Intervention de Pascal Allizard

Réunion du 6 décembre 2022 à 21h00
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 15 et 16 décembre 2022

Photo de Pascal AllizardPascal Allizard :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’année 2022 aura marqué le retour de la guerre sur le continent européen, une guerre totale qui vise autant l’armée ukrainienne que les populations. Pour l’instant, les desseins du président russe d’annexer l’Ukraine, d’y installer son pouvoir, de diviser et d’affaiblir les Européens ont été mis en échec.

Cet événement géopolitique majeur a forcé l’Europe à réagir avec fermeté et unité. La mise en œuvre du Fonds européen de la défense, l’adoption de la boussole stratégique européenne, la volonté d’accroître l’effort de défense et de mutualiser les achats militaires vont indéniablement dans le bon sens.

Malgré les mesures prises et l’unité affichée des Européens, nous sommes en réalité encore bien fragiles face aux soubresauts du monde, à l’affirmation de puissances désinhibées et à la dégradation du système multilatéral.

Les sanctions européennes n’ont pour l’instant pas permis d’affaiblir le pouvoir et l’économie russes autant que nous l’aurions espéré. Depuis plusieurs mois, les ventes d’hydrocarbures russes à la Chine sont en hausse et permettent en partie de pallier la défection des Occidentaux. Une Russie très affaiblie, voire exsangue, et dépendante de la Chine ne me semble pas, à terme, une bonne perspective pour la sécurité de l’Europe. Pourtant, ces sanctions sont nécessaires.

Le bannissement des productions pétrolières et gazières russes conduit à une crise énergétique déstabilisante. Elle a mis en lumière la dépendance et la légèreté de certains États membres en matière d’approvisionnement. Par ricochet, la filière nucléaire revient en grâce, mais après avoir été durablement affaiblie et dénigrée. Nous risquons ainsi des coupures de courant durant cet hiver.

Factuellement, la recherche de solutions de remplacement ne conduira-t-elle pas à de nouvelles dépendances, qu’il s’agisse du gaz de schiste américain ou de la production du Golfe et de la Caspienne, avec les conséquences politiques qui en découlent ? Le projet REPowerEU sera-t-il adapté et constitue-t-il vraiment une opportunité pour la France ?

Ces évolutions en matière de sécurité, d’énergie, de souveraineté seront-elles pérennes ? Avec le temps, ne risque-t-on pas d’en revenir au business as usal, au détriment d’une vision stratégique globale ?

Enfin, cet intérêt nouveau des Européens pour la défense profite surtout à la résurrection de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (Otan) et se manifeste largement par l’achat d’équipements militaires structurants américains. La base industrielle et technologique de défense (BITD) européenne doit être privilégiée, les coopérations recherchées chaque fois que cela est possible, sans s’interdire des développements strictement nationaux lorsque des coopérations se révèlent préjudiciables à nos intérêts.

Parmi les autres points d’inquiétude, je rappelle les mesures protectionnistes américaines, dont les plus récentes, l’Inflation Reduction Act, prévoient près de 400 milliards de dollars d’aides à la relocalisation sur le sol américain d’industries d’avenir. Je partage les propos du président de la commission des affaires européennes du sénat et ceux de Véronique Guillotin : il y a là une menace directe pour l’Europe.

Le commissaire Thierry Breton appelle à la création d’un fonds de souveraineté européen. Qu’en est-il réellement, madame la secrétaire d’État ?

Concernant la Chine, une prise de conscience commence à émerger à l’échelon européen à propos du déséquilibre des échanges, du non-respect de la propriété intellectuelle, des différences de normes sociales et environnementales ou de ses visées géopolitiques. Pour autant, des projets de cession d’infrastructures européennes à des entreprises chinoises demeurent. N’avons-nous pas retenu la leçon du Pirée ? Nos voisins britanniques viennent d’évincer un actionnaire chinois de leur principal fabricant de semi-conducteurs et d’interdire l’installation de caméras produites en Chine pour la vidéosurveillance des sites sensibles.

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