Intervention de Claude Kern

Réunion du 6 décembre 2022 à 21h00
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 15 et 16 décembre 2022

Photo de Claude KernClaude Kern :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, c’est une étape cruciale dans les sanctions infligées à la Russie par l’Occident. Depuis hier, plus aucun navire ne peut décharger de pétrole russe dans les ports de l’Union européenne, des États-Unis, de la Grande-Bretagne, du Japon ou de l’Australie.

Au terme de difficiles négociations, notamment avec la Hongrie, pays de l’Union particulièrement enclavé et qui fait face à de grandes difficultés pour diversifier ses approvisionnements, un compromis a finalement été trouvé : seul le pétrole arrivant par bateau est concerné par l’embargo.

À cet embargo s’ajoute une nouvelle disposition, décidée vendredi dernier par l’Union européenne : les États membres se sont mis d’accord pour plafonner le prix du baril russe à 60 dollars. Ce plafond a été durci, avec l’ajout d’une disposition prévoyant de le maintenir 5 % en deçà du prix du marché du brut russe.

À ce stade, s’il faut nous féliciter de cette décision commune sur un sujet aussi stratégique, les pays de l’Union faisant face à des situations très disparates en matière d’approvisionnement énergétique et de possibilités de diversification, nous pouvons également nous interroger sur l’efficacité du dispositif, le baril russe se négociant aujourd’hui aux alentours de 65 dollars. Plusieurs pays ont d’ores et déjà fait part de leur déception.

J’en viens à une autre source d’énergie. La présidence tchèque du Conseil de l’Union européenne a suggéré aux États membres de procéder à des ajustements des conditions d’activation du plafonnement des prix du gaz, jeudi 1er décembre, dans un premier projet de compromis relatif au « mécanisme de correction du marché ».

Présentée le 22 novembre, la proposition législative de la Commission européenne prévoit la mise en place automatique d’un plafond sur le prix du gaz négocié sur le marché des instruments dérivés TTF (taxe sur les transactions financières), lorsque deux conditions sont réunies de manière simultanée : premièrement, le prix de règlement pour les instruments dérivés TTF dépasse 275 euros pendant deux semaines consécutives ; deuxièmement, l’indice TTF European Gas Spot Index (EGSI) est supérieur de 58 euros au prix de référence du GNL au cours des dix derniers jours précédant la fin de la période de deux semaines susmentionnée.

Alors que les États membres partisans d’un plafond ont jugé ces conditions bien trop exigeantes, la proposition de la Commission va trop loin pour les pays opposés à tout plafonnement, comme l’Allemagne ou les Pays-Bas. Afin de trouver un compromis, Prague suggère d’abaisser de 275 euros à 264 euros la limite de prix au-delà de laquelle le plafond serait déclenché et de faire passer à cinq jours les deux périodes requises pour activer le mécanisme.

Le projet de compromis modifie également le champ d’application du mécanisme. Il ne serait ainsi plus limité aux dérivés TTF à un mois, mais concernerait également ceux dont l’échéance est comprise entre un et trois mois.

Enfin, Prague propose de supprimer l’obligation pour les États membres de notifier à la Commission européenne les mesures prises pour réduire la consommation de gaz et d’électricité en cas d’activation du mécanisme. Quelle sera la position de la France sur cette proposition ?

Alors que l’Union européenne entre dans l’hiver et que certains des pays membres font face à des températures inférieures à –10 degrés Celsius, les décisions doivent être prises rapidement.

À l’instar de la covid-19, la guerre en Ukraine est un accélérateur des tendances qui structurent l’Union européenne. Depuis des mois, la guerre est à nos portes et nous oblige à trouver des réponses adaptées. La démarche engagée par la présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE) lors du premier trimestre 2022 doit se poursuivre, afin de construire une Europe plus souveraine en matière d’énergie, mais aussi plus forte et capable d’agir en matière de sécurité et de défense.

À ce titre, nous nous félicitons de l’approbation par la Commission d’un investissement de près de 1, 2 milliard d’euros dans la recherche et le développement en matière de capacités de défense : 61 projets collaboratifs seront soutenus et bénéficieront de financements du Fonds européen de la défense. Ces projets sont nécessaires pour renforcer, à la fois, nos fondations industrielles et technologiques de défense et leur politique de sécurité et de défense commune.

Nous saluons également l’accord trouvé entre les industriels allemands et français sur la phase 1B de l’avion du futur, le Scaf (système de combat aérien du futur). C’est une excellente nouvelle pour la France, mais aussi pour l’Europe de la défense, qui a tout de même du mal à prendre son envol…

C’est une percée majeure pour l’industrie de défense de l’Union, qui se situe au cœur de la « souveraineté européenne » souhaitée par la France. Si les blocages de la première phase du projet sont levés, il faudra de nouveau négocier pour les phases suivantes du projet.

Nous appelons de nos vœux des négociations plus apaisées pour les prochaines phases.

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