Intervention de Laurence Boone

Réunion du 6 décembre 2022 à 21h00
Débat préalable à la réunion du conseil européen des 15 et 16 décembre 2022

Laurence Boone :

Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie vivement de vos interventions et de vos questions, auxquelles je vais tâcher de répondre.

Je commencerai par les points à l’ordre du jour du Conseil européen, avant de revenir sur les autres sujets d’actualité sur lesquels vous avez eu la gentillesse de m’interroger.

Premièrement, la plupart d’entre vous ont évoqué dans leurs interrogations la guerre menée par Vladimir Poutine en Ukraine. Je voudrais le redire devant vous : la France continuera à soutenir l’Ukraine. Comme le disait le sénateur Marie, ce soutien sera humanitaire, militaire et financier.

Il ne faut pas oublier d’ailleurs le soutien humanitaire lorsque l’on établit des comparaisons, parfois de manière trop hâtive : l’Europe est le seul continent qui accueille 2 millions de réfugiés en provenance de ce pays.

Nous continuerons de soutenir l’Ukraine dans la durée, puisque, comme la sénatrice Guillotin et le sénateur Allizard l’ont souligné, la guerre risque d’être longue.

J’ajouterai pour vous répondre, monsieur le sénateur Allizard, que, lorsque nous parlons de soutien et de défense, nous les envisageons évidemment dans le cadre d’une préférence européenne, au travers, par exemple, de la proposition de règlement relatif à la mise en place de l’instrument visant à renforcer l’industrie européenne de la défense au moyen d’acquisitions conjointes, dite Edirpa. Nous prêtons une attention toute particulière à cette préférence.

Monsieur le sénateur Cadec, vous avez mentionné certains propos du chef de l’État sur l’Ukraine. Je le répète dans cet hémicycle : la paix se fera dans les conditions déterminées par l’Ukraine et quand celle-ci le souhaitera. Le Président de la République, à l’image de l’ensemble de nos partenaires, a déjà eu l’occasion de le préciser.

Comme vous le savez, l’Union européenne a pris la décision de soutenir l’Ukraine dans cette guerre et de collaborer en ce sens avec tous ses alliés. Ainsi, avec nos partenaires du G7 et l’Australie, nous avons décidé de plafonner les prix du pétrole russe.

Vous rappeliez, monsieur le sénateur Kern, que ce plafond a été fixé à 60 dollars. Cette mesure contribuera à réduire la capacité de la Russie à mener sa guerre, en diminuant fortement ses revenus issus du pétrole. Je ferai remarquer qu’elle a déjà contribué à faire baisser les prix, monsieur de Montgolfier, puisque les prix du brut ont atteint un plancher aujourd’hui.

Pour la suite, l’Union européenne continue de travailler à de nouvelles mesures, après déjà huit paquets de sanctions qui pèsent sur le régime russe. Plusieurs options supplémentaires sont à l’étude, notamment la restriction d’exportations dans les domaines de la technologie, des banques et des services, ainsi que de nouvelles désignations de responsables politiques, militaires et économiques russes soutenant la guerre.

Monsieur le sénateur Allizard, monsieur le sénateur Arnaud, vous l’avez tous deux souligné, c’est l’affaiblissement de la Russie à moyen terme que nous visons, et nous l’obtiendrons.

Monsieur Rapin, vous m’avez interrogée sur la mise en place d’un tribunal spécial pour les crimes relatifs à l’agression de la Russie. La lutte contre l’impunité pour les crimes commis en Ukraine est pour la France une priorité. Nous nous sommes mobilisés, en soutien tant de la justice ukrainienne que de la Cour pénale internationale.

S’agissant de la proposition de créer un tribunal spécial, nous avons commencé à y travailler avec nos partenaires européens et ukrainiens ; vous savez que nous avons reçu l’envoyé spécial ukrainien à ce sujet. Évidemment, il reviendra d’obtenir le plus large consensus possible au sein de la communauté internationale.

Deuxièmement, l’énergie, du fait de vos nombreuses interventions à ce sujet, est un enjeu qui me permettra de m’adresser à tout le monde.

Vous le savez, elle est vraiment au cœur de nos priorités européennes communes. J’ai rappelé les différents textes sur lesquels les ministres de l’énergie ont travaillé d’arrache-pied ces dernières semaines. Il est, d’évidence, important de préserver un cadre de concurrence équitable, comme l’a rappelé le sénateur Médevielle, sans sacrifier à la solidarité, comme l’a souligné le sénateur Fernique.

Monsieur le sénateur Rapin, madame la sénatrice Guillotin, vous avez mentionné le mécanisme de plafonnement du gaz. Il n’est pas assez ambitieux, nous en sommes d’accord. Certes, une réforme de l’indice du gaz est menée pour mieux refléter les prix à la fois du gaz par gazoduc et du gaz naturel liquéfié (GNL), mais il est clair qu’il faut aller plus loin.

Par conséquent, nous allons continuer d’insister pour faire baisser les prix du gaz, de même que nous allons continuer à utiliser la palette d’outils qui existe déjà ; elle contribuera à cette baisse.

Je pense à la plateforme d’achats conjoints qui nous donne un pouvoir de marché important. Je pense également aux discussions avec des partenaires stables, comme la Norvège et les États-Unis. Je pense enfin à l’accélération du déploiement des énergies renouvelables, qui va accroître notre indépendance ; il me semble que le sénateur Marie l’a spécifiquement mentionné.

Messieurs les sénateurs Rapin, Laurent et Pellevat, vous m’avez interrogée sur l’état des négociations relatives à la réforme du marché de l’électricité. Nous sommes d’accord : cette réforme est absolument essentielle, puisqu’elle va nous permettre de découpler durablement le prix de l’électricité de celui des énergies fossiles.

Il se trouve que la Commission nous a donné un calendrier assez précis pour cette réforme. Une consultation va être lancée sur la base d’un premier projet, d’ici à quelques jours ; sur cette base, la Commission formulera une proposition législative au mois de mars prochain.

Cela prend un peu de temps, du fait non seulement des consultations, mais aussi, monsieur le sénateur Pellevat, des études d’impact. Il me semble que nous nous dirigeons, pour cette réforme, vers quelque chose qui ressemblera aux contrats sur différence.

En tout état de cause, cette réforme sera adoptée avant les élections européennes, au printemps de 2024. Elle s’appliquera donc pour l’hiver 2024-2025. Il va nous falloir travailler à une solution pour l’hiver 2023-2024, afin que les prix de l’électricité soient maîtrisés. L’une des pistes est la prolongation des mesures de captation de la rente des énergéticiens, que nous avons adoptées cet hiver.

À ce propos, il est vrai que l’inflation provoquée par la hausse des coûts de l’énergie nous inquiète et aura sûrement des répercussions ; elle en a déjà sur les projets financés par le plan national de relance et de résilience (PNRR).

À ce stade, nous avons seulement envisagé des modifications marginales du cadre financier pluriannuel pour pouvoir préserver nos priorités, mais nous suivrons attentivement la situation.

À moyen terme, monsieur le sénateur Allizard, la transition énergétique assurera effectivement la sécurité de notre approvisionnement, qui sera atteinte grâce à notre autonomie – elle doit être la plus grande possible – et à la diversification des sources d’énergie. Plusieurs d’entre vous l’ont souligné, nous ne reviendrons pas au business as usual.

Troisièmement, j’ai été interrogée sur les relations avec la Moldavie par Mme la sénatrice Véronique Guillotin, qui, comme elle l’a précisé, est présidente du groupe d’amitié avec ce pays.

La Moldavie s’est vu octroyer le statut de pays candidat à l’adhésion à l’Union européenne lors du Conseil européen des 23 et 24 juin.

Elle a désormais à mettre en œuvre les neuf mesures énoncées par la Commission européenne dans son avis du 17 juin sur la demande d’adhésion moldave ; ces mesures portent sur la réforme de la justice, sur la lutte contre la corruption, la criminalité organisée et l’influence des oligarques, sur la réforme de l’administration publique, sur la réforme de la gestion des finances publiques et sur la protection des droits de l’homme.

J’ai bien conscience que ces exigences sont nombreuses et importantes, mais elles sont essentielles pour préserver l’État de droit à nos frontières et dans l’Union. Nous soutenons les efforts de la Moldavie pour mettre en œuvre ces réformes.

Quatrièmement, j’ai été interrogée par Mme la sénatrice Jourda sur l’articulation entre la Communauté politique européenne et les autres organisations, notamment le Partenariat oriental ou le Conseil de l’Europe ; j’ajoute l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), que vous n’avez pas mentionnée, si mes souvenirs sont bons.

La CPE n’est pas une organisation multilatérale concurrente de ces organisations. Une majorité de nos partenaires, d’ailleurs, préfère très clairement un format souple, plus proche de celui du G7 ou du G20 qui, comme vous le savez, ne disposent pas de secrétariat permanent.

Nous sommes attentifs à la bonne articulation des travaux et du calendrier de la CPE avec ceux du Conseil de l’Europe, de l’OSCE et du Partenariat oriental.

À mon sens, il faut distinguer les objectifs : l’OSCE s’occupe de la sécurité, le Conseil de l’Europe de l’État de droit ; la CPE, quant à elle, est un espace politique, notamment pour discuter de sujets relatifs à l’Arménie, à l’Azerbaïdjan ou aux enjeux maritimes. Cet espace politique a été très utile le 6 octobre dernier, cela a été rappelé, pour l’Arménie et l’Azerbaïdjan.

La CPE permet également de développer des projets concrets, comme l’éventuelle itinérance graduelle pour les pays membres – je la mentionnais précédemment – ou le déploiement d’infrastructures.

J’ajoute que de nombreux pays – Ukraine, Moldavie, Balkans occidentaux – me semblent avoir un grand appétit pour cette Communauté politique européenne. En s’élargissant, elle leur permet en effet de bénéficier de notre voisinage.

Monsieur le sénateur Rapin, monsieur le sénateur Allizard, messieurs les sénateurs Arnaud et Fernique, madame la sénatrice Guillotin, madame la présidente Gruny – je crois n’oublier personne ! –, …

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