Monsieur le président, mesdames les ministres, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous nous retrouvons comme chaque année pour étudier et voter le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Je voudrais tout d’abord rappeler ce que prévoit la loi constitutionnelle du 22 février 1996 : « Les lois de financement de la sécurité sociale déterminent les conditions générales de son équilibre financier et, compte tenu de leurs prévisions de recettes, fixent ses objectifs de dépenses, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. »
Cette année encore, notre objectif est de revenir à un déficit… acceptable. C’est là toute notre ambition ! N’étant pas parvenus à résoudre le problème des financements de l’assurance maladie et des retraites, nous nous sommes progressivement installés dans l’accoutumance aux déficits.
Diminuer le déficit de la sécurité sociale constitue pour nous une priorité, car notre dette est transmise aux générations futures par l’intermédiaire de la CADES. Cette solution a le mérite de la facilité. Aujourd’hui, nous pouvons nous soigner, assurer les pensions, et ce avec une gestion complaisante. Mais cela équivaut à demander aux générations futures de payer nos soins et nos pensions, à charge pour elles de se montrer courageuses et imaginatives pour payer les leurs le moment venu.
Oui, la santé coûte de plus en plus cher. On ne cesse de le déplorer, alors qu’il faudrait au contraire s’en réjouir : nous sommes beaucoup mieux soignés qu’auparavant ; nous vivons et demeurons productifs plus longtemps que jamais.
La santé coûte de plus en plus cher en raison de l’accroissement démographique, du développement de techniques médicales plus perfectionnées, de l’apparition de nouveaux médicaments plus performants issus de la recherche, des exigences légitimes de nos concitoyens en termes de diagnostic et de traitement et, surtout, en raison de l’augmentation de l’espérance de vie. Vivre mieux et en bonne santé a un coût qu’il nous faut accepter et qui doit nous conduire à adapter notre système de protection sociale à cette nouvelle donne.
Face à une réalité inéluctable, il nous faut prendre les mesures appropriées afin de maintenir la qualité de notre système de protection sociale sur l’ensemble du territoire. Surtout, il faudra assumer l’augmentation prévisible et incontournable de son coût.
Bien sûr, il convient de maîtriser les dépenses de santé et, d’abord, de réorganiser les soins.
Le projet de loi « hôpital, patients, santé, territoires », que présentera Mme la ministre Roselyne Bachelot, devrait permettre de réaliser des avancées majeures en matière d’organisation du système de santé, de réorganisation des hôpitaux, de médecine ambulatoire et de permanence des soins.
À l’évidence, c’est l’ensemble de notre système de santé qui appelle des réformes structurelles importantes.
En ce qui concerne la branche maladie, je me permettrai de vous livrer quelques réflexions en me référant pour l’essentiel aux constats formulés par la Cour des comptes.
Il est difficile de comprendre que l’on souligne tous les ans les incohérences des systèmes informatiques des caisses, les frais inconsidérés de gestion de la CNAM, toujours évalués et rapportés dans une fourchette comprise entre 5 % et 6 % quelle que soit l’évolution des dépenses, alors même que les tâches répétitives sont maintenant assurées par l’informatique et confiées de plus en plus souvent aux professionnels de santé.
Je n’ose évoquer les frais de gestion des mutuelles, mutuelles qui seraient fragilisées, dit-on, par des placements boursiers à risques, bien sûr avec l’accord des adhérents !
Enfin, l’absence de transparence des conventions financières négociées entre la CNAM et les différentes mutuelles qui assurent la délégation de gestion des dossiers des patients ne devrait nullement nous satisfaire.
La France compte plus de cinq cent cinquante mutuelles, cent trente assureurs et soixante institutions de prévoyance.
Ma deuxième réflexion porte sur l’accès aux soins et, plus spécialement, sur un égal accès à une chirurgie de qualité.
Déjà l’an passé, en attendant la mise en place du secteur optionnel, nous nous étions prononcés en faveur de plus de transparence par un affichage et une information préalables sur les prix des soins, les tarifs de remboursement et, surtout, les dépassements d’honoraires demandés.
La situation actuelle est devenue insupportable. Nous voulons garder une chirurgie de qualité accessible à tous les Français.
On le sait mais on feint de l’ignorer, la nomenclature des actes arrêtée par la sécurité sociale ne correspond plus, et ce depuis longtemps, à la réalité des actes chirurgicaux, à leur technicité et aux responsabilités assumées par les chirurgiens.
Nous voulons, et c’est une nécessité, que les filières de la chirurgie, de l’anesthésie et de l’obstétrique restent attrayantes pour les étudiants en médecine, afin qu’il puisse être répondu aux besoins futurs. Les campagnes de dénigrement à l’égard des professionnels de ces filières n’ont que trop duré et ne doivent plus être acceptées.
II nous faut maintenir le niveau de qualité de la chirurgie conventionnée, seule capable d’offrir à tous les Français un égal accès à cette qualité de soins. II faut savoir que, depuis 1980, les partenaires conventionnels ont choisi de ne pas revaloriser le tarif de remboursement des actes de chirurgie, laissant les dépassements d’honoraires, ou plus exactement les compléments d’honoraires, se développer, et sans le moindre contrôle.
Selon le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, les compléments d’honoraires se concentrent sur certaines activités, dans un nombre réduit de spécialités, et s’appliquent de façon inégale suivant les régimes. En outre, les compléments d’honoraires devraient être pratiqués avec « tact et mesure ». Les caisses d’assurance maladie ont connaissance de ceux qui ne respectent pas leurs engagements. Largement minoritaires, ils proviennent souvent de l’hôpital public.
Il appartient aux partenaires sociaux d’assumer leurs responsabilités en sanctionnant les excès !
II nous faut apporter, dans les meilleurs délais, des réponses satisfaisantes pour l’ensemble des acteurs concernés afin de garantir l’accès à une chirurgie de qualité sur l’ensemble du territoire français, de favoriser cette qualité en permettant la reconnaissance et la revalorisation des exercices professionnels, et tout cela dans la transparence la plus complète.
Je livrerai une dernière réflexion concernant les sociétés d’exercice libéral pour les professionnels de santé.
La Commission européenne demande à la France d’ouvrir le capital social des sociétés d’exercice libéral, ou SEL, en application des principes d’établissement et de libre circulation des capitaux à travers l’Union européenne, conformément à l’article 43 du traité de Rome.
Actuellement, en France, les SEL de santé exigent que le capital soit majoritairement détenu par des professionnels diplômés et que ces derniers exercent personnellement leur profession au sein de ces structures.
Dans le domaine sanitaire, il nous faut prioritairement garantir la protection de la santé publique, la qualité du système de soins, la déontologie des exercices professionnels, la proximité des structures de santé et, surtout, l’égal accès aux soins pour les patients.
Les SEL de santé dans leur organisation actuelle répondent à toutes ces exigences.
De plus, l’article 152 du traité communautaire garantit le principe de subsidiarité dans l’organisation des services de santé des États membres.
Déjà, des professionnels libéraux exerçant en clinique privée s’inquiètent du renforcement du pouvoir financier, qui a gonflé ces dernières années, au rythme des regroupements. Les praticiens veulent être parties prenantes plutôt que les jouets de grands groupes financiers, comme le déclare le professeur Vallancien.
Les commissions médicales d’établissement, ou CME, veulent être en charge de la qualité des soins, définir le projet médical avec la direction et elles entendent être informées de l’état financier du groupe qui administre l’établissement.
Une telle financiarisation de la santé est préoccupante. La spéculation financière sur les services aux patients est insupportable et ne sera pas dépourvue de conséquences au regard de notre politique de santé, avec notamment la disparition de certaines professions dans des secteurs d’activité ou des zones économiquement moins attractives.
Que deviendra l’indépendance du professionnel de santé face à l’hégémonie et aux pouvoirs des groupes capitalistiques ? L’intérêt des patients sera-t-il toujours prioritaire ? L’exercice de type libéral porteur de certaines valeurs résistera-t-il au pouvoir de l’argent ? Ce sont les questions que je vous pose !