Intervention de Pascal Allizard

Réunion du 6 décembre 2022 à 21h00
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 15 et 16 décembre 2022

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le Conseil européen qui se tiendra les 15 et 16 décembre prochain sera le premier depuis la libération de Kherson par les troupes ukrainiennes le mois dernier.

Le succès de la contre-offensive lancée par l’état-major ukrainien au mois de septembre dernier ne saurait masquer les nombreuses incertitudes qui continuent d’obscurcir le champ de bataille. La guerre déclenchée au mois de février dernier par l’agression russe sur le territoire ukrainien dure depuis plus de neuf mois. D’ores et déjà, elle est inédite sur notre continent par son ampleur et son intensité depuis la fin de la guerre froide. Il existe malheureusement un risque réel pour qu’elle s’installe dans la durée.

S’il est difficile de prédire ce que sera l’avenir de cette guerre, nous constatons déjà, sur le théâtre des opérations, l’importance de la mobilisation des Européens en faveur de la liberté du peuple ukrainien.

Au lendemain du 24 février dernier, l’Union européenne a fait la preuve de sa capacité à s’unir et à se mobiliser, y compris sur la scène géopolitique internationale. Depuis cette date, la valeur totale des livraisons d’armes létales et non létales assurées par les États membres au bénéfice des soldats ukrainiens dépasse 8 milliards d’euros.

Cette somme n’atteint certes pas les 19 milliards de dollars de l’aide américaine, mais elle représente une contribution substantielle et, surtout, décisive à l’effort de guerre de l’Ukraine. Les soldats ukrainiens font chaque jour la démonstration de l’importance intacte des forces morales pour prendre la supériorité sur le terrain. Il est de notre devoir de continuer de leur apporter un soutien financier et capacitaire à la hauteur de leur résistance héroïque. Pour ce faire, nous devons à tout prix préserver l’unité qui caractérise l’Union européenne depuis le début de la guerre.

Or, à l’échelle de l’Union européenne, les instruments que nous avions imaginés pour une période de paix ne sont plus adaptés, en cette période de guerre. La facilité européenne pour la paix a démontré, depuis sa création en 2021, sa pertinence et sa souplesse d’utilisation, mais le montant de 5, 7 milliards d’euros que nous avions initialement prévu se révèle largement en deçà des besoins.

La situation exceptionnelle dans laquelle nous nous trouvons actuellement exige des réponses exceptionnelles. Le versement des aides prévues par la sixième enveloppe, avalisée lors du sommet de Prague, au mois d’octobre dernier, portera à plus de 3 milliards d’euros le financement de l’aide aux armées ukrainiennes issu de la facilité européenne pour la paix.

Le refinancement de cet instrument devient donc une urgence. Le retour de la guerre sur notre continent justifie pleinement que nous dégagions des crédits exceptionnels pour cette opération. Nous devons nous mobiliser pour que l’Union européenne continue de s’appuyer sur un instrument suffisamment solide pour financer l’aide militaire décidée en commun.

Au-delà de cet enjeu de court terme, sur lequel les chefs d’État et de gouvernement devront trouver rapidement un compromis praticable, la coopération européenne de défense doit répondre à des enjeux de long terme, comme c’est le cas avec la boussole stratégique européenne.

La mobilisation des gouvernements au lendemain du déclenchement de la guerre en Ukraine s’est traduite par une hausse générale des budgets de défense au sein de l’Union européenne. Pour autant, si nous n’y prenons garde, celle-ci pourrait avoir pour effet de renforcer l’empreinte des industries d’armement américaines en Europe.

L’ambition française d’une autonomie stratégique européenne ne saurait se satisfaire d’une telle issue. Ce que nous devons promouvoir, dans le sillage de la boussole stratégique européenne, c’est un renforcement de nos dépenses en commun, pour financer la recherche et l’innovation dans le domaine de la défense ou des achats d’équipements.

Les statistiques les plus récentes sont inquiétantes dans ce domaine ; elles révèlent que la proportion des acquisitions communes de matériel militaire atteint seulement 18 % en 2021. C’est deux fois moins que l’objectif visé dans le cadre de la boussole stratégique européenne, soit 35 % des dépenses d’équipement en commun.

Dans ce contexte, la défense collective de l’Europe ne pourra être assurée qu’à la condition de répondre aux défis soulevés à court et à moyen terme par le retour de la guerre sur notre continent.

Madame la secrétaire d’État, nous serons attentifs à ce que la France soutienne les solutions qui permettront à l’Europe de se doter de l’autonomie stratégique que les circonstances exigent.

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