces travées à souligner la menace que l’engrillagement faisait peser sur la biodiversité et, plus largement, les problèmes environnementaux qu’il suscitait.

En limitant, voire en empêchant la libre circulation de la faune sauvage, cette pratique entrave la satisfaction par les différentes espèces de leurs besoins écologiques essentiels. Elle peut nuire à leur reproduction ou, à l’inverse, à l’intérieur des parcs et enclos, conduire à une surconcentration d’espèces aggravant les risques sanitaires et menaçant la flore.

Depuis la première lecture de ce texte au Sénat, la France a connu une importante vague de chaleur, directement imputable au réchauffement climatique. Cette dernière s’est traduite dans plusieurs régions par des incendies de forêt d’une ampleur inédite.

Si la problématique de l’engrillagement est intimement liée à la pratique de la chasse, ces récents événements légitiment d’autant plus l’encadrement de ce phénomène, tant la présence de clôtures peut se révéler un frein à l’intervention des services de secours.

Les membres du groupe RDPI et moi-même tenons à saluer l’esprit de coconstruction qui a marqué l’examen de cette proposition de loi. Le texte auquel nous parvenons parvient ainsi à concilier différents intérêts qui, sur ce sujet, pouvaient sembler inconciliables.

Le Gouvernement, en coordination avec l’auteur de cette proposition de loi, Jean-Noël Cardoux, le rapporteur pour le Sénat, Laurent Somon, et les rapporteurs pour l’Assemblée nationale, François Cormier-Bouligeon et Richard Ramos, a su faire évoluer efficacement ce texte.

Mes chers collègues, deux points ont fait plus particulièrement l’objet de discussions : d’une part, la définition des clôtures visées par l’obligation de mise en conformité ; d’autre part, l’agrainage et l’affouragement en enclos.

Pour ce qui concerne les clôtures, les deux assemblées sont parvenues à un consensus : ne seront visées que les clôtures postérieures à 1992. Ce choix n’entraîne pas de remise en cause fondamentale du droit de propriété, puisque les propriétaires non concernés par l’obligation de mise en conformité sont supposés bénéficier de la protection de la prescription trentenaire.

La mesure relative l’agrainage en espace clos, votée par l’Assemblée nationale, a été légèrement modifiée par notre rapporteur : celui-ci a à la fois confirmé et précisé le champ d’application de l’interdiction tout en ouvrant la voie à des exceptions, qui seront définies par décret.

Hormis cette précision, le Sénat a approuvé les avancées adoptées par l’Assemblée nationale. Voilà qui nous laisse espérer une entrée en vigueur rapide du texte, pour que ces espaces forestiers, trop longtemps défigurés, puissent enfin entamer un nouveau chapitre.

Les sénateurs du groupe RDPI voteront donc ce texte, porteur d’une avancée significative en faveur de la biodiversité.

Saluons encore une fois le travail réalisé par son auteur ainsi que par son rapporteur. Tous ont avancé de façon pragmatique, animés par un seul objectif : redonner du sens à la forêt, ne serait-ce que pour préserver des joies aussi simples que la traversée sans entrave de ces espaces sauvages.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Yves Détraigne applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Mme le président. La parole est à M. Christian Redon-Sarrazy, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur des travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Redon-Sarrazy

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons été appelés à examiner en deuxième lecture, selon la procédure de législation en commission, la proposition de loi visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée.

Preuve qu’elle répondait à une problématique observée sur de nombreux territoires, cette proposition de loi est devenue un texte transpartisan, soutenu par plusieurs groupes politiques du Sénat, où elle a été adoptée à l’unanimité en commission et en séance publique en première lecture. Elle a d’ailleurs connu le même sort à l’Assemblée nationale.

Les députés ont néanmoins apporté quelques modifications, qui, si elles ne remettent pas en cause l’esprit du texte voté au Sénat, ont nécessité un nouvel examen.

Pour rappel, cette proposition de loi a émergé en réponse au développement incontrôlé des clôtures en milieu naturel, en d’autres termes de l’engrillagement, observé singulièrement dans le pays de grande Sologne. Ce phénomène rompt avec l’obligation pour les propriétaires et gestionnaires d’espaces naturels d’assurer la libre circulation de la faune sauvage dans le cadre des trames vertes et bleues.

De plus en plus de propriétaires installent des enclos de chasse sur leurs parcelles en édifiant des clôtures de plus de 1, 80 mètre imperméables au passage de l’homme et des animaux.

Non seulement ces enclos dégradent le couvert forestier, mais ils nuisent à la continuité écologique et à la biodiversité. J’ajoute qu’ils ne respectent pas les usages locaux.

Comme le spécifiaient, dans leur rapport du mois d’août 2019, le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER), ces enclos hermétiques « sont un non-sens cynégétique […] et échappent partiellement au contrôle des élus et de l’État sur des interprétations juridiques discutables ».

Il s’agit bien là de pratiques d’accaparement conduisant à la privatisation et à la perturbation de l’espace naturel et public. Elles heurtent aussi bien les usagers et les élus que les chasseurs eux-mêmes.

Ces espaces permettant la pratique de la chasse sans interruption saisonnière, sans contrôle possible des agents de l’Office français de la biodiversité (OFB) et sans plan de chasse sont donc des zones de non-droit, qui privatisent des espaces issus de notre patrimoine commun.

La prolifération de ces parcs de chasse privés était devenue intolérable et démontrait bien que les seules dispositions du code de l’urbanisme, inscrites dans les plans locaux d’urbanisme (PLU) ou dans les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi), étaient insuffisantes pour permettre aux maires ruraux de lutter contre leur édification.

Il nous a donc fallu légiférer pour les doter d’un indispensable arsenal législatif.

L’Assemblée nationale a ainsi précisé, en première lecture, un certain nombre de dispositions, sans remettre en cause la philosophie de la proposition de loi.

L’article 1er a été sensiblement enrichi. Il précise désormais les types de clôtures interdites et autorisées. En outre, son champ d’application a été élargi à toutes les zones naturelles ou forestières, et ne concerne plus seulement celles qui sont situées dans des trames verte et bleue.

Par ailleurs, le délai de mise en conformité passe désormais de sept ans – avancée obtenue par le Sénat – à cinq ans, contre dix ans dans le texte initial de la proposition de loi. À cela s’ajoute un autre progrès : les nouvelles règles s’appliqueront aux clôtures édifiées dans les trente années précédant la promulgation de la présente proposition de loi. Cette extension du délai de prescription permettra ainsi de mettre en conformité un plus grand nombre de parcs de chasse.

En revanche, il reste permis de se demander, ainsi que je l’ai déjà signalé en première lecture, qui appréciera l’antériorité de la construction des clôtures : les services de l’État ou bien le ou les maires des communes concernées ? Les risques de connivence avec le propriétaire sont une possibilité que nous ne pouvons exclure ! Voilà un flou juridique que le Parlement n’a pas su éclaircir.

J’aborderai deux sujets qui suscitent encore un certain nombre de réflexions.

L’Assemblée nationale a introduit un article 5 – nous l’avons déjà largement évoqué – visant à interdire l’agrainage et l’affouragement dans les enclos sauf exception. Cet article modifie le code de l’environnement en précisant que l’agrainage et l’affouragement sont interdits dans tous les espaces clos. Il prévoyait initialement quatre exceptions : cette interdiction ne s’appliquait pas dans un cadre scientifique ; au sein des enclos créés pour la protection des cultures et des régénérescences forestières, ainsi que pour le maintien du bétail ; au sein des établissements de chasse à caractère commercial disposant d’un enclos. En séance publique, seule l’exception pour l’agrainage et l’affouragement menés dans un cadre scientifique a été finalement retenue par les députés.

Dans sa rédaction actuelle, cette interdiction aura donc une portée assez large, que le rapporteur a néanmoins souhaité redéfinir.

J’émettrai quelques réserves sur d’autres points. Je pense en particulier aux dérogations prévues à l’article 1er. L’Assemblée nationale a maintenu les dérogations prévues par le Sénat et en a ajouté d’autres. Celles-ci s’élèvent donc désormais à neuf.

J’en citerai deux : les clôtures des parcs d’entraînement, de concours ou d’épreuves de chiens de chasse et les clôtures nécessaires au déclenchement et à la protection des régénérations forestières. Pour autant, comment s’assurer qu’une parcelle déclarée comme « parc d’entraînement de chiens de chasse » ne soit pas détournée de son usage originel afin d’être transformée en parc de chasse ? Combien de temps doit-on maintenir une clôture qui est indispensable à la régénération forestière ? Qui s’assurera de sa conformité avec les dispositions de la présente proposition de loi ? Comme toujours, il faut poser la question du contrôle et des moyens afférents à celui-ci.

Hormis ces quelques réserves, mon groupe politique partage la position du rapporteur, qui propose un vote conforme sur l’ensemble des articles, à l’exception de l’article 5, qui est le seul point de désaccord demeurant à l’issue de la navette parlementaire.

De nombreuses questions relatives à la mise en application de cette proposition de loi restent en suspens.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Redon-Sarrazy

Pour autant, félicitons-nous d’avoir déjà pu obtenir de grandes avancées pour encadrer cette dérive d’accaparement des espaces publics et naturels.

En conséquence, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera en faveur de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, la proposition de loi visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures cinquante, est reprise à dix-sept heures cinquante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

L’ordre du jour appelle, à la demande de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale, les explications de vote et le vote sur la proposition de loi sur le déroulement des élections sénatoriales (proposition n° 46, texte de la commission n° 154, rapport n° 153).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

La conférence des présidents a décidé que ce texte serait discuté selon la procédure de législation en commission prévue au chapitre XIV bis du règlement du Sénat.

Au cours de cette procédure, le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission, la séance plénière étant réservée aux explications de vote et au vote sur l’ensemble du texte adopté par la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Je donne lecture du texte élaboré par la commission.

L ’ article L. 306 du code électoral est ainsi modifié :

1° Les mots : « à L. 52 -3 » sont remplacés par les mots : « et L. 52 -3 » ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de second tour, l ’ article L. 49 n ’ est pas applicable entre la proclamation des résultats du premier tour et l ’ ouverture du second tour. »

À la première phrase du troisième alinéa de l ’ article L. 52 -4 du code électoral, les mots : « à la date du » sont remplacés par le mot : « au ».

La présente loi est applicable sur tout le territoire de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Avant de mettre aux voix l’ensemble du texte adopté par la commission, je vais donner la parole, conformément à l’article 47 quinquies de notre règlement, au rapporteur de la commission, puis au Gouvernement pendant sept minutes et, enfin, à un représentant par groupe pendant cinq minutes.

La parole est à M. le rapporteur.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – M. Hervé Marseille applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Le Rudulier

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par François-Noël Buffet vise un objectif clair et précis : remédier aux difficultés constatées lors du scrutin sénatorial du mois de septembre 2020, afin de garantir, à l’avenir, le bon déroulement des élections sénatoriales.

Comme vous le savez, la loi du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral a étendu aux élections des sénateurs l’ensemble des règles applicables aux autres scrutins en matière de propagande électorale.

Cette loi est entrée en vigueur au mois de juin 2020, si bien que les élections du 27 septembre 2020 ont été le premier scrutin concerné par son application.

Ce scrutin a toutefois révélé deux types de difficultés : des interdictions relatives, d’une part, à la communication des résultats, d’autre part, à la propagande électorale.

Je rappelle que l’article L. 49 du code électoral interdit de mener toute action de propagande la veille et le jour du scrutin, tandis que l’article L. 52-2 du même code interdit de communiquer les résultats de l’élection en métropole, avant la fermeture du dernier bureau de vote sur le territoire métropolitain.

L’application de ces deux articles s’est révélée problématique dans le cas des élections sénatoriales. Ce sont les seules élections – c’est leur singularité –, où peuvent avoir lieu deux tours de scrutin dans la même journée ; c’est le cas dans les circonscriptions où l’élection se déroule au scrutin majoritaire, qui correspondent aux circonscriptions où sont élus un ou deux sénateurs – cinquante-deux, à l’échelle nationale. Le premier tour de scrutin est ainsi ouvert de huit heures trente à onze heures, tandis que le second tour est ouvert, le cas échéant, de quinze heures trente à dix-sept heures trente.

Dans ces départements, les candidats qualifiés pour le second tour se sont donc trouvés, en 2020, dans une situation pour le moins incongrue, puisqu’il leur était strictement interdit de faire campagne entre les deux tours !

Par ailleurs, dans les départements concernés par le scrutin majoritaire, l’embargo sur les résultats imposé jusqu’à dix-sept heures trente a semblé tout aussi incompatible avec la nécessité de communiquer les résultats du premier tour dès la fin de la matinée, en tout état de cause avant l’ouverture du second tour de scrutin. Ainsi, même quand l’élection avait été acquise dès le premier tour, les résultats ne pouvaient pas être communiqués.

Dans ces conditions, il n’a donc guère été surprenant que, en dépit de l’embargo posé et des actions de communication menées à cette fin, des « fuites » dans les résultats aient été constatées avant dix-sept heures trente, qui émanaient de sites internet, de réseaux sociaux et d’organes de presse locale.

Ainsi, la commission des lois a jugé que les aménagements ponctuels aux modalités de propagande et de communication des résultats étaient bienvenus. C’est du reste ce que vise à permettre cette proposition de loi, d’abord en dérogeant à l’article L. 49 du code électoral pour la seule période de l’entre-deux-tours, ce qui paraît être une mesure de bon sens. Ainsi, les candidats qualifiés pour le second tour seraient de nouveau autorisés à faire campagne – distribuer des tracts, envoyer des messages, procéder à des appels téléphoniques en série ou encore tenir des réunions électorales durant cette période…

Du reste, la commission a souligné que cette disposition ne remettrait nullement en cause l’interdiction de mener des actions de propagande, laquelle continuerait de prévaloir non seulement la veille de l’élection dans chaque circonscription, ainsi que durant toute la journée de l’élection pour les départements concernés par le scrutin proportionnel, mais également le matin du jour de l’élection pour ceux qui sont concernés par le scrutin majoritaire.

La commission a également noté que la dérogation visée ne remettrait pas davantage en cause l’interdiction d’introduire tardivement des éléments nouveaux de polémique électorale, prévue par l’article L. 48-2 du code électoral.

Ensuite, il paraît pertinent de rétablir la possibilité de communiquer les résultats en métropole dès leur proclamation, indépendamment du fait que des bureaux de vote soient encore ouverts dans d’autres départements métropolitains. La communication des résultats pourrait ainsi s’effectuer de nouveau au fil de l’eau, ainsi qu’on l’observait avant le scrutin de 2020.

Enfin, nous avons souhaité clarifier la question du remboursement des dépenses à visée électorale engagées durant la période de l’entre-deux-tours par les candidats qualifiés pour le second tour.

La lettre actuelle de l’article L. 52-4 du code électoral ne permet pas, en effet, de considérer comme des dépenses électorales celles qui sont engagées le jour même de l’élection. En toute rigueur, les dépenses engagées durant l’entre-deux-tours des élections sénatoriales ne sont donc pas éligibles au remboursement forfaitaire de l’État.

C’est pourquoi nous avons estimé qu’il était indispensable d’adapter la rédaction de l’article L. 52-4 du code électoral à la spécificité du scrutin sénatorial, l’objectif étant de garantir, sans ambiguïté, l’éligibilité au remboursement des dépenses engagées entre les deux tours de scrutin, lorsque ceux-ci ont lieu le même jour.

Bien évidemment, l’éligibilité au remboursement ne signifie pas le remboursement effectif : il reviendra in fine à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) de vérifier, lors de l’examen des comptes de campagne, que la dépense en question revêt bien un caractère électoral et qu’elle s’accompagne des justificatifs requis.

Mes chers collègues, voilà les dispositions du texte de la proposition de loi, tel qu’il est issu des travaux de la commission. Il permettra de garantir le bon déroulement des élections sénatoriales à venir.

En toute logique, ce texte a vocation à entrer en vigueur avant la prochaine échéance électorale du mois de septembre 2023, qui visera, comme vous le savez, à renouveler cent soixante-dix sénateurs de la série 1. Il reviendra, bien sûr, au ministère de l’intérieur d’intégrer le changement des règles induit aux futurs circulaires et guides prévus à l’attention des candidats et des services des préfectures.

Dans ces conditions, chers collègues, la commission des lois vous propose d’adopter cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme Maryse Carrère et M. Jean-Yves Roux applaudissent également.

Debut de section - Permalien
Dominique Faure

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous nous retrouvons aujourd’hui à l’occasion de l’examen de la proposition de loi sur le déroulement des élections sénatoriales, dont l’auteur est M. François-Noël Buffet, président de la commission des lois. Ce texte a reçu un avis unanimement favorable en commission.

Je veux vous dire, au regard de mes nouvelles fonctions, toute l’importance que j’attache à la qualité de nos relations, que nous mettons au service des collectivités, des territoires et de nos concitoyens.

Je crois profondément au dialogue, à la possibilité de s’accorder sur les meilleurs compromis et à la nécessité de dégager des consensus. Cette proposition de loi, qui a été présentée en commission, où elle a été adoptée à l’unanimité, en offre d’ores et déjà une bonne occasion !

Ce texte porte sur un sujet sensible, qui touche à la mécanique même de notre démocratie. Il se fonde aussi sur un constat que nous partageons tous : l’inadéquation entre les modifications issues de la loi du 2 décembre 2019 et les particularités du scrutin sénatorial dans notre pays, notamment dans les départements concernés par le scrutin majoritaire à deux tours.

C’est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable sur l’ensemble des dispositions de cette proposition de loi. Celles-ci permettront de lever l’interdiction de la communication des résultats avant la fermeture du dernier bureau de vote sur le territoire métropolitain et de faire campagne entre les deux tours des sénatoriales, lorsque c’est applicable.

Ce sont des mesures de bon sens, qui permettent de corriger les difficultés et les ambiguïtés constatées lors de la première mise en œuvre de ces modifications, à l’occasion du scrutin de 2020.

La communication des résultats dans les départements à scrutin majoritaire, dont le premier tour a été conclusif, a tardivement été repoussée en fin de journée, alors même que les résultats fuitaient déjà dans les médias.

Par ailleurs, l’impossibilité de faire campagne entre les deux tours a présenté le risque de remettre en cause la sécurité juridique des élections sénatoriales, comme a pu le montrer la récente jurisprudence du Conseil constitutionnel.

En définitive, l’objectif est de prendre pour les élections sénatoriales les dispositions qui sont les plus adaptées à leur spécificité, donc aux réalités de nos territoires.

Sur la levée de l’interdiction de la communication des résultats, le Gouvernement n’émet aucune réserve, puisque cela ne risque pas de créer un précédent pour d’autres types de scrutins.

De plus, à propos de la levée de l’interdiction de faire campagne entre les deux tours, je dirai que rendre inapplicable l’article 49 du code électoral ne doit pas, pour autant, conduire à une politisation excessive de l’entre-deux-tours, afin de préserver la neutralité du vote.

C’est pourquoi nous proposons simplement de réitérer aux candidats les dernières recommandations de mesure et de retenue, de niveau infraréglementaire, comme c’était le cas auparavant.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je crois que ces ajustements techniques sont les bienvenus, à l’horizon du prochain scrutin sénatorial. Je suis convaincue qu’ils susciteront une large adhésion de votre part, au-delà de tout débat passionnel.

Cette proposition de loi va dans le sens de l’intérêt général de notre démocratie et d’une juste prise en compte des caractéristiques du Sénat, la chambre des territoires.

Applaudissements sur les travées d u groupe RDPI . – MM. Jean-Claude Requier et Yves Détraigne applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Mme le président. La parole est à M. Hervé Marseille, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd’hui pour débattre d’une spécificité du Sénat, car, en matière électorale, la Haute Assemblée en offre toujours quelques-unes !

Contrairement à l’élection de nos collègues députés, deux modes de scrutin continuent de subsister pour élire les membres de notre assemblée, même si, au fil des réformes, les départements soumis au scrutin majoritaire sont de moins en moins nombreux.

Des dérogations aux règles du code électoral régissant la propagande ont existé, mais elles ont largement disparu depuis les dispositions issues de la loi du 2 décembre 2019, puisque celles-ci visent à rendre applicables aux élections sénatoriales l’ensemble des règles de propagande de droit commun.

Jusqu’en 2014, les élections sénatoriales avaient encore une autre particularité : elles n’étaient toujours pas soumises aux dispositions relatives aux comptes de campagne. Depuis le renouvellement du mois de septembre 2014, nous sommes, là encore, entrés dans le droit commun.

Nous le voyons bien, les particularités sénatoriales en matière électorale subsistent, mais elles se font de plus en plus rares.

La proposition de loi de François-Noël Buffet, dont je tiens, à mon tour, à saluer l’initiative, est une invitation à nous plonger dans l’organisation des élections sénatoriales, à la veille du prochain renouvellement prévu au mois de septembre 2023.

Le rapporteur nous a précisément expliqué en quoi la loi du 2 décembre 2019, présentée sur l’initiative de notre collègue Alain Richard et dont le rapporteur était Arnaud de Belenet, comportait quelques lacunes, ou plutôt quelques difficultés d’application, notamment en ce qui concerne les dispositions relatives à la propagande entre les deux tours dans les départements soumis au scrutin majoritaire.

En effet, il était peu pertinent de continuer à interdire toute propagande entre les deux tours. Grâce au texte que nous nous apprêtons à voter, mes chers collègues, les candidats qualifiés pour le second tour seront de nouveau autorisés à distribuer des tracts, envoyer des messages ou encore tenir des réunions électorales entre les deux tours.

Le deuxième objet de la proposition de loi est d’aménager la règle de l’embargo sur les résultats.

Rappelons-nous que, au mois de septembre 2020, lors du dernier renouvellement sénatorial, nous avons vécu, au Sénat, une séquence assez lunaire : quasiment tout le monde avait connaissance des résultats, au fur et à mesure de la proclamation des candidats élus, mais, ici même, nous ne devions pas en parler – c’était motus et bouche cousue, jusqu’à la fermeture du dernier bureau de vote ! Tout cela était d’une grande hypocrisie…

Grâce au texte adopté en commission, les résultats des premiers tours de scrutin pourraient de nouveau être communiqués dès la fin de la matinée, tandis que les résultats des seconds tours de scrutin et ceux des scrutins à la représentation proportionnelle pourraient être de nouveau diffusés au fur et à mesure de leur remontée depuis les départements.

Je tiens à saluer encore une fois l’initiative de François-Noël Buffet, ainsi que la qualité du travail accompli par la commission des lois sous l’égide de son rapporteur, Stéphane Le Rudulier. Ce dernier nous a permis d’ajouter, en commission, une utile précision sur le sort des dépenses engagées entre les deux tours de scrutin, en cas de journée électorale unique. Il s’agit d’une précision sur l’éligibilité au remboursement des dépenses liées au traditionnel déjeuner républicain d’entre-deux-tours pour les départements au scrutin majoritaire. Madame la ministre, nous vous avons entendue, nous ne faisons pas de politique au Sénat, surtout entre les deux tours : n’exagérons rien !

Rires au banc de s commission s . – Mme la ministre déléguée rit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Marseille

Tout en conservant les nécessaires spécificités du scrutin sénatorial, l’adoption de ce texte sera de nature à sécuriser juridiquement les prochaines élections en évitant des contentieux inutiles relatifs à la propagande, aux dépenses de campagne entre les deux tours et à la diffusion des résultats.

Sans surprise, le groupe Union Centriste votera en faveur de cette proposition de loi, tout en appelant l’attention du Gouvernement sur la nécessité d’inscrire au plus tôt ce texte à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Mme le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est évidemment utile à la vie des démocraties d’adapter et de corriger les règles électorales face aux difficultés ou aux évolutions qu’elles rencontrent dans leur mise en œuvre. Certes, les ajustements techniques ne suffiront jamais à redynamiser la culture citoyenne, mais ils sont tout de même impératifs.

Notre groupe salue donc l’initiative de François-Noël Buffet, qui participe à la préservation de la singularité du scrutin sénatorial.

La loi du 2 décembre 2019 d’Alain Richard a déjà comblé quelques lacunes des règles relatives à la propagande des élections sénatoriales en prévoyant des renvois au code électoral. Ces ajustements étaient bienvenus.

Cela étant, même si je n’étais pas directement concernée, nous avons constaté que le renouvellement du mois de septembre 2020 s’était heurté à des limites dans l’application au scrutin sénatorial de règles de droit commun relatives à la propagande électorale et à la communication des résultats.

Nous avons ainsi relevé deux limites, qui ont déjà été soulignées par les orateurs précédents.

En premier lieu, les règles applicables en matière de propagande électorale aux autres scrutins ont été étendues aux élections des sénateurs. Cela a conduit à un ensemble d’interdictions portant sur la diffusion de tracts, sur l’achat de publicités commerciales dans la presse, ou encore sur la figuration de la photographie sur le bulletin de vote.

En second lieu, l’embargo sur les résultats a été imposé jusqu’à la fermeture du dernier bureau de vote dans le territoire métropolitain, soit à dix-sept heures trente. Cet embargo est apparu en contradiction avec la nécessité de communiquer les résultats du premier tour de scrutin dès la fin de la matinée, donc avant l’ouverture du second tour de scrutin.

Au regard de ces observations, nous sommes donc pleinement favorables aux corrections proposées par l’auteur de cette proposition de loi, puisqu’elles tendent à aménager ces deux dispositifs, afin qu’ils s’accordent mieux aux spécificités du scrutin sénatorial.

La commission des lois a complété l’ensemble des mesures par des ajustements prévoyant d’adapter les règles de financement des dépenses électorales à la spécificité du scrutin sénatorial, visant à rendre éligibles au remboursement les dépenses engagées entre les deux tours de scrutin lorsque ceux-ci ont lieu le même jour.

Tout est à retenir, pourvu que l’on préserve ce qui fait la particularité du Sénat.

La singularité du scrutin sénatorial est l’essence même de notre assemblée. Elle contribue à ce que nous soyons moins exposés aux fluctuations et aux engouements électoraux, parfois volatils.

Ce mode de désignation justifie aussi que, en plus de participer à l’expression de la volonté générale, nous assumions notre rôle constitutionnel de représentation des territoires.

Tous ces mécanismes se reflètent dans nos travaux. Nos désaccords peuvent être profonds ; ils sont toujours débattus avec sérieux. La rigueur ne nous empêche pas d’être vigoureux, mais toujours dans le respect de la diversité des opinions.

Pour conclure mon propos, je citerai un court extrait du rapport présenté le 3 août 1874 par le député Antonin Lefèvre-Pontalis sur ce qui allait devenir la loi du 24 février 1875 instituant le Sénat de la IIIe République : « Une nation est livrée à toutes les surprises et à toutes les aventures, quand les volontés de la majorité numérique des citoyens peuvent faire la loi […]. Il ne faut pas que, si le suffrage universel est tenté de sacrifier les intérêts de la stabilité et de la conservation nécessaire à l’existence d’une société, il puisse faire tout ce qu’il veut. […] Telle est, dans une société démocratique comme la nôtre, l’importance ; il y a plus, telle est la nécessité d’un Sénat. » À quelques mois du renouvellement de notre hémicycle, ces quelques mots m’ont semblé pleins de justesse.

Pour toutes les raisons évoquées, notre groupe votera en faveur de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Mme le président. La parole est à Mme Agnès Canayer, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Canayer

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par François-Noël Buffet que nous examinons aujourd’hui permet d’adapter certaines dispositions du code électoral aux spécificités des élections sénatoriales.

Le rythme régulier des consultations électorales est le signe de la vitalité démocratique. La légitimation de la représentation nationale par la désignation de ses membres au scrutin universel est la base de toute République.

La République française tient aussi sa force de l’équilibre de ses pouvoirs. Sous la Ve République, le bicaméralisme est au cœur de cet équilibre, avec un Parlement composé de deux chambres différentes, complémentaires et désignées toutes les deux au scrutin universel.

La particularité du mode de scrutin sénatorial, outre son caractère indirect, est qu’il assure un renouvellement partiel de ses membres, gage de continuité de nos institutions. Or, lors des dernières élections de la série 2 du 27 septembre 2020, certaines dispositions du code électoral sont apparues comme peu adaptées aux spécificités de la désignation des sénateurs, notamment pour ceux qui sont élus au scrutin majoritaire – 52 circonscriptions étaient concernées en 2020.

En effet, l’organisation des deux tours de scrutin en une seule journée, pour l’élection au scrutin majoritaire, n’est pas compatible avec l’interdiction de faire campagne, aussi bien la veille que le jour même de l’élection.

La deuxième inadéquation entre le code électoral en vigueur et les élections sénatoriales concerne l’annonce des résultats, qui doivent demeurer sous embargo jusqu’à la fermeture du dernier bureau de vote, soit dix-sept heures trente.

Troisième inadéquation, la comptabilisation des frais de campagne ne peut s’étendre à la journée électorale unique, comme l’a souligné Hervé Marseille.

Ces inadaptations sont également liées à la complexification croissante du code électoral ces dernières années. En 2010, la commission des lois du Sénat regrettait déjà la « sédimentation de législations nouvelles » au sein du code électoral et sa perte de cohérence. Malgré la tentative de « recodification » engagée en 2007, le chantier demeure inabouti.

Aussi, la proposition de loi examinée ce jour vise à garantir le bon déroulement des prochaines élections sénatoriales en aménageant les règles de droit commun.

Avec bon sens, elle tend d’abord à autoriser la communication progressive des résultats à l’échelon métropolitain depuis le département dès la fin de la matinée pour le premier tour et, au fur et à mesure pour le second tour, ainsi que pour les scrutins à la proportionnelle.

Il est ensuite proposé de lever l’interdiction absurde aux candidats de faire campagne entre les deux tours de scrutin ayant lieu le même jour, bien éloignée de la pratique, notamment dans les circonscriptions concernées par le scrutin majoritaire. Dans l’optique de ces aménagements ponctuels, une observation pertinente a été soulevée par la commission – notamment par son rapporteur –, qui souhaite maintenir l’interdiction d’introduire tardivement des éléments nouveaux de polémique électorale qui pourraient altérer la sincérité des résultats.

Enfin, sur la proposition de notre rapporteur et dans la logique des aménagements proposés, la garantie de l’éligibilité au remboursement des dépenses engagées entre les deux tours de scrutin dans le cas de la journée électorale unique a été inscrite dans la proposition de loi, par souci de sécurité juridique.

Si la campagne électorale pour les élections sénatoriales est particulière, en raison du mode de désignation spécifique, le bon déroulement du scrutin doit être assuré.

Force est de constater que, si les élus municipaux qui remplissent, pour le compte de l’État et toujours bénévolement, ces formalités de vote ont un véritable savoir-faire en la matière, il n’en est pas toujours de même pour les services de l’État, qui, à chaque scrutin sénatorial, démontrent assez facilement leurs faiblesses organisationnelles.

Alors, madame la ministre, n’hésitez pas à transmettre aux préfectures concernées par le scrutin de 2023 un guide électoral, simple et plein de bon sens, pour faciliter le vote des élus locaux obligés de se déplacer à la préfecture !

Pour toutes ces raisons, mon groupe votera cette proposition de loi, adoptée en commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Alain Marc, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, alors que la campagne des prochaines élections sénatoriales approche, nous nous penchons aujourd’hui sur les conditions de ce scrutin.

Trop mal connue par nos concitoyens, mais aussi par les pouvoirs publics, cette élection se déroule selon des modalités particulières. Le Sénat est, en effet, la seule assemblée élue selon deux modes de scrutin différents : majoritaire et proportionnel.

Cela peut sembler étrange, mais cette différence s’explique facilement par la diversité de nos territoires : le département des Hauts-de-Seine, département très urbanisé, n’a pas grand-chose à voir avec celui de l’Aveyron, bien plus rural et beaucoup moins peuplé.

Il est logique que tous les départements n’élisent pas leurs sénateurs de la même manière.

En plus d’être renouvelé par moitié tous les trois ans, le Sénat connaît les seules élections dont les premier et second tours ont lieu dans la même journée.

Ajoutons à cela que nous sommes élus par de grands électeurs, et il est clair que ce ne sera pas évident pour tous les citoyens.

Ces modalités spécifiques rendent les réformes périlleuses. La loi du 2 décembre 2019 s’y est risquée. Si le travail d’Alain Richard est à saluer, quelques difficultés sont apparues « à l’usage », lors du scrutin de 2020.

Ainsi, que les élections sénatoriales aient été soumises à l’interdiction de faire campagne dans l’entre-deux-tours peut paraître anodin, mais cela a tout de même donné lieu à une décision du Conseil constitutionnel en la matière. Un déjeuner avec des élus locaux a été assimilé à une réunion électorale, avec les conséquences qui lui sont attachées.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Si l’écart de voix était suffisamment important pour que la validité du scrutin ne soit pas remise en question, il est clair qu’une telle situation doit être sécurisée. En effet, avant la loi du 2 décembre 2019, il n’était pas interdit aux candidats qualifiés pour le second tour de faire campagne dans l’entre-deux-tours.

Si la proposition loi de François-Noël Buffet acquiert force de loi, il sera de nouveau possible de tenir une réunion électorale, de distribuer des tracts ou encore d’appeler ou d’écrire aux grands électeurs dans l’entre-deux-tours. Les dépenses de campagne de l’entre-deux-tours seront également éligibles au remboursement.

L’autre sujet révélé par les élections de 2020 concerne la publication des résultats. La loi de 2019 a imposé, pour la communication des résultats de la métropole, d’attendre la fermeture de l’ensemble des bureaux de vote de celle-ci.

Cela a bousculé les habitudes en la matière, sans que ces nouvelles règles se justifient pour ces élections particulières que sont les élections sénatoriales. Au reste, le dernier scrutin a donné lieu à un grand nombre de fuites sur les réseaux sociaux, mais aussi par une presse accoutumée à diffuser les résultats à mesure que ceux-ci étaient acquis.

Le texte que nous examinons aujourd’hui prévoit que l’on revienne aux règles précédentes, permettant de publier les résultats des départements dès que ceux-ci seront connus.

Ces dispositions emportent, me semble-t-il, l’assentiment général. Les groupes de notre assemblée s’y sont montrés favorables et le Gouvernement a apporté son soutien à l’adoption de ce texte lors de la procédure de législation en commission.

Afin que ces quelques correctifs soient appliqués à temps pour les prochaines élections, nous devons agir vite. Il reviendra au Gouvernement d’inscrire au plus vite cette proposition à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale.

En plus de nous permettre de mettre en lumière un scrutin trop méconnu de la plupart de nos concitoyens – ils n’y participent pas tous –, ce texte peut être l’occasion d’une réflexion plus profonde.

Alain Richard a maintes fois appelé l’attention sur le fait que le code électoral était de moins en moins praticable. En 2019, nous avons pu constater que la législation en la matière résultait d’une sédimentation de réformes et manquait d’une vision d’ensemble cohérente.

Il est temps d’envisager une refonte du code électoral pour donner à notre législation davantage de lisibilité et de simplicité. Je suis convaincu que cela améliorera son application, diminuera le nombre de contentieux et, accessoirement, simplifiera la vie de tout le monde.

L’ensemble des membres de mon groupe votera, bien sûr, en faveur de cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe INDEP et sur des travées des groupes RDPI, RDSE, UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

M. Guy Benarroche. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis sincèrement de l’excellence de tous les orateurs qui sont intervenus avant moi et je me réjouis plus encore quand je vois les noms de ceux qui me succéderont. Nous avons formé une dream team pour ce texte !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Nous sommes à cette occasion de vrais maîtres dans l’art de la paraphrase : nous allons parvenir à dire exactement la même chose, mais pas de la même façon, ce qui est déjà un exploit.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Le second exploit est que, pour la première fois, je réussirai peut-être à respecter le temps de parole qui m’est imparti, ce qui m’est toujours un peu compliqué…

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Vous connaissez la position de notre groupe sur l’importance des temps démocratiques, dont les élections constituent un point d’orgue.

Les élections sénatoriales qui nous ont conduits sur ces travées ont une spécificité. En effet, ce scrutin a comme particularité de se dérouler selon deux modalités différentes selon le nombre de sièges à pourvoir.

François-Noël Buffet, l’excellent président de notre commission des lois et auteur de ce texte, l’a rappelé : dans les départements ne désignant qu’un ou deux sénateurs, le scrutin majoritaire à deux tours se déroule dans une seule et même journée. Le premier tour est clos à onze heures, le second tour est en général ouvert dans l’après-midi.

L’autre modalité, dans les autres départements, est celle d’un scrutin de liste à la représentation proportionnelle à un seul tour. C’est ce dernier qui nous a valu, au rapporteur et à moi-même, d’être élus dans les Bouches-du-Rhône.

Lors des dernières élections, plusieurs problèmes sont apparus dans l’application de la loi de décembre 2019, que ce texte amende.

La première difficulté est l’impossibilité officielle de l’utilisation de ce que l’on appelle généralement le « matériel de campagne » – comme les bulletins de vote, les e-mails de propagande électorale, etc. – entre les deux tours.

À juste titre, notre commission a acté que cette interdiction serait contraire à la sécurité juridique des élections sénatoriales et proposé sa levée – cela rend possibles la tenue de réunions entre deux tours, la distribution de propagande plus en phase avec la spécificité du scrutin… –, tout en rappelant le besoin de respecter l’interdiction de nouveaux éléments de polémique électorale.

Les travaux de notre commission ont encadré cette nouvelle propagande, rendant possible l’éligibilité des dépenses engagées lors de l’entre-deux-tours, qui peuvent être importantes. En particulier, nous pensons qu’il nous faut rester vigilants sur les montants des dépenses entre les deux tours, qui ne doivent pas être réservées à l’organisation d’agapes.

La seconde difficulté a été relevée lors des dernières élections sénatoriales. Elle est liée à la communication au public des résultats, qu’ils soient partiels ou définitifs, avant la fermeture du dernier bureau de vote sur le territoire métropolitain. Je ne parle pas ici, monsieur le rapporteur, de la métropole d’Aix-Marseille-Provence, je ne voudrais pas créer de polémique !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Le Rudulier

M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur. Je n’ai rien dit !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Cette interdiction semble outrepasser le bon sens : comment justifier que, toujours dans le cadre des scrutins à deux tours, les résultats du premier tour soient proclamés, mais non publiés ? La non-publicité avant le second tour pose un problème réel et sérieux dans le déroulement du scrutin.

Ce texte prévoit de rectifier cette problématique et va même plus loin en permettant, pour l’ensemble des scrutins sénatoriaux et l’ensemble du territoire, une diffusion progressive, au fur et à mesure de leurs remontées par les départements.

Voilà, mes chers collègues, un texte qui, quoique très spécifique, répond à une problématique réelle et dont la mise en œuvre avant les prochaines échéances sénatoriales de l’année prochaine permettra une consolidation de notre socle démocratique.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires s’associera bien entendu à une révision des règles équilibrée, au plus près de la réalité du terrain.

Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, INDEP, UC et Les Républicains. – Mme Esther Benbassa applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto de Thani Mohamed Soilihi

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, au mois de mars 2019 et sur proposition d’Alain Richard, le Sénat a adopté la proposition de loi visant à clarifier certaines dispositions du droit électoral, notamment celles qui sont relatives aux comptes de campagne.

Plusieurs modifications étaient nécessaires, car la sédimentation de législations nouvelles successives avait rendu le droit électoral peu clair, voire incohérent, pour les candidats aux différentes élections.

Composé initialement de huit articles, le texte a été enrichi puisque la loi promulguée au mois de décembre 2019 contient quinze articles. Tous éclairants, ces articles laissent néanmoins apparaître deux difficultés pour l’élection sénatoriale.

Ces difficultés nous concernent tous, mes chers collègues. Elles ont opportunément été relevées par François-Noël Buffet, que je tiens à mon tour à remercier de son initiative.

Comme l’a précisé le rapporteur, l’application aux élections sénatoriales des règles relatives à la propagande électorale et à la communication des résultats, en particulier dans les départements concernés par le scrutin majoritaire, a montré plusieurs limites lors du dernier scrutin du mois de septembre 2020.

En effet, l’interdiction de communication des résultats s’est révélée peu adaptée aux spécificités de l’élection sénatoriale, seule élection durant laquelle, pour les sénateurs élus au scrutin majoritaire, deux tours de scrutin peuvent se dérouler le même jour.

Ensuite, les candidats qualifiés pour le second tour se sont trouvés dans l’impossibilité de faire campagne entre les deux tours du scrutin, conformément à l’article L. 49 du code électoral, qui prévoit l’interdiction de mener des actions de propagande la veille et le jour de l’élection.

Cette difficulté a été confortée par la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel, lequel a considéré qu’un déjeuner organisé entre le premier et le second tour de l’élection auquel étaient conviés les grands électeurs du département devait être « regardé comme une réunion électorale » au sens des dispositions de l’article L. 49 du code électoral.

Ainsi, adoptée et enrichie par la commission des lois, la proposition de loi permettra aux candidats, dans les départements soumis au scrutin majoritaire, de faire campagne, par exemple par la tenue d’une réunion électorale, entre les deux tours du scrutin. Elle supprimera également l’embargo sur les résultats applicable jusqu’à la fermeture du dernier bureau de vote de métropole.

Sur proposition du rapporteur, Stéphane Le Rudulier, dont je salue le travail, la proposition de loi prévoira l’éligibilité au remboursement des dépenses engagées entre les deux tours de scrutin lorsque ceux-ci ont lieu le même jour.

Est également prévue l’application des dispositions du texte dans les cinq collectivités régies par l’article 74 de la Constitution – Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon, Wallis-et-Futuna, Polynésie française –, ainsi qu’en Nouvelle-Calédonie.

Ces mesures sont bienvenues et la fixation d’un cadre légal clair de ce que peut être une campagne entre les deux tours vient lever toute ambiguïté. Aussi, le groupe RDPI votera pour cette proposition de loi.

Je me permets de joindre à mon propos les rappels avisés d’Alain Richard sur le principe de toute campagne électorale : la liberté d’expression des candidats avec, comme contrepartie, le contrôle du juge quant à la loyauté de l’expression des uns et des autres. Ce principe, qui prévaut déjà, appelle les candidats à la prudence.

Je veux souligner une règle qui sera encore plus prégnante dans la campagne de l’entre-deux-tours : toutes les dépenses engagées au profit d’un candidat, et non pas forcément par lui-même, sont considérées comme des dépenses de campagne.

Futurs candidates ou candidats à un renouvellement, nous devons collectivement, aux côtés du Gouvernement, rappeler ces principes de base aux candidats avant l’élection.

Mes chers collègues, le Sénat est parfois critiqué, mais, nous le voyons depuis plusieurs mois, il joue un rôle essentiel de stabilisateur, d’approfondissement et de contre-pouvoir. C’est l’un des grands lieux de notre République, où respect et débats apaisés sont de rigueur.

Donnons les moyens aux futurs candidats de mener une campagne avec humilité et responsabilité et dans le respect des valeurs républicaines, dans l’espoir d’exercer ce beau mandat qu’est celui de sénateur.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Mme le président. La parole est à M. Éric Kerrouche, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

M. Éric Kerrouche. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à ce stade des explications de vote, je crains bien ne plus avoir grand-chose à dévoiler sur ce texte ! Au demeurant, je vais tâcher de faire encore plus court que Guy Benarroche…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Kerrouche

« Un sénateur, c’est un député qui s’obstine », disait Robert de Jouvenel. Je constate que le président de la commission des lois, François-Noël Buffet, montre l’inverse : il est possible de ne pas s’obstiner, même quand on est sénateur, et de corriger quelques défauts des textes que nous avons vus se dessiner.

Le texte que nous examinons est utile, mais il est purement technique.

Comme cela a été dit plusieurs fois, la loi du 2 décembre 2019 visait à clarifier des dispositions du droit électoral, singulièrement l’article 49 du code électoral, qui concerne les règles de propagande électorale, et l’article 52 du même code, qui concerne la communication des résultats électoraux.

Ces textes ont pour origine des propositions formulées par Alain Richard. Ces dispositions étaient de bon aloi. En effet, comment comprendre qu’il était possible, avant cette loi, de tenir une réunion électorale le samedi, mais que les tracts, les circulaires, les communications électroniques, eux, n’étaient pas possibles ? Il était normal d’imaginer une normalisation du régime de ces communications. C’est ce qu’a fait la loi de décembre 2019. Je le rappelle toutefois, l’extension de ces nouvelles règles s’est faite sur la base d’un simple amendement, sans que nous ayons pu en mesurer l’effet concret.

Les élections sénatoriales sont, comme les élections municipales, l’une des rares élections à connaître deux modes d’élection : l’un pour les départements qui élisent plus de deux sénateurs ; l’autre pour tous les autres, c’est-à-dire ceux qui sont au scrutin uninominal majoritaire.

Il se trouve que la loi est dysfonctionnelle, singulièrement pour les élections au scrutin uninominal majoritaire.

Cette difficulté n’est pas que théorique. Elle est aussi pratique, puisqu’un recours a été porté devant le Conseil constitutionnel, dont la décision du 26 février 2021 montre bien qu’une annulation sur le fondement de la loi de décembre 2019 aurait pu arriver et qu’il convenait, dans la mesure du possible, de revenir sur ce texte.

Il était d’autant plus nécessaire de résoudre l’ensemble des difficultés que nous avons pu constater que l’élection dont nous nous préoccupons aura lieu dans quelques mois.

C’est le sens de la proposition de loi, qui exempte de l’application de l’article L. 49 du code électoral les élections sénatoriales qui se déroulent au scrutin uninominal majoritaire. Si cette exemption est une avancée, encore faut-il que les règles de financement soient également adaptées. À cet égard, l’ajustement trouvé par M. le rapporteur est tout aussi important. Les deux dispositions vont dans le bon sens.

Il en va de même en ce qui concerne la communication des résultats : il est difficile de comprendre qu’il faille attendre l’échéance de dix-sept heures trente pour diffuser, à l’échelon national, les résultats de scrutins qui ont été proclamés localement.

Je remercie le président de la commission des lois de ce texte, qui vient corriger une difficulté technique. Nous demandons au Gouvernement de l’inscrire rapidement à l’ordre du jour des travaux de l’Assemblée nationale, de façon qu’il puisse produire des effets juridiques dès les prochaines élections.

Au reste, s’il est heureux que nous légiférions aujourd’hui sur ce point, nous devrions peut-être plus souvent tenir compte des effets pervers engendrés par la loi, les évaluer et les corriger.

C’est ce que nous faisons aujourd’hui sur un point précis, mais le travail est grand dans tous les domaines. Notre champ d’investigation doit aller plus loin. Nous devons corriger les effets pervers de ce que nous votons !

Applaudissements sur des travées des groupes UC et Les Républicains. – MM. Guy Benarroche et Jean-Claude Requier applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Cécile Cukierman

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, comme cela a été très bien dit lors de l’examen du texte en commission conformément à la procédure de législation en commission, la proposition de loi que nous examinons aujourd’hui ne vise pas à repenser l’organisation des élections sénatoriales dans son ensemble ni à remettre en cause la pertinence de l’existence de deux types de scrutin le même jour, selon la taille des départements.

Je crois que l’auteur de ce texte ne m’en voudra pas si j’affirme à cette tribune, avec tout le respect que je lui porte, que cette proposition de loi n’a pas vocation à être révolutionnaire : elle vise, au contraire, à sécuriser et à améliorer le déroulement des élections sénatoriales dans les départements où celles-ci se déroulent au scrutin uninominal.

Comme cela a d’ores et déjà été expliqué, la loi du 2 décembre 2019 a aligné le régime applicable aux élections sénatoriales en matière de campagne électorale sur celui qui est applicable aux autres scrutins. Si cette réforme d’harmonisation était louable, cette extension a posé des difficultés, parce qu’elle n’a pas pris en compte la spécificité du scrutin sénatorial.

Je rappelle que, pour celui-ci, deux tours de scrutin se déroulent le même jour et que deux modes de scrutin s’appliquent selon le nombre de sièges à pourvoir dans chacun des départements. Pour autant, les candidats qualifiés pour le second tour ne sont, en l’état de la loi, pas autorisés à faire campagne entre les deux tours.

Au-delà de ce que nous pourrions qualifier de « paradoxe démocratique », cette interdiction peut remettre en cause la sécurité juridique des élections sénatoriales, comme le démontrent les difficultés rencontrées lors des élections du mois de septembre 2020 et la jurisprudence récente du Conseil constitutionnel. De fait, l’extension de la disposition du code électoral aux élections sénatoriales s’est révélée peu adaptée aux spécificités de celles-ci.

À cet égard, nous ne pouvons que rejoindre l’auteur de la proposition de loi sur un fait : il est nécessaire de pouvoir faire campagne, par exemple, par la tenue d’une réunion électorale entre les deux tours de scrutin. Cela répond au besoin de garantir une vie démocratique riche en débats et en pluralité.

Ne l’oublions pas, un entre-deux-tours est un moment charnière. Nous en avons tous ici fait l’expérience et nous pouvons convenir qu’il est tout à fait opportun de bénéficier de ce temps politique, pour le moment cloisonné. Nous ne pouvons nier qu’il s’agit de la phase ultime qui fait vivre la démocratie, même s’il appartient à chacun des candidats de s’y employer de la manière dont il l’entend, y compris en fonction de sa personnalité, de la réalité et de l’histoire du département.

Si nous rétablissons et reconnaissons, par cette proposition de loi, la réintroduction d’un temps de campagne entre les deux tours, il faudra, je pense, continuer à travailler afin de formaliser les campagnes sénatoriales pour sécuriser les candidats, mais aussi la démocratie.

Nous saluons l’intégration dans les comptes de campagne des dépenses liées à ce deuxième tour. L’égalité entre les candidats est essentielle afin que les campagnes sénatoriales soient menées de façon équitable.

De plus, la suppression de l’embargo sur les résultats applicable jusqu’à la fermeture du dernier bureau de vote en métropole nous semble aller dans le bon sens, puisque la presse locale et les sites internet relaient déjà les résultats bien avant dix-sept heures. Contrairement aux autres élections, où les premiers bureaux de vote ferment à dix-huit heures et où le délai d’attente, jusqu’à vingt heures, est donc de plusieurs dizaines de minutes, il nous faut là patienter plusieurs heures… Les fuites existant inévitablement, autant légiférer en ce sens.

Je veux faire une remarque avec beaucoup de solennité.

Si l’heure de publicité des résultats pose question, en ce que la règle du code électoral dispose que l’on doit attendre la fermeture du dernier bureau de vote en métropole pour communiquer – règle que nous allons modifier pour la proclamation des premiers tours acquis des élections sénatoriales –, je rappelle que toute dérogation au code électoral doit être réalisée avec parcimonie, sauf à remettre en cause les principes de ce code, qui garantissent aux citoyens la sincérité du scrutin et, au-delà, la confiance qui se crée, lors de l’élection, entre les électeurs et les élus.

Malgré ces différentes réserves – si j’ose appeler ainsi mes remarques –, le groupe communiste républicain citoyen et écologiste votera cette proposition de loi, qui facilite l’entre-deux-tours.

Nous ne pouvons que souhaiter bon courage aux dix-huit départements qui seront concernés par ce mode de scrutin l’an prochain !

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur des travées des groupes GEST, RDSE, UC et Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, la proposition de loi sur le déroulement des élections sénatoriales.

La proposition de loi est adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Mes chers collègues, l’ordre du jour de cet après-midi étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-huit heures quarante-cinq, est reprise à vingt-et-une heures.