Intervention de Cyril Pellevat

Réunion du 6 décembre 2022 à 21h00
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 15 et 16 décembre 2022

Photo de Cyril PellevatCyril Pellevat :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’Europe est actuellement plongée dans une crise énergétique inédite.

La production des entreprises est menacée et freine la réalisation de l’objectif de réindustrialisation de l’Europe. Les collectivités sont au bord du gouffre, et avec elles les services publics fournis à nos concitoyens, qui eux-mêmes seront touchés tôt ou tard, puisqu’ils devront bien, un jour, payer le prix du bouclier tarifaire mis en place pour limiter en urgence l’impact de la hausse des prix.

La guerre en Ukraine, les tentatives de désorganisation du marché de l’énergie par la Russie et les sanctions prises par l’Union européenne contre le gaz russe ont mis en lumière les mauvaises décisions prises par notre pays en matière de nucléaire, ainsi que les lacunes du marché commun de l’énergie, en particulier pour ce qui concerne le calcul du prix de l’électricité.

En effet, alors que le prix du gaz s’est envolé du fait du contexte international, le coût de l’électricité atteint lui aussi, mécaniquement, des niveaux jamais vus par le passé, puisqu’il est calculé en fonction du coût de la dernière unité de production, qui est généralement une centrale thermique au gaz.

La politique des petits pas ne suffira pas pour remédier à cette situation. Traiter les conséquences de la crise énergétique sans accepter d’en voir les causes ne nous conduira qu’à une impasse et ne fera qu’aggraver l’état de nos finances publiques.

Le marché européen de l’électricité doit donc être réformé urgemment et en profondeur, en le décorrélant des prix du gaz, afin d’éviter que cette crise ne se poursuive ou ne se reproduise à l’avenir. Pourtant, la Commission européenne n’a toujours pas, à ce jour, présenté de proposition de réforme et ne devrait pas le faire avant mars 2023, alors que la période hivernale sera la plus risquée en termes d’augmentation des prix.

Rendons-nous bien compte que nous serons cet hiver confrontés à des risques de blackout et que des délestages seront très certainement mis en œuvre pour les éviter ! C’est du jamais vu, même si le Président de la République a tenté de nous rassurer en parlant de « scénarios de la peur »…

Je comprends bien que le sujet est très sensible parmi les États membres, qui ont chacun des mix énergétiques, donc des intérêts, différents. Mais la crise sanitaire nous a prouvé que l’Union était capable d’agir beaucoup plus rapidement qu’elle ne le fait actuellement ; quant à l’inadaptation du marché, elle est connue de longue date. Il faut accélérer de toute urgence sur ce volet, et la France doit peser de tout son poids en vue d’aboutir à une solution rapide.

Je souhaiterais donc savoir, madame la secrétaire d’État, si une accélération est prévue ou si nous devons nous résigner à attendre la fin du premier trimestre 2023, donc accepter les risques afférents à l’absence d’application d’une réforme durant l’hiver ?

En outre, pourriez-vous m’indiquer si des pistes commencent au moins à se démarquer ? Quel est, par exemple, l’avis du Gouvernement sur le système grec ?

Celui-ci consisterait à faire reposer la négociation du prix sur deux compartiments de centrales : d’un côté, les centrales « à forte proportion de coûts fixes », c’est-à-dire le renouvelable et le nucléaire, dont le prix de vente serait fixé sur la base d’un appel d’offres fondé sur le coût moyen de production ; de l’autre côté, les autres centrales, fonctionnant aux énergies fossiles, qui auraient un coût variable, le prix final de l’électricité étant alors formé par une moyenne pondérée des deux. Ou privilégieriez-vous d’autres pistes et, dans ce cas, lesquelles ?

Je voudrais, en outre, vous interroger sur une première étape intermédiaire qui pourrait être franchie en cas d’accord sur le principe d’un plafonnement temporaire du prix du gaz, dit « système ibérique ».

Il ne s’agit bien évidemment pas d’une réforme structurelle, et ce plafonnement n’a vocation à intervenir que dans des cas exceptionnels de très forte hausse des prix. Il aurait néanmoins le mérite d’éviter les situations les plus catastrophiques.

Cependant, des désaccords importants persistent entre les États membres, ce qui pourrait encore en retarder l’adoption. En effet, certains pays, dont la France, estiment que le plafond, fixé pour le moment à 275 euros le mégawattheure, est trop élevé et que les conditions sont trop difficiles à atteindre.

Cela a été dit, l’Allemagne et les Pays-Bas y sont pour leur part plutôt opposés, craignant une hausse de la consommation de gaz et un manque de compétitivité face aux marchés asiatique et américain, ce qui pourrait entraîner une rupture de l’approvisionnement du continent.

Or le plafonnement du prix du gaz serait justement accompagné d’un accord de solidarité entre les États membres pour la fourniture d’énergie, d’un accord pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables et d’un objectif de réduction de la consommation de 15 %, ce qui permettrait d’éviter les écueils soulevés par les sceptiques.

Par ailleurs, rien n’empêchera en parallèle d’augmenter les livraisons de gaz par le biais de sources dignes de confiance, telles que la Norvège ou l’Algérie.

Madame la secrétaire d’État, demeurez-vous optimiste sur l’obtention d’un accord ? Quel est l’état d’avancement des discussions ? Pouvons-nous espérer un assouplissement des conditions et/ou un abaissement du plafond, ou devrons-nous nous contenter du mécanisme très restrictif, présenté le 24 novembre dernier aux ministres de l’énergie, qui laisse peu d’espoir d’amélioration quant au prix du gaz ?

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