Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est évidemment utile à la vie des démocraties d’adapter et de corriger les règles électorales face aux difficultés ou aux évolutions qu’elles rencontrent dans leur mise en œuvre. Certes, les ajustements techniques ne suffiront jamais à redynamiser la culture citoyenne, mais ils sont tout de même impératifs.
Notre groupe salue donc l’initiative de François-Noël Buffet, qui participe à la préservation de la singularité du scrutin sénatorial.
La loi du 2 décembre 2019 d’Alain Richard a déjà comblé quelques lacunes des règles relatives à la propagande des élections sénatoriales en prévoyant des renvois au code électoral. Ces ajustements étaient bienvenus.
Cela étant, même si je n’étais pas directement concernée, nous avons constaté que le renouvellement du mois de septembre 2020 s’était heurté à des limites dans l’application au scrutin sénatorial de règles de droit commun relatives à la propagande électorale et à la communication des résultats.
Nous avons ainsi relevé deux limites, qui ont déjà été soulignées par les orateurs précédents.
En premier lieu, les règles applicables en matière de propagande électorale aux autres scrutins ont été étendues aux élections des sénateurs. Cela a conduit à un ensemble d’interdictions portant sur la diffusion de tracts, sur l’achat de publicités commerciales dans la presse, ou encore sur la figuration de la photographie sur le bulletin de vote.
En second lieu, l’embargo sur les résultats a été imposé jusqu’à la fermeture du dernier bureau de vote dans le territoire métropolitain, soit à dix-sept heures trente. Cet embargo est apparu en contradiction avec la nécessité de communiquer les résultats du premier tour de scrutin dès la fin de la matinée, donc avant l’ouverture du second tour de scrutin.
Au regard de ces observations, nous sommes donc pleinement favorables aux corrections proposées par l’auteur de cette proposition de loi, puisqu’elles tendent à aménager ces deux dispositifs, afin qu’ils s’accordent mieux aux spécificités du scrutin sénatorial.
La commission des lois a complété l’ensemble des mesures par des ajustements prévoyant d’adapter les règles de financement des dépenses électorales à la spécificité du scrutin sénatorial, visant à rendre éligibles au remboursement les dépenses engagées entre les deux tours de scrutin lorsque ceux-ci ont lieu le même jour.
Tout est à retenir, pourvu que l’on préserve ce qui fait la particularité du Sénat.
La singularité du scrutin sénatorial est l’essence même de notre assemblée. Elle contribue à ce que nous soyons moins exposés aux fluctuations et aux engouements électoraux, parfois volatils.
Ce mode de désignation justifie aussi que, en plus de participer à l’expression de la volonté générale, nous assumions notre rôle constitutionnel de représentation des territoires.
Tous ces mécanismes se reflètent dans nos travaux. Nos désaccords peuvent être profonds ; ils sont toujours débattus avec sérieux. La rigueur ne nous empêche pas d’être vigoureux, mais toujours dans le respect de la diversité des opinions.
Pour conclure mon propos, je citerai un court extrait du rapport présenté le 3 août 1874 par le député Antonin Lefèvre-Pontalis sur ce qui allait devenir la loi du 24 février 1875 instituant le Sénat de la IIIe République : « Une nation est livrée à toutes les surprises et à toutes les aventures, quand les volontés de la majorité numérique des citoyens peuvent faire la loi […]. Il ne faut pas que, si le suffrage universel est tenté de sacrifier les intérêts de la stabilité et de la conservation nécessaire à l’existence d’une société, il puisse faire tout ce qu’il veut. […] Telle est, dans une société démocratique comme la nôtre, l’importance ; il y a plus, telle est la nécessité d’un Sénat. » À quelques mois du renouvellement de notre hémicycle, ces quelques mots m’ont semblé pleins de justesse.
Pour toutes les raisons évoquées, notre groupe votera en faveur de ce texte.