Intervention de Denis Detcheverry

Réunion du 12 novembre 2008 à 21h45
Financement de la sécurité sociale pour 2009 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Denis DetcheverryDenis Detcheverry :

Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite vous faire part de ma position sur la réforme de l’indemnité temporaire de retraite, l’ITR, dispositif qui existe en outre-mer depuis le début des années cinquante et dont la perception métropolitaine est bien souvent éloignée des réalités ultramarines.

En effet, si les retraites de la fonction publique sont majorées en outre-mer, c’est tout simplement parce que les salaires le sont également. Le choix a été fait voilà bien longtemps de compenser le coût élevé de la vie en majorant les salaires. Il s’agit donc d’une indexation des salaires et des retraites sur le coût de la vie. Même si ces deux majorations ont été établies différemment, elles servent aujourd’hui toutes deux à préserver le pouvoir d’achat des populations ultramarines par rapport à celles de la métropole.

Je vous l’avoue, j’aurais préféré qu’un effort soit réalisé pour abaisser le coût de la vie. Je pense, entre autres, à la mise en place d’aides à l’importation et à l’exportation, afin de donner une meilleure chance aux économies d’outre-mer d’être compétitives. Mais le système est ce qu’il est, et l’ITR fait partie intégrante de cette philosophie. Il faut donc que toute réforme s’inscrive dans une analyse globale.

Comme la grande majorité de mes collègues ultramarins, j’admets que le dispositif actuel présente certaines imperfections, voire des injustices. Ainsi, des personnes n’ayant jamais servi outre-mer viennent en profiter de manière totalement illégitime. En 2006, j’avais souhaité présenter un amendement visant à imposer une durée minimale d’exercice en outre-mer de dix ans pour y avoir droit. Malheureusement, le cabinet du ministre en charge de l’outre-mer de l’époque m’en avait dissuadé. Je pense aujourd'hui que j’ai eu tort de me laisser fléchir.

J’ai également écrit au Président de la République à la suite de son discours sur la révision générale des politiques publiques, dans lequel il annonçait la fin des abus, mais non la fin de l’ITR. Je lui ai apporté mon soutien. J’ai donc toujours fait preuve de pragmatisme et de bonne foi sur ce dossier. Comme vous le savez, je ne suis pas là pour défendre des privilèges injustifiés. Je suis seulement animé par un souci d’efficacité et d’équité.

Cela étant, je ne comprends pas pourquoi, à cause de quelques « tricheurs », il devrait être mis fin à tout un système qui, même s’il est imparfait, demeure légitime. Doit-on, par exemple, supprimer la sécurité sociale parce que certaines personnes en abusent ? Doit-on faire une croix sur l’assurance chômage à cause de quelques profiteurs ? Je ne le pense pas.

Le sens de l’équité nous ordonne, d’une part, d’améliorer et de mieux faire respecter les règles contre les abus et, d’autre part, de faire évoluer le système général en vue d’une plus grande efficience.

Nous pouvons atteindre ce deuxième objectif de deux manières : soit en modifiant certains aspects de la loi, soit en y substituant un meilleur dispositif. Dans tous les cas, cela ne peut se faire qu’après une étude sérieuse et concertée de la situation dans les territoires concernés et des incidences qu’y auraient les nouvelles dispositions.

C’est pourquoi, même si je tiens à soutenir dès aujourd’hui la première partie d’une telle réforme, qui est devenue urgente pour mettre fin à la spirale actuelle, j’aimerais que l’on se donne le temps de l’analyse pour la deuxième partie. Bien que le caractère progressif du dispositif proposé paraisse rassurant, la réalité humaine et économique des territoires concernés n’est pas suffisamment prise en compte. Nous n’avons pas de résultats concrets sur le coût de la vie dans chacune de ces collectivités. L’INSEE a déclaré pouvoir faire ce travail en dix-huit mois. Pourquoi s’en priver ? Un système de compensation a été mis en avant à maintes reprises, mais rien n’est proposé dans le texte actuel.

J’espère donc que vous accepterez le premier amendement que j’ai présenté et qui prévoit la présentation d’un rapport par le Gouvernement dans un délai d’un an pour la mise en place d’une retraite complémentaire.

Mes chers collègues, je tiens toutefois à vous mettre en garde : il serait regrettable que l’État prenne des mesures d’économies qui, à terme, lui coûteraient plus cher. En effet, si les économies locales se trouvent encore plus sinistrées, cela se traduira par de moindres rentrées fiscales pour les collectivités concernées, qui sont déjà financièrement très fragiles, et plus de dépenses sociales. Au final, nous aurons ainsi encore moins d’argent à consacrer au développement économique réel et durable. Comme l’a si bien souligné notre éminent collègue Jean-Paul Virapoullé, qui ne pouvait être présent aujourd'hui, l’économie réalisée sera largement dépassée par le coût du désastre.

Le texte actuel prévoit de réserver dès 2009 l’accès aux fonctionnaires ayant exercé quinze ans en outre-mer et de plafonner les montants pour éviter les augmentations indiciaires jusqu’en 2018. Il a donc été apporté une réponse efficace à la situation d’urgence avec ces deux mesures. Pourquoi se précipiter pour mettre fin à l’ITR dans sa globalité ? Ne pouvons-nous pas nous donner un à deux ans pour réaliser une étude globale et sincère des situations et évaluer les conséquences de cette modification sur les territoires ultramarins ? C’est à se demander si on ne veut pas faire de l’outre-mer un bouc émissaire !

Et que l’on ne vienne pas me dire qu’un travail approfondi a déjà été effectué sur le sujet dans plusieurs rapports !

En effet, même le député Jean-Pierre Brard, auteur d’un rapport sur la question, a dénoncé une démarche de suppression totale, actée immédiatement, sans approfondir le dossier. Certains trouveront sans doute cela normal venant d’un député d’opposition. Mais Jean-Pierre Brard a eu la sincérité de dénoncer de longue date les anomalies du système actuel, en ne faisant preuve d’aucune complaisance. D’après mes informations, il est le seul parlementaire à s’être déplacé en outre-mer pour mener à bien sa mission. Les autres rapports ont été réalisés depuis Paris, et leurs auteurs n’ont pris la peine ni de se rendre dans les territoires concernés ni de rencontrer les parlementaires ultramarins, même lorsqu’ils se trouvaient au Palais-Bourbon ou au palais du Luxembourg.

Croyez-moi, cela n’est pas la bonne manière de procéder ! Il en résulte bien souvent des décisions totalement inadaptées à la réalité du terrain. C’est ainsi que jadis, je le dis pour l’anecdote, nous avons hérité de canons à Saint-Pierre-et-Miquelon pour nous protéger contre une invasion russe pendant la guerre de Crimée !

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