Monsieur le président, madame la rapporteure, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis cet après-midi afin d’examiner le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue) dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture, dans la version issue de vos travaux en commission.
Le droit français s’enrichit régulièrement de dispositions décidées conjointement avec les autres États membres. La création d’un cadre européen unifié sur de nombreux sujets permet de mieux protéger et de mieux accompagner nos industries, nos opérateurs et nos concitoyens partout dans l’Union européenne.
Ce projet de loi a pour objet de transposer et mettre en œuvre un certain nombre de directives et règlements que l’Union européenne a adoptés ces trois dernières années. Il tend également à mettre en conformité des dispositions du droit national avec le droit de l’Union européenne – procédure rendue nécessaire par les évolutions réglementaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez que le texte aborde un nombre très varié de sujets, sur lesquels je ne me prononcerai pas de manière exhaustive à la tribune. Je laisserai plutôt le débat que nous aurons dans cet hémicycle nourrir les discussions portant sur les nombreux points qui ont suscité votre mobilisation par voie d’amendements.
Je veux néanmoins évoquer dès la discussion générale plusieurs sujets qui revêtent une importance particulière.
Il est prévu par l’article 2 de renforcer l’attractivité de l’épargne retraite et de désigner les autorités compétentes pour la supervision et le contrôle du produit paneuropéen d’épargne retraite individuelle (Pan European Personal Pension Product ou Pepp). Le Gouvernement vous propose, par un amendement après ce même article, d’aller au-delà en définissant les règles de fonctionnement ainsi que le régime fiscal et social du sous-compte français de ce produit, afin de le rendre pleinement effectif, conformément aux dispositions du règlement 2019/1238 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 et au règlement délégué de la Commission du 18 décembre 2020. L’objet de cette mesure est de préserver les acquis de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte.
Je défendrai également devant vous, en tant que ministre délégué chargé de la transition numérique, l’article 5 relatif au régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, appelée plus communément blockchain.
Figurant parmi les mesures relatives à la finance numérique pour stimuler l’innovation, proposées en septembre 2020 par la Commission européenne, le règlement européen portant sur un régime pilote pour les infrastructures de marché qui reposent sur la technologie des registres distribués (Distributed Ledgers T echnology ou DLT), entrera en application en mars 2023.
Visant à tirer parti des possibilités offertes par l’émergence des crypto-actifs qualifiables d’instruments financiers, le régime pilote sera mis en place pour une durée de trois ans, qui pourra être prolongée de trois années supplémentaires.
La création de ce régime est innovante puisque, pour la première fois, un texte européen d’application directe autorise des acteurs de marché à déroger à des exigences de la réglementation de droit commun, sous certaines conditions.
La France s’est battue pour obtenir un régime pilote ambitieux permettant de conduire des expérimentations à l’échelle industrielle sur les usages de la blockchain.
Le Gouvernement se réjouit ainsi de disposer d’un régime créant une zone d’expérimentation pour l’utilisation de la technologie blockchain dans le domaine des instruments financiers, ce qui est déterminant pour rester dans la course mondiale aux innovations financières.
Du reste, avec l’entrée en application de ce régime, la place de Paris disposera d’une occasion unique pour répondre à nombre de questions relatives au potentiel de la blockchain, ainsi qu’à ses utilisations et aux synergies qu’elle pourrait engendrer. Cette étape est donc cruciale.
La place de Paris pourrait donc devenir la place financière de la mise en œuvre de ce régime pilote, ce qui lui permettrait d’en tirer un avantage comparatif substantiel.
Le Gouvernement vous proposera à cet article deux amendements.
Le premier a pour objet de permettre aux titres nominatifs, en plus des titres aux porteurs, d’entrer dans le périmètre d’application du règlement 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022. Cette évolution permettra de répondre à une demande des acteurs de la place financière que nous jugeons pertinente.
Nous vous proposerons, par le second amendement à cet article 5, de modifier la réglementation applicable, afin d’organiser la répartition des compétences entre les autorités nationales, et de permettre aux différents types d’acteurs concernés de candidater aux exemptions ouvertes par le régime pilote.
J’évoquerai également l’article 8 de ce texte, qui a fait débat, je le sais, pour des raisons qui honorent le Parlement ! Je rappelle toutefois que les orientations politiques européennes qui en sont à l’origine ont été fixées. Il n’est donc pas question pour le Gouvernement de revenir aujourd’hui sur ces arbitrages politiques.
En revanche, l’opérationnalisation de ces objectifs requiert un très important et fastidieux travail technique pour modifier plusieurs dizaines de pages de codes. Ce travail technique visera le plus haut niveau d’ambition en matière de durabilité, tout en assurant la lisibilité des futurs reportings, tant pour les entreprises que pour les investisseurs ou les associations souhaitant avoir une vision consolidée des pratiques de telle entreprise. Une habilitation à légiférer par ordonnances est donc une étape nécessaire pour la bonne mise en œuvre des mesures de publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises.
Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement espère que les auditions que vous avez pu conduire en la matière vous auront convaincus de la pertinence du véhicule retenu, afin d’aboutir au complet déploiement de ces mesures. Nous nous engageons à mener ce travail technique en associant pleinement les parlementaires qui le souhaiteront.
Je m’arrêterai un moment sur l’article 12, qui vise à habiliter le Gouvernement à transposer la directive 2019/882 du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services.
La France, à l’instar de nombreux autres pays européens, a été mise en demeure de transposer cette directive, qui fixe, de manière détaillée, les obligations que devront respecter les fabricants, importateurs, distributeurs de certains produits ou prestataires de services, à compter du 28 juin 2025.
La directive du 17 avril 2019 vise à harmoniser les législations des États membres pour rendre accessibles certains produits et services comme les sites internet, les billetteries, les systèmes et équipements informatiques grand public, les services bancaires, les livres numériques et le commerce électronique.
Sur ce sujet important pour nos concitoyens en situation de handicap, et pour toute la société à vrai dire, nous accusons un retard collectif qui n’est plus acceptable. Le travail technique exigeant qui est impliqué par cette transposition nécessite de poursuivre le travail interministériel déjà engagé. Une habilitation de quatre mois est prévue par cet article.
Je veux toutefois préciser qu’un groupe de travail interministériel est en train d’intégrer dans l’écriture du projet de loi les modifications que cette transposition implique, afin qu’elles puissent être intégrées par amendement, au cours de la navette parlementaire.
Le texte contient par ailleurs de nombreuses dispositions relatives aux prérogatives des ministères sociaux. Je pense notamment à l’article 14, où sont prévues des mesures concernant le congé parental d’éducation, le congé de paternité, le congé de solidarité familiale et le congé de proche aidant. Je sais que vous vous êtes investie sur cet article en commission, madame la rapporteure.
L’article 23, quant à lui, a pour objet de ratifier des ordonnances désignant l’autorité administrative chargée de prononcer des sanctions financières dans le cadre de la surveillance du marché des dispositifs médicaux, des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, de leurs accessoires et des produits de l’annexe XVI du règlement 2017/745 de l’Union européenne.
Sur ce point aussi, je sais que la commission des affaires sociales a travaillé à l’amélioration des outils de lutte contre les risques de rupture de dispositifs médicaux et à la possibilité de publier les éventuelles sanctions financières prononcées par l’autorité administrative en la matière.
Enfin, le projet de loi comporte un certain nombre de dispositions relatives au secteur des transports, qui ont suscité – je l’ai noté – une mobilisation particulière de la chambre haute, ainsi que de nécessaires mesures d’adaptation du code rural et de la pêche maritime à la mise en œuvre de la programmation 2023-2027 de la politique agricole commune (PAC), qui est un outil vital pour nos agriculteurs, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs.