Séance en hémicycle du 13 décembre 2022 à 14h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

Source

La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

J’informe le Sénat que trois candidatures pour siéger au sein de la commission mixte paritaire chargée d’élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 ont été publiées.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture (projet n° 140, texte de la commission n° 187, rapport n° 186, avis n° 178, 179, 182 et 183).

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

En application de l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, le Gouvernement sollicite l’examen par priorité des articles 20, 23 et 24 au début de la discussion des articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Y a-t-il un orateur contre cette demande de priorité formulée par le Gouvernement ?...

Quel est l’avis de la commission ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Mes chers collègues, je vous rappelle qu’aucune explication de vote n’est admise.

Je consulte le Sénat sur la demande de priorité présentée par le Gouvernement et acceptée par la commission.

Il n’y a pas d’opposition ?…

La priorité est ordonnée.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Monsieur le président, madame la rapporteure, messieurs les rapporteurs pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis cet après-midi afin d’examiner le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue) dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture, dans la version issue de vos travaux en commission.

Le droit français s’enrichit régulièrement de dispositions décidées conjointement avec les autres États membres. La création d’un cadre européen unifié sur de nombreux sujets permet de mieux protéger et de mieux accompagner nos industries, nos opérateurs et nos concitoyens partout dans l’Union européenne.

Ce projet de loi a pour objet de transposer et mettre en œuvre un certain nombre de directives et règlements que l’Union européenne a adoptés ces trois dernières années. Il tend également à mettre en conformité des dispositions du droit national avec le droit de l’Union européenne – procédure rendue nécessaire par les évolutions réglementaires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez que le texte aborde un nombre très varié de sujets, sur lesquels je ne me prononcerai pas de manière exhaustive à la tribune. Je laisserai plutôt le débat que nous aurons dans cet hémicycle nourrir les discussions portant sur les nombreux points qui ont suscité votre mobilisation par voie d’amendements.

Je veux néanmoins évoquer dès la discussion générale plusieurs sujets qui revêtent une importance particulière.

Il est prévu par l’article 2 de renforcer l’attractivité de l’épargne retraite et de désigner les autorités compétentes pour la supervision et le contrôle du produit paneuropéen d’épargne retraite individuelle (Pan European Personal Pension Product ou Pepp). Le Gouvernement vous propose, par un amendement après ce même article, d’aller au-delà en définissant les règles de fonctionnement ainsi que le régime fiscal et social du sous-compte français de ce produit, afin de le rendre pleinement effectif, conformément aux dispositions du règlement 2019/1238 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 et au règlement délégué de la Commission du 18 décembre 2020. L’objet de cette mesure est de préserver les acquis de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte.

Je défendrai également devant vous, en tant que ministre délégué chargé de la transition numérique, l’article 5 relatif au régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, appelée plus communément blockchain.

Figurant parmi les mesures relatives à la finance numérique pour stimuler l’innovation, proposées en septembre 2020 par la Commission européenne, le règlement européen portant sur un régime pilote pour les infrastructures de marché qui reposent sur la technologie des registres distribués (Distributed Ledgers T echnology ou DLT), entrera en application en mars 2023.

Visant à tirer parti des possibilités offertes par l’émergence des crypto-actifs qualifiables d’instruments financiers, le régime pilote sera mis en place pour une durée de trois ans, qui pourra être prolongée de trois années supplémentaires.

La création de ce régime est innovante puisque, pour la première fois, un texte européen d’application directe autorise des acteurs de marché à déroger à des exigences de la réglementation de droit commun, sous certaines conditions.

La France s’est battue pour obtenir un régime pilote ambitieux permettant de conduire des expérimentations à l’échelle industrielle sur les usages de la blockchain.

Le Gouvernement se réjouit ainsi de disposer d’un régime créant une zone d’expérimentation pour l’utilisation de la technologie blockchain dans le domaine des instruments financiers, ce qui est déterminant pour rester dans la course mondiale aux innovations financières.

Du reste, avec l’entrée en application de ce régime, la place de Paris disposera d’une occasion unique pour répondre à nombre de questions relatives au potentiel de la blockchain, ainsi qu’à ses utilisations et aux synergies qu’elle pourrait engendrer. Cette étape est donc cruciale.

La place de Paris pourrait donc devenir la place financière de la mise en œuvre de ce régime pilote, ce qui lui permettrait d’en tirer un avantage comparatif substantiel.

Le Gouvernement vous proposera à cet article deux amendements.

Le premier a pour objet de permettre aux titres nominatifs, en plus des titres aux porteurs, d’entrer dans le périmètre d’application du règlement 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022. Cette évolution permettra de répondre à une demande des acteurs de la place financière que nous jugeons pertinente.

Nous vous proposerons, par le second amendement à cet article 5, de modifier la réglementation applicable, afin d’organiser la répartition des compétences entre les autorités nationales, et de permettre aux différents types d’acteurs concernés de candidater aux exemptions ouvertes par le régime pilote.

J’évoquerai également l’article 8 de ce texte, qui a fait débat, je le sais, pour des raisons qui honorent le Parlement ! Je rappelle toutefois que les orientations politiques européennes qui en sont à l’origine ont été fixées. Il n’est donc pas question pour le Gouvernement de revenir aujourd’hui sur ces arbitrages politiques.

En revanche, l’opérationnalisation de ces objectifs requiert un très important et fastidieux travail technique pour modifier plusieurs dizaines de pages de codes. Ce travail technique visera le plus haut niveau d’ambition en matière de durabilité, tout en assurant la lisibilité des futurs reportings, tant pour les entreprises que pour les investisseurs ou les associations souhaitant avoir une vision consolidée des pratiques de telle entreprise. Une habilitation à légiférer par ordonnances est donc une étape nécessaire pour la bonne mise en œuvre des mesures de publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement espère que les auditions que vous avez pu conduire en la matière vous auront convaincus de la pertinence du véhicule retenu, afin d’aboutir au complet déploiement de ces mesures. Nous nous engageons à mener ce travail technique en associant pleinement les parlementaires qui le souhaiteront.

Je m’arrêterai un moment sur l’article 12, qui vise à habiliter le Gouvernement à transposer la directive 2019/882 du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services.

La France, à l’instar de nombreux autres pays européens, a été mise en demeure de transposer cette directive, qui fixe, de manière détaillée, les obligations que devront respecter les fabricants, importateurs, distributeurs de certains produits ou prestataires de services, à compter du 28 juin 2025.

La directive du 17 avril 2019 vise à harmoniser les législations des États membres pour rendre accessibles certains produits et services comme les sites internet, les billetteries, les systèmes et équipements informatiques grand public, les services bancaires, les livres numériques et le commerce électronique.

Sur ce sujet important pour nos concitoyens en situation de handicap, et pour toute la société à vrai dire, nous accusons un retard collectif qui n’est plus acceptable. Le travail technique exigeant qui est impliqué par cette transposition nécessite de poursuivre le travail interministériel déjà engagé. Une habilitation de quatre mois est prévue par cet article.

Je veux toutefois préciser qu’un groupe de travail interministériel est en train d’intégrer dans l’écriture du projet de loi les modifications que cette transposition implique, afin qu’elles puissent être intégrées par amendement, au cours de la navette parlementaire.

Le texte contient par ailleurs de nombreuses dispositions relatives aux prérogatives des ministères sociaux. Je pense notamment à l’article 14, où sont prévues des mesures concernant le congé parental d’éducation, le congé de paternité, le congé de solidarité familiale et le congé de proche aidant. Je sais que vous vous êtes investie sur cet article en commission, madame la rapporteure.

L’article 23, quant à lui, a pour objet de ratifier des ordonnances désignant l’autorité administrative chargée de prononcer des sanctions financières dans le cadre de la surveillance du marché des dispositifs médicaux, des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, de leurs accessoires et des produits de l’annexe XVI du règlement 2017/745 de l’Union européenne.

Sur ce point aussi, je sais que la commission des affaires sociales a travaillé à l’amélioration des outils de lutte contre les risques de rupture de dispositifs médicaux et à la possibilité de publier les éventuelles sanctions financières prononcées par l’autorité administrative en la matière.

Enfin, le projet de loi comporte un certain nombre de dispositions relatives au secteur des transports, qui ont suscité – je l’ai noté – une mobilisation particulière de la chambre haute, ainsi que de nécessaires mesures d’adaptation du code rural et de la pêche maritime à la mise en œuvre de la programmation 2023-2027 de la politique agricole commune (PAC), qui est un outil vital pour nos agriculteurs, comme vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parmi les dispositions très diverses de ce texte, qui n’ont pour point commun que d’assurer la mise en conformité du droit national au droit européen, la commission des affaires sociales s’est penchée sur les articles relatifs au handicap, au travail et à la santé publique.

Concernant le handicap, l’article 12 vise à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à la transposition de la directive 2019/882 du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services.

Les premiers jalons de cette exigence d’accessibilité ont été posés par la loi du 11 février 2005. Au regard de la réglementation existante, la directive procède à un double élargissement, puisqu’elle rend obligatoires les exigences d’accessibilité à un plus grand nombre de produits, d’une part, à un plus grand nombre d’acteurs économiques, d’autre part, et ce à compter du 28 juin 2025. L’article 2 de la directive en énumère la liste.

Au regard de la technicité des mesures et de la nécessité d’harmoniser les réglementations qui concernent aussi bien le secteur bancaire que les transports ou la culture, le recours à l’habilitation me semble justifiable. Compte tenu des retards rencontrés dans l’application des mesures d’accessibilité physiques, nous devrons être attentifs au calendrier de la mise en œuvre de ces nouvelles obligations par les opérateurs économiques.

Concernant les dispositions relatives au travail, la commission a approuvé l’article 14, qui vise à sécuriser les droits des salariés prenant des congés familiaux, en ajustant notre droit aux exigences qui découlent de la directive du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants.

À l’issue d’un congé de paternité, d’un congé parental ou d’un congé de présence parentale, le salarié conservera le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début du congé. Les salariés du particulier employeur, les assistants maternels et les assistants familiaux employés par des personnes privées pourront bénéficier des congés de proche aidant et de solidarité familiale. En outre, l’ancienneté d’un an, requise pour bénéficier d’un congé parental d’éducation, sera comptabilisée à compter non plus de la date de naissance de l’enfant ou de son arrivée dans le foyer, mais de la date de la demande du congé par le salarié.

Dans le prolongement de ces mesures, la commission a ajouté les périodes de congé de paternité aux périodes de congé assimilées à une présence dans l’entreprise pour la répartition de la réserve spéciale de participation entre salariés.

La commission a également adopté les articles 15 et 16, qui ont pour objet d’adapter le droit du travail à la directive du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne.

Cette directive impose aux employeurs d’informer les salariés sur les éléments principaux de la relation de travail en leur transmettant quinze types d’information dans un délai de sept à trente jours. La précision de la directive européenne ne laisse presque aucune marge de manœuvre au législateur pour transposer ces exigences dans le droit national. Nous avons donc approuvé l’article 15, qui prévoit que l’employeur remette au salarié un ou plusieurs documents établis par écrit précisant les informations principales relatives à la relation de travail.

J’attire toutefois l’attention du Gouvernement sur le fait que ces démarches supplémentaires, imposées aux employeurs, doivent être applicables et simples. Il conviendra d’accompagner les entreprises, notamment les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), dans la mise en œuvre de cette obligation, au moyen de l’élaboration de documents types à remettre aux salariés.

Nous avons approuvé la suppression de la possibilité de fixer, dans des accords de branche conclus avant 2008, des durées de période d’essai plus longues que la durée légale. Nous avons également entériné le renforcement de l’information des salariés en CDD ou en contrat d’intérim sur les postes en CDI à pourvoir au sein de l’entreprise. L’exclusion des dispositions de la directive aux salariés employés par le chèque emploi service pour de courtes durées ou par l’intermédiaire du guichet unique du spectacle occasionnel nous a semblé justifiée. Ces ajustements sont nécessaires et suffisants pour que notre droit du travail soit conforme au droit européen.

Concernant les dispositions relatives à la santé, la commission a globalement pris acte des adaptations ou des mises en conformité de notre droit.

L’article 19 a pour objet de tirer les conséquences pour les installations de chirurgie esthétique de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne établie par l’arrêt Vanderborght du 4 mai 2017 relative à la publicité dans le domaine de la santé. Depuis lors, un régime d’autorisation de principe, en la matière, est postulé ; il est toutefois encadré pour des motifs de santé publique et de dignité de la profession. Sur ce sujet, j’estime que l’enjeu est aujourd’hui celui de l’effectivité des contrôles, notamment sur les réseaux sociaux.

L’article 20 concerne les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales (DADFMS). Il s’agit de transcrire en droit français la dénomination apportée à l’échelon européen à ces produits très encadrés sur leur composition et l’information qui est jointe. Cependant, cet article va au-delà du seul changement de termes, puisqu’une distinction est faite selon les risques présentés par les denrées. Sur ce point, la commission a souhaité prévoir un encadrement plus strict des modes de délivrance et renforcer les exigences de contrôle médical.

Le Gouvernement, profitant de cette adaptation, a en outre prévu un changement de la distribution d’une partie de ces aliments. Les produits distribués aujourd’hui principalement par la pharmacie centrale de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) pourraient désormais être délivrés en officine. Cette modification, qui me semble recevable, a cependant fait naître de vives inquiétudes auprès de patients atteints de pathologies du métabolisme.

Je souhaite que le Gouvernement puisse, au cours de la discussion du texte, apporter des garanties sur les capacités de distribution de l’ensemble des spécialités, mais également nous rassurer sur les conditions de prise en charge, qui n’ont pas vocation à être modifiées.

L’article 21 vise à adapter le dispositif national de déclaration de la composition des mélanges dangereux par les industriels au système européen de déclaration unique, instauré en application des dernières modifications du règlement européen de 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, dit règlement CLP.

L’avantage de ce portail est de dispenser les industriels de remplir autant de déclarations qu’il existe de pays où se déploie leur activité, mais il a vocation à remplacer notre portail national, qui alimente depuis douze ans la base de données des centres antipoison qui peuvent avoir à connaître de ces produits à des fins préventives ou curatives. L’article 21 a pour objet de réécrire en conséquence les dispositions adéquates du code de la santé publique et du code du travail.

L’article 22, quant à lui, vise à adapter le droit français au « paquet médicaments vétérinaires », adopté en janvier 2019. Il s’agit, d’une part, de ratifier l’ordonnance du 23 mars 2022, qui a récemment adapté notre droit à ces nouvelles règles européennes, d’autre part, de tirer les conséquences d’une nouvelle répartition des compétences entre l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et les directions départementales de la protection des populations, lesquelles récupèrent la gestion des établissements de fabrication d’aliments médicamenteux.

L’article 23 vise à adapter le droit national aux règlements européens relatifs aux dispositifs médicaux et dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, entrés en vigueur récemment. À cet égard, il tend à ratifier deux ordonnances prises par le Gouvernement en 2022 pour apporter au code de la santé publique les modifications nécessaires, et inclut des dispositions directement relatives aux pouvoirs de sanction de l’administration des douanes notamment, qui n’avaient pu être introduites dans les ordonnances.

Les mesures de ces règlements ont permis d’harmoniser les normes applicables aux dispositifs médicaux, d’améliorer leur sécurité et de renforcer la transparence du marché. C’est pourquoi la commission a adopté l’article 23, en y ajoutant toutefois des dispositions qui visent à nous permettre de lutter plus efficacement contre les pénuries de dispositifs médicaux et de mieux anticiper les ruptures.

Enfin, l’article 24 soumet les pharmacies d’officine à une pénalité financière en cas de manquement à leur obligation de sérialisation des médicaments. Cette opération, qui garantit l’usage unique des boîtes de médicament, est une obligation européenne depuis février 2019, mais le taux de pharmacies connectées au système qui permet de la réaliser vient tout juste de dépasser 50 %, alors qu’il est plus proche de 80 % en moyenne dans le reste de l’Union européenne.

En conséquence, la Commission européenne fait peser sur l’État français la menace d’une sanction pour manquement de l’ordre de 300 millions d’euros à 400 millions d’euros.

L’article reprend le dispositif que nous avions voté dans le PLFSS pour 2022, mais qui avait été censuré par le Conseil constitutionnel, à la différence près que la pénalité est rendue forfaitaire. Sans doute est-ce une bonne solution pour rendre la menace claire et facile à prononcer par les équipes de l’assurance maladie et inciter ainsi davantage d’officines à se mettre en conformité avec la réglementation.

Au nom de la commission des affaires sociales, je vous invite donc à adopter le projet de loi dans la rédaction résultant des travaux de nos différentes commissions.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées du groupe UC, ainsi qu ’ au banc des commissions. – M. Stéphane Artano applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurent Duplomb

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a délégué à la commission des affaires économiques deux articles agricoles, plus techniques que politiques, du présent projet de loi : l’article 30 corrige notamment une incohérence du code rural à propos des aides à l’installation des jeunes agriculteurs ; l’article 31 ratifie huit ordonnances adaptant le code rural au droit de l’Union européenne dans des domaines très variés. Je suis chargé, en tant que rapporteur pour avis, de vous donner la position de notre commission sur ces deux articles.

L’article 30 rend sans équivoque la décentralisation des aides à l’installation possible.

En effet, aux termes d’une ordonnance du mois de janvier 2022, les mesures non surfaciques du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) seront transférées aux régions qui le demandent pour la programmation 2023-2027 de la PAC. Je pense que le Sénat tout entier salue le principe de cette réforme.

Pour l’accompagner, la commission a adopté mon amendement visant à demander un bilan annuel par région, consolidé par l’État à l’échelle nationale, de la politique de transmission et d’installation. Cela permettra de nous prémunir contre trois dérives potentielles : un manque de lisibilité des aides pour les agriculteurs ; l’accroissement des disparités entre régions, chacune ayant des priorités politiques différentes ; un manque d’efficacité si les comparaisons n’encouragent pas une saine émulation. L’installation est de première importance pour notre agriculture ; il n’est pas envisageable que l’État ne garde pas un œil dessus.

En outre, la commission a souhaité maintenir dans la loi la condition d’une capacité professionnelle préalable pour bénéficier des aides à l’installation, préférant les installations viables aux projets mal ficelés.

En effet, comment prétendre réussir une installation sans un bagage technique minimal en agronomie, en biologie ou en gestion des entreprises ? On ne peut pas demander aux agriculteurs de respecter un nombre sans cesse croissant de règles et d’injonctions tout en laissant passer des installations sans formation. Nous ne confondrons pas vitesse et précipitation.

J’en viens à l’article 31. Je m’attarderai surtout sur la méthode, car, sur le fond, je vois cinq bonnes raisons de ratifier les huit ordonnances.

Premièrement, celles-ci relèvent du droit en vigueur, puisqu’elles produisent dès leur publication des effets assimilables à la loi. Les modifier serait source d’insécurité juridique.

Deuxièmement, elles adaptent notre droit à des règlements européens d’application directe. Notre marge de manœuvre est plus limitée que dans le cas d’une transposition de directive. De ce fait, ces ordonnances relèvent du toilettage technique.

Troisièmement, la France a été à l’initiative de plusieurs dispositions européennes justifiant les ordonnances, dont elle bénéficie, par exemple pour la reconnaissance de la mention Produits de montagne.

Quatrièmement, les seules surtranspositions, qui maintiennent des standards plus élevés en matière de catégorisation des maladies végétales et animales et de sélection génétique des animaux, semblent justifiées par un motif d’intérêt général suffisant : la performance sanitaire et économique de notre agriculture.

Cinquièmement, la ratification n’empêche pas de faire preuve de vigilance dans le contrôle de leur application. Par exemple, le président de l’ordre national des vétérinaires m’a indiqué que la libre prestation de services donnait lieu à certaines pratiques d’optimisation fiscale et réglementaire, voire sanitaire.

Cependant, sur la forme, les conditions dans lesquelles ces ratifications sont proposées au Parlement ne sont pas satisfaisantes, à plusieurs titres.

D’abord, nous avons disposé d’un temps très limité pour examiner le texte.

Ensuite, on nous propose la ratification de huit ordonnances, alors qu’un texte de ratification n’en contient en moyenne pas plus de trois. Le caractère disparate du texte nuit à l’exigence de clarté et de sincérité du débat.

Enfin, la ratification de ces textes est proposée plus de cinq ans et trois mois en moyenne après leur publication. Au cours du précédent quinquennat, le délai était en moyenne d’un an, un mois et sept jours, soit cinq fois moins. Pour cinq ordonnances datant de 2015, la ratification interviendra carrément deux mandats après leur publication : un découplage d’une telle ampleur est quasiment inédit, d’autant plus que les textes européens ayant justifié ces ordonnances remontent à encore plus loin ; à 2005 pour le plus ancien. L’examen au Sénat intervient donc à contretemps, près de dix-sept ans après. Pour certains textes, le véritable débat a eu lieu au sein du Conseil de l’Union européenne et du Parlement européen voilà plus de dix ans. Ce délai est, à mon sens, beaucoup trop important.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées des groupes UC et RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Cyril Pellevat

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a émis un avis favorable à l’adoption du projet de loi sous réserve du maintien dans le texte des amendements adoptés sur son initiative sur les quatre articles relatifs aux transports, qui relevaient de ses compétences.

La commission a, elle aussi, unanimement regretté les délais d’examen imposés pour l’examen du texte. Celui-ci, malgré son caractère extrêmement technique, a des conséquences très concrètes pour nos concitoyens comme pour les professionnels du secteur du transport.

Sur le fond, la commission a veillé à enrichir et à compléter la transposition de la directive relative à la taxation des poids lourds pour l’utilisation de certaines infrastructures, dite directive Eurovignette. Elle a adopté plusieurs amendements visant à relever l’ambition du texte en faveur de la transition écologique et à accompagner les transporteurs dans le verdissement de leur flotte. Étant donné que 99 % de la flotte de poids lourds fonctionne au diesel, le défi de la décarbonation du secteur est considérable.

Par ailleurs, la commission a regretté le caractère incomplet du projet de loi initial, qui se cantonnait à transposer la directive Eurovignette aux seuls péages des futures concessions autoroutières et ne prévoyait pas de mise en conformité de l’ordonnance du 26 mai 2021 relative aux modalités d’instauration d’une taxe sur le transport routier de marchandises recourant à certaines voies du domaine public routier de la Collectivité européenne d’Alsace avec le droit européen révisé.

Dans la continuité de ses travaux précédents, notamment de l’examen du projet de loi de ratification de cette ordonnance, la commission a donc adopté l’article 26 bis, qui vise à remédier à cet oubli fâcheux. Monsieur le ministre, nous ne saurions accepter qu’une telle modification passe par la voie de l’ordonnance, alors que la transposition de la nouvelle version de la directive est l’objet même du projet de loi et que la navette parlementaire sera l’occasion d’ajuster, si nécessaire, le dispositif.

J’en viens à l’article 28, relatif aux droits et obligations des voyageurs ferroviaires. D’une part, la commission a souhaité mieux garantir les droits des personnes handicapées ou à mobilité réduite. D’autre part, elle a cherché, en conformité avec le règlement européen en la matière, à reporter la date d’application de certaines de ses obligations, afin de ne pas entraver le bon déroulement de l’ouverture à la concurrence et de ne pas créer d’inégalités entre les voyageurs, selon qu’ils choisissent ou non l’opérateur historique.

Enfin, notre commission a souhaité ratifier une ordonnance de transposition de la directive relative aux installations de réception portuaires pour le dépôt des déchets des navires, dans le prolongement des recommandations du groupe de travail sur la modernisation des méthodes de travail du Sénat.

Tels sont, mes chers collègues, les principaux éléments que je souhaitais porter à votre attention au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur des travées des groupes UC et RDPI, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe RDPI, ainsi qu ’ au banc des commissions.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement nous présente aujourd’hui un nouveau projet de loi d’adaptation au droit de l’Union européenne, un an après le précédent. Il nous a saisis dans des délais particulièrement contraints, puisqu’il a déposé son projet de loi le 23 novembre, alors que nous examinions le projet de loi de finances.

La commission des finances dispose d’une délégation au fond sur neuf articles, les articles 1er à 8 et l’article 13, qui concernent des sujets très différents. Cinq d’entre eux sont des demandes d’habilitation.

Le Sénat appréciant peu les ordonnances, je me suis attaché à vérifier que celles-ci étaient suffisamment circonscrites, qu’il n’était pas possible de les transposer « en dur » et que les délais proposés nous permettaient de respecter nos obligations européennes.

Dans plusieurs cas, c’est le retard pris par le Gouvernement pour transposer des directives ou pour adapter notre droit à celui de l’Union européenne qui le conduit à demander des habilitations et à exiger du Sénat une première lecture dans des délais extrêmement contraints.

Les articles 1er, 2, 4, 5, 6 et 13 interviennent dans les domaines assurantiels, bancaires ou des marchés financiers, et relèvent avant tout de dispositions techniques. Après un examen approfondi, ils n’ont pas soulevé de difficultés particulières et ont fait l’objet de deux amendements rédactionnels en commission.

L’article 3 corrige une erreur de suradaptation du droit interne qui a conduit à appliquer à l’ensemble des entreprises d’assurance mutuelle et des institutions de prévoyance l’obligation de publier des informations en matière de durabilité.

Vous m’autoriserez, monsieur le ministre, à rappeler à cette occasion que, dans le cadre de l’examen de la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, le Sénat avait supprimé l’article transposant le règlement européen, en ayant déjà relevé qu’il excédait les exigences européennes. Le Gouvernement, qui avait ensuite réintroduit cette disposition dans le texte, se rend aujourd’hui compte que, comme souvent, le Sénat avait raison.

Les articles 7 et 8, qui concernent les entreprises, soulèvent les enjeux les plus importants.

L’article 7 est une demande d’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour transposer la directive du 24 novembre 2021 relative à la communication, par certaines entreprises et succursales, d’informations relatives à l’impôt sur le revenu des sociétés.

Sur ce sujet, je regrette que le Gouvernement n’ait pas choisi, comme il aurait pu le faire, la transposition « en dur ». Il disposait en effet d’un an pour s’y préparer. De surcroît, nous n’avons pas pu obtenir les informations que nous demandions sur deux questions importantes : les obligations déclaratives des entreprises et la définition de la clause de sauvegarde. En conséquence, nous ne pouvons pas accepter l’habilitation. Je proposerai donc un amendement de suppression.

L’article 8 est, lui aussi, une demande d’habilitation du Gouvernement, cette fois-ci pour transposer la directive dite CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), relative à la publication d’informations en matière de durabilité des entreprises.

J’attire d’abord votre attention sur le fait que la directive n’a été définitivement adoptée par le Conseil que la semaine dernière et qu’elle n’a pas encore été publiée au Journal officiel de l ’ Union européenne, ce qui est assez inhabituel.

Par ailleurs, la demande d’habilitation était particulièrement large. Dans le texte déposé, avant la modification de l’article 8 par notre commission, le Gouvernement nous demandait de lui permettre de prendre toutes les mesures qu’il jugerait utiles sur les obligations sociales et environnementales des entreprises. Ce périmètre tout à fait démesuré excède très largement celui de la directive.

Nous avons donc restreint l’habilitation aux seuls domaines dans lesquels la législation française ferait doublon avec les nouvelles obligations de la directive CSRD.

Pour terminer, j’évoquerai rapidement l’encadrement des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN). La faillite de la société FTX et ses conséquences tant sur les investisseurs particuliers que sur les acteurs financiers doivent nous inviter à la plus grande vigilance. Nous proposerons un amendement pour prévoir l’obtention d’un agrément, et non plus simplement d’un enregistrement, beaucoup moins exigeant. Nous en reparlerons lors de l’examen de l’amendement que j’ai déposé.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en préambule, je souhaiterais à mon tour souligner que les délais accordés au Sénat pour l’examen de ce projet de loi ont été particulièrement contraints. Une telle manière de procéder n’est pas acceptable dans une démocratie respectueuse des droits du Parlement, a fortiori pour un texte technique exigeant un temps d’expertise nécessaire à l’appréciation des directives à transposer.

La commission des lois a été saisie de six articles du présent projet de loi. Elle y a apporté des modifications de nature à mieux ajuster les objectifs fixés par les directives à transposer aux spécificités de notre droit interne.

L’article 9 du projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive du 27 novembre 2019 sur les transformations, fusions et scissions transfrontalières. Cet article appelle trois observations.

D’abord, il soulève une question de méthode. Les habilitations à légiférer par ordonnance doivent demeurer une exception. Compte tenu de l’existence d’un avant-projet d’ordonnance en cours de finalisation et de l’échéance proche pour transposer la directive, en l’occurrence le 31 janvier 2023, la commission a décidé de réduire le délai de l’habilitation du Gouvernement à trois mois, au lieu de six mois.

Ensuite, la directive permet de faire un choix de transposition pour la participation des salariés au sein des organes de direction de la société. Lorsque les représentants de salariés constituent plus de 30 % des membres de l’organe de direction, l’État membre peut choisir de limiter la proportion à 30 % maximum. La commission des lois a estimé qu’une telle option était défavorable aux salariés. Elle a donc supprimé la possibilité offerte au Gouvernement de lever cette option.

Enfin, la directive, qui instaure un contrôle de légalité renforcé, anti-abus et antifraude, permet aux États membres de choisir l’autorité qui en est chargée.

La commission a confié la mission de contrôle préalable d’une opération transfrontalière au greffier du tribunal de commerce en raison, notamment, de leur expérience en matière de fusions transfrontalières, de la volonté exprimée par ces professionnels d’exercer ce contrôle et, enfin, de leur statut d’officier ministériel.

L’article 10 du projet de loi vise à modifier les dispositions du code de commerce qui prévoient une possibilité de dissolution judiciaire d’une société par actions dans le cas où ses capitaux propres deviennent inférieurs à la moitié de son capital social. Cette sanction correspond à une surtransposition de la directive du 14 juin 2017 relative à certains aspects du droit des sociétés.

Le projet de loi propose de remplacer la dissolution par l’obligation d’apurer les pertes au moyen d’une réduction du capital social, jusqu’à un minimum qui serait fixé par décret en Conseil d’État.

Cette modification maintient ainsi une double sanction, mais dans un délai plus long. Aux yeux de la commission des lois, elle a semblé justifiée au regard des conséquences économiques des crises récentes, ainsi que des nouvelles modalités de financement des sociétés, qui s’appuient, de nos jours, principalement sur l’endettement.

J’en viens à l’article 11, relatif au droit de la commande publique. Cet article étend aux infractions pénales les plus graves la possibilité, pour les opérateurs économiques sanctionnés en ce sens, de « démontrer » leur « fiabilité » en prenant des « mesures concrètes », afin de pouvoir soumissionner malgré une peine d’exclusion de plein droit des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession. Ce mécanisme de régularisation affaiblit considérablement l’effet dissuasif des peines, qui peuvent pourtant être prononcées pour des infractions allant jusqu’à la traite des êtres humains.

Si les directives européennes de 2014 nous imposent la transposition de ce mécanisme de régularisation en droit interne, la commission a néanmoins complété le dispositif initial en inscrivant dans notre législation le principe selon lequel les mesures concrètes prises par l’opérateur économique font l’objet d’une évaluation tenant compte de la gravité de l’infraction commise. Cette précision reprend les termes des directives ; elle contribuerait non seulement à préserver le caractère dissuasif des peines d’exclusion des procédures de passation des marchés publics, mais aussi à améliorer la lisibilité du droit de la commande publique. Cette évaluation a été présentée par les services du Gouvernement comme « implicite ». Cela ne peut pas satisfaire les législateurs que nous sommes.

La commission des lois s’est penchée sur la transposition de la directive du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne pour ce qui concerne les agents publics des trois versants de la fonction publique.

L’article 17 du projet de loi vise à transposer dans le droit de la fonction publique l’obligation pour les employeurs d’informer les travailleurs des éléments essentiels de la relation de travail. Pour cela, un droit pour tout agent public à « recevoir de son employeur communication des informations et règles essentielles relatives à l’exercice de ses fonctions » serait consacré dans le code général de la fonction publique.

La liste des éléments précis qui seraient communiqués aux agents publics, ainsi que les modalités de cette communication seraient déterminées par un décret en Conseil d’État, renvoyant lui-même à un arrêté établissant les modèles des documents que les employeurs remettraient aux agents publics.

Les États membres avaient jusqu’au 1er août 2022 pour transposer la directive, si bien que la France est déjà en retard de plus de quatre mois.

Il est cependant permis de s’interroger sur la valeur ajoutée du nouveau droit à l’information ainsi créé, au-delà de la simplification opérée pour les agents publics. Une fois que les mesures d’application auront été prises, il conviendra également d’évaluer la charge de travail supplémentaire induite pour les employeurs publics.

Je vous propose d’adopter ces six articles tels que modifiés par la commission des lois.

Applaudissements sur les travées du groupe SER et sur des travées du groupe GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Jean-François Rapin, au nom de la commission des affaires européennes.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Rapin

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis quatre ans, la commission des affaires européennes assure une mission de veille pour prévenir les surtranspositions de textes européens dans le cadre de l’examen des projets et propositions de loi comportant des mesures de transposition en droit interne de directives ou des mesures d’application de règlements européens.

Elle formule des observations en tant que de besoin, c’est-à-dire lorsqu’elle constate qu’il est proposé d’aller au-delà de ce qu’impose le droit européen, sans justification documentée ou recevable. L’enjeu est ici de préserver la compétitivité de nos entreprises.

Cette mission, d’abord mise en œuvre à titre expérimental, a été inscrite en 2019 à l’article 73 sexies du règlement du Sénat. C’est dans ce cadre que j’ai saisi la conférence des présidents, qui a décidé de consulter la commission des affaires européennes sur le présent projet de loi.

Tout d’abord, relevons que le Gouvernement propose une démarche de transposition sectorielle par un véhicule dédié, ce qui permet, en principe, de mieux identifier les risques de surtransposition.

Pour autant, la brièveté des délais d’examen et la très grande diversité des sujets abordés n’ont pas facilité le travail d’analyse et la coordination entre les commissions, y compris celle que je préside.

Ensuite, les modifications qu’il est proposé d’apporter en droit interne sont d’inégale importance. La commission des affaires européennes a noté parmi les plus significatives la suppression d’une surtransposition résultant du choix d’une option plus exigeante, ouverte par une directive de 2017, en cas de perte grave du capital social souscrit. La commission des lois, sur le rapport de notre collègue Didier Marie, s’est prononcée favorablement sur l’opportunité de la démarche.

Par ailleurs, plusieurs transpositions sont tardives, et le seront plus encore dans les cas où le Gouvernement demande à procéder par voie d’ordonnance, avec des délais d’habilitation allant au-delà du calendrier prévu par le texte européen.

Il est ainsi proposé de recourir à des ordonnances dans sept cas, le Gouvernement motivant ce choix dès lors qu’il s’agit de transposer des textes techniques n’ouvrant pas de marge de manœuvre et dont la transposition en droit national nécessite des mesures d’adaptation et de coordination, ainsi que la définition de modalités d’application outre-mer.

Tel n’est pourtant pas le cas de l’habilitation sollicitée à l’article 8 pour la transposition de la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, dite CSRD, qui a tout particulièrement retenu l’attention de la commission des affaires européennes.

Je le rappelle, en 2017, l’ordonnance de transposition de la directive NFRD (Non Financial Reporting Directive), qui a précédé la nouvelle directive, avait introduit des dispositions plus exigeantes que celles que prévoyait alors le texte européen, en raison de l’expérience de la France en matière d’obligation de publication d’informations extrafinancières, qui résultait de la loi de 2001 relative aux nouvelles régulations économiques, et de la loi de 2010 portant engagement national pour l’environnement, dite loi Grenelle 2.

Or l’habilitation sollicitée aujourd’hui pour la transposition de la directive CSRD est particulièrement large. Elle permet en effet, au-delà des dispositions de la directive, de procéder à des modifications des obligations des entreprises en matière d’enjeux sociaux, environnementaux et de gouvernance. Il pourrait en découler des obligations de transparence renforcée pour les opérateurs français, susceptibles d’emporter des effets concurrentiels négatifs au regard des autres opérateurs européens.

Si la commission des affaires européennes n’est pas compétente pour se prononcer sur l’opportunité d’obligations additionnelles ou d’une extension du champ d’application de la directive, il lui revient en revanche d’attirer l’attention sur le risque de surtransposition que recèle en l’état l’habilitation sollicitée par le Gouvernement. Ce dernier se donne neuf mois à compter de la promulgation de la loi pour publier une ordonnance, dont les conséquences pour les entreprises seront loin d’être négligeables.

La commission des finances et plusieurs de nos collègues ont identifié cette problématique, qui sera discutée lors de l’examen de l’article 8.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC, ainsi qu ’ au banc des commissions. – Mme Colette Mélot applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue) nous rappelle que la souveraineté de notre pays a été confisquée par les traités européens au profit d’une Europe ultralibérale appliquant la concurrence libre et non faussée au sein du marché intérieur, avec une Banque centrale européenne (BCE) indépendante de tout contrôle démocratique.

Cette Europe libérale, qui a dépecé notre industrie et démantelé nos services publics, se rappelle à nous en moyenne une fois par an lors de l’examen de ces fameux Ddadue. Celui qui nous est soumis aujourd’hui a été présenté le 23 novembre dernier en conseil des ministres et est examiné en première lecture au Sénat.

Comme le note justement notre commission des lois, « la nécessité, voire l’urgence à légiférer pour adapter le droit interne au droit de l’Union européenne ne saurait justifier les délais particulièrement courts laissés par le Gouvernement au Parlement, et en premier lieu au Sénat, pour mener à bien l’examen du projet de loi pour lequel la procédure accélérée a été engagée. »

J’invite le Gouvernement à lire l’excellent rapport d’information sur les méthodes de transposition des directives européennes, de nos collègues députés André Chassaigne et Jean-Louis Bourlanges, député MoDem, qui proposaient que les projets de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne soient réservés aux « cas d’urgence de transposition, en lien avec un retard important voire un précontentieux ou un contentieux » ou aux « cas de transposition de directives techniques, identifiées comme ne posant pas de difficultés politiques particulières. » Les auteurs du rapport concluaient ainsi : « Il faut également veiller à conserver une cohérence thématique au sein » des textes concernés.

En effet, comment pouvez-vous défendre des institutions européennes, dont les décisions sont imposées aux parlements nationaux ou leur sont soumises en limitant tellement leurs prérogatives que notre droit constitutionnel d’amendement en est entravé ?

Ce projet de loi renvoie très largement au pouvoir réglementaire du Gouvernement, dans la mesure où, sur trente et un articles, il comporte sept habilitations à prendre des ordonnances en lieu et place du Parlement et dix ordonnances à ratifier.

À cela, ajoutez une pincée de renvoi à un arrêté et une mise en conformité du droit français aux décisions de la Cour de justice de l’Union européenne et vous obtenez un texte fourre-tout et indigeste, qui ne laisse aucun espace aux parlementaires pour en amender ou en modifier le contenu !

Pourtant, les ingrédients mobilisés sont importants !

Si nous pouvons nous réjouir des mesures en faveur de l’accessibilité des personnes en situation de handicap et de l’élargissement des congés de proche aidant et de solidarité familiale aux salariés du particulier employeur, les progrès sociaux sont bien maigres. L’Europe sociale, dont on nous vante les mérites depuis quarante ans, est bien loin.

Ce ne sont malheureusement pas l’indemnité de licenciement d’un salarié travaillant à temps partiel sur un temps plein ou celle résultant du congé parental qui permettront de contrebalancer l’ensemble des mesures de régression sociale dues à l’Union européenne.

Alors que le Gouvernement s’est engagé auprès de la Commission européenne à réduire les droits à l’assurance chômage et à casser notre système de retraite, il révèle, dans son exposé des motifs, que l’article 2 de ce projet de loi a pour objet « d’améliorer l’attractivité » du « produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle (Pepp) ».

D’un côté, le Gouvernement annonce le report de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans. De l’autre, ce texte entend favoriser le développement d’un produit de retraite complémentaire individuelle réglementé au sein de l’Union européenne.

Selon l’alinéa 7 du règlement européen, « un marché européen plus vaste des produits d’épargne retraite individuelle améliorera l’approvisionnement en fonds des investisseurs institutionnels et favorisera les investissements dans l’économie réelle ».

Depuis le départ, le Gouvernement mène nos concitoyens en bateau s’agissant du déficit des retraites au lieu d’assumer qu’il a vendu notre système solidaire à l’Europe en échange des aides du plan de relance durant la pandémie de covid.

Le texte caresse les multinationales dans le sens des profits, en supprimant l’obligation de publier leurs comptes et en autorisant les entreprises sanctionnées pénalement à candidater à nouveau à des marchés publics, pour peu qu’elles démontrent leur « fiabilité ». Autrement dit, une entreprise condamnée pour fraude fiscale ou pour actes de terrorisme pourra candidater à des marchés publics si elle s’engage à ne plus commettre de nouvelles infractions.

Nous voterons donc contre ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Colette Mélot applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marie Vanlerenberghe

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais tout d’abord saluer la qualité des travaux de nos six rapporteurs. Je limiterai mon propos aux mesures qui relèvent des affaires sociales.

Nous retiendrons d’abord, à l’article 12, que le projet de loi vient étendre les obligations en matière d’accessibilité issues de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. À compter de 2025, l’exigence d’accessibilité s’appliquera également aux terminaux numériques tels que les distributeurs automatiques de billets ou les liseuses numériques.

Nous avons tous en mémoire qu’il nous a fallu voter un report à l’obligation d’accessibilité, prévue initialement pour 2015. Dès lors, nous invitons le Gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour accompagner ce nouveau changement, afin que celui-ci s’opère dans les délais.

Ensuite, soulignons les dispositions de l’article 14 visant à permettre au salarié de conserver le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début de son congé familial. Il s’agit d’une avancée importante, car le droit en vigueur assure au salarié de retrouver son poste ou un emploi similaire, mais reste muet sur les droits acquis.

Le groupe Union Centriste est particulièrement attentif à l’extension du congé de proche aidant et de solidarité familiale aux salariés du particulier employeur, assistants maternels et assistants familiaux employés par des personnes privées.

Nous soutenons également l’amendement visant à ajouter les périodes de congé de paternité aux congés assimilés à une présence dans l’entreprise pour la répartition de la réserve spéciale de participation.

L’article 15 impose à l’employeur de remettre au salarié un ou plusieurs documents précisant les informations principales de la relation de travail. Lorsque l’on augmente les contraintes des entreprises, il convient d’accompagner les plus petites d’entre elles pour s’assurer que la mesure sera effective. Nous invitons donc le Gouvernement à mettre des documents types à la disposition des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME).

À l’occasion de l’examen du dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avions été sensibilisés par le secteur des dispositifs médicaux à propos des nouvelles règles applicables en matière de certification. Les organismes certificateurs connaîtraient une situation d’embolie et ne pourraient ni certifier les nouveaux dispositifs ni recertifier le stock. Le texte de la commission répond à cette crainte, mais une prolongation temporaire de certification aurait pu être envisagée pour le stock.

Toujours dans le champ des affaires sociales, l’article 24 mérite une attention particulière. En effet, la lutte contre la falsification des médicaments est une nécessité au regard des enjeux de santé publique. Elle relève de l’égalité entre les patients et les pharmaciens au sein de l’Union européenne. L’application de cet article contribuera à augmenter la qualité de la chaîne du médicament. Le corollaire de cette ambition est la mise en place d’une amende forfaitaire pour ceux qui ne respecteraient pas leur obligation de sérialisation.

Monsieur le ministre, lorsque l’on met en place une sanction à l’encontre de ceux qui ne déclarent pas, encore faut-il s’assurer que la déclaration est faisable. En l’espèce, au 28 novembre 2022, près de 62 % des pharmacies seulement parvenaient à se connecter au répertoire national de vérification des médicaments (NMVS, en anglais National Medicines Verification System). Cela laisse songeur.

Le groupe UC votera ce projet de loi dans la version amendée par nos commissions.

Applaudissements sur les travées du groupe UC. – Mme Colette Mélot applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Stéphane Artano.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE. – M. Pierre Louault applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Artano

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons, au sein duquel la technicité des sujets ne saurait occulter l’importance des enjeux soulevés, est un texte fourre-tout. Plusieurs dispositions y sont transposées sans lien entre elles. La cohérence de l’ensemble ne tient qu’à l’adaptation de notre droit national aux évolutions décidées par le législateur européen.

Sur la forme, nous avons dû travailler dans l’urgence un texte dense, aux dispositions très techniques. De nombreux sujets sont abordés : l’économie, la santé, le travail, les transports et l’agriculture.

La difficulté de l’exercice réside dans le fait que, quelles que soient les réserves que nous pourrions nourrir quant à certaines mesures, nous devons être à jour de nos obligations, ne présenter aucun déficit de transposition et disposer d’un droit national conforme aux exigences de l’Union européenne. Le groupe RDSE, attaché au projet européen, entend parfaitement cet argument.

Néanmoins, les délais très contraints imposés pour l’examen du texte ne sont pas sans rappeler ceux que nous avons connus lors de l’examen du récent projet de loi de finances. Les délais constitutionnels imposés pour le budget ne sauraient justifier l’affaiblissement du rôle du Parlement, que chaque recours au 49.3 à l’Assemblée nationale vide déjà un peu plus de son essence.

Sur le fond, mon groupe, attentif à l’expression législative de la solidarité, ainsi qu’à la protection de nos concitoyens français et européens, se réjouit de l’accent mis dans ce projet de loi sur les sujets sociaux.

Dans un pays où 12 millions de personnes relèvent d’une situation de handicap, l’absence d’une société pleinement inclusive constitue une anomalie, une atteinte au principe d’égalité des droits et des chances. L’article 12 de ce texte, qui vise à transposer la directive du Parlement européen et du Conseil relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services, doit être un des catalyseurs de l’effort collectif en faveur de la généralisation de l’inclusivité dans notre société.

Les exigences d’accessibilité, élargies à davantage de produits et à un plus grand nombre d’acteurs, devront être effectives à compter du 28 juin 2025. Je rappelle que sont concernés, entre autres, les fabricants, importateurs, distributeurs de produits ou prestataires de services du secteur bancaire, des transports ou de la culture.

Néanmoins, je partage les inquiétudes de la commission des affaires sociales, pour laquelle l’enjeu réside davantage dans le calendrier de mise en œuvre de ces obligations par les opérateurs économiques que dans l’adoption et la promulgation de ces nouvelles règles en droit interne.

Au regard des retards constatés dans l’application de la loi de 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, le Gouvernement devra faire preuve de volontarisme. Il est ainsi nécessaire de prévoir un régime d’incitations, voire de sanctions, de nature à accompagner les opérateurs économiques dans le déploiement des évolutions techniques nécessaires à l’accessibilité des produits et services.

Par ailleurs, sur fond de sortie de crise sanitaire, d’inflation galopante, de défi énergétique, et face à la nouvelle menace qu’augure le Inflation Reduction Act de Joe Biden à partir de 2023, le projet de loi s’inscrit dans un contexte économique particulièrement tendu.

Néanmoins, nous pouvons espérer que certaines de ses dispositions participent à la facilitation des échanges, ainsi qu’au soutien des sociétés en difficulté. Le groupe RDSE est, dans l’ensemble, satisfait des réponses systémiques que tente d’apporter l’Union européenne à travers ses différents règlements et directives.

L’élimination de la surtransposition visée par l’article 10 du projet de loi entre dans ce cadre. Notre droit national conduit aujourd’hui les entreprises françaises à faire face à un risque de dissolution excessif et considérablement accru, comparativement aux entreprises d’autres États membres, dans le cas où les capitaux propres d’une société deviennent inférieurs à la moitié de son capital social. Il était temps que cette singularité française prenne fin.

Je souhaite également souligner l’harmonisation de la procédure française applicable avec celle des fusions transfrontalières de l’Union européenne. L’introduction en droit national des procédures de scissions et transformations transfrontalières est intéressante, parce que ces dispositions garantiront la protection des droits des parties prenantes, également renforcée par un dispositif anti-fraude et anti-abus.

Enfin, plusieurs de mes collègues souhaitent être rassurés quant aux orientations de l’article 30 en matière d’aides à l’installation en agriculture pour que celles-ci continuent de toucher leurs cibles dans un souci de flexibilité et, surtout, d’équité.

Mes chers collègues, malgré ces remarques, mon groupe est, à ce stade, globalement favorable à ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi qu ’ au banc des commissions. – M. Pierre Louault applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Anglars.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – Mme le rapporteur applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Anglars

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture porte bien son nom, tant il constitue un agglomérat de mesures n’ayant d’autre point commun que de provenir de l’Union européenne.

Je commencerai par formuler trois observations relatives à l’écriture de la loi.

Premièrement, il me semble que la cohérence d’un tel texte est aussi limitée que son utilité est certaine. Ces transpositions expéditives du droit européen, qui s’apparentent à du fret législatif, interrogent quant aux modalités de transposition du droit de l’Union.

Deuxièmement, il est à déplorer que le Parlement n’ait disposé que de quelques jours pour examiner ces articles techniques et pour débattre de modifications directes de notre droit ou de demandes d’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance. Les amendements adoptés par les différentes commissions montrent cependant toute l’importance du Parlement et du Sénat dans le processus législatif, ainsi que la qualité de son travail.

Troisièmement, je regrette que l’étude d’impact ne comporte pas d’éléments de droit comparé qui permettraient de mieux apprécier les solutions choisies par le Gouvernement par rapport à celles retenues par les autres États membres de l’Union européenne et, partant, d’éclairer le débat et la délibération parlementaire.

Pour le reste, j’aborderai plusieurs thématiques visées dans le projet de loi.

Concernant le volet transports, l’article 26 du texte vise à transposer la directive Eurovignette dans sa version révisée en 2022, qui prévoit de nouvelles obligations en matière de taxation des véhicules pour l’utilisation d’infrastructures routières.

Cet article se borne toutefois à transposer les nouvelles obligations aux seuls péages des futures concessions autoroutières. Il ne modifie donc que les dispositions relatives aux péages figurant dans le code de la voirie routière. Cela est insuffisant.

En effet, l’ordonnance du 26 mai 2021 relative aux modalités d’instauration d’une taxe sur le transport routier de marchandises recourant à certaines voies du domaine public routier de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) est, elle aussi, conforme aux règles fixées par la directive Eurovignette. La transposition prévue par le projet de loi initial est donc incomplète.

Cette ordonnance, prise sur le fondement d’une habilitation prévue par la loi du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace, permet à cette dernière d’instaurer une taxe sur les véhicules lourds de transport routier de marchandises empruntant son domaine public routier.

En l’état actuel du droit, cette ordonnance applique des obligations fixées par la directive Eurovignette dans sa version antérieure à la révision de 2022.

Elle prévoit, par exemple, que les taux kilométriques de cette taxe sont différenciés en fonction de la classe d’émissions Euro du véhicule. Or, dans la version révisée de la directive, cette modulation des taux en fonction de la classe Euro est remplacée par une modulation en fonction des émissions de CO2.

Faute de modifications pour mettre cette ordonnance en conformité avec le droit européen révisé, la taxe instaurée par la CEA risque donc de ne plus être compatible avec les dispositions de la directive à compter de 2024.

Afin d’éviter une telle situation, et alors que les Alsaciens attendent la mise en œuvre de la taxe depuis des années, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a adopté un amendement visant à rectifier cet oubli en mettant en conformité l’ordonnance du 26 mai 2021 avec le droit européen révisé.

Lors de l’examen du projet de loi de ratification de cette ordonnance, dont j’avais été désigné rapporteur, le Sénat avait souhaité anticiper la révision de la directive, notamment en permettant de différencier les taux en fonction des émissions de CO2 des véhicules. Cet ajout n’avait toutefois pas été conservé dans la suite de la navette.

La nouvelle directive étant, depuis lors, entrée en vigueur dans sa version révisée en 2022, l’article 26 bis, introduit par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, permettra à la CEA d’anticiper les nouvelles obligations de la directive à l’amont de l’instauration de la taxe.

Concernant le volet finances, le constat formulé par le rapporteur pour avis Hervé Maurey interpelle. Un peu plus d’un an après la promulgation de la précédente loi Ddadue, le Parlement examine de nouveau des dispositions visant à adopter le droit financier, assurantiel, bancaire et économique. La France pourrait ne pas respecter les délais qui lui sont accordés pour prendre ces dispositions.

Je rejoins la commission des finances, qui, sur proposition de son rapporteur pour avis, a adopté des amendements visant à harmoniser les exigences et à renforcer le contrôle des dirigeants de mutuelle en l’alignant sur celui qui est prévu pour les dirigeants de sociétés d’assurance et d’institutions de prévoyance.

Enfin, l’amendement visant à restreindre le champ de l’habilitation à légiférer par ordonnance demandée par le Gouvernement pour transposer les dispositions de la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises est bienvenu, car le champ d’habilitation prévu dans le texte initial excédait très largement celui de la directive visée.

Concernant les dispositions relevant de la commission des lois, pour l’essentiel, le présent texte transpose en droit interne deux directives relatives au droit des sociétés et prévoit la mise en œuvre d’un règlement relatif à la protection de l’enfance. Les apports du Sénat sont notables.

La directive concernant les transformations, fusions et scissions transfrontalières devant être transposée par ordonnance avant le 31 janvier 2023, le Parlement est tenu de légiférer dans des délais particulièrement contraints.

Je salue la réduction du délai de transposition de la directive à trois mois au lieu de six, adoptée par la commission des lois sur proposition de son rapporteur pour avis.

Il était en outre nécessaire de supprimer l’option, prévue par la directive, permettant aux États de réduire la proportion des représentants des salariés au sein de l’organisme de direction de la société issue d’une opération transfrontalière, susceptible d’être favorable aux salariés.

Il convenait également de confier le contrôle de légalité des opérations transfrontalières aux greffiers des tribunaux de commerce, qui ont – il faut le souligner – acquis une compétence certaine en matière d’enregistrement des projets de fusion transfrontalière.

J’en viens au volet santé.

En matière de santé publique, les mesures sont également très hétérogènes, visant aussi bien la composition des produits chimiques aux exigences que l’encadrement des denrées alimentaires destinées à des fins médicales ou encore le taux de connexion des officines de pharmacie.

J’évoquerai le problème de l’encadrement de la publicité des activités de chirurgie esthétique. La France est mise en demeure depuis 2019 par la Commission européenne sur ce sujet important du fait de l’interdiction totale de publicité.

Pour remédier à la non-conformité de ces dispositions au droit de l’Union européenne, il est proposé de préciser que le retrait de l’autorisation d’exercer n’est prononcé qu’en cas de publicité contrevenant à l’enjeu de protection de la santé publique.

Comme l’a souligné à juste titre le rapporteur de la commission des affaires sociales Pascale Gruny, la publicité pour les activités de chirurgie esthétique doit être mieux contrôlée par les autorités compétentes. Il convient que cet encadrement soit également de nature déontologique et qu’il soit effectué par les ordres, afin de prévenir les dérives constatées, notamment sur les réseaux sociaux.

Concernant enfin le volet social, les apports du texte sont divers.

En matière de handicap, les dispositions de la directive du 17 avril 2019 contribueront à améliorer l’accessibilité à divers produits et services du quotidien.

Du fait du délai relativement court qui est prévu pour l’application de ces dispositions, il faudra s’assurer que les acteurs sont opérationnels et que les difficultés rencontrées n’entraînent pas de désengagement de leur part, en veillant notamment à la couverture de l’ensemble du territoire par des distributeurs automatiques accessibles.

En matière de droit du travail, des difficultés pourraient survenir dans certaines entreprises, en particulier dans les TPE-PME, notamment dans celles qui ne disposent pas d’un service de ressources humaines.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, notre groupe approuve ces dispositions tendant à mettre notre droit en conformité avec le droit de l’Union européenne telles que modifiées et améliorées par le Sénat, dont les apports sont nombreux. Nous serons vigilants quant à l’usage qui sera fait des habilitations à légiférer par ordonnance accordées au Gouvernement.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Colette Mélot.

MM. Jean-François Longeot et Pierre Louault applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, économie, santé, travail, transports et agriculture : comme c’est habituellement le cas, ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne concerne des domaines aussi vastes qu’importants.

Encore une fois, et malgré la grande technicité du texte, les délais d’étude ont été très courts. Les rapporteurs l’ont souligné à plusieurs reprises, notamment en commission.

Je tiens à saluer le travail de chacun sur ce texte, au sein tant de la commission des affaires sociales, dont j’ai l’honneur de faire partie, que des commissions saisies pour avis.

Le contrôle de subsidiarité qu’effectuent les parlements nationaux est essentiel au bon fonctionnement du système dans lequel nous vivons. Disposer d’un droit de regard sur l’action de l’Union européenne revêt un caractère d’autant plus essentiel que le droit de l’Union européenne a vocation à être incorporé dans nos droits internes. Par ce projet de loi, nous exerçons un tel droit de regard.

J’ai parfois entendu des remarques sur le calendrier ou la nécessité de tels textes. Je souhaite rappeler que nous disposons d’un temps limité pour transposer les directives – celles qui sont visées dans le présent projet de loi sont d’ailleurs nombreuses – et que les règlements sont d’application directe.

La mise en conformité de notre droit interne est une étape assez décisive, non pas seulement parce qu’elle nous permet de respecter nos propres règles et d’éviter à notre pays d’être mis en demeure, voire sanctionné, mais aussi parce que nos règles en sont enrichies, ce qui est positif pour les Français.

L’effet positif de l’incorporation du droit européen au sein du droit français est toutefois subordonné à deux conditions, que le groupe Les Indépendants – République et Territoires défend d’ailleurs depuis toujours.

La première est que toute transposition, toute mise en conformité soit correcte. Dans ce projet de loi, j’ai l’impression qu’il y a moins de rectifications d’erreurs de transposition ou de mauvaises mise en conformité que dans les précédents. Si la technicité des dispositions visées est souvent grande, les conséquences de telles erreurs n’en demeurent pas moins dommageables pour les Français et le pays.

La seconde condition est bien sûr la non-surtransposition. Ce fut un véritable problème, et je me réjouis que la France se soit améliorée en la matière. Mais cette problématique n’est jamais loin, et nous devons rester vigilants. Il ne me semble pas, en tout cas, que nous soyons confrontés à des surtranspositions dans le présent texte.

J’en viens au fond. Comme à l’accoutumée, le texte est riche et très varié. Je m’attarderai pour ma part sur certains sujets relatifs à la santé et aux affaires sociales.

L’article 14, qui transpose la directive relative à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants, concerne, entre autres, le congé parental d’éducation, le congé de présence parentale et le congé pour événements familiaux.

Le texte proposé par le Gouvernement et enrichi par la rapporteure prévoit des avancées intéressantes et nécessaires pour les salariés et leurs familles. Je salue particulièrement les aménagements et les ouvertures du bénéfice du congé de proche aidant. Le Sénat accorde beaucoup d’importance à ce sujet, dont il a débattu à de nombreuses reprises, car nous connaissons les responsabilités des proches aidants et leur dévouement.

Je me félicite ensuite de l’adoption par la commission, à l’article 23, d’un amendement visant à éviter les ruptures d’approvisionnement des dispositifs médicaux indispensables, ainsi que des dispositifs de diagnostic in vitro.

Les ruptures d’approvisionnement et les pénuries de médicaments me préoccupent d’autant plus que nous déplorons d’importantes tensions depuis la crise du covid.

Enfin, de manière générale, si les adaptations relatives au secteur de la santé seront propices à des évolutions positives, j’estime que les précisions apportées par la commission quant à la mise à œuvre de certaines d’entre elles sont à prendre en considération.

Notre groupe, convaincu de l’importance pour notre pays de transposer les directives européennes dans les temps et de mettre son droit interne en conformité avec le droit de l’Union européenne, votera en faveur de ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Jacques Fernique.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de loi de transposition du droit communautaire est, comme c’est habituellement le cas, très disparate et d’une grande technicité. Il n’en aura pas moins des effets concrets sur la vie des Françaises et des Français.

Il n’est effectivement pas correct – plusieurs orateurs l’ont souligné – d’examiner un texte dans un délai aussi court.

Le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires salue évidemment ces efforts de transposition, d’autant que la France a longtemps été parmi les mauvais élèves de l’Europe du fait de déficits de transposition importants. Du retard a été rattrapé, en particulier à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne, mais je regrette que cette adaptation du droit communautaire dans notre législation par ce texte demeure tout de même assez minimaliste.

La priorité donnée à la décarbonation des transports, par exemple, aurait pu être plus résolue. Le texte se borne en effet en quelque sorte au « service minimum », sans couvrir les évolutions nécessaires ; j’y reviendrai.

Mon groupe salue également les avancées sociales du texte, qui prévoit l’élargissement des exigences d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap, permet un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des proches aidants et renforce la coopération entre pays européens en matière de services d’aide sociale à l’enfance.

Ces transpositions restent toutefois limitées. Le texte ne prévoit pas de mesures structurelles pour renforcer l’accompagnement à la parentalité ou l’accès au numérique. Il ne prévoit pas de stratégie sur l’accessibilité, comme le demandait pourtant le collectif Handicaps, qui regrette de ne pas avoir été associé aux travaux de transposition. Mon groupe soutiendra donc leur proposition, qui, ayant reçu un avis favorable, sera – je l’espère – votée.

Si ce texte comprend des avancées intéressantes quant aux congés de paternité et de parentalité, il conviendrait d’aller plus loin, en apportant, comme le fait l’Espagne, un véritable soutien au congé de parentalité, où il a été porté à seize semaines, et où il est non transférable et rémunéré à 100 %.

Sur le volet transports, pour l’essentiel, ce projet de loi prend en compte la révision de la directive Eurovignette, dont l’intitulé ne correspond plus à la réalité, puisqu’il s’agit non plus d’achat de vignettes, mais d’une taxe kilométrique.

Alors que dans de nombreux pays d’Europe existent déjà des taxes poids lourds significatives qui expliquent en partie le développement d’un fret ferroviaire bien plus avancé que celui de notre pays, nos gouvernements successifs n’ont pas su actionner ce levier de rééquilibrage de la concurrence entre la route et le rail.

Ce texte n’affectera donc pour l’essentiel que les péages autoroutiers, à l’exception de la future taxe poids lourds alsacienne. À ce titre, il est bon que la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable ait rectifié le texte pour que la CEA puisse saisir les nouvelles options européennes ouvertes par cette actualisation. L’Assemblée nationale ne l’avait pas souhaité, contrairement au Sénat, qui, une fois encore, a eu raison d’introduire cette modification. Il faudra donc faire preuve de vigilance à cet égard.

En ce qui concerne le réseau autoroutier, le Gouvernement écarte pour l’instant les options de redevances facultatives, notamment celle qui est liée à la congestion, ainsi que le surpéage pour financement des infrastructures de transport. Mon groupe proposera des amendements en ce sens.

L’article 26 prévoit deux dispositifs permettant de renforcer le principe du pollueur-payeur pour les poids lourds. Si ces dispositifs sont bienvenus, il est encore une fois regrettable que le Gouvernement n’aille pas assez loin, puisque la modulation et la majoration ne sont applicables qu’aux seuls péages des contrats de concession à venir, à l’exclusion des contrats en cours.

Le Gouvernement fait le choix de différer l’obligation d’internaliser dans les tarifs des péages les coûts environnementaux liés à la pollution. L’argument avancé, selon lequel il conviendrait de ne pas bouleverser l’équilibre économique des contrats, ne constitue pas à notre sens une justification suffisante.

Si ce report est conforme à la directive, il est regrettable au regard de l’urgence climatique. La plupart des concessions autoroutières ne se terminent qu’après 2030. Or on ne peut pas attendre une décennie. Il est urgent d’activer le report vers le rail et le fluvial afin de réduire la part du transport routier de marchandises, comme il est urgent de nous concentrer sur l’intermodalité, par des plans « vélo-train ». Ce texte prévoit d’ailleurs de rattraper notre retard sur la moyenne européenne, dont je rappelle qu’elle s’établit entre six et huit emplacements de vélo par train.

Enfin, mon groupe, comme d’autres, s’opposera à l’habilitation à légiférer par ordonnance demandée par le Gouvernement afin de transposer la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises, dite directive CSRD. Il s’agit en effet d’une étape importante du Pacte vert européen, dans le cadre duquel des choix déterminants devront être effectués. Il est donc essentiel d’assurer la transposition de cette directive par voie législative.

Malgré ces réserves, mon groupe voit des avancées dans ce texte, et votera donc pour.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Frédéric Marchand.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, certains esprits chagrins comparent les projets de loi Ddadue à des voitures-balais législatives souvent inscrites à l’ordre du jour dans l’urgence, en raison de l’approche d’un délai limite de transposition, voire de son dépassement.

Cela justifie alors la transposition de plusieurs directives, souvent sans grand rapport thématique entre elles, dans le cadre d’un examen en procédure accélérée. Je m’abstiendrai de toute surenchère.

Certains regrettent même une incursion de l’Europe dans notre cadre législatif. À ceux-là, en revanche, je réponds que c’est tant mieux ! L’Europe, comme l’a indiqué le Président de la République lors de son discours de la Sorbonne, voilà déjà cinq ans, est notre histoire, notre identité, notre horizon. Elle est ce qui nous protège et ce qui nous donne un avenir.

Nos textes législatifs actuels sont imprégnés de cette idée européenne, structurée, par exemple, autour d’une économie de marché régulée par une politique volontariste et innovante, avec les investissements massifs de France 2030, dont le financement est issu à 40 % des aides de l’Union européenne, d’exigences environnementales ambitieuses, dont le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, qui vise à participer à réduire les émissions de l’Union européenne d’au moins 55 % d’ici à 2030, mais aussi en faveur d’une agriculture résiliente, stratégique et innovante, par l’application de notre plan stratégique national pour la politique agricole commune (PAC) pour la période 2023-2027 et grâce aux crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » du projet de loi de finances pour 2023, curieusement rejetés sur les deux travées opposées de cet hémicycle voilà quinze jours.

En d’autres termes, il n’est pas opportun d’opposer les objectifs issus de notre engagement européen, dont les directives sont une mise en œuvre concrète, et les projets de loi qui découlent de cette philosophie européenne, dont nous sommes tous en grande partie les garants.

C’est donc avec une certaine fierté que je suis ici devant vous pour faire part de mes quelques remarques sur le onzième projet de loi Ddadue examiné depuis 2010. Il est, certes, assez compliqué à scénariser dans sa globalité, mais il comporte de très belles avancées en matière de droit du travail, d’égalité des droits et d’ambition écologique.

Le projet de loi renforce tout d’abord le droit du travail pour les jeunes pères. Aujourd’hui, lorsqu’un salarié s’absente dans le cadre d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant, cette absence n’est normalement pas comptabilisée dans le calcul de l’ancienneté alors que le congé maternité est pris en compte dans son intégralité.

Le projet de loi vient combler cette disparité et prévoit d’ajouter un article dans la partie du code du travail qui assimile la durée du congé paternité à une période de travail effectif pour les droits que le salarié tient de son ancienneté.

Le texte prévoit plus de droits aussi en matière de transparence et d’information pour les salariés du secteur public. Les articles 17 et 18 consacrent ainsi le droit pour tout agent public ou praticien hospitalier de recevoir de son employeur des informations et règles essentielles relatives à l’exercice de ses fonctions. Concrètement, il s’agira notamment de la rémunération, du temps de travail, du droit à la formation ou des modalités de cessation de fonctions.

En matière d’égalité des droits, le texte prévoit de renforcer la loi de 2005 concernant les exigences d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap. Cette loi voulue par le père des lois sur le handicap, Jacques Chirac, avait permis de nombreuses avancées : obligation d’accessibilité des transports collectifs et des établissements recevant du public (ERP) dans un délai de dix ans, concrétisation du droit à compensation du handicap, création des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).

La directive du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicable aux produits et services, transposée ici par ordonnance, tend à aller encore un peu plus loin pour cibler un plus grand nombre de produits et d’acteurs. Je pense notamment à l’amélioration de l’accessibilité des distributeurs automatiques de billets et de titres de transport, ou des bornes d’enregistrement automatiques.

Dans le domaine des transports publics ferroviaires, l’article 27 vise à renforcer les droits des voyageurs en situation de handicap ou à mobilité réduite. Ainsi, à compter de juin 2023, les services régionaux devront porter assistance aux personnes à mobilité réduite ou en situation de handicap, à l’embarquement et au débarquement des trains.

Il reste toutefois encore beaucoup à faire. Les commerces, les restaurants et les transports présentent un retard important : le métro reste peu accessible, les arrêts de bus sont rarement aménagés et moins d’un tiers des gares ferroviaires nationales sont adaptées.

En matière d’ambition environnementale, l’article 26 vise à encourager un transport de marchandises plus écologique en conditionnant les taxes de circulation au nombre de kilomètres parcourus et à la quantité de dioxyde de carbone émise par les poids lourds. Cette modulation se substitue à celle prévalant en fonction de la classe Euro, telle que le prévoyait la précédente version de la directive Eurovignette. Ce dispositif vise donc un approfondissement du principe pollueur-payeur et passe par le développement de mécanismes de tarification ciblés.

Enfin, dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe et du programme pour une finance durable, le Conseil européen a donné voilà quelques jours son feu vert définitif à la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises. C’est l’objet de l’article 8 du projet de loi.

Concrètement, les entreprises devront rendre compte de la manière dont leur modèle économique influe sur leur durabilité et dont les facteurs externes de cette durabilité, comme le changement climatique ou les questions relatives aux droits de l’homme, influencent leurs activités. Ainsi, les investisseurs et les autres parties prenantes seront mieux à même de prendre des décisions en connaissance de cause sur les questions de durabilité.

C’est une mesure forte pour construire une économie au service des personnes et pour renforcer l’économie sociale de marché de l’Union européenne. Nous y sommes très attachés.

Certes, la décision du Conseil européen date du 28 novembre dernier : l’encre n’est pas encore tout à fait sèche, et il nous est demandé d’agir rapidement, par ordonnance. Mais devant de si grandes avancées pour les citoyens, et alors que le périmètre de la mesure a été encadré en commission, doit-on vraiment traîner des pieds et affaiblir le dispositif ?

Pour conclure, mes chers collègues, si, par définition, ce projet de loi de transposition manque un peu de cohérence, il est clairement orienté vers plus d’égalité, plus de droits et plus de cohésion sociale. Il est ainsi la traduction d’une Europe solidaire et écologique voulue par beaucoup d’entre nous sur ces travées. Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants y sera donc très favorable.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. Madame la ministre déléguée, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je suis très heureux de saluer la présence dans la tribune d’honneur du Sénat de deux parlementaires albanais : M. Eduard Shalsi, président du groupe d’amitié Albanie-France, président de la commission de l’économie et des finances de l’Assemblée albanaise, et Mme Ermonela Felaj, vice-présidente de l’Assemblée albanaise.

Mmes et MM. les sénateurs ainsi que Mme et M. les m inistres délégués se lèvent.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Cette visite intervient à la fin d’une année importante dans le processus d’intégration européenne de l’Albanie. Après que, le 19 juillet dernier, une conférence intergouvernementale a officiellement lancé l’ouverture des négociations d’adhésion entre l’Union européenne et l’Albanie, Tirana vient d’accueillir, le 6 décembre, le premier sommet Union européenne-Balkans occidentaux organisé dans la région.

Mes chers collègues, en votre nom à tous, permettez-moi de souhaiter à nos amis parlementaires albanais un fructueux séjour et la plus cordiale bienvenue.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Nous reprenons la discussion du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Michelle Meunier.

Applaudissements sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Meunier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, notre Haute Assemblée est appelée à examiner un texte législatif de transposition de directives européennes dans notre droit national.

La dernière fois que nous nous sommes penchés sur ce type d’exercice, c’était à l’automne 2021, pour transposer des directives dans le domaine des transports, de l’environnement et des finances.

À l’époque, notre groupe insistait sur les vulnérabilités qui pesaient sur l’édifice européen à vingt-sept, à la sortie de la crise sanitaire. C’était il y a un an, et ces circonstances déjà exceptionnelles nous paraissent éloignées tant l’actualité politique de notre continent subit désormais le choc de l’invasion russe en Ukraine, à nos portes, et ses conséquences énergétiques palpables au quotidien.

Dans ce contexte, décliner en lois nationales l’incarnation du rêve européen et de son cadre communautaire revêt une importance que nous ne saurions négliger.

Ce projet de loi, composite – cela a déjà été dit et répété –, choisit à sept reprises un vecteur habituel pour la transposition : le recours à des ordonnances. Sur bien des sujets, cette carte blanche accordée à l’exécutif peut se justifier : les directives transposées sont suffisamment cadrées, et la matière est technique. Par exemple, le premier chapitre, consacré aux activités d’assurance et d’épargne retraite, n’appelle pas de réserves particulières.

Mais certains articles recourent aux ordonnances pour transposer des dispositions sur lesquelles notre travail parlementaire aurait permis une écriture législative directe.

Il en va ainsi de l’article 8, relatif à la publication d’informations en matière de durabilité des entreprises, transpose la directive dite CSRD, relative aux informations extrafinancières qui doivent être fournies par les entreprises. Avec mes collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, nous proposons de ne pas habiliter le Gouvernement. Nous avons déjà pu aborder le reporting RSE, au sein de cet hémicycle, notamment lors de l’examen de la proposition de loi relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. Le sujet est suffisamment sensible pour mériter de croiser nos regards et d’attendre la publication de la directive dite CSRD.

Un autre sujet couvert par ce projet de loi appelle une grande vigilance de notre part. L’article 12 transpose une directive relative à l’accessibilité aux produits et services pour les personnes porteuses de handicap. Or celle-ci aurait dû être transposée avant le mois de juin 2022 : la France a été mise en demeure. Monsieur le ministre, comment ne pas voir là un manque d’intérêt du Gouvernement pour le quotidien des personnes concernées ?

Le secteur associatif du champ du handicap ne s’y trompe pas. Il nous rappelle que la France accuse un retard énorme en matière d’accessibilité universelle, en dépit des textes adoptés, et il attend beaucoup de la transposition.

Dans ce contexte, nous, législateurs, aimerions pouvoir exercer ici pleinement notre mission : tenir la plume pour écrire la loi, afin de répondre aux questions posées et relayer les inquiétudes qui s’expriment. Celles-ci portent sur le contrôle des mesures prises en faveur de l’accessibilité, sur le régime de sanctions qui s’appliquerait aux entreprises ou aux administrations ne rendant pas leurs produits ou leurs services accessibles.

On entend aussi une certaine méfiance quant aux délais lointains d’entrée en vigueur des mesures et, surtout, une crainte que la parole des personnes concernées ne puisse guider la transposition.

Voilà pourquoi, monsieur le ministre, je vous invite à prendre l’engagement devant nous de maintenir le dialogue avec les représentants associatifs des personnes en situation de handicap.

D’autres dispositions du champ de l’action sociale sont, en revanche, les bienvenues. Je pense ainsi à la transposition des directives relatives au congé parental ou au congé des aidants, qui seront harmonisées au bénéfice d’employés actuellement exclus, notamment les salariés du particulier employeur. C’est un pas en avant qu’il convient de saluer, eu égard à la faible attractivité du métier d’assistant maternel.

Ma collègue Angèle Préville interviendra dans la suite de la discussion pour poursuivre cette analyse et détaillera les dispositions en matière de transports.

Enfin, au cours de l’examen des articles, mon collègue Jean-Claude Tissot développera l’analyse des élus socialistes sur les deux articles relatifs à l’agriculture. Il détaillera les réserves que nous formulons sur la régionalisation de la dotation jeunes agriculteurs (DJA). Celle-ci fait peser le risque de fortes disparités de traitement entre les régions.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à M. Michel Canévet.

Applaudissements sur les travées du groupe UC et sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Canevet

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l’a indiqué notre collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, le groupe Union Centriste votera ce texte relatif à différentes dispositions d’adaptation du droit de l’Union européenne dans notre pays.

En effet, vous le savez bien, le groupe Union Centriste a des convictions européennes affirmées, et il nous semble important que cela se traduise par l’adoption de règles de vie et de fonctionnement les plus communes possible au sein de l’espace européen.

De manière générale, toutes les dispositions qui favorisent des conditions de vie et des règles de concurrence identiques pour les États membres sont soutenues avec enthousiasme par le groupe Union Centriste au sein de notre hémicycle.

Les précédents orateurs l’ont dit : ce texte traite de plusieurs dispositions assez disparates. On peut regretter que certaines d’entre elles aient tardé à se traduire dans notre droit, dès lors que les directives ont été adoptées depuis très longtemps. Il eût été souhaitable que les mesures sur lesquelles elles portaient soient intégrées dans notre droit plus tôt. Cela sera fait aujourd’hui – je l’espère – grâce à nos collègues qui soutiendront ce texte.

On peut néanmoins regretter que le Gouvernement ait beaucoup recours aux ordonnances : c’est le cas dans sept articles. Cela nous semble excessif, d’autant que, sous le quinquennat précédent, il y a eu un peu moins de 400 recours aux ordonnances – c’est tout à fait considérable – dont 340 ont été effectivement traduits dans le droit.

Au Sénat, notre position est claire : nous ne souhaitons pas le recours aux ordonnances parce que nous voulons tout simplement éviter les risques de surtransposition. Nous sommes extrêmement vigilants sur le sujet. Le fait de laisser aux assemblées parlementaires le soin d’introduire dans le droit dur l’essentiel des textes contribue à éviter d’éventuelles surtranspositions, car nous pouvons y veiller.

Or ces surtranspositions ont toujours un effet négatif : Laurent Duplomb pourrait en témoigner à propos du secteur de l’agriculture, où nous avons tendance à vouloir être plus vertueux que les autres, alors même que cela entame la compétitivité de nos entreprises.

Madame la rapporteure, veillons à rester très vigilants à cet égard.

J’en viens aux aspects financiers du texte. Je salue les propositions formulées par le rapporteur pour avis de la commission des finances Hervé Maurey, notamment en ce qui concerne les crypto-actifs. En effet, il est clair qu’il s’agit d’un système particulièrement émergent, qui suscite l’intérêt non seulement chez bon nombre de nos concitoyens, mais aussi plus largement à l’échelle mondiale. Or il me semble qu’il faut rester extrêmement prudent quant à l’ensemble de ces dispositifs, afin d’éviter qu’ils ne se retournent contre les usagers.

Les dispositions que le rapporteur pour avis a proposées à la commission des finances favorisent à raison une certaine régulation des dispositions concernant les crypto-actifs. J’espère donc que la Haute Assemblée suivra les propositions de la commission des finances sur ce point pour que nous puissions aboutir à une régulation efficace.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

M. le président. La parole est à Mme Angèle Préville.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Angèle Préville

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de grande technicité, le texte qui nous est soumis aura des conséquences très concrètes pour les professionnels du transport routier et pour les voyageurs ferroviaires.

La marge de manœuvre dont nous disposons est réduite, puisqu’il s’agit d’adapter notre droit interne au droit de l’Union européenne.

Acter l’inscription de ces mesures exigeantes est absolument nécessaire, car elles permettront de faire avancer la transition écologique dans le transport routier. Ce sont, à vrai dire, les têtes de pont de futures mesures plus fortes encore ; espérons-le.

Je rappelle que nous visons une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 55 % d’ici à 2030, enjeu colossal de responsabilité devant les graves conséquences déjà effectives du dérèglement climatique. Or le secteur des transports représente l’une des plus importantes sources d’émissions de gaz à effet de serre.

Quatre articles ont été examinés par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable. Deux concernent des corrections d’erreurs au sein du code des transports. Les deux autres apportent quelques avancées.

L’article 26 vise à transposer la directive Eurovignette. Toutefois, en l’état actuel du texte, un nombre considérable de véhicules lourds échapperont à la modulation des péages autoroutiers en fonction des émissions de CO2 et à la redevance pour coûts externes liée à la pollution atmosphérique, puisque le seuil d’application est établi à 3, 5 tonnes.

Je pense notamment aux véhicules utilitaires légers, entre 2, 5 tonnes et 3, 5 tonnes, dont le nombre a considérablement augmenté ces dernières années, en particulier les petits camions bâchés.

Aujourd’hui, ces véhicules concurrencent les poids lourds, y compris sur les longues distances. Il peut donc en résulter une forme de contournement du dispositif, du moins dans son esprit, puisqu’ils échapperont à une possible taxation.

En effet, l’objectif est bien d’inciter, par le principe pollueur-payeur, au renouvellement du parc des poids lourds en diminuant le prix payé par les moins émissifs tout en taxant plus les plus émissifs.

C’est pourquoi nous proposerons un amendement permettant d’inclure ces véhicules utilitaires légers dans le champ de la redevance et de la modulation des péages autoroutiers.

Toutefois, cette modulation aura un impact limité, puisqu’elle ne s’appliquera qu’à 235 kilomètres d’autoroute sur les 9 200 kilomètres que compte notre pays. En effet, seuls les contrats de concession attribués après le 1er janvier 2010 sont concernés, ce qui acte à l’évidence un petit manque d’ambition.

Il aurait été intéressant, en cas de recettes supplémentaires, de favoriser le développement du report modal ferroviaire et fluvial, indispensable pour lutter efficacement contre le changement climatique. Nous avons en effet un réseau ferroviaire et un réseau fluvial très développés, mais quelque peu délaissés. Pour tout dire, nous n’en tirons pas de réels bénéfices écologiques.

L’article 28 transpose un règlement visant à uniformiser les obligations pour les entreprises ferroviaires et les vendeurs de billets. Les voyageurs disposeront ainsi d’informations plus claires et verront leurs droits renforcés, notamment en matière de transport de vélo dans les trains et d’accessibilité des personnes handicapées ou à mobilité réduite.

Il paraît juste de prévoir d’étendre aux services urbains et suburbains de transport ferroviaire de voyageurs l’obligation d’indemnisation en cas de perte ou d’endommagement d’équipements de mobilité, comme les fauteuils roulants, et de dispositifs d’assistance, ou bien en cas de perte ou de blessure d’un chien d’assistance. On ne peut que s’étonner que de telles dispositions ne soient pas déjà applicables : nous avons du retard en la matière.

Les mesures relatives aux transports nous semblent donc aller dans le bon sens. Nous avons soutenu la plupart des propositions du rapporteur pour avis en commission. Toutefois, nous pensons que des améliorations peuvent encore être apportées. Nous vous les soumettrons au cours de l’examen du texte en espérant qu’elles puissent obtenir votre soutien.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Nous commençons par l’examen des articles 20, 23 et 24, appelés en priorité.

I. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Le 7° de l’article L. 4211-1 est ainsi rédigé :

« 7° La vente au détail et toute dispensation au public, d’une part, des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales, définies à l’article L. 5137-1 du présent code, destinées aux enfants de moins de douze mois et dont les caractéristiques sont fixées par arrêté des ministres chargés de la consommation et de la santé et, d’autre part, des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 5137-3 du même code ; »

2° Le 2° de l’article L. 5126-6 est ainsi rédigé :

« 2° Pour des raisons de santé publique ou dans l’intérêt des patients, le ministre chargé de la santé fixe par arrêté la liste des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales, définies à l’article L. 5137-1, que les pharmacies à usage intérieur sont autorisées à délivrer ; »

3° Le chapitre VII du titre III du livre Ier de la cinquième partie est ainsi rédigé :

« CHAPITRE VII

« Denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales

« Art. L. 5137 -1. – Les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales définies au g du paragraphe 2 de l’article 2 du règlement (UE) n° 609/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 concernant les denrées alimentaires destinées aux nourrissons et aux enfants en bas âge, les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales et les substituts de la ration journalière totale pour contrôle du poids et abrogeant la directive 92/52/CEE du Conseil, les directives 96/8/CE, 1999/21/CE, 2006/125/CE et 2006/141/CE de la Commission, la directive 2009/39/CE du Parlement européen et du Conseil et les règlements (CE) n° 41/2009 et (CE) n° 953/2009 de la Commission ne peuvent être utilisées que sous contrôle médical.

« Les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales autres que celles mentionnées au deuxième alinéa de l’article L. 5137-3 du présent code ne peuvent être délivrées que par les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé, des hôpitaux des armées ou de l’Institution nationale des invalides, les pharmacies d’officine ou, dans des conditions définies par voie réglementaire et garantissant l’effectivité du contrôle médical, par les prestataires de service et les distributeurs de matériels mentionnés à l’article L. 5232-3.

« Art. L. 5137 -2. – Le ministre chargé de la santé peut soumettre à prescription médicale obligatoire les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales qui répondent aux besoins nutritionnels particuliers de personnes atteintes de certaines pathologies.

« Art. L. 5137 -3. – Lorsque la consommation d’une denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales peut présenter des risques graves pour la santé en cas de mésusage, le producteur et le distributeur le notifient à l’autorité administrative compétente désignée par arrêté des ministres chargés de la consommation et de la santé.

« Lorsqu’il est établi que la consommation d’une denrée alimentaire destinée à des fins médicales spéciales présente des risques graves pour la santé en cas de mésusage, le ministre chargé de la santé la soumet à prescription médicale obligatoire. Il peut, si nécessaire, assortir la prescription médicale obligatoire de conditions particulières de prescription et de délivrance.

« Le ministre chargé de la santé peut, pour des raisons de santé publique ou dans l’intérêt des patients, réserver la délivrance des denrées mentionnées au deuxième alinéa du présent article aux pharmacies à usage intérieur.

« Les procédures de vigilance et les modalités d’identification des denrées pouvant présenter des risques graves pour la santé en cas de mésusage sont précisées par décret. » ;

4° L’article L. 5521-7 est ainsi modifié :

a) Le I est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les articles L. 5137-1 à L. 5137-3 sont applicables à Wallis-et-Futuna dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture. » ;

b) Après le 3° du II, sont insérés des 3° bis et 3° ter ainsi rédigés :

« 3° bis Au second alinéa de l’article L. 5137-1, les mots : “les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé, des hôpitaux des armées ou de l’Institution nationale des invalides, les pharmacies d’officine ou, dans des conditions définies par voie réglementaire et garantissant l’effectivité du contrôle médical, par les prestataires de service et les distributeurs de matériels mentionnés à l’article L. 5232-3” sont remplacés par les mots : “la pharmacie de l’agence de santé” ;

« 3° ter Au dernier alinéa de l’article L. 5137-3, les mots : “aux pharmacies à usage intérieur” sont remplacés par les mots : “la pharmacie de l’agence de santé” ; ».

II. – Par dérogation aux articles L. 5137-1 à L. 5137-3 du code de la santé publique, pendant une durée d’un an à compter de la publication de la présente loi, les denrées alimentaires répondant aux besoins nutritionnels particuliers de personnes atteintes de maladies héréditaires du métabolisme sont soumises à prescription médicale obligatoire. Leur vente au détail et leur dispensation au public sont réservées aux pharmaciens.

Par dérogation au 2° de l’article L. 5126-6 du code de la santé publique, pendant une durée de dix-huit mois à compter de la publication de la présente loi, les pharmacies à usage intérieur sont autorisées à délivrer au public, au détail, les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales définies au g du paragraphe 2 de l’article 2 du règlement (UE) n° 609/2013 du Parlement européen et du Conseil du 12 juin 2013 concernant les denrées alimentaires destinées aux nourrissons et aux enfants en bas âge, les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales et les substituts de la ration journalière totale pour contrôle du poids et abrogeant la directive 92/52/CEE du Conseil, les directives 96/8/CE, 1999/21/CE, 2006/125/CE et 2006/141/CE de la Commission, la directive 2009/39/CE du Parlement européen et du Conseil et les règlements (CE) n° 41/2009 et (CE) n° 953/2009 de la Commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 16 rectifié, présenté par M. Sautarel, Mme Belrhiti, MM. Bascher, Burgoa et Paccaud, Mme Dumont, M. Belin, Mme Estrosi Sassone, MM. Laménie et Genet et Mme Joseph, est ainsi libellé :

Alinéa 3

Remplacer les mots :

par arrêté des ministres chargés de la consommation et de la santé

par les mots :

par décision conjointe de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail et de la commission d’alimentation des maladies héréditaires du métabolisme

La parole est à M. Stéphane Sautarel.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Sautarel

La commission d’alimentation est garante des référencements et de la gestion des ruptures d’offre de soins. Elle pourrait être remplacée par une commission plus large pour les problématiques des maladies rares.

Actuellement, la mise sur le marché des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales fait l’objet d’une notification auprès de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), puis d’une évaluation nutritionnelle par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Ces denrées sont ensuite présentées à la commission nationale d’experts de l’Agence générale des équipements et produits de santé (Ageps), qui évalue leur intérêt médical.

Le présent amendement vise à charger l’Anses et la commission d’alimentation des maladies héréditaires du métabolisme d’arrêter conjointement les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales du règlement de l’Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

J’entends les préoccupations de notre collègue quant au maintien d’une offre diversifiée de produits alimentaires pour les patients et au rôle de la commission d’alimentation.

Cependant, sur la forme, cet amendement ne permet pas d’atteindre l’objectif, puisqu’il vise en réalité les denrées destinées aux nourrissons.

Sur le fond, le passage à une distribution finale nécessitera effectivement de nouvelles inscriptions sur la liste des produits et prestations. C’est la raison pour laquelle une transition est aménagée à la fin de l’article 20, grâce au maintien transitoire de possibilités étendues de distribution de ces denrées en pharmacies à usage intérieur.

Pour ces raisons, il ne paraît pas opportun de revenir sur la rédaction retenue en commission. Avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Geneviève Darrieussecq

Le Gouvernement remercie Mme la rapporteure d’avoir été exhaustive, et émet le même avis défavorable que la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Sautarel

Ma préoccupation concerne – vous l’avez compris – les maladies héréditaires du métabolisme. Je souhaite que la prise en compte très particulière des malades concernés ne soit pas remise en cause.

Toutefois, ayant entendu les arguments de Mme la rapporteure, que je remercie de son éclairage, je retire mon amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 16 rectifié est retiré.

L’amendement n° 19 rectifié, présenté par M. Sautarel, Mme Belrhiti, MM. Bascher, Burgoa et Paccaud, Mme Dumont, M. Belin, Mme Estrosi Sassone et MM. Laménie et Genet, est ainsi libellé :

Alinéa 10

Supprimer les mots :

, les pharmacies d’officine

La parole est à M. Stéphane Sautarel.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Sautarel

Cet amendement vise à supprimer la référence aux pharmacies d’officine à l’alinéa 10 de l’article 20, afin que ces dernières ne puissent pas délivrer les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Cet amendement tend à exclure les pharmacies d’officine du champ des distributeurs autorisés de denrées alimentaires destinées à des fins médicales et à réserver ainsi leur délivrance aux pharmacies à usage intérieur.

Cependant, cela interdirait la distribution de certaines denrées actuellement déjà délivrées par les pharmacies, comme certains laits spécialisés pour nourrissons, dont il est nécessaire de disposer à proximité.

Les pharmacies à usage intérieur seraient alors les uniques acteurs ; dans les faits, ce serait seulement l’Ageps. Or cette dernière appelle, elle aussi, à basculer vers le réseau officinal pour les denrées sans risque majeur.

La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Geneviève Darrieussecq

Mme la rapporteure l’a souligné, les denrées concernées ne se limitent pas aux acides aminés ou aux produits hypoprotidiques.

Le champ couvert est bien plus large, puisqu’il comprend aussi bien des compléments nutritionnels oraux, les laits spéciaux hypoallergéniques pour les nourrissons ou encore les produits destinés à la nutrition entérale administrés à l’aide de pompes.

L’adoption de l’amendement conduirait à ce que ces produits, aujourd’hui délivrés en pharmacie d’officine, ne puissent plus l’être demain. Ce serait un véritable problème pour les patients ayant besoin de ces produits exclusivement disponibles en pharmacie d’officine ou pour les patients dénutris ayant besoin de produits hyperprotidiques.

J’en viens aux aliments diététiques destinés à des fins médicales spéciales (DADFMS) pour les patients souffrants de maladies héréditaires du métabolisme. Il est prévu de consulter la filière maladies rares héréditaires du métabolisme et les pharmacies à usage intérieur des établissements de santé, afin de définir les modalités de délivrance les plus adaptées pour ces patients.

Si à la suite de ces consultations, la délivrance par la pharmacie à usage intérieur (PUI) semble la plus adaptée, nous mettrons en œuvre cette faculté ouverte par l’avant-dernier alinéa du nouvel article L. 5137-3 du code de la santé publique.

Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Stéphane Sautarel, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Sautarel

Les avis de Mme la ministre et de Mme la rapporteure éclairent une partie du débat.

Mon amendement avait – j’en ai bien conscience – une portée trop large, ou plus large, au regard de la finalité défendue à propos des maladies héréditaires du métabolisme. Il s’agissait d’un amendement d’appel pour attirer l’attention sur les perturbations potentielles que pourrait connaître la distribution de ces produits et que subiraient les malades, à propos desquelles une vigilance particulière doit être observée. Je le retire, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 19 rectifié est retiré.

L’amendement n° 84, présenté par Mme Gruny, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Alinéa 21

Remplacer les mots :

Au dernier

par les mots :

À la fin du troisième

La parole est à Mme le rapporteur.

Debut de section - Permalien
Geneviève Darrieussecq

Avis favorable.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 17 rectifié, présenté par M. Sautarel, Mme Belrhiti, MM. Bascher, Pointereau, Burgoa et Paccaud, Mme Dumont, M. Belin, Mme Estrosi Sassone, MM. Laménie et Genet et Mme Joseph, est ainsi libellé :

Alinéa 22

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Stéphane Sautarel.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Sautarel

Cet amendement va dans le même sens que le précédent et vise également à supprimer un alinéa de l’article 20, afin d’éviter, une fois encore, une période de transition. Toutefois, au regard des arguments qui ont déjà été développés, je le retire, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 17 rectifié est retiré.

L’amendement n° 18 rectifié, présenté par M. Sautarel, Mme Belrhiti, MM. Bascher, Pointereau, Burgoa et Paccaud, Mme Dumont, M. Belin, Mme Estrosi Sassone, MM. Laménie et Genet et Mme Joseph, est ainsi libellé :

Alinéa 23

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Stéphane Sautarel.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Sautarel

Je retire également cet amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Je voudrais dire à mon collègue Stéphane Sautarel qu’il était important d’exprimer dans l’hémicycle les inquiétudes des patients. Je pense que vous les avez entendues, madame la ministre. Il faudra suivre ce qui a été demandé et que nous avons accepté en commission.

L ’ article 20 est adopté.

I. – L’ordonnance n° 2022-582 du 20 avril 2022 portant adaptation du droit français au règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux et l’ordonnance n° 2022-1086 du 29 juillet 2022 portant adaptation du droit français au règlement (UE) 2017/746 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro sont ratifiées.

II. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa du II de l’article L. 1111-3-2, les mots : « médical sur mesure ou de son accessoire » sont remplacés par les mots : « sur mesure mentionné à l’article 1er du règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, modifiant la directive 2001/83/CE, le règlement (CE) n° 178/2002 et le règlement (CE) n° 1223/2009 et abrogeant les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42/CEE » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 1111-3-3, les mots : « médicaux ou de leurs accessoires » sont remplacés par les mots : « mentionnés à l’article 1er du règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, modifiant la directive 2001/83/CE, le règlement (CE) n° 178/2002 et le règlement (CE) n° 1223/2009 et abrogeant les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42/CEE » ;

3° Au deuxième alinéa de l’article L. 1151-1, après le mot : « prescrire », sont insérés les mots : «, les pratiquer, les utiliser » et les mots : « conformément au » sont remplacés par les mots : « sans préjudice, le cas échéant, du respect du » ;

4° L’article L. 1151-2 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« La pratique des actes, procédés, techniques et méthodes relative aux groupes de produits mentionnés à l’annexe XVI du règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, modifiant la directive 2001/83/CE, le règlement (CE) n° 178/2002 et le règlement (CE) n° 1223/2009 et abrogeant les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42/CEE ou la pratique d’autres actes, procédés, techniques et méthodes à visée esthétique autres que ceux relevant de l’article L. 6322-1 du présent code peut, si elle présente des risques pour la santé des personnes, être soumise à des règles, définies par décret pris après avis de la Haute Autorité de santé, relatives à la formation et la qualification des professionnels pouvant les mettre en œuvre, à la déclaration des activités exercées et à des conditions de réalisation. » ;

b) Le second alinéa est complété par les mots : «, pris après avis de la Haute Autorité de santé » ;

5° Au second alinéa de l’article L. 1333-25, les mots : « mentionnées à l’article L. 5211-3-2 » sont remplacés par les mots : « au sens de l’article 61 du règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, modifiant la directive 2001/83/CE, le règlement (CE) n° 178/2002 et le règlement (CE) n° 1223/2009 et abrogeant les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42/CEE » ;

5° bis

« Art. L. 5211 -5 -1. – I. – Les dispositifs médicaux sont qualifiés d’indispensables lorsque leur indisponibilité est susceptible de créer une situation de risque grave pour le patient au regard de son accès aux soins. Les critères permettant de définir cette situation de risque grave sont fixés par voie réglementaire. Peuvent procéder à cette qualification les fabricants du dispositif médical ou leurs mandataires, ainsi que toute personne qui se livre à son importation, à sa distribution, à l’exclusion de la vente au détail, ou à défaut l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

« II. – Les fabricants d’un dispositif médical indispensable ou leurs mandataires, ainsi que toute personne qui se livre à son importation, à sa distribution, à l’exclusion de la vente au détail, qui prennent la décision d’en suspendre ou d’en cesser la commercialisation ou qui ont connaissance de faits susceptibles d’entraîner la suspension ou la cessation de cette commercialisation en informent l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé au moins un an avant la date envisagée ou prévisible.

« Lorsqu’ils identifient un risque de rupture dans la disponibilité d’un dispositif médical indispensable, les fabricants ou leurs mandataires, ainsi que toute personne qui se livre à l’importation ou à la distribution de ce dispositif, à l’exclusion de la vente au détail, mettent en œuvre toute mesure utile et nécessaire anticipée, visant à éviter la rupture et à assurer la continuité des soins dans l’intérêt des patients.

« III. – Lorsque les mesures prévues au II n’ont pas permis d’éviter le risque de rupture ou la rupture dans la disponibilité du dispositif médical indispensable, les fabricants ou leurs mandataires, ainsi que toute personne qui se livre à l’importation ou à la distribution, à l’exclusion de la vente au détail, effectuent une déclaration auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, de ce risque de rupture ou de toute rupture relatif à ce dispositif médical, dans des conditions définies par voie réglementaire.

« IV. – Lorsqu’elle constate un risque de rupture ou une rupture dans la disponibilité d’un dispositif qualifié d’indispensable, pour lequel le fabricant ou son mandataire, ainsi que toute personne qui se livre à l’importation ou à la distribution, à l’exclusion de la vente au détail, n’a pas mis en œuvre les mesures prévues au II, ou n’a pas effectué la déclaration prévue au III, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé prend toute mesure utile et nécessaire pour éviter la rupture et assurer la continuité des soins dans l’intérêt des patients. Ces mesures sont prises après consultation des professionnels de santé et des associations de patients et d’usagers du système de santé.

« Les informations relatives aux dispositifs médicaux qualifiés d’indispensables, aux risques identifiés de rupture dans leur disponibilité et aux mesures d’anticipation prises sont tenues à la disposition de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et lui sont transmises à tout moment à sa demande. » ;

5° ter

« Art. L. 5221 -7 – I. – Les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro sont qualifiés d’indispensables lorsque leur indisponibilité est susceptible de créer une situation de risque grave pour le patient au regard de son accès aux soins. Les critères permettant de définir cette situation de risque grave sont fixés par voie réglementaire. Peuvent procéder à cette qualification les fabricants du dispositif médical de diagnostic in vitro ou leurs mandataires, ainsi que toute personne qui se livre à son importation ou à sa distribution, à l’exclusion de la vente au détail ou, à défaut, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé.

« II. – Les fabricants d’un dispositif médical de diagnostic in vitro indispensable ou leurs mandataires, ainsi que toute personne qui se livre à son importation, à sa distribution, à l’exclusion de la vente au détail, qui prennent la décision d’en suspendre ou d’en cesser la commercialisation ou qui ont connaissance de faits susceptibles d’entraîner la suspension ou la cessation de cette commercialisation en informent l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé au moins un an avant la date envisagée ou prévisible.

« Lorsqu’ils identifient un risque de rupture dans la disponibilité d’un dispositif médical de diagnostic in vitro indispensable, les fabricants ou leurs mandataires, ainsi que toute personne qui se livre à l’importation ou la distribution de ce dispositif, à l’exclusion de la vente au détail, mettent en œuvre toute mesure utile et nécessaire anticipée, visant à éviter la rupture et à assurer la continuité des soins dans l’intérêt des patients.

« III. – Lorsque les mesures prévues au II n’ont pas permis d’éviter le risque de rupture ou la rupture dans la disponibilité du dispositif médical de diagnostic in vitro indispensable, les fabricants ou leurs mandataires, ainsi que toute personne qui se livre à l’importation ou à la distribution, à l’exclusion de la vente au détail, effectuent une déclaration auprès de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, de ce risque de rupture ou de toute rupture relatif à ce dispositif médical de diagnostic in vitro, dans des conditions définies par voie réglementaire.

« IV. – Lorsqu’elle constate un risque de rupture ou une rupture dans la disponibilité d’un dispositif qualifié d’indispensable, pour lequel le fabricant ou son mandataire, ainsi que toute personne qui se livre à l’importation ou la distribution, à l’exclusion de la vente au détail, n’a pas mis en œuvre les mesures prévues au II, ou n’a pas effectué la déclaration prévue au III, l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé prend toute mesure utile et nécessaire pour éviter la rupture et assurer la continuité des soins dans l’intérêt des patients. Ces mesures sont prises après consultation des professionnels de santé et des associations de patients et d’usagers du système de santé.

« Les informations relatives aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro qualifiés d’indispensables, aux risques identifiés de rupture dans leur disponibilité et aux mesures d’anticipation prises sont tenues à la disposition de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé et lui sont transmises à tout moment à sa demande. » ;

6° L’article L. 5461-6 est ainsi modifié :

a) La première occurrence du mot : « et » est remplacée par le mot : « ou » ;

b) Après le mot : « médicaux », sont insérés les mots : « ou de ses accessoires » ;

7° L’article L. 5461-9 est ainsi modifié :

a) Au 12°, la première occurrence du mot : « et » est remplacé par le mot : « ou » ;

b)

« 24° Le fait, pour les fabricants de dispositifs médicaux indispensables ou leurs mandataires, ainsi que pour toute personne qui se livre à l’importation ou à la distribution de dispositifs médicaux indispensables, à l’exclusion de la vente au détail, de ne pas informer l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé d’un risque de rupture ou de toute rupture dans la disponibilité de ces dispositifs médicaux, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 5211-5-1. » ;

7° bis

« 20° Le fait, pour les fabricants de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro indispensables ou leurs mandataires, ainsi que pour toute personne qui se livre à l’importation ou la distribution de dispositifs médicaux de diagnostic in vitro indispensables, à l’exclusion de la vente au détail, de ne pas informer l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé d’un risque de rupture ou de toute rupture dans la disponibilité de ces dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, en méconnaissance des dispositions de l’article L. 5221-7. » ;

7° ter

a) La référence : « 23° » est remplacée par la référence : « 24° » ;

b) La référence : « 19° » est remplacée par la référence « 20° » ;

8° Aux articles L. 5471-2 et L. 5472-3, le mot : « livre » est remplacé par le mot : « chapitre » ;

9° Le titre VII du livre IV de la cinquième partie est complété par un chapitre III ainsi rédigé :

« CHAPITRE III

« Sanctions financières prononcées par lautorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation

« Art. L. 5473 -1. – I. – Dans le domaine de compétence déterminé au II de l’article L. 5211-2 et au II de l’article L. 5221-2, l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation mentionnée à l’article L. 522-1 du code de la consommation peut prononcer une sanction financière à l’encontre de l’auteur d’un manquement mentionné aux articles L. 5461-9 et L. 5462-8 du présent code, conformément à la procédure prévue au chapitre II du titre II du livre V du code de la consommation.

« II. – L’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut assortir cette sanction financière d’une astreinte journalière qui ne peut être supérieure à 2 500 € par jour lorsque l’auteur du manquement ne s’est pas conformé à ses prescriptions à l’issue du délai fixé par une mise en demeure.

« III. – Le montant de la sanction prononcée pour les manquements mentionnés aux 9°, 14°, 15°, 16° et 17° de l’article L. 5461-9 et aux 8°, 11°, 12° et 13° de l’article L. 5462-8 ne peut être supérieur à 150 000 € pour une personne physique et à 10 % du chiffre d’affaires réalisé lors du dernier exercice clos, dans la limite d’un million d’euros, pour une personne morale.

« Le montant de la sanction prononcée pour les manquements mentionnés aux 1° à 8°, 10° à 13° et 18° à 21° de l’article L. 5461-9 et aux 1° à 7°, 9°, 10° et 14° à 17° de l’article L. 5462-8 ne peut être supérieur à 150 000 € pour une personne physique et à 30 % du chiffre d’affaires réalisé lors du dernier exercice clos pour le produit ou le groupe de produits concernés, dans la limite d’un million d’euros, pour une personne morale.

« En cas de constatation de l’un des manquements mentionnés aux 11°, 12° et 13° de l’article L. 5461-9 et aux 9° et 10° de l’article L. 5462-8, l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut prononcer une interdiction de la publicité concernée par le manquement, lorsque l’auteur du manquement ne s’est pas conformé à ses prescriptions à l’issue du délai fixé par une mise en demeure.

« IV. – L’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut décider de publier les décisions de sanction financière prononcées au titre du I du présent article sur son site internet ou un site internet du ministère chargé de l’économie.

« Art. L. 5473 -2. – Lorsqu’une sanction financière prononcée au titre du présent chapitre est susceptible de se cumuler avec une amende pénale infligée à raison des mêmes faits à l’auteur du manquement, le montant global des amendes et sanctions financières prononcées ne dépasse pas le maximum légal le plus élevé.

« Art. L. 5473 -3. – Une même personne ne peut faire l’objet, pour les mêmes faits, d’une procédure de sanction engagée par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé sur le fondement de l’article L. 5471-1 et par l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation sur le fondement de celles de l’article L. 5473-1. À cette fin, les deux autorités échangent les informations nécessaires avant l’ouverture de toute procédure. » ;

10° Au second alinéa de l’article L. 6111-2, le mot : « médicaux » est remplacé par les mots : « mentionnés à l’article 1er du règlement (UE) 2017/745 du Parlement européen et du Conseil du 5 avril 2017 relatif aux dispositifs médicaux, modifiant la directive 2001/83/CE, le règlement (CE) n° 178/2002 et le règlement (CE) n° 1223/2009 et abrogeant les directives du Conseil 90/385/CEE et 93/42/CEE ».

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 44 rectifié bis, présenté par Mmes Imbert et Puissat, MM. Perrin, Rietmann, Sol, Pointereau, Cadec, Panunzi, Bonne, Mouiller et D. Laurent, Mme Malet, M. Burgoa, Mme Demas, M. Charon, Mme M. Mercier, M. Belin, Mme Estrosi Sassone, M. Bouchet, Mmes Garriaud-Maylam et Chauvin, M. Bascher, Mmes Berthet, Petrus et Belrhiti, M. Laménie, Mme Gosselin, M. Chatillon, Mmes F. Gerbaud et Lassarade, MM. Saury et Genet et Mmes Dumont et Ventalon, est ainsi libellé :

I. – Alinéas 12 et 19

Compléter ces alinéas par les mots :

après avoir entendu les opérateurs précités concernés par la mise à disposition de l’utilisateur final

II. – Alinéas 16 et 23, secondes phrases

Après le mot :

consultation

insérer les mots :

des opérateurs précités concernés par la mise à disposition de l’utilisateur final,

La parole est à Mme Corinne Imbert.

Debut de section - PermalienPhoto de Corinne Imbert

Cet amendement vise à préciser les dispositions, introduites par la commission, relatives à l’approvisionnement en dispositifs médicaux en prévoyant que, lorsque l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) qualifie elle-même un dispositif d’indispensable ou prend des mesures visant à prévenir une rupture d’offre, elle doit au préalable entendre les opérateurs concernés. Leur consultation est en effet nécessaire pour permettre à l’ANSM d’apprécier le risque de rupture, comme ses conséquences, sur l’accès aux soins des patients.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

Il est en effet important d’inscrire cette consultation préalable par l’ANSM des opérateurs concernés par la fabrication ou la distribution du dispositif. Cela permet de mieux évaluer le risque de rupture, qui suscite aujourd’hui des inquiétudes sur le terrain.

La commission émet un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Geneviève Darrieussecq

Une telle consultation est bienvenue. Avis favorable.

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 23 est adopté.

Après l’article L. 162-16-3-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 162-16-3-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 162 -16 -3 -2. – Le directeur de l’organisme local d’assurance maladie compétent peut prononcer, sur la base des éléments constatés par l’entité légale gérant le répertoire national de vérification des médicaments, à l’encontre des titulaires d’officine de pharmacie, après les avoir mis en mesure de présenter leurs observations, une pénalité financière en cas de manquement à l’obligation de désactivation de l’identifiant unique prévue à l’article 25 du règlement délégué (UE) 2016/161 de la Commission du 2 octobre 2015 complétant la directive 2001/83/CE du Parlement européen et du Conseil en fixant les modalités des dispositifs de sécurité figurant sur l’emballage des médicaments à usage humain.

« Cette pénalité peut être réitérée par période de trois mois. Son montant est fixé à 2 000 euros.

« La pénalité est recouvrée par l’organisme local d’assurance maladie compétent. Les huitième et neuvième alinéas du IV de l’article L. 114-17-1 du présent code sont applicables au recouvrement de cette pénalité. Son produit est affecté à la Caisse nationale de l’assurance maladie. Le recours formé contre la décision prononçant cette pénalité est un recours de pleine juridiction.

« Le présent article est applicable aux pharmacies mutualistes et aux pharmacies de sociétés de secours minières.

« Les modalités d’application du présent article sont définies par décret en Conseil d’État. » –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Nous revenons à l’ordre normal de la discussion.

TITRE Ier

DISPOSITIONS D’ADAPTATION AU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE EN MATIÈRE ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

Chapitre Ier

Dispositions relatives aux activités de l’assurance et de l’épargne retraite

I. – Le code des assurances est ainsi modifié :

1° Au 2° de l’article L. 111-6, le mot : « définis » est remplacé par les mots : « dans des conditions définies » ;

2° Le 1° de l’article L. 310-3-1 est ainsi modifié :

a) À la fin du a, les mots : « 5 millions d’euros » sont remplacés par les mots : « un seuil fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie » ;

b) À la fin du b, les mots : « 25 millions d’euros » sont remplacés par les mots : « un seuil fixé par arrêté du ministre chargé de l’économie » ;

c) Le deuxième alinéa du d est ainsi rédigé :

« – dépassent un seuil d’encaissement de primes ou de cotisations brutes émises ou un montant de provisions techniques, au sens défini au titre IV du livre III du présent code, brutes de cessions en réassurance ou à des véhicules de titrisation, fixés par arrêté du ministre chargé de l’économie ; ».

II. – Le 1° de l’article L. 211-10 du code de la mutualité est ainsi modifié :

1° À la fin du a, les mots : « 5 millions d’euros » sont remplacés par les mots : « un seuil fixé par arrêté du ministre chargé des affaires sociales » ;

2° À la fin du b, les mots : « 25 millions d’euros » sont remplacés par les mots : « un seuil fixé par arrêté du ministre chargé des affaires sociales » ;

3° Le deuxième alinéa du d est ainsi rédigé :

« i) Dépassent un seuil d’encaissement de primes ou de cotisations brutes émises ou un montant de provisions techniques, au sens défini au titre IV du livre III du présent code, brutes de cessions en réassurance ou à des véhicules de titrisation, fixés par arrêté du ministre chargé des affaires sociales ; ».

III. – Le 1° de l’article L. 931-6 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À la fin du a, les mots : « 5 millions d’euros » sont remplacés par les mots : « un seuil fixé par arrêté du ministre chargé des affaires sociales » ;

2° À la fin du b, les mots : « 25 millions d’euros » sont remplacés par les mots : « un seuil fixé par arrêté du ministre chargé des affaires sociales » ;

3° Le deuxième alinéa du d est ainsi rédigé :

« i) Dépassent un seuil d’encaissement de primes ou de cotisations brutes émises ou un montant de provisions techniques, au sens défini au titre IV du livre III du présent code, brutes de cessions en réassurance ou à des véhicules de titrisation, fixés par arrêté du ministre chargé des affaires sociales ; ». –

Adopté.

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Le 1° du II de l’article L. 612-1 est complété par une phrase ainsi rédigée : « Pour l’application du règlement (UE) 2019/1238 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif à un produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle, elle examine, dans les conditions fixées aux paragraphes 2 à 5 de l’article 6 du même règlement, les demandes d’enregistrement des produits paneuropéens d’épargne-retraite individuelle qui lui sont adressées par les personnes mentionnées aux b et c du paragraphe 1 du même article 6 ; »

2° L’article L. 621-7 est complété par un XV ainsi rédigé :

« XV. – Les règles applicables à la fourniture de produits paneuropéens d’épargne-retraite individuelle par les personnes mentionnées à l’article L. 621-20-10 pour lesquelles le règlement (UE) 2019/1238 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif à un produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle renvoie à la compétence des États membres. » ;

3° Après le 21° du II de l’article L. 621-9, il est inséré un 22° ainsi rédigé :

« 22° Les fournisseurs de produits paneuropéens d’épargne-retraite individuelle mentionnés à l’article L. 621-20-10. » ;

4° L’article L. 621-15 est ainsi modifié :

a) Aux a et b du II, la référence : « 21° » est remplacée par la référence : « 22° » ;

b) Le III est ainsi modifié :

– au a, les mots : « et 21° » sont remplacés par les mots : «, 21° et 22° » ;

– aux première et deuxième phrases du b, la référence : « 21° » est remplacée par la référence : « 22° » ;

c) Après le 6° du III bis, il est inséré un 7° ainsi rédigé :

« 7° Fixées par le règlement (UE) 2019/1238 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif à un produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle. » ;

5° La sous-section 7 de la section 4 du chapitre unique du titre II du livre VI est complétée par un article L. 621-20-10 ainsi rédigé :

« Art. L. 621 -20 -10. – L’Autorité des marchés financiers est l’autorité compétente au sens du paragraphe 18 de l’article 2 et du paragraphe 6 de l’article 6 du règlement (UE) 2019/1238 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif à un produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle à l’égard des fournisseurs de ces produits mentionnés au a du paragraphe 1 du même article 6, sous réserve que ceux-ci soient agréés pour fournir des services d’investissement mentionnés à l’article L. 321-1 du présent code, ainsi qu’à l’égard de ceux mentionnés aux d, e et f du paragraphe 1 de l’article 6 du règlement précité. »

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 68, présenté par Mmes Apourceau-Poly et Cohen, MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Lors de la pandémie de covid-19, l’Union européenne a accordé à la France 40 milliards d’euros. En contrepartie, le gouvernement français s’est engagé à réformer le système de retraite et à réduire les droits de l’assurance chômage.

Le Président de la République a annoncé que la réforme des retraites serait présentée le 10 janvier prochain. Cependant, sans attendre cette date, ce projet de loi prévoit, dans son article 2, de développer l’épargne retraite complémentaire. Ainsi, selon l’exposé des motifs, l’article 2 a pour objet d’améliorer l’attractivité du produit paneuropéen d’épargne retraite individuelle.

Le Gouvernement souhaite donc développer la retraite par capitalisation au détriment de notre système par répartition. Ce nouveau contrat d’épargne par capitalisation est complémentaire des régimes de retraites publiques et complémentaires.

Il est intéressant d’observer qu’aucune compagnie d’assurances française ne propose actuellement de produit paneuropéen d’épargne retraite individuelle, en anglais Pan European Personal Pension Product (Pepp). Les seuls contrats existants sont commercialisés en Irlande, au Portugal et à Chypre, car il est prévu que le régime fiscal du pays d’origine du contrat soit applicable en cas de transfert dans un autre État.

Il s’agit donc d’une retraite complémentaire, financée par des paradis fiscaux.

Exclamations ironiques sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Pour notre part, nous refusons l’expansion des retraites individuelles complémentaires financées par l’évasion fiscale au détriment des finances publiques des États souverains.

Pour ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je pense qu’il existe une légère confusion.

On ne voit pas bien le lien entre le produit d’épargne retraite individuelle et la réforme des retraites envisagée par le Gouvernement. M. le ministre nous éclairera peut-être sur ce point.

On ne voit pas bien non plus à quoi correspondent les références aux paradis fiscaux.

Aujourd’hui, ce produit d’épargne retraite individuelle est surtout un échec retentissant, puisqu’il en existe un seul dans toute l’Europe, en Slovaquie. Nous sommes donc loin d’un diktat de Bruxelles et de risques avérés le concernant.

Si l’article 2 était abrogé, la désignation des autorités compétentes en matière de supervision serait dans le même temps supprimée, ce qui aboutirait à une dérégulation totale. À mon avis, ce n’est pas ce que souhaitent les auteurs de l’amendement.

Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, l’avis serait défavorable.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

M. le rapporteur pour avis a raison : il y a une forme de confusion. Notre système de retraite comprend la retraite socle par répartition, la retraite complémentaire et un étage de plus, la retraite supplémentaire.

Lors des débats sur la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, cette épargne supplémentaire a été rénovée. Elle bénéficie d’ailleurs à un grand nombre de nos concitoyens, soit à titre individuel – c’est notamment le cas des travailleurs indépendants –, soit à titre collectif, au moyen de produits comme le plan d’épargne pour la retraite collectif (Perco), qui consiste en des abondements des employeurs. Cette épargne permet la constitution d’un supplément de retraite.

L’article 2 a pour objet de définir, conformément aux caractéristiques issues de la loi Pacte, la version française du produit d’épargne retraite européen, puisque ces produits d’épargne ont une vocation européenne et doivent accompagner les citoyens européens tout au long de leur carrière, y compris lorsqu’ils vont travailler dans un autre État membre de l’Union européenne, et de préserver ce supplément de retraite que nos concitoyens sont en train de se constituer.

Le Gouvernement demande donc le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je mets aux voix l’amendement n° 68.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 105 :

Le Sénat n’a pas adopté.

Je mets aux voix l’article 2.

L ’ article 2 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 49, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 224-30, il est inséré un article L. 224-30-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 224 -30 -1. – Un plan d’épargne retraite individuel peut être enregistré puis distribué sous la dénomination de produit paneuropéen d’épargne-retraite individuel s’il répond aux conditions prévues par le règlement (UE) 2019/1238 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif à un produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle, par le règlement délégué (UE) 2021/473 de la Commission du 18 décembre 2020 complétant le règlement précité et si le sous-compte français de ce produit satisfait les conditions fixées par le chapitre V du titre II du livre II du présent code. » ;

2° Après le chapitre IV du titre II du livre II, il est inséré un chapitre V ainsi rédigé :

« Chapitre V : le sous -compte français du produit paneuropéen d ’ épargne -retraite individuelle

« Art. L. 225 -1. – Sous réserve des dispositions contraires du présent chapitre, le sous-compte français, au sens de l’article 2 du règlement (UE) 2019/1238 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relatif à un produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle, du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné dans ce même règlement est régi par les dispositions applicables au plan d’épargne retraite individuel mentionné à l’article L. 224-28, à l’exception des articles L. 224-3, L. 224-6, L. 224-7, L. 224-8, L. 224-28, L. 224-29, L. 224-30, L. 224-31, L. 224-32, L. 224-34 et L. 224-40.

« Lorsque le sous-compte donne lieu à l’adhésion à un contrat d’assurance de groupe, il prévoit les modalités de financement de l’association souscriptrice. Celle-ci peut percevoir uniquement une cotisation initiale d’adhésion et, le cas échéant, des cotisations régulières des adhérents qui peuvent prendre la forme de frais prélevés sur le sous-compte.

« Lorsque le sous-compte est ouvert sous la forme d’un compte-titres, il peut donner lieu à l’ouverture d’un compte en espèce associé au compte-titres.

« Les modalités d’application du présent chapitre sont précisées par décret en Conseil d’État.

« Art. L. 225 -2. – Les versements dans un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle ayant donné lieu à l’ouverture d’un compte-titres sont affectés à l’acquisition de titres financiers offrant une protection suffisante de l’épargne investie et figurant sur une liste fixée par voie réglementaire, en prenant en considération les modalités de gestion financière du plan.

« Les versements dans un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle ayant donné lieu à l’adhésion à un contrat d’assurance de groupe dont l’exécution est liée à la cessation d’activité professionnelle sont affectés à l’acquisition de droits exprimés en euros, de droits exprimés en parts de provision de diversification, de droits exprimés en unités de rente ou de droits exprimés en unités de compte constituées des titres financiers mentionnés au premier alinéa du présent article, sous réserve de l’article L. 131-1 du code des assurances.

« Art. L. 225 -3. – Le sous-compte français doit pouvoir recevoir les versements mentionnés au 1° de l’article L. 224-2. Les versements sont effectués en numéraire. Les dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 224-20 sont applicables à ces versements.

« Le sous-compte français doit pouvoir recevoir également les sommes issues des versements mentionnés aux 2° et 3° de l’article L. 224-2 par transfert en provenance d’un plan d’épargne retraite mentionné à l’article L. 224-1 ou d’un autre sous-compte français.

« Pour le titulaire, les transferts de versements mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 224-2 depuis un plan d’épargne retraite mentionné à l’article L. 224-1 vers un sous-compte français ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu au titre de l’année de ce versement ni aux prélèvements sociaux. Ces versements correspondent à des droits en cours de constitution sur un plan d’épargne retraite. Les frais encourus à l’occasion d’un tel transfert ne peuvent excéder 1 % des droits acquis. Ils sont nuls à l’issue d’une période de cinq ans à compter du premier versement dans le plan, ou lorsque le transfert intervient à compter de l’échéance mentionnée à l’article L. 224-1.

« Art. L. 225 -4. – Outre les cas mentionnés au I de l’article L. 224-4, les droits constitués sur un sous-compte français dans le cadre d’un produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle peuvent être, à la demande du titulaire, liquidés ou rachetés avant l’échéance mentionnée à l’article L. 224-1 si l’intégralité des sommes reçues au titre de cette liquidation ou de ce rachat est versée sur un plan d’épargne retraite mentionné à l’article L. 224-1. Pour le titulaire, les sommes ainsi versées sur un plan d’épargne retraite mentionné à l’article L. 224-1 ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu au titre de l’année de ce versement ni aux prélèvements sociaux.

« Le fournisseur du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle ayant ouvert le sous-compte communique au gestionnaire du plan d’épargne retraite le montant des droits en cours de constitution et le montant des sommes versées, en distinguant les versements mentionnés aux 1°, 2° et 3° de l’article L. 224-2. »

II. – Le code des assurances est ainsi modifié :

1° Le dernier alinéa de l’article L. 132-22 est complété par les mots : « ou d’un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code » ;

2° Après le neuvième alinéa de l’article L. 132-23, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le contrat d’assurance de groupe en cas de vie est ouvert sous la forme d’un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du code monétaire et financier, les dispositions du présent article s’appliquent sous réserve de celles du chapitre V du titre II du livre II du code monétaire et financier. » ;

3° À l’article L. 142-1, après le mot : « financier », sont insérés les mots : « et aux sous-comptes français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionnés à l’article L. 225-1 du même code » ;

4° À l’article L. 142-2, après le mot : « retraite », sont insérés les mots : « et des sous-comptes français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle » ;

5° L’article L. 142-3 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « peut » est remplacé par les mots : « et le sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle peuvent » ;

b) Les 5° et 6° sont complétés par une phrase ainsi rédigée : « Cette garantie ne peut être proposée dans un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle ; »

6° À la première phrase de l’article L. 142-8, après le mot : « retraite », sont insérés les mots : « et des sous-comptes français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle ».

III. – Le code général des impôts est ainsi modifié :

1° Le 4 bis du III de l’article 150-0 A est complété par les mots : « ou dans un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code » ;

2° L’article 154 bis est ainsi modifié :

a) Au dernier alinéa du I, après les mots : « l’article L. 224-28 du même code », sont insérés les mots : « ou d’un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code » ;

b) Au premier alinéa du 1°, aux 2° et 3° du II, après le mot : « financier », sont insérés les mots : « ou d’un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code » ;

3° Au I de l’article 154 bis-0 A, après les mots : « l’article L. 224-28 du même code » sont insérés les mots : « ou dans un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code » ;

4° Le dernier alinéa du II de l’article 163 bis est complété par les mots : « ou d’un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code » ;

5° Le II bis de l’article 163 bis B est ainsi modifié :

a) Après le mot : « financier », sont insérés les mots : « ou dans un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code » ;

b) Après les mots : « ce plan », sont insérés les mots : « ou ce sous-compte » ;

6° Au d du 1 du I de l’article 163 quatervicies, après les mots : « même code », sont insérés les mots : « ou aux sous-comptes français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code » ;

7° L’article 163 quinvicies est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions des a bis, a ter, b bis du 18° et du 18° bis de l’article 81, du deuxième alinéa du 2° de l’article 83 et de l’article 163 bis AA ne s’appliquent pas aux versements effectués dans un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 code monétaire financier. Il en va de même des dispositions prévues au d du 1 du I de l’article 163 quatervicies pour la part correspondant à des versements au titre des garanties complémentaires prévues au 4° du I de l’article L. 142-3 du code des assurances. » ;

8° Au premier alinéa du VI quater de l’article 199 terdecies-0 A, après le mot : « financier », sont insérés les mots : «, dans un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code » ;

9° Au III de l’article 199 terdecies-0 AB, après le mot : « financier », sont insérés les mots : «, dans un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code » ;

10° Au second alinéa du I de l’article 757 B, après le mot : « financier », sont insérés les mots : « ou d’un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code » ;

11° Le I de l’article 990 I est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « financier, », sont insérés les mots : « des contrats relevant de l’article L. 225-1 du même code » ;

b) Au deuxième alinéa, les mots : « ou d’un plan d’épargne retraite prévu à l’article L. 224-28 du code monétaire et financier » sont remplacés par les mots : «, d’un plan d’épargne retraite prévu à l’article L. 224-28 du code monétaire et financier ou d’un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code ».

IV. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° Au 1° de l’article L. 131-2 et au 11° du II de l’article L. 136-1-2, après le mot : « financier », sont insérés les mots : « ou d’un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code » ;

2° L’article L. 136-7 est ainsi modifié :

a) Au I, les mots : « 3° Les rentes versées au titre de la liquidation des droits constitués dans un plan d’épargne retraite » sont remplacés par les mots : « 4° Les rentes versées au titre de la liquidation des droits constitués dans un plan d’épargne retraite ou dans un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle » ;

b) Au 7° bis du II, après le mot : « financier », sont insérés les mots : « ou d’un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du même code ».

V. – Après le neuvième alinéa de l’article L. 223-22 du code de la mutualité, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le contrat collectif est ouvert sous la forme d’un sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle mentionné à l’article L. 225-1 du code monétaire et financier, les dispositions du présent article s’appliquent sous réserve de celles du chapitre V du titre II du livre II du code monétaire et financier. »

La parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Cet amendement vise à fixer les règles de fonctionnement et la fiscalité du sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne retraite individuelle.

Le plan d’épargne retraite individuel a vocation à servir de cadre pour ce produit d’épargne supplémentaire qu’on retrouvera dans l’ensemble des États membres, en laissant de la flexibilité à chaque État membre en particulier pour fixer les conditions de son propre produit d’épargne.

Il peut en effet y avoir des différences entre les caractéristiques des produits d’épargne de chaque État membre, mais il est nécessaire que ces produits puissent converger au sein d’un produit unique. Il s’agit de protéger les citoyens européens, lorsqu’ils sont amenés à travailler dans un autre État membre de l’Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Avis favorable. Il nous paraît pertinent d’aligner le fonctionnement et le régime fiscal des deux dispositifs.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 2.

I. – L’article L. 114-46-3 du code de la mutualité est ainsi rédigé :

« Art. L. 114 -46 -3. – Les entreprises régies par le présent code qui réalisent des opérations relevant du b du 1° du I de l’article L. 111-1, ou qui réassurent, conformément au II de l’article L. 111-1-1, des engagements mentionnés au b du 1° du I de l’article L. 111-1, sont soumises à l’article L. 533-22-1 du code monétaire et financier. »

II. – L’article L. 931-3-8 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :

« Art. L. 931 -3 -8. – Les institutions de prévoyance et leurs unions qui réalisent des opérations relevant du a de l’article L. 931-1, ou qui réassurent, conformément au II de l’article L. 931-1-1, des engagements mentionnés au a de l’article L. 931-1, sont soumises à l’article L. 533-22-1 du code monétaire et financier. »

III

– Le VII de l’article L. 114-21 du code de la mutualité est abrogé. –

Adopté.

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de :

1° Transposer la directive (UE) 2021/2118 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2021 modifiant la directive 2009/103/CE concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité et prendre les mesures de coordination et d’adaptation de la législation liées à cette transposition ;

2° Rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions résultant de l’ordonnance prise sur le fondement du présent I pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance mentionnée au I. –

Adopté.

Chapitre II

Dispositions en matière de droit des sociétés

Le code monétaire et financier est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 211-3, les mots : « le cas prévu au second alinéa de » sont remplacés par les mots : « les cas prévus à » ;

2° L’article L. 211-7 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les titres financiers admis aux opérations d’une “infrastructure de marché DLT” au sens du paragraphe 5 de l’article 2 du règlement (UE) 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, et modifiant les règlements (UE) n° 600/2014 et (UE) n° 909/2014 et la directive 2014/65/UE sont inscrits dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé mentionné à l’article L. 211-3 du présent code dans les conditions définies par ce règlement. » ;

3° Les articles L. 742-1, L. 743-1 et L. 744-1 sont ainsi modifiés :

a) Le tableau constituant le second alinéa du I est ainsi modifié :

– la quatrième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

L. 211-3

la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture

L. 211-4

l’ordonnance n° 2017-1674 du 8 décembre 2017

– la septième ligne est ainsi rédigée :

L. 211-7

la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture

b) Après le 3° du II, il est inséré un 3° bis ainsi rédigé :

« 3° bis À l’article L. 211-7, les mots : “au sens du paragraphe 5 de l’article 2 du règlement (UE) 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, et modifiant les règlements (UE) n° 600/2014 et (UE) n° 909/2014 et la directive 2014/65/UE” sont supprimés ; ».

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 70, présenté par Mmes Apourceau-Poly et Cohen, MM. Savoldelli, Bocquet et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Debut de section - PermalienPhoto de Laurence Cohen

Nous souhaitons supprimer l’article 5, qui porte sur le développement de la technologie dite des registres distribués. Ce sont des plateformes d’un nouveau genre par lesquelles des transactions entre participants s’effectuent sans intermédiation d’une entité centrale et sont automatiquement enregistrées sur des serveurs communs.

Il s’agit tout simplement d’un moyen de contourner le dépositaire central, institution essentielle au bon fonctionnement des marchés financiers qui garantit que les transactions sont exécutées correctement et en temps voulu.

Il faudrait consacrer « l’innovation financière pour permettre des gains d’efficience aux acteurs de marché ». Nous ne partageons pas cette position. Elle fait peser une menace qui n’est pas seulement réglementaire, comme il est indiqué dans l’étude d’impact, mais qui porte sur la nature même des transactions.

Ce « régime pilote », une sorte d’expérimentation, vise à introduire la blockchain pour les transactions cotées, ce qui n’était jusqu’alors permis que sur du non-côté.

Les principaux risques que nous identifions sont de natures différentes.

Derrière le souci de démocratisation qui serait accru grâce à ces technologies se cache en réalité une capacité de fractionner à l’envi les titres détenus rendant la détention infinie et sectionnable, diluant le capital et les responsabilités et créant de la confusion pour les entreprises qui s’y adonneraient.

Le mythe de la « finance pour tous » est une hérésie. Il implique de disposer de capitaux, dont les ménages sont privés. Cette fausse démocratisation se fera – on y assistera sur le temps long – au détriment des autres investissements et des produits d’épargne réglementée. Le groupe CRCE en est convaincu.

Derrière cette expérimentation, l’objectif inavoué est de créer une connexion entre le monde de la finance traditionnelle et celui des crypto-actifs. Ce rapprochement à bas bruit avait été tenté au mois d’avril 2021 par la plateforme d’échange de cryptomonnaies Binance. Concrètement, les utilisateurs avaient la possibilité d’acheter via des cryptomonnaies adossées à des monnaies réelles une fraction ou l’entièreté d’une action de l’entreprise Tesla ou Apple, par exemple.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Avis défavorable, puisque la commission a adopté le dispositif sans modification.

Je vais tenter de rassurer Mme Cohen. Le régime pilote proposé est très encadré, puisqu’il ne pourra pas être utilisé par les plus gros acteurs du secteur, qui en sont exclus. Au demeurant, tout cela s’effectuera sous l’autorité des superviseurs nationaux et européens.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Le Gouvernement est d’accord avec la commission des finances et émet un avis défavorable sur cet amendement.

Face à des innovations comme celle des registres distribués, c’est-à-dire de la blockchain, nous devons essayer de nous prémunir de deux réflexes.

Le premier serait de nous détourner complètement de toute tentative de régulation, en laissant les choses se faire jusqu’à ce qu’un accident survienne.

Le second serait de sur-réguler, quitte à inhiber complètement l’innovation.

En matière financière, il faut avoir la main tremblante, puisque, traditionnellement, la place de Paris est puissante en Europe. Depuis le Brexit, elle s’est considérablement renforcée, devenant la première place financière européenne en termes de capitalisation boursière. La capitalisation boursière de la place de Paris est même devenue supérieure à celle de Londres.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

En matière d’application des registres distribués, donc de la blockchain, aux opérations financières, l’Union européenne a choisi de mettre en place un régime expérimental, un régime pilote, qui va durer trois ans, renouvelable une fois.

Ce régime va permettre de laisser émerger de manière encadrée, sous le regard attentif du régulateur, un certain nombre de solutions dont nous pourrons juger dans trois ans si elles sont ou non pertinentes et si elles servent ou non l’intérêt des entreprises européennes et des citoyens.

Par conséquent, il nous paraît très précieux de conserver l’article 5.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 48, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Alinéa 4

Remplacer les mots :

mentionné à l’article L. 211-3 du présent code dans les conditions définies

par les mots :

dans les conditions prévues au deuxième alinéa, ou dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé dans les conditions fixées

La parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Dans la rédaction actuelle de l’article 5, le régime pilote que j’évoquais à l’instant n’est ouvert qu’aux titres au porteur. Cet amendement vise à l’élargir aux titres nominatifs.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Avis favorable. Il est cohérent que le régime puisse s’appliquer à la fois aux titres au porteur et aux titres nominatifs.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 47, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 4

Insérer vingt-et-un alinéas ainsi rédigés :

…° L’article L. 441-1 est complété par un paragraphe ainsi rédigé :

« IV. - Les personnes morales demandant à être agréées comme dépositaires centraux mentionnés au 1° du I et qui demandent simultanément une autorisation spécifique pour exploiter un système de règlement DLT ou un système de négociation et de règlement DLT, respectivement au titre des articles 9 et 10 du règlement (UE) n° 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, et modifiant les règlements (UE) n° 600/2014 et (UE) n° 909/2014 et la directive 2014/65/UE, sont agréées dans les conditions fixées au II au présent article.

« Les demandes d’autorisation spécifique déposées dans les conditions décrites au présent paragraphe, ainsi que celles déposées par des dépositaires centraux mentionnés au I, sont accordées, ainsi que les exemptions qui leur sont liées au titre des articles 5 ou 6 du même règlement, par l’Autorité des marchés financiers, après consultation de la Banque de France.

« L’Autorité des marchés financiers est chargée de la surveillance de l’application des exemptions accordées au titre dudit règlement ainsi que de la surveillance de l’application dudit règlement par les dépositaires centraux ayant obtenu une autorisation spécifique. Elle consulte la Banque de France avant de prendre toute mesure au titre des articles 9, 10, 11 ou au titre des autres articles dudit règlement. L’Autorité des marchés financiers coopère avec les autorités compétentes des différents États membres et avec l’Autorité européenne des marchés financiers dans les conditions fixées par ledit règlement.

« Un décret précise les modalités d’application du présent IV. » ;

…° L’article L. 421-10 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est insérée la référence : « I. - » ;

b) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« II. – Les demandes déposées par des personnes morales mentionnées au I relatives à la reconnaissance d’un marché réglementé et demandant simultanément une autorisation spécifique pour exploiter un système multilatéral de négociation DLT ou un système de négociation et de règlement DLT, respectivement au titre des articles 8 et 10 du Règlement (UE) n° 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, et modifiant les règlements (UE) n° 600/2014 et (UE) n° 909/2014 et la directive 2014/65/UE sont délivrées dans les conditions fixées au I du présent article.

« Les demandes d’autorisation spécifique déposées dans le cadre décrit au présent paragraphe, ainsi que celles déposées par les entreprises de marché déjà reconnues, sont accordées, ainsi que les exemptions qui leur sont liées, par l’Autorité des marchés financiers, après consultation de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et, lorsque la demande concerne l’exploitation d’un système de négociation et de règlement DLT, de la Banque de France.

« L’Autorité des marchés financiers est chargée de la surveillance de l’application des exemptions et de la surveillance de l’application de l’application du même Règlement par les entreprises de marché ayant obtenu une autorisation spécifique. Lorsqu’elle prend des mesures prudentielles au titre des articles 8, 10, 11 ou des autres articles dudit règlement, elle consulte l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Concernant l’exploitation d’un système de négociation et de règlement DLT, lorsqu’elle prend des mesures aux titres des articles 10 et 11 ou au titre des autres articles du même règlement, elle consulte aussi la Banque de France. L’Autorité des marchés financiers coopère avec les autorités compétentes des différents États membres et avec l’Autorité européenne des marchés financiers dans les conditions fixées par ledit Règlement.

« Un décret précise les modalités d’application du présent II. » ;

….° L’article L. 532-1 est ainsi modifié :

a) Au début du premier alinéa, est insérée la référence : « I. - » ;

b) Au troisième alinéa, après le mot : « du », sont insérés les mots : « I du » ;

c) Il est ajouté un paragraphe ainsi rédigé :

« II. – Les prestataires de services d’investissement, autres que les sociétés de gestion de portefeuille, demandant à être agréés pour fournir des services d’investissement conformément au I et qui demandent simultanément une autorisation spécifique pour exploiter un système multilatéral de négociation DLT ou un système de négociation et de règlement DLT, respectivement au titre des articles 8 et 10 du règlement (UE) n° 2022/858 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués, et modifiant les règlements (UE) n° 600/2014 et (UE) n° 909/2014 et la directive 2014/65/UE, sont agréés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution dans les conditions fixées au I du présent article.

« Les demandes d’autorisation spécifique déposées par les prestataires de services d’investissement, autres que les sociétés de gestion de portefeuille, agréés ou demandant à être agréés dans les conditions visées au présent paragraphe pour fournir des services d’investissement conformément au I pour exploiter un système multilatéral de négociation DLT ou un système de négociation et de règlement DLT au titre du même règlement, ainsi que les exemptions qui leur sont liées, sont accordées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution après avis conforme de l’Autorité des marchés financiers.

« L’avis conforme de l’Autorité des marchés financiers est délivré après consultation de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, le cas échéant dans le cadre de l’approbation du programme d’activité par l’Autorité des marchés financiers dans les conditions fixées à l’article L. 532-4, et lorsque la demande concerne l’exploitation d’un système de négociation et de règlement DLT, de la Banque de France.

« L’Autorité des marchés financiers est chargée de la surveillance de l’application des exemptions et de la surveillance de l’application par les prestataires de services d’investissement, autres que les sociétés de gestion de portefeuille, ayant obtenu une autorisation spécifique. Lorsqu’elle prend des mesures prudentielles au titre des articles 8, 10 et 11 ou au titre des autres articles du même règlement, elle consulte l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. Concernant l’exploitation d’un système de négociation et de règlement DLT, lorsqu’elle prend des mesures au titre des articles 10, 11 ou d’autres articles dudit règlement, elle consulte aussi la Banque de France. L’Autorité des marchés financiers coopère avec les autorités compétentes des différents États membres et avec l’Autorité européenne des marchés financiers dans les conditions fixées par le même règlement.

« Un décret précise les modalités d’application du présent II. »

La parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Il s’agit de répartir les responsabilités entre les deux régulateurs : l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) et l’Autorité des marchés financiers (AMF).

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Avis favorable. Il nous paraît opportun de prévoir un dispositif d’agrément spécifique pour les infrastructures de marché ayant recours à la technologie des registres distribués, en répartissant cette responsabilité entre l’AMF et l’ACPR.

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 5 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 62, présenté par M. Maurey, est ainsi libellé :

Après l’article 5

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l’article L. 54-10-4 du code monétaire et financier est complété par une phrase ainsi rédigée : « À une date fixée par décret, et au plus tard à compter du 1er octobre 2023, les personnes souhaitant exercer cette profession et n’étant pas enregistrées doivent demander l’agrément prévu à l’article L. 54-10-5. »

La parole est à M. Hervé Maurey.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Le présent amendement, sur lequel nous serons sûrement un peu moins en accord, monsieur le ministre, vise à imposer à tout acteur voulant exercer la profession de prestataire de services sur actifs numériques (PSAN) d’être agréé au préalable par l’AMF à compter du 1er octobre 2023.

La faillite récente de la société FTX a mis en lumière les risques inhérents à tout investissement dans des crypto-actifs.

Les États membres de l’Union européenne se sont accordés cet été sur le règlement dit Mica (Markets in Crypto-Assets), relatif aux marchés de crypto-actifs. Ce règlement prévoit un agrément obligatoire et doit entrer en vigueur au mois d’octobre 2024, une période transitoire de dix-huit mois étant prévue pour les acteurs bénéficiant déjà d’un enregistrement ou d’un agrément. Les entreprises enregistrées pourront donc continuer leurs activités sans agrément jusqu’au mois de mars 2026.

Nous craignons que cette période transitoire de dix-huit mois ne crée, en quelque sorte, une incitation pour les entreprises concernées à s’enregistrer, ce qui aurait pour conséquence de différer dans le temps l’entrée en vigueur effective de la procédure d’agrément.

C’est pour cette raison, après en avoir débattu avec les représentants de l’AMF, que je propose d’anticiper la mise en place du dispositif d’agrément au 1er octobre 2023. Aujourd’hui, aucun PSAN n’a demandé son agrément, tandis qu’une soixantaine de prestataires sont enregistrés.

Cet amendement vise donc à sécuriser le secteur, qui est complexe et sujet à risques.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Le Gouvernement entend et partage les préoccupations de M. Maurey, mais sollicite le retrait de cet amendement, pour des raisons à la fois philosophiques et techniques.

Je veux d’abord préciser que cet amendement est un peu une piqûre de rappel bienvenue : compte tenu de l’actualité du marché des crypto-actifs, nos travaux sur le sujet doivent se poursuivre, voire être accélérés.

Mais je veux revenir quelques années en arrière, quand on s’est posé la question, en 2018, de la manière dont on allait aborder la question de la régulation de ces objets étranges qu’étaient les crypto-actifs.

La France a fait le choix d’une régulation flexible. Nous avons créé un enregistrement facultatif consistant pour le prestataire en services de crypto-actifs à donner un certain nombre d’informations sur ses clients, son identité, etc. Cet enregistrement permet finalement d’avoir pignon sur rue.

L’agrément est un niveau supplémentaire de régulation. Il permet de garantir aux clients que des mesures de protection sont en place ; un tel agrément aurait peut-être évité l’épisode américain de FTX…

Ces deux modes de régulation facultatifs, c’est-à-dire l’enregistrement et l’agrément, avaient vocation à rendre la France attractive pour les nouveaux acteurs. C’est un grand succès, pour deux raisons.

D’abord, le cadre européen créé depuis lors s’inspire fortement des modalités françaises de régulation. Ainsi, le règlement Mica, qui va entrer en vigueur à l’horizon 2024, reprend largement les conditions que nous avions fixées pour l’agrément, si bien que les entreprises enregistrées ou agréées en France accéderont plus facilement à l’agrément européen, ce qui rend notre pays extrêmement attractif.

Ensuite, depuis la loi Pacte, soixante entreprises ont sollicité un enregistrement, et une entreprise est en voie d’être agréée. L’agrément n’est donc pas encore très répandu, mais ces indicateurs montrent tout de même le succès de la réforme que nous avons engagée.

La raison que je qualifierais de « philosophique » pour laquelle cet amendement nous paraît excessivement restrictif tient au fait qu’il serait risqué de contraindre les entreprises à solliciter un agrément au plus tard le 1er octobre 2023, alors que l’écosystème qui s’est développé en France permet à notre pays d’être identifié en Europe comme étant attractif.

Peut-être faudra-t-il, dans le cadre de la transition vers Mica, inciter très fortement les entreprises à solliciter l’agrément, voire à les y contraindre, si elles ne le font pas suffisamment tôt. Mais le faire dès le 1er octobre prochain risque de modifier complètement l’image qu’ont de la place de Paris les investisseurs, français ou étrangers, et de mettre un coup d’arrêt au développement de la finance crypto dans notre pays.

D’un point de vue technique, les délais qui sont proposés dans cet amendement nous paraissent intenables. Il faudrait que l’AMF délivre en quelques mois un agrément au moins aux soixante acteurs ayant d’ores et déjà obtenu l’enregistrement.

Cette difficulté technique enverrait là aussi un signal contraire à ce que nous avons voulu faire jusque-là et qui a permis le développement de ce marché. Or, comme je le disais, le règlement européen s’inscrit dans la continuité des choix que nous avons faits depuis 2018-2019. Il me semble que nous avons tout intérêt à profiter de cette continuité.

Nous devrons peut-être prendre des mesures, le cas échéant fortes, pour inciter les acteurs à s’engager dans la procédure d’agrément. Mais fixer d’ores et déjà la date du 1er octobre 2023 nous paraît prématuré.

C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, tout en comprenant les réserves exprimées et en s’engageant à poursuivre nos échanges sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je tiens à préciser quelques éléments.

Par mon amendement, je ne prévois pas que les sociétés aujourd’hui enregistrées devront être agréées au 1er octobre 2023. La mesure vaudrait seulement pour celles qui ne sont pas enregistrées.

En outre, aujourd’hui, l’enregistrement n’est pas facultatif, contrairement à l’agrément. Selon la loi Pacte, l’enregistrement est obligatoire.

Nous avons déposé cet amendement, parce que le superviseur lui-même, l’AMF, s’inquiète de cette période transitoire extrêmement longue, dix-huit mois, qui risque d’inciter les entreprises à s’enregistrer au lieu de demander un agrément.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Il y a donc un risque de provoquer un appel d’air !

Bien entendu, nous pouvons débattre de la date exacte, monsieur le ministre. Devons-nous la fixer au 1er octobre ? Au 15 octobre ? Au 15 novembre ? La navette parlementaire nous permettra de nous atteler à ce sujet épineux.

Sourires.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

L’enregistrement est obligatoire pour ceux qui le veulent… Mais nul n’est contraint de s’enregistrer en France pour y offrir des services numériques. C’est le cœur de la difficulté quand on veut réguler un espace numérique qui ne connaît pas les frontières terrestres : si on régule de manière trop drastique, les entreprises s’installent à l’étranger.

C’est pour cette raison que nous avions défini un premier niveau de régulation souple : l’enregistrement. Au-delà, une entreprise peut – c’est facultatif – solliciter un agrément lui permettant de montrer à ses clients et à ses investisseurs qu’elle a pignon sur rue et qu’elle dispose des garanties nécessaires.

Avec l’entrée en vigueur de Mica, tous les opérateurs voulant opérer en Europe vont devoir passer par une procédure d’agrément. Nous devons trouver un équilibre entre la protection des épargnants et l’attractivité de la place de Paris.

L ’ amendement est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 5.

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de :

1° Compléter et adapter les dispositions du code monétaire et financier et, le cas échéant, d’autres codes ou lois pour assurer leur mise en cohérence et en conformité avec le règlement (UE) 2021/23 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 relatif à un cadre pour le redressement et la résolution des contreparties centrales et modifiant les règlements (UE) n° 1095/2010, (UE) n° 648/2012, (UE) n° 600/2014, (UE) n° 806/2014 et (UE) 2015/2365, ainsi que les directives 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2007/36/CE, 2014/59/UE et (UE) 2017/1132 ;

2° Compléter et adapter les dispositions de droit national en matière de sanctions et de mesures administratives pour assurer leur mise en cohérence et en conformité avec le règlement (UE) 2021/23 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2020 précité ;

3° Adapter et clarifier les compétences de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et des autres autorités compétentes pour la mise en œuvre du même règlement ;

4° Rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions du code monétaire et financier et, le cas échéant, les dispositions d’autres codes et lois dans leur rédaction résultant de l’ordonnance prise sur le fondement du présent I pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance mentionnée au I. –

Adopté.

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de :

1° Transposer la directive (UE) 2021/2101 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2021 modifiant la directive 2013/34/UE en ce qui concerne la communication, par certaines entreprises et succursales, d’informations relatives à l’impôt sur les revenus des sociétés et prendre les mesures de coordination et d’adaptation de la législation liées à cette transposition ;

2° Rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions résultant de l’ordonnance prise sur le fondement du présent I pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance mentionnée au I.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L’amendement n° 63 est présenté par M. Maurey.

L’amendement n° 71 est présenté par Mmes Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Hervé Maurey, pour présenter l’amendement n° 63.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Cet amendement vise à supprimer l’article 7, qui habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance.

Comme je l’ai indiqué dans la discussion générale, c’est un article dont nous aurions pu nous passer, puisque la directive qu’il s’agit de transposer a été adoptée voilà plus d’un an. Le Gouvernement disposait donc de temps pour préparer les mesures législatives nécessaires.

Surtout, nous avons posé un certain nombre de questions au Gouvernement, mais nous n’avons pas obtenu de réponses. Nous souhaitions avoir des éclairages sur l’étendue de l’habilitation, en particulier le champ de la clause de sauvegarde, et nous assurer que le nouveau dispositif n’allait pas créer de contraintes supplémentaires pour les entreprises, qui doivent déjà fournir un certain nombre d’informations à l’administration, notamment aux services fiscaux, et qui vont devoir dorénavant les publier.

Nous avions donc un double souci : le champ de la clause de sauvegarde et le niveau de contraintes pour les entreprises. Sans réponses de la part du Gouvernement, je suis contraint de demander la suppression de l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 71.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Nous souhaitons nous opposer à ce qu’un sujet aussi important que le civisme fiscal des grandes entreprises, pour reprendre les termes de notre collègue Hervé Maurey, soit décidé en catimini, en particulier par ordonnance.

Le sujet est majeur : obliger les multinationales dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros de rendre publique une déclaration d’informations relative à l’impôt sur le revenu des sociétés, pays par pays.

La liste des informations est d’une importance cruciale pour les citoyennes et les citoyens, la société civile et les parlementaires que nous sommes.

Il y a d’abord le nom de l’entreprise mère et de toutes les filiales, notamment lorsqu’elles sont dans des territoires « fiscalement non coopératifs », autrement dit des paradis fiscaux.

Ensuite, il faut que la déclaration comprenne une description de leurs activités, le nombre de salariés employés, le chiffre d’affaires, le montant des bénéfices, le montant de l’impôt sur le revenu des sociétés dû, le montant de l’impôt réellement acquitté, et, enfin, le montant des bénéfices non distribués, ce qui donne une idée de l’ampleur des versements de dividendes et des rachats d’actions, tout en permettant de concevoir ce qu’il restera pour chaque exercice financier pour l’investissement.

Certes, nous réclamons ces informations depuis des années, mais nous n’avons pas vraiment confiance, monsieur le ministre. Aussi, nous jugeons indispensable que vous reveniez devant le Parlement pour présenter la transposition. Nous demandons une transparence complète, sans aucune opacité de nature à entretenir des comportements de contournement de l’impôt minant les finances publiques et le principe du consentement à l’impôt, en Europe et ailleurs.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Monsieur Maurey, je vais essayer de vous apporter les précisions que vous sembliez solliciter, ce qui vous conduira peut-être à retirer votre amendement.

Dans un premier temps, vous vous interrogez sur la clause de sauvegarde, qui est un élément très important, puisque ce CBCR (Country by Country Reporting) public va conduire les exportateurs, notamment, à publier des informations susceptibles, lorsqu’ils ont peu de clients à l’export, de révéler un certain nombre d’éléments relevant presque du secret des affaires à leurs concurrents. Je puis vous dire que la directive prévoit une exception permettant de reporter d’au plus cinq ans la publication de certaines de ces informations lorsque leur divulgation immédiate porterait gravement préjudice à la position commerciale d’une entreprise. C’est le cas dans l’exemple que j’ai cité : un CBCR appliqué de manière rigoureuse permet de reconstituer les coûts et les marges d’une entreprise, et donc de livrer des informations très précieuses à ses concurrents étrangers.

Ainsi, le Gouvernement compte utiliser ce dispositif, qui permet de préserver l’exigence de transparence vis-à-vis du public sans fragiliser certaines de nos entreprises stratégiques à l’export.

Dans un second temps, vous exprimez des interrogations sur les informations qui seront rendues publiques. La directive prévoit peu de marges de transposition, dans la mesure où les informations qui devront être divulguées par les entreprises y sont décrites : nombre d’employés, chiffre d’affaires, résultat avant impôt, impôt sur les sociétés dû et acquitté, part des bénéfices non distribués.

Je me permets d’ajouter trois autres arguments.

D’abord, le seuil d’assujettissement à ces publications est de 750 millions de chiffre d’affaires d’euros sur deux années consécutives.

Ensuite, je prends l’engagement devant vous que nous ne ferons pas de surtransposition.

Enfin, nous alignerons autant que possible le texte sur celui qui transpose le CBCR fiscal, c’est-à-dire à destination des autorités fiscales, afin d’assurer l’intelligibilité du droit et d’éviter que les entreprises soient soumises à plusieurs reportings en même temps.

Avec ces compléments d’explication, j’espère vous avoir donné suffisamment de motifs pour vous amener à retirer votre amendement. Cette invitation s’adresse également à Mme la sénatrice Apourceau-Poly.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

M. Hervé Maurey. Monsieur le ministre, vous avez de la chance : comme je suis « bien luné » aujourd’hui, je vais retirer mon amendement.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Pour autant, convenez que ce ne sont pas des méthodes de travail. Ce n’est pas faute d’avoir interrogé les services, le cabinet… Il est vrai que les délais sont très courts, mais la responsabilité en revient plus au Gouvernement qu’au Sénat. Sans vouloir jouer les moralisateurs, j’estime qu’il n’est pas satisfaisant d’avoir à déposer un amendement pour avoir des réponses en séance.

Cela étant, je retire l’amendement n° 63, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 63 est retiré.

Quel est l’avis de la commission des finances sur l’amendement n° 71 ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Pour ma part, je suis tout de même un peu moins de bonne humeur que M. Maurey, car nous n’avons pas eu le temps de travailler ce texte. Il n’est pas normal de devoir attendre d’être en séance pour avoir les informations. Nous aurions dû avoir plus de temps pour discuter en commission des différents articles, qui ne sont pas anodins.

Nous maintenons notre amendement.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 7 est adopté.

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de :

1° Transposer la proposition de directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE ainsi que le règlement (UE) nº 537/2014 en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises et prendre les mesures de coordination et d’adaptation de la législation liées à cette transposition ;

2° Adapter, afin d’assurer la mise en œuvre et de tirer les conséquences des modifications apportées en application du 1° du présent I, les dispositions relatives au régime des missions et prestations des commissaires aux comptes, ainsi que celles relatives à l’organisation et aux pouvoirs des autorités compétentes en matière d’accréditation et de supervision, au sens de la proposition de directive précitée, des personnes autorisées à évaluer la conformité de la communication des informations publiées en matière de durabilité ;

3° Harmoniser avec les modifications apportées en application du même 1°, simplifier, clarifier et mettre en cohérence les critères d’application, le contenu, le contrôle et les sanctions des obligations de publication d’informations relatives aux enjeux sociaux, environnementaux et en matière de gouvernance d’entreprise des sociétés commerciales, dès lors qu’elles interviennent dans des domaines couverts par les actes délégués adoptés par la Commission européenne en application de la directive du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE, ainsi que le règlement (UE) nº 537/2014 en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises ;

4° Rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions résultant de l’ordonnance prise sur le fondement du présent I pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance mentionnée au I.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je suis saisi de quatre amendements identiques.

L’amendement n° 2 est présenté par MM. Marie et P. Joly, Mmes Meunier et Préville, MM. Tissot, Kanner et Fichet, Mmes Van Heghe et Briquet, MM. Cozic et Éblé, Mme Espagnac, MM. Féraud, Jeansannetas, Lurel et les membres du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

L’amendement n° 28 rectifié est présenté par Mme Berthet, M. Babary, Mme Blatrix Contat, M. Le Nay, Mme Billon, MM. Bouchet, Canévet, Capus, Chasseing et Chatillon, Mme Chauvin et MM. D. Laurent, Devinaz, Duffourg, Hingray, Mandelli, Moga et Rietmann.

L’amendement n° 56 est présenté par MM. Fernique, Benarroche, Breuiller et Dantec, Mme de Marco, MM. Dossus, Gontard, Labbé et Parigi, Mme Poncet Monge, M. Salmon et Mme M. Vogel.

L’amendement n° 72 est présenté par Mmes Apourceau-Poly et Cohen, MM. Bocquet, Savoldelli et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Ces quatre amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Didier Marie, pour présenter l’amendement n° 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

L’article 8 vise à transposer la directive CSRD, qui renforce significativement les exigences de publication d’informations en matière de durabilité des entreprises.

Il convient de faire deux remarques importantes.

Tout d’abord, il est quand même particulièrement difficile pour les parlementaires de travailler sur une directive dont le texte n’a été finalisé par le Conseil européen qu’à la fin du mois de novembre et qui n’est pas encore publiée au Journal officiel de l ’ Union européenne.

Ensuite, le recours à une habilitation pour une opération qui va bien au-delà de la simple transposition en droit interne est également particulièrement étonnant. Nous considérons que cette directive, avec cet enjeu particulier de la transparence des entreprises, nécessite un travail approfondi, avec un texte à part entière, d’autant que de nombreuses questions restent en suspens : contenu des obligations d’information ; périmètre des entreprises concernées ; assurance des informations en matière de durabilité ; contrôle de l’équivalence des normes non européennes ; publicité des rapports de gestion.

Par ailleurs, les délais d’entrée en vigueur, avec une première strate d’entreprises concernées seulement à partir du 1er janvier 2024, nous laissent le temps de travailler.

Nous demandons donc au Gouvernement de bien vouloir déposer un texte en dur pour pouvoir en discuter. En attendant, nous proposons la suppression de l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Serge Babary, pour présenter l’amendement n° 28 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Babary

La transposition de la directive CSRD doit être effectuée par le Parlement, et non par voie d’ordonnance. Il n’existe en effet aucune raison objective de soustraire la transposition d’une telle directive à la procédure législative ordinaire.

Cette directive multiplie par cinq le nombre des grandes entreprises concernées en Europe par cette exigence de transparence, mais elle aura également un impact indirect sur les ETI et PME situées dans leur chaîne de valeur. Elle accroît la quantité d’informations à publier, qui devront être certifiées par un tiers indépendant, donc coûteux, autour du concept de double matérialité, que l’Union européenne défend lors de négociations internationales pour définir un standard commun.

Il manque une évaluation précise du coût financier et organisationnel, par catégorie d’entreprises, des informations extrafinancières qui seront demandées. Ces éléments auraient pu être obtenus dans le cadre de la procédure législative ordinaire, mais ils ne seront pas connus avec une transposition de la directive par ordonnance.

C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 8.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Jacques Fernique, pour présenter l’amendement n° 56.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Fernique

La directive représente une étape importante dans la mise en œuvre du Pacte vert européen. Il se pose des questions essentielles, notamment sur le périmètre, et des choix déterminants sont à faire. Or nous avons parfaitement le temps de nous pencher dessus.

C’est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de l’article 8.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly, pour présenter l’amendement n° 72.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Cet amendement est défendu, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Hervé Maurey

Je comprends tout à fait les arguments évoqués par les auteurs des amendements.

Comme je l’ai précédemment souligné, il est contrariant de voir se multiplier les demandes d’habilitation à légiférer par ordonnances.

Toutefois, je demanderai le retrait de ces amendements, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, la directive offre peu de marges de manœuvre pour sa transposition. Ensuite, les délais sont contraints – une fois de plus, vous me direz ! –, et il n’y a pas aujourd’hui de véhicule législatif qui se prêterait à une telle transposition dans le dur. Enfin, la version de l’article 8 adoptée par la commission est de nature à vous donner en partie satisfaction, puisque l’on a réduit le champ de l’habilitation, qui était très large.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Même avis que la commission des finances.

Le sujet est évidemment très important, puisque l’on parle de la responsabilité des entreprises et de leur engagement dans la transition écologique. Le Gouvernement, et Bruno Le Maire au premier chef, en a fait une priorité.

Par ailleurs, comme l’a très bien dit le rapporteur pour avis, tous les choix politiques ont déjà été faits, soit par le législateur national, soit par le législateur européen. Avec cet article 8, il s’agit de mettre les décisions des deux niveaux de législation en cohérence pour que nos entreprises puissent disposer d’un cadre clair et simple, sans trop d’éléments multifactoriels, pour ce reporting extrafinancier, qui est une vraie révolution en matière de comptabilité.

Aurait-il mieux valu un texte en dur ? Peut-être, mais il se trouve que les délais que nous avons devant nous pour l’entrée en vigueur du texte sont très serrés. C’est la raison pour laquelle nous vous proposerons, par un amendement que le Sénat examinera dans quelques instants, d’affiner la rédaction de l’habilitation pour apaiser les craintes exprimées, en commission notamment, sur les seuils, le type d’entreprise concernée, etc. Néanmoins, j’y insiste, nous devons aboutir dans les délais à la transposition de cette directive.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. Didier Marie, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Nous maintenons évidemment notre amendement de suppression de l’article.

Si la question est essentielle pour Bruno Le Maire, elle l’est aussi pour nous, mais peut-être pas pour les mêmes raisons. Nous souhaitons que la représentation nationale puisse s’exprimer sur le sujet, d’autant que la transposition de cette directive viendra en parallèle de la transposition future d’une autre directive, en cours de discussion dans les instances européennes, sur le devoir de vigilance des entreprises. Nous pensons qu’il faut regarder tout cela globalement pour veiller à la cohérence et à l’efficience des dispositifs.

Les amendements sont adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

En conséquence, l’article 8 est supprimé, et les amendements n° 29 rectifié et 81 n’ont plus d’objet.

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de trois mois à compter de la publication de la présente loi, toutes les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour réformer les régimes des fusions, scissions, apports partiels d’actifs et transferts de siège des sociétés commerciales afin :

1° De transposer la directive (UE) 2019/2121 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières et de prendre les mesures de coordination et d’adaptation de la législation liées à cette transposition :

a)

b)

2° D’harmoniser avec certaines des dispositions encadrant les opérations transfrontalières relevant du 1° du présent I et de simplifier, compléter et moderniser les régimes des fusions, scissions, apports partiels et transferts de siège des sociétés commerciales prévus au chapitre VI du titre III du livre II du code de commerce ;

3° De rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions résultant de l’ordonnance prise sur le fondement du présent I pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et de procéder, le cas échéant, aux adaptations de ces dispositions en ce qui concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance mentionnée au I. –

Adopté.

Le code de commerce est ainsi modifié :

1° L’article L. 223-42 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Si la dissolution n’est pas prononcée à la majorité exigée pour la modification des statuts, la société est tenue, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue, de reconstituer ses capitaux propres à concurrence d’une valeur au moins égale à la moitié du capital social, ou de réduire son capital social du montant nécessaire pour que la valeur des capitaux propres soit au moins égale à la moitié de son montant. » ;

b) Après le troisième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Si dans le délai mentionné au deuxième alinéa du présent article, les capitaux propres de la société n’ont pas été reconstitués à concurrence d’une valeur au moins égale à la moitié du capital social alors que le capital social de la société se trouve supérieur à un seuil fixé par décret en Conseil d’État en fonction de la taille de son bilan, la société est tenue, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant ce délai, de réduire son capital social jusqu’à concurrence d’une valeur inférieure ou égale à ce seuil.

« Lorsqu’en application du quatrième alinéa, la société a réduit son capital social mais sans pour autant que ses fonds propres aient été reconstitués, et qu’elle procède par la suite à une augmentation de capital, elle se remet en conformité avec les dispositions du même quatrième alinéa avant la clôture du deuxième exercice suivant celui où a eu lieu cette opération. » ;

c) À la deuxième phrase de l’avant-dernier alinéa, les mots : « deuxième alinéa ci-dessus » sont remplacés par les mots : « quatrième alinéa » ;

2° L’article L. 225-248 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Si la dissolution n’est pas prononcée, la société est tenue, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant celui au cours duquel la constatation des pertes est intervenue, de reconstituer ses capitaux propres à concurrence d’une valeur au moins égale à la moitié du capital social, ou, sous réserve de l’article L. 224-2, de réduire son capital social du montant nécessaire pour que la valeur des capitaux propres soit au moins égale à la moitié de son montant. » ;

b) Après le troisième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Si dans le délai mentionné au deuxième alinéa du présent article, les capitaux propres n’ont pas été reconstitués à concurrence d’une valeur au moins égale à la moitié du capital social alors que le capital social de la société se trouve supérieur à un seuil fixé par décret en Conseil d’État en fonction de la taille de son bilan, la société est tenue, au plus tard à la clôture du deuxième exercice suivant ce délai, de réduire son capital social, sous réserve de l’article L. 224-2, jusqu’à concurrence d’une valeur inférieure ou égale à ce seuil.

« Lorsqu’en application du quatrième alinéa du présent article, la société a réduit son capital social mais sans pour autant que ses fonds propres aient été reconstitués, et qu’elle procède par la suite à une augmentation de capital, elle se remet en conformité avec les dispositions de ce quatrième alinéa avant la clôture du deuxième exercice suivant celui où a eu lieu cette opération. » ;

c) À la deuxième phrase de l’avant-dernier alinéa, les mots : « deuxième alinéa ci-dessus » sont remplacés par les mots : « quatrième alinéa » ;

3° Le 2° du I de l’article L. 950-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les articles L. 223-42 et L. 225-248 sont applicables dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture. » –

Adopté.

Chapitre III

Mise en conformité à la suite de décisions de justice

Le code de la commande publique est ainsi modifié :

1° Les articles L. 2141-1 et L. 3123-1 sont complétés par deux alinéas ainsi rédigés :

« Cette exclusion n’est pas applicable à la personne qui établit qu’elle n’a pas fait l’objet d’une peine d’exclusion des marchés publics inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire en application de l’article 775-1 du code de procédure pénale, qu’elle a régularisé sa situation, qu’elle a réglé l’ensemble des amendes et indemnités dues, qu’elle a collaboré activement avec les autorités chargées de l’enquête et qu’elle a pris des mesures concrètes de nature à prévenir la commission d’une nouvelle infraction pénale. Les mesures prises par les personnes mentionnées au présent alinéa sont évaluées en tenant compte de la gravité de l’infraction pénale.

« Cette exclusion n’est pas non plus applicable en cas d’obtention d’un sursis en application des articles 132-31 ou 132-32 du code pénal, d’un ajournement du prononcé de la peine en application des articles 132-58 à 132-62 du même code ou d’un relèvement de peine en application de l’article 132-21 dudit code ou des articles 702-1 ou 703 du code de procédure pénale. » ;

1° bis

2° Le tableau constituant le second alinéa des articles L. 2651-1, L. 2661-1, L. 2671-1 et L. 2681-1 est ainsi modifié :

a) La vingt-deuxième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

L. 2141-1

Résultant de la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture

L. 2142-2

b) La vingt-quatrième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

L. 2141-4 et L. 2141-5

Résultant de la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture

L. 2141-6 à L. 2142-1

3° Le tableau constituant le second alinéa des articles L. 3351-1, L. 3361-1, L. 3371-1 et L. 3381-1 est ainsi modifié :

a) La quatorzième ligne est remplacée par trois lignes ainsi rédigées :

L. 3120-1 à L. 3122-5

L. 3123-1

Résultant de la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture

L. 3123-2

b) La seizième ligne est remplacée par deux lignes ainsi rédigées :

L. 3123-4 et L. 3123-5

Résultant de la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture

L. 3123-6 à L. 3126-2

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 73, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen, Assassi, Cukierman et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

Une entreprise peut-elle contourner les décisions prononcées par le juge judiciaire ? L’article 11 le rendra possible, en permettant aux entreprises condamnées pour des infractions pénales gravissimes de prouver leur bonne foi et de bénéficier ainsi de l’argent public.

Aujourd’hui, le droit prévoit que les opérateurs privés peuvent être empêchés de candidater à des marchés publics ou des contrats de concession pendant une durée de cinq ans à compter de la date du jugement définitif. Cette exclusion est dite de plein droit.

Notons – il faudra modifier la loi en ce sens – qu’il est absolument scandaleux que cette condamnation n’ait aucune implication sur les contrats en cours.

La France faisait figure d’exemple, en ayant refusé de transposer le mécanisme d’auto-apurement pour toutes les infractions prévues à l’article 38 de la directive de 2014 sur les marchés publics.

Ce mécanisme, qui permet à une entreprise condamnée de prouver sa bonne foi, est indigne de nos institutions. Concrètement, l’opérateur exclu à cause d’une infraction pénale peut fournir des preuves attestant que les mesures qu’il a prises suffisent à démontrer sa fiabilité, malgré l’existence d’un motif d’exclusion pertinent. La France, au moment de la transposition, avait estimé que certaines condamnations pouvaient relever de ce droit de repentance des entreprises, y compris des multinationales : méconnaissance du code du travail, non-acquittement des impôts, taxes, contributions ou cotisations sociales ; travail illégal. Vous voyez déjà les largesses du dispositif pour les entreprises qui fraudent.

Avec cet article, il serait possible à une entreprise condamnée définitivement pour traite d’êtres humains de bénéficier de l’argent des contribuables sans attendre le délai de cinq années.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Je comprends parfaitement l’inquiétude de nos collègues du groupe CRCE quant à l’insertion dans le code de la commande publique d’un mécanisme de régularisation pour les opérateurs économiques qui ont été sanctionnés par des peines entraînant l’exclusion des procédures de passation de marchés.

Je tiens cependant à les rassurer : conformément aux deux directives européennes de 2014 régissant les marchés publics et les contrats de concession, nous avons complété en commission le dispositif prévu par le Gouvernement, en précisant que les mesures concrètes prises par les opérateurs pour démontrer leur fiabilité, comme c’est indiqué dans le texte, font l’objet d’une évaluation tenant compte de la gravité de l’infraction commise. Par conséquent, le caractère dissuasif des peines d’exclusion est préservé.

En outre, sauf à prendre le risque que la France fasse l’objet de recours en manquement, les directives européennes, ainsi qu’une récente décision du Conseil d’État nous imposent ce mécanisme de régularisation.

Je sollicite donc le retrait de cet amendement, faute de quoi l’avis serait défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je mets aux voix l’amendement n° 73.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, de même que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à constater le résultat du scrutin.

Mmes et MM. les secrétaires constatent le résultat du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 106 :

Le Sénat n’a pas adopté.

L’amendement n° 59, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

II. – Alinéas 5, 9, 10, 14 et 15

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Cet amendement a pour objet de rétablir la rédaction initiale de l’article 11, qui met en conformité le code de la commande publique avec les directives de 2014.

Il s’agit notamment de supprimer une phrase qui ne précise que de manière imparfaite les cas dans lesquels l’auto-apurement est prescrit.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Avis défavorable, notamment pour les raisons que j’ai évoquées à propos de l’amendement précédent.

Il nous paraît très important que la gravité de l’infraction commise ne soit pas masquée par la mise en œuvre de mesures correctives par un acteur économique après sa condamnation. Une évaluation prenant en compte ce critère de gravité doit donc être prévue dans notre droit, de façon claire et précise, notamment afin de s’assurer que le mécanisme de régularisation est équilibré.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Je voudrais préciser mes propos. Certes, il convient de prendre en compte le critère de gravité de l’infraction, comme la commission des lois a voulu le préciser. Mais la directive prévoit que les circonstances particulières de l’infraction ou de la faute doivent aussi être prises en compte.

Si vous vouliez bien amender la rédaction que vous proposez de manière à prendre en compte ce second élément, le Gouvernement pourrait se montrer favorable au texte de la commission. Nous voulons simplement englober les deux paramètres qui figurent dans la directive.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Excusez-moi, monsieur le ministre, mais le concept de « circonstances particulières » est assez peu développé dans le code de la commande publique. De ce fait, on ne saurait ici le retenir.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 11 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Chapitre IV

Dispositions relatives à l’accessibilité des produits et des services

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de :

1° Transposer la directive (UE) 2019/882 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services et prendre les mesures de coordination et d’adaptation de la législation liées à cette transposition ;

2° Rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions résultant de l’ordonnance prise sur le fondement du présent I pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance mentionnée au I.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 1 rectifié ter, présenté par Mme Puissat, MM. Mouiller et Anglars, Mmes Muller-Bronn, Belrhiti, Estrosi Sassone, Thomas et Jacques, M. Tabarot, Mme Joseph, MM. Calvet et J.P. Vogel, Mmes Chauvin, Demas, Berthet et Billon, MM. Sol, Cardoux et Bouchet, Mme Bellurot, MM. Bonnecarrère, Chatillon et Brisson, Mmes Delmont-Koropoulis, L. Darcos, Noël et Sollogoub, MM. Allizard et Somon, Mme V. Boyer, MM. Savin, Rietmann, Perrin et Chaize, Mme Imbert, MM. Hugonet, Henno et Bas, Mmes Herzog, Deseyne et Richer, MM. Panunzi et Cadec, Mme Micouleau, M. Paccaud, Mmes Devésa, Guidez et Lassarade, MM. P. Martin, Duffourg et Meignen, Mme Vermeillet, MM. Courtial et Daubresse, Mmes Dumont et M. Mercier, MM. Bonne, Bouloux, Belin, Charon, Folliot et Sido, Mme Borchio Fontimp, MM. Babary, Lefèvre, Segouin, Détraigne et E. Blanc, Mmes F. Gerbaud et Procaccia, MM. Houpert, Paul, de Nicolaÿ, B. Fournier et de Legge, Mme Bonfanti-Dossat, M. Cuypers et Mme Schalck, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

, en s’assurant d’une répartition territoriale équilibrée dans l’accès à ces produits et services

La parole est à Mme Frédérique Puissat.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

Mme Frédérique Puissat. Cet amendement, que j’ai rédigé avec mon collègue Philippe Mouiller, a été signé par nombre de sénateurs. Sans vouloir vous forcer la main, monsieur le ministre, voilà déjà deux arguments de poids pour lui être favorable !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

Nous sommes tous conscients que l’adaptabilité des produits et services pour les personnes atteintes d’un handicap est fondamentale.

Toutefois, nous sommes également conscients que cette adaptabilité a un coût. C’est notamment le cas pour les terminaux en libre-service, en particulier les distributeurs automatiques de billets (DAB).

Nous sommes tout aussi conscients que, derrière ces terminaux et ces distributeurs, il y a des enjeux de rentabilité : jusqu’à preuve du contraire, ni les banques ni les autres opérateurs de tels services ne sont des philanthropes !

Nous sommes enfin conscients que les notions de « rentabilité » et d’« aménagement du territoire » ne concordent pas toujours.

Pourtant, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous savons que les personnes atteintes d’un handicap sont présentes partout sur notre territoire, dans les zones denses comme dans les territoires les plus ruraux et reculés.

L’objet de la directive dont cet article habilite le Gouvernement à procéder à la transposition, par ordonnance, ne saurait être de privilégier certaines personnes habitant au centre de Paris ou de Grenoble, sans répondre à l’attente de celles qui habitent des zones où les distributeurs accessibles ne seraient pas rentables.

C’est pourquoi, au travers de cet amendement, nous entendons faire figurer dans cet article, au côté de la notion d’« accessibilité », celle de « répartition territoriale équilibrée ». Ainsi, on sortirait d’une logique selon laquelle certaines personnes pourraient disposer de services adaptés, tandis que d’autres, parce qu’elles habitent des zones où ces services ne seraient pas rentables, en seraient exclues.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La directive organise l’accessibilité numérique de produits et services. Or, pour certains d’entre eux, cette accessibilité comprend aussi une dimension physique et territoriale. Les distributeurs automatiques de billets en sont le meilleur exemple.

Or tout le monde ne dispose déjà pas d’un DAB à proximité en milieu rural. En matière de handicap, nous constatons des difficultés territoriales d’accès aux services, au-delà de ceux qui sont évoqués dans cette directive. Cette situation est source d’inégalités.

Nous devons donc veiller à réduire ces inégalités d’accès et à ne pas en créer de nouvelles. L’objet du présent texte ne saurait être de créer de nouvelles ruptures d’égalité, en particulier en matière de handicap.

Les auteurs de cet amendement nous rappellent que la politique d’accessibilité numérique ne sera réelle que si les produits visés sont physiquement accessibles sur l’ensemble du territoire. Les obligations prévues dans la directive doivent se traduire par une mise à niveau des équipements, et non par leur arrêt sur des pans entiers de notre territoire, notamment pour des raisons de coûts.

La commission des affaires sociales a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Je partage évidemment l’intention des auteurs de cet amendement.

Je crois cependant qu’il faut savoir distinguer les objets de politiques publiques : il y a, d’une part, l’accessibilité des services aux personnes en situation de handicap, d’autre part, l’accessibilité de ces services sur l’ensemble du territoire national, dans l’Hexagone comme outre-mer. Je parle ici de l’ensemble des services publics et de certains services privés, qui sont visés par la directive concernée.

Ainsi, les bornes de vente de billets de train sont évidemment attachées au maillage des gares. Pour les distributeurs de billets, nous avons – cela a été rappelé par Mme la rapporteure – l’un des réseaux les plus denses d’Europe, avec 74 000 DAB sur tout le territoire. L’un des acteurs qui garantissent la proximité de ces distributeurs est bien entendu La Poste. Afin de rendre toujours plus accessibles les services publics, voire certains services privés à nos concitoyens sur l’ensemble du territoire, nous avons en outre déployé des milliers de maisons France Services. L’objectif est que, dans chaque canton, on puisse avoir accès à certains des services les plus essentiels.

C’est pourquoi, madame la sénatrice, je vous invite à retirer votre amendement. Sinon, on risquerait de mélanger deux objectifs, tout aussi importants, de politiques publiques : l’accessibilité pour les personnes en situation de handicap et l’accessibilité pour l’ensemble de nos concitoyens, quel que soit leur lieu de résidence sur le territoire national.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à M. le vice-président de la commission.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Monsieur le ministre, je suis extrêmement choqué par vos propos !

Je vous invite à relire les conclusions du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), celles du comité interministériel du handicap, ainsi que les annonces faites par le Président de la République et par la Première ministre. Le principe général en matière de handicap, c’est justement d’éviter de cloisonner les politiques publiques !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Or, pour justifier votre rejet de cet amendement, vous avez dit l’inverse ! Vous défendez là une politique contraire à tout ce qui a été annoncé en matière de handicap à l’échelle nationale.

Il est ici question d’un point essentiel. J’estime qu’il faut voter cet amendement, parce que nous avons besoin de nous assurer que la rareté ne soit pas la contrepartie de l’accessibilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

C’est vrai en matière de distributeurs de billets comme en matière de transports. Or, si l’on suivait votre argument, on encourrait un risque extrêmement fort d’opposer l’accessibilité aux personnes handicapées à l’accessibilité territoriale.

C’est pourquoi vos propos m’ont extrêmement choqué. Monsieur le ministre, cet article est une habilitation à légiférer par ordonnance : vous aurez la main, vous tiendrez le crayon ! Vous serez donc en mesure de définir l’équité territoriale en la matière. Faire figurer ce concept dans le texte aujourd’hui a l’avantage de clarifier les choses à l’égard du monde du handicap, qui suit nos débats. En revanche, vous avez toute liberté de faire en sorte que soit menée une politique équilibrée sur le territoire. Alors, de grâce, revoyez votre argumentaire !

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Je crois que vous faites une confusion assez lourde et grave !

Murmures sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Précisément, en transposant la directive, nous montrons que l’accessibilité est transversale, qu’elle concerne l’ensemble des services, privés ou publics.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

M. Jean-Noël Barrot, ministre délégué. Par ailleurs, j’invite toutes celles et tous ceux qui se réjouissent avec nous de la transposition de la directive à réfléchir aux raisons pour lesquelles ils ne l’ont pas fait quand ils étaient aux responsabilités.

Vives protestations sur les travées des groupes Les Républicains, SER et CRCE.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Simplement, l’accessibilité territoriale est un principe de fait, pour tous nos concitoyens, qu’ils soient ou non en situation de handicap. Il ne faut pas mélanger les sujets !

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

La parole est à Mme Frédérique Puissat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

Mme Frédérique Puissat. Je maintiens évidemment mon amendement.

Marques de satisfaction sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

Très honnêtement, monsieur le ministre, on en est à se battre, en milieu rural, pour défendre nos distributeurs de billets. Beaucoup de personnes âgées, beaucoup de personnes en fauteuil roulant, en situation de handicap, ne peuvent plus retirer d’argent dans nos campagnes.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédérique Puissat

Or il est de notre responsabilité, en tant que parlementaires, de dire que la notion d’« aménagement du territoire » doit être au cœur de la transposition de la directive.

C’est pourquoi j’estime qu’il convient d’adopter cet amendement.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains.

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 12 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Chapitre V

Dispositions relatives aux activités bancaires

I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est habilité à prendre par ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la présente loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de :

1° Transposer la directive (UE) 2021/2167 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2021 sur les gestionnaires de crédits et les acheteurs de crédits, modifiant les directives 2008/48/CE et 2014/17/UE et prendre les mesures de coordination et d’adaptation liées à cette transposition ;

2° Rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions résultant de l’ordonnance prise sur le fondement du présent I pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces articles en ce qui concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

II. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance mentionnée au I. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 78, présenté par Mme Havet, M. Buis, Mme Duranton, MM. Haye, Lemoyne, Lévrier et Mohamed Soilihi, Mme Schillinger et M. Marchand, est ainsi libellé :

Après l’article 13

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Le 4° de l’article L. 1611-7-1 du code général des collectivités territoriales est ainsi rédigé :

« 4° Du revenu tiré d’un projet de financement participatif au profit de tout service public, à l’exception des missions de police et de maintien de l’ordre public, sous forme de titres de créance, de dons, de prêt avec intérêt et de prêt à titre gratuit. »

II. – L’article L. 547-4 du code monétaire et financier est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les prestataires de services de financement participatif peuvent également fournir, dans les conditions fixées à l’article L. 547-5, des services identiques à ceux mentionnés au a) du paragraphe 1 de l’article 2 du même règlement (UE) 2020/1503 relatifs à des projets de financement participatif portant sur des titres de créance de collectivités locales et de leurs établissements publics, pour financer leurs activités autres que celles régies par ce même règlement. »

La parole est à M. Frédéric Marchand.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

L’article 48 de la loi du 8 octobre 2021 visait à soutenir le développement du financement participatif obligataire des collectivités territoriales et de leurs établissements à compter du 1er janvier 2022, sous forme expérimentale.

L’obligataire en financement participatif se présente comme un instrument simple et sécurisé ; il peut permettre aux collectivités de diversifier leurs sources de financement.

En outre, lorsqu’il s’inscrit dans une démarche participative, le financement est employé par les collectivités pour fédérer et engager les citoyens et les entreprises autour d’enjeux territoriaux ou liés à la transition écologique.

Toutefois, cette expérimentation n’a pas pu débuter faute de publication de l’arrêté nécessaire.

Le présent amendement vise donc à rétablir le dispositif qui avait été adopté l’année dernière, afin de le rendre applicable.

Il tend aussi à permettre aux opérateurs de financement participatif de soutenir les investissements des collectivités non compris dans le champ du règlement européen sur les prestataires européens de services de financement participatif, à savoir les activités non commerciales. Une telle mesure a été défendue sur plusieurs travées de notre hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Marie

Je connais bien le dispositif évoqué par M. Marchand, puisque c’est nous qui en sommes à l’origine, dans le cadre de la précédente loi Ddadue.

Cela étant, je ne sais pas trop s’il faut revenir à la rédaction que nous avions adoptée au Sénat, sachant qu’une version de consensus a été trouvée au cours d’une commission mixte paritaire à l’issue positive.

En revanche, et je suis très content que cela ait été rappelé sur nos travées, l’arrêté que devait prendre M. Bruno Le Maire en tant que ministre des finances n’a jamais été pris ! Ce n’est pas faute de lui avoir adressé plusieurs courriers, restés sans réponse…

J’aimerais que le Gouvernement nous en dise plus sur la publication de cet arrêté, ainsi que, plus largement, sur le statut des prestataires de services de financement participatif, qui ne relèverait pas du règlement européen. Je sollicite donc son avis.

À l’instar des auteurs de cet amendement, je souhaite évidemment que le dispositif adopté par le Parlement entre enfin en application.

Debut de section - Permalien
Jean-Noël Barrot

Cela permettra à l’expérimentation de commencer au 1er janvier 2023 ; l’efficacité du dispositif pourra donc être évaluée, et il pourra être affiné au besoin.

C’est pourquoi, monsieur Marchand, je vous invite à retirer votre amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Frédéric Marchand

M. Frédéric Marchand. Non, monsieur le président. Étant victime du même syndrome que notre collègue Hervé Maurey, je retire mon amendement !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 78 est retiré.

TITRE II

DISPOSITIONS D’ADAPTATION AU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE EN MATIÈRE SOCIALE

Chapitre Ier

Équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants

I. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 1225-35-1, il est inséré un article L. 1225-35-2 ainsi rédigé :

« Art. L. 1225 -35 -2. – La durée du congé de paternité et d’accueil de l’enfant est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté.

« Le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début du congé. » ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 1225-47, les mots : « à la date de naissance de son enfant, adopté ou confié en vue de son adoption, ou de l’arrivée au foyer d’un enfant qui n’a pas encore atteint l’âge de la fin de l’obligation scolaire » sont supprimés ;

3° L’article L. 1225-54 est ainsi modifié :

a) Après le mot : « éducation », sont insérés les mots : « à temps plein » ;

b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Lorsqu’un salarié réduit son temps de travail dans le cadre d’un congé parental, la durée du congé parental d’éducation à temps partiel est assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits liés à l’ancienneté.

« Le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début du congé. » ;

4° L’article L. 1225-65 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le salarié conserve le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début du congé. » ;

4° bis

5° Au 4° de l’article L. 7221-2, les mots : « prévues à la sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie » sont remplacés par les mots : « de solidarité familiale et de proche aidant, prévus aux articles L. 3142-1 à L. 3142-27 ».

II. – Le 12° de l’article L. 423-2 du code de l’action sociale et des familles est ainsi rédigé :

« 12° Aux congés pour événements familiaux, de solidarité familiale et de proche aidant, prévus aux articles L. 3142-1 à L. 3142-27 ; ». –

Adopté.

Chapitre II

Conditions de travail transparentes et prévisibles

I. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° La section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II de la première partie est complétée par un article L. 1221-5-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 1221 -5 -1. – L’employeur remet au salarié un ou plusieurs documents établis par écrit précisant les informations principales relatives à la relation de travail.

« Un salarié qui n’a pas reçu les informations mentionnées au premier alinéa ne peut saisir le juge compétent afin de les obtenir qu’après avoir mis en demeure son employeur de lui communiquer les documents requis ou, le cas échéant, de compléter les documents fournis.

« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article, notamment la liste des informations devant figurer dans le ou les documents mentionnés au premier alinéa. » ;

2° Le deuxième alinéa de l’article L. 1221-22 est supprimé ;

3° L’article L. 1242-17 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1242 -17. – À la demande du salarié titulaire d’un contrat de travail à durée déterminée justifiant dans l’entreprise d’une ancienneté continue d’au moins six mois, l’employeur l’informe des postes en contrat à durée indéterminée à pourvoir au sein de l’entreprise.

« Un décret fixe les modalités d’application du présent article. » ;

4° L’article L. 1251-25 est ainsi rédigé :

« Art. L. 1251 -25. – À la demande du salarié temporaire justifiant chez la même entreprise utilisatrice d’une ancienneté continue d’au moins six mois, l’entreprise utilisatrice l’informe des postes en contrat à durée indéterminée à pourvoir au sein de l’entreprise.

« Un décret fixe les modalités d’application du présent article. » ;

5° L’article L. 1271-5 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, le mot : « huit » est remplacé par le mot : « trois » et les mots : « ou ne dépasse pas quatre semaines consécutives dans l’année » sont remplacés par les mots : « au cours d’une période de référence de quatre semaines » ;

b) Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L’obligation prévue à l’article L. 1221-5-1 du présent code ne s’applique pas aux emplois mentionnés au premier alinéa du présent article. » ;

c)

Supprimé

6° Le 3° de l’article L. 7122-24 est complété par les mots : « ainsi qu’à l’information du salarié prévue à l’article L. 1221-5-1 ».

II. – Le 2° du I entre en vigueur six mois après la promulgation de la présente loi.

Les salariés dont le contrat de travail est en cours à la date de promulgation de la présente loi peuvent demander à leur employeur de leur fournir ou de compléter, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, les informations prévues à l’article L. 1221-5-1 du code du travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 67, présenté par Mmes Apourceau-Poly, Cohen et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Cathy Apourceau-Poly.

Debut de section - PermalienPhoto de Cathy Apourceau-Poly

L’article 15 du projet de loi transpose la directive du 20 juin 2019, relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne.

La durée maximale de la période d’essai est actuellement fixée selon la catégorie professionnelle du salarié : deux mois pour les ouvriers et employés, trois mois pour les techniciens et agents de maîtrise, quatre mois pour les cadres. Cette période peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendue le prévoit.

L’article 8 de la directive européenne fixe à cette période une durée maximale totale de six mois. Le Gouvernement prévoit donc de supprimer la possibilité qu’un accord de branche étende la période d’essai au-delà de six mois.

En revanche, alors que le texte prévoit explicitement une dérogation pour l’exercice d’une fonction managériale ou de direction, ou d’un poste dans le service public, le Gouvernement sous-transpose la directive en maintenant une telle dérogation pour l’ensemble des cadres, avec une période d’essai maintenue à huit mois.

Cette sous-transposition n’est pas sans conséquence pour les 4, 5 millions de cadres du secteur privé, qui devront se soumettre à une période d’essai de huit mois alors même que la majorité d’entre eux n’occupent ni une fonction managériale ni un poste de direction. Le Gouvernement a donc clairement adopté une définition des exceptions qui dépasse le cadre fixé par la directive.

Lorsqu’il s’agit de mettre en place des protections collectives, ce gouvernement n’hésite pas à sous-transposer les directives. Lorsqu’il s’agit de favoriser les entreprises ou le marché, le même n’hésite pas à surtransposer les directives. Deux poids, deux mesures, comme souvent avec vous, monsieur le ministre !

Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Pascale Gruny

La commission a approuvé l’article 15, qui assure la mise en conformité nécessaire et suffisante de notre droit du travail avec le droit européen.

Le maintien dans le droit du travail de périodes d’essai d’une durée de huit mois pour les cadres est permis par le droit de l’Union européenne. Je rappelle que le droit du travail l’autorise, à condition qu’un accord de branche étendu le prévoie. Il nous a semblé utile de laisser aux partenaires sociaux le soin de fixer ces durées selon les secteurs d’activité, sans dépasser le délai maximal de huit mois, renouvellement compris.

Par ailleurs, supprimer l’article empêcherait d’assurer la conformité de notre droit du travail au droit européen, s’agissant notamment de l’information du salarié sur les éléments relatifs à la relation de travail, ou encore – c’est assez important – de l’information des salariés en CDD ou en contrat d’intérim sur les postes ouverts en CDI dans l’entreprise où ils travaillent.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Agnès Firmin Le Bodo

Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l ’ organisation territoriale et des professions de santé. Avis défavorable. Je suis d’ailleurs quelque peu surprise que ce soit le groupe CRCE qui demande la suppression de cet article au motif de la défense des cadres !

Mme Cathy Apourceau-Poly s ’ exclame.

L ’ amendement n ’ est pas adopté.

L ’ article 15 est adopté.

Le code des transports est ainsi modifié :

1° Après l’article L. 5542-3, il est inséré un article L. 5542-3-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 5542 -3 -1. – Les modalités d’application des dispositions de l’article L. 1221-5-1 du code du travail relatives à la remise au salarié par l’employeur d’un ou plusieurs documents précisant les informations principales relatives à la relation de travail sont déterminées par décret en Conseil d’État, en tenant compte des adaptations nécessaires. » ;

2° Au début du premier alinéa de l’article L. 6523-2, sont ajoutés les mots : « Sans préjudice de l’article L. 1221-5-1 du code du travail, » ;

3° L’article L. 6785-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L’article L. 6523-2 est applicable à Wallis-et-Futuna dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture. » –

Adopté.

Le chapitre V du titre Ier du livre Ier du code général de la fonction publique est ainsi modifié :

1° À la fin de l’intitulé, les mots : « et droit à la formation professionnelle » sont remplacés par les mots : «, droit à la formation professionnelle et droit à l’information » ;

2° Il est ajouté un article L. 115-7 ainsi rédigé :

« Art. L. 115 -7. – L’agent public reçoit de son employeur communication des informations et règles essentielles relatives à l’exercice de ses fonctions. » –

Adopté.

Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l’article L. 6152-1, les mots : « relevant de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière » sont remplacés par les mots : « hospitaliers au sens des dispositions du 6° de l’article L. 7 du code général de la fonction publique » ;

2° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 6152-2, les mots : « 2 du titre IV du statut général des fonctionnaires » sont remplacés par les mots : « L. 5 du code général de la fonction publique » ;

a) Le 1° du I est ainsi rédigé :

« 1° Les dispositions suivantes du code général de la fonction publique :

« a) L’article L. 115-7 ;

« b) L’article L. 121-3 ;

« c) Le chapitre III du titre II du livre Ier ;

« d) Les sections 2 à 4 du chapitre IV du titre II du livre Ier ;

« e) L’article L. 124-26 ;

« f) Le chapitre IV du titre III du livre Ier ; »

b) Au II, les mots : « l’article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée » sont remplacés par les mots : « l’article L. 121-3 du code général de la fonction publique et du chapitre III du titre II du livre Ier du même code » ;

c) Au IV, les mots : « 78-1 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière » sont remplacés par les mots : « L. 714-14 du code général de la fonction publique » ;

a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « 116 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière » sont remplacés par les mots : « L. 453-1 du code général de la fonction publique » ;

b) À la première phrase du dernier alinéa, les mots : « au quatrième alinéa de l’article 116 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 précitée » sont remplacés par les mots : « à l’article L. 453-6 du code général de la fonction publique » ;

a) Le mot : « à » est remplacé par les mots : « au chapitre Ier du titre Ier du livre II du code général de la fonction publique et au dernier alinéa du I de » ;

b) Sont ajoutés les mots : « du présent code » ;

a) À la fin du 3°, les mots : « 2 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière » sont remplacés par les mots : « L. 5 du code général de la fonction publique » ;

b) Au dernier alinéa, après la référence : « L. 6156-7 », sont insérés les mots : « du présent code ».

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

L’amendement n° 79, présenté par M. Marie, est ainsi libellé :

Alinéa 19

Remplacer les mots :

Le mot : « à » est remplacé

par les mots :

La première occurrence du mot : « à » est remplacée

La parole est à M. Didier Marie.

L ’ amendement est adopté.

L ’ article 18 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Chapitre III

Diverses mesures de protection de la santé publique

Le quatrième alinéa de l’article L. 6322-1 du code de la santé publique est ainsi rédigé :

« L’autorisation est retirée si une communication commerciale, directe ou indirecte, déloyale ou portant atteinte à la santé publique, est effectuée sous quelque forme que ce soit en faveur de l’établissement titulaire de cette autorisation. Un décret en Conseil d’État précise les conditions d’application du présent alinéa. » –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je rappelle que l’article 20 a été précédemment examiné.

I. – Le titre IV du livre III de la première partie du code de la santé publique est ainsi modifié :

1° À l’article L. 1341-1, les mots : « et à l’organisme mentionné à l’article L. 4411-4 du code du travail » sont remplacés par les mots : « ou à tout autre organisme compétent désigné par voie réglementaire » ;

2° L’article L. 1342-1 est ainsi modifié :

a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Les importateurs ou utilisateurs en aval qui mettent sur le marché des mélanges classés comme dangereux en raison de leurs effets sur la santé ou de leurs effets physiques établissent une déclaration unique conformément au règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement (CE) n° 1907/2006. » ;

b) Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :

« Cette déclaration est adressée à un ou à des organismes désignés par voie réglementaire aux fins de mesures préventives et curatives, en particulier en cas d’urgence sanitaire. » ;

3° À l’article L. 1342-3, les mots : « le contenu de la déclaration mentionnée à l’article L. 1342-1, les personnes qui y ont accès, les conditions dans lesquelles est préservée la confidentialité à l’égard des tiers des informations couvertes par le secret industriel qu’elle comporte » sont remplacés par les mots : « les personnes qui ont accès aux informations déclarées en vertu de l’article L. 1342-1, les conditions dans lesquelles est préservée la confidentialité à l’égard des tiers des informations couvertes par le secret industriel » ;

4° Les articles L. 1342-2, L. 1342-4 et L. 1342-5 sont abrogés ;

5° L’article L. 1343-1 est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « au 1° de l’article L. 215-1 du code de la consommation » sont remplacés par les mots : « à l’article L. 521-12 du code de l’environnement » et la référence : « L. 1343-4 » est remplacée par la référence : « L. 1343-2 » ;

b) La seconde phrase est supprimée ;

6° L’article L. 1343-4 est abrogé.

II. – Le code du travail est ainsi modifié :

1° Les articles L. 4411-4 et L. 4411-5 sont abrogés ;

2° Au premier alinéa de l’article L. 4741-9, les mots : « L. 4411-4 à » sont supprimés.

III. – Jusqu’au 1er janvier 2024, la déclaration unique mentionnée à la première phrase de l’article L. 1342-1 du code de la santé publique devant être remplie par les importateurs et utilisateurs en aval qui mettent sur le marché des mélanges destinés à un usage industriel comporte toutes les informations pertinentes, définies par voie réglementaire, sur ces mélanges, notamment leur composition chimique. –

Adopté.

I. – L’ordonnance n° 2022-414 du 23 mars 2022 portant adaptation des dispositions du code de la santé publique et du code rural et de la pêche maritime au droit de l’Union européenne dans le domaine des médicaments vétérinaires et aliments médicamenteux est ratifiée.

II. – Le code de la santé publique est ainsi modifié :

1° L’article L. 5141-13-1 est ainsi modifié :

a) À la première phrase du premier alinéa, les mots : « entreprises mentionnées à l’article L. 5142-1 » sont remplacés par les mots : « titulaires d’autorisation de mise sur le marché, d’enregistrement, d’autorisation temporaire d’utilisation et de commerce parallèle ainsi que par les établissements mentionnés à l’article L. 5142-1, et les personnes physiques ou morales mentionnées aux articles L. 5142-1-1 et L. 5142-1-2 » ;

b) La seconde phrase du même premier alinéa est ainsi rédigée : « Leur est également interdit le fait de proposer ou de procurer ces avantages. » ;

c)

2° L’article L. 5141-16 est ainsi modifié :

a) À la fin du 3°, les mots : « conformément à l’article 103 du règlement (UE) du 11 décembre 2018 » sont supprimés ;

b) Le 15° est abrogé ;

3° L’article L. 5145-5 est ainsi modifié :

a) Aux 9° à 14°, après le mot : « marché », sont insérés les mots : « ou de l’enregistrement » ;

b) À la fin du 20°, les mots : « et L. 5145-2-2 » sont remplacés par les mots : «, L. 5145-2-2 et L. 5145-3 » ;

4° À la première phrase du premier alinéa de l’article L. 5146-4, les mots : « arrêté des ministres chargés de l’agriculture et de la santé » sont remplacés par les mots : « décision du directeur général de l’agence » ;

5° L’article L. 5441-15 est ainsi rédigé :

« Art. L. 5441 -15. – Le fait, pour le titulaire de l’autorisation de mise sur le marché ou de l’enregistrement, de ne pas déclarer, dans la base de données sur la pharmacovigilance mentionnée à l’article 74 du règlement (UE) 2019/6 du Parlement européen et du Conseil du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires et abrogeant la directive 2001/82/CE, tout effet indésirable présumé, conformément au paragraphe 2 de l’article 76 du même règlement, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. » –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Je rappelle que les articles 23 et 24 ont été précédemment examinés.

Au dernier alinéa de l’article L. 221-3 du code de l’action sociale et des familles, après les mots : « règlement (CE) n° 1347/2000 », sont insérés les mots : «, les articles 79 à 82 du règlement (UE) 2019/1111 du Conseil du 25 juin 2019 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale, ainsi qu’à l’enlèvement international d’enfants (refonte) ». –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, en application de l’article 50-1 de la Constitution, relative à la politique de l’immigration.

La parole est à Mme la Première ministre.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l’immigration est un sujet complexe. Il nous conduit à parler de politiques publiques, mais aussi de notre histoire et de notre conception de la Nation. Il est parfois l’objet de passions, de tensions, voire de fractures.

Pourtant, il est essentiel de pouvoir en débattre sereinement. Je sais, en introduisant ce débat au Sénat, que nous partons sur des fondements solides. La Haute Assemblée a toujours eu à cœur de tenir des débats d’idées et de chercher des solutions communes.

Vous avez aussi, je le sais et j’y reviendrai, travaillé sur la question migratoire, sur ses implications et sur les grands chantiers à mener.

Parler d’immigration, c’est aborder bon nombre de sujets. C’est évoquer les causes profondes des migrations : la pauvreté, le dérèglement climatique et notre indispensable coopération avec les pays d’origine et de transit. C’est parler de nos frontières, de nos procédures et de notre droit. C’est relever le défi de l’intégration.

Dans quelques semaines, le Gouvernement présentera un texte sur notre politique migratoire. Les ministres reviendront dans un instant sur ses principes directeurs.

Comme je l’avais annoncé, ce projet de loi fait l’objet d’une vaste concertation. Le ministre de l’intérieur la conduit avec l’appui de la secrétaire d’État à la citoyenneté. Le ministre du travail s’y est également pleinement engagé.

Le texte doit consolider les avancées de la loi du 10 septembre 2018 pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie et adapter notre droit aux défis actuels de la question migratoire.

Je l’ai dit à l’Assemblée nationale et je le répète devant vous, nous n’avons qu’une boussole : l’efficacité. Nous défendrons un texte équilibré, aux effets utiles et concrets.

Il me semblait donc important, et même essentiel, avant la finalisation du projet de loi, et comme je m’y étais engagée, de venir devant vous pour vous présenter des faits, des orientations, et pour en débattre.

Alors, mesdames, messieurs les sénateurs, commençons par les faits.

Tout d’abord, oui, il existe une immigration légale. Je le dis, car, à entendre certains, on l’oublierait. Cette immigration légale, ce sont des salariés qualifiés ou encore les personnes que les Françaises et les Français ont choisi d’épouser.

J’entends souvent dire que le nombre de titres délivrés a progressé ; c’est juste. La tendance ne date pas d’hier, et elle s’est vérifiée sous des majorités de gauche comme de droite.

Ainsi, en quinze ans, le nombre de titres de séjour délivrés est passé, de façon progressive, de 172 000 en 2007 à 271 000 en 2021.

Mais ne nous trompons pas sur les causes de cette augmentation. Contrairement aux caricatures, l’immigration familiale a baissé sur cette période. S’il y a eu une augmentation, c’est pour trois raisons.

D’abord, notre enseignement supérieur est attractif et, depuis 2017, le nombre d’étudiants que nous accueillons a doublé. C’est une bonne nouvelle : ces étudiants apprennent à parler français, à connaître notre pays et le font rayonner dans le monde.

Ensuite, le nombre de salariés qualifiés et de chercheurs que nous accueillons a augmenté en quinze ans, ce qui a profité à notre économie, à nos entreprises et à notre innovation.

Enfin, l’augmentation du nombre de bénéficiaires de l’asile a été modérée. Nous accueillons chaque année quelque 30 000 personnes menacées dans leur pays.

C’est l’honneur de la France de leur donner leur place.

C’est l’honneur de notre pays d’avoir accueilli 3 000 ressortissants afghans juste après la chute de Kaboul l’an dernier.

C’est l’honneur de la France d’avoir accueilli 108 000 Ukrainiens depuis le 24 février dernier, sous le statut de protection temporaire.

Au nom du Gouvernement, je tiens à remercier l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), les élus locaux, les associations et les employeurs qui les accompagnent au quotidien.

Bien sûr, nous devons donner à toutes les personnes arrivées légalement les moyens d’une intégration digne et complète. Certaines difficultés existent encore, notamment en matière d’insertion professionnelle ; j’y reviendrai.

Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, quels sont les faits concernant l’immigration légale.

Toutefois, le principal enjeu n’est pas tant la situation de ceux à qui nous avons délivré un titre que celle des personnes qui se maintiennent sur notre territoire sans y avoir droit.

Ces personnes ne sont pas éligibles à l’asile ; il leur a souvent été explicitement refusé. Pourtant, le flux de demandes augmente nettement ces dernières années, et celles et ceux à qui nous n’accordons pas la protection restent encore trop fréquemment sur notre territoire.

Souvent victimes de passeurs qui leur promettent un eldorado et mettent en danger leurs vies, la plupart d’entre eux vivent dans la grande précarité, sans disposer du droit à travailler, et sombrent parfois dans la délinquance.

Pour répondre à ce défi, les amateurs de solutions toutes faites sont nombreux.

D’un côté, on trouve les partisans du « y a qu’à, faut qu’on », qui voudraient renvoyer d’un coup d’un seul l’intégralité d’entre eux. Oui, je souhaite que le droit et nos frontières soient respectés. Oui, je souhaite des éloignements rapides et efficaces des personnes en situation irrégulière. Mais non, on ne peut pas prétendre que les choses soient si simples, comme si nous pouvions nous affranchir de l’indispensable coopération des pays d’origine et des règles de l’État de droit.

De l’autre côté, certains appellent à des opérations de régularisation massive. Je le dis tout aussi clairement : il n’en est pas question. Nous ne créerons pas de tel précédent, qui ne réglerait pas les difficultés des personnes concernées, qui donnerait des arguments aux passeurs et qui ne serait ni accepté ni acceptable par les Français.

Pour notre part, nous voulons prendre le sujet à bras-le-corps et proposer des solutions utiles et efficaces.

Je crois que nous pouvons nous retrouver sur une préoccupation commune : éviter que des étrangers ne restent durablement dans une situation indéterminée qui ne serait ni le droit au séjour ni l’éloignement. Aussi voulons-nous clarifier beaucoup plus vite la situation des étrangers arrivés sur notre sol.

D’une part, nous voulons accélérer les procédures d’examen des demandes d’asile et du droit au séjour pour lutter contre les pratiques dilatoires. D’autre part, une fois la situation clarifiée, nous souhaitons éloigner plus rapidement ceux qui doivent l’être.

Quant aux personnes qui ont vocation à rester, nous voulons engager plus tôt les actions pour réussir leur intégration, à commencer par la langue et par l’emploi.

Ces principes sont les grands axes de travail du Gouvernement. Ce sont des objectifs qui, je le crois, peuvent rassembler largement, en particulier au Sénat. Car je sais pouvoir trouver sur ces travées des partenaires pour construire le texte ensemble.

En effet, monsieur le président de la commission des lois, nous partageons les constats que vous avez formulés dans votre rapport d’information et qui faisaient l’objet d’un large consensus parmi l’ensemble des groupes au Sénat. Le projet de loi que présentera le Gouvernement reprendra ou s’inspirera de bon nombre de vos propositions, pour celles qui relèvent du domaine législatif.

Nous en mettrons d’autres en œuvre. Je pense à celles qui concernent l’indispensable amélioration de l’accueil en préfecture et les modalités de recueil et de traitement des demandes de titres de séjour ; j’y reviendrai, et le ministre de l’intérieur également.

Je retiens cette volonté de travail commun, cette volonté de bâtir des solutions au-delà des clivages et des postures. C’est pourquoi, comme pour la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, je vous confirme que le futur projet de loi sera d’abord examiné au Sénat.

Je souhaite ainsi que nous puissions bâtir une majorité solide sur ce texte, en nous appuyant notamment sur l’important travail déjà réalisé par les sénateurs sur ces sujets migratoires.

Mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’a dit le Président de la République, nous devons déployer une action complète, cohérente et efficace, en amont des flux migratoires, et après l’arrivée sur notre territoire.

Nous voulons d’abord prévenir les départs irréguliers, en contribuant, grâce à notre aide publique au développement, à traiter les causes profondes des migrations que sont la pauvreté et, de plus en plus, les effets du dérèglement climatique.

Ensuite, nous devons mieux protéger nos frontières.

Pour y parvenir, notre premier levier d’action est européen. Pendant la présidence française du Conseil de l’Union européenne, nous sommes parvenus à plusieurs avancées autour du pacte sur la migration et l’asile, en particulier pour rendre plus efficaces les contrôles à l’arrivée en Europe et pour renforcer le mécanisme de solidarité pour les États de première entrée, dans le respect du droit maritime.

Nous devons maintenant continuer : nous poussons pour un renforcement des moyens de Frontex et pour une réforme de l’espace Schengen. Nous voulons également consolider le système d’asile européen. De plus, c’est aussi à l’échelle européenne que nous lutterons plus efficacement contre les réseaux de passeurs.

Le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin, la ministre de l’Europe et des affaires étrangères Catherine Colonna et la secrétaire d’État chargée de l’Europe Laurence Boone sont pleinement mobilisés en ce sens.

Le deuxième moyen d’action se situe à l’échelon national, en renforçant le contrôle à nos frontières et en accélérant les procédures.

En novembre 2020, le Président de la République a annoncé le doublement des effectifs à nos frontières. Les résultats sont là : 10 000 refus par mois ont été prononcés en 2021, contre 3 000 au début de 2020, avant le covid.

Ensuite, nous devons accélérer les procédures d’examen des demandes d’asile. Dans ce domaine, des progrès ont été réalisés dans le précédent quinquennat. Les délais de l’Ofpra ont considérablement diminué, mais ceux des procédures contentieuses sont encore trop longs.

Au total, le délai moyen de traitement d’une demande d’asile est encore de l’ordre d’un an. Nous devons donc accélérer et viser un délai global de six mois pour l’ensemble de la procédure.

Nous voulons notamment réformer le contentieux des étrangers. Pour le réduire et le simplifier, nous voulons passer de douze procédures contentieuses à quatre, suivant en cela les recommandations du Conseil d’État et du rapport d’information du président de la commission des lois.

Le ministre de l’intérieur y reviendra. Il travaille avec le ministre de la justice Éric Dupond-Moretti à une réforme de la Cour nationale du droit d’asile.

Enfin, nous voulons éloigner plus systématiquement et plus efficacement les personnes déboutées du droit d’asile.

Aussi devons-nous augmenter nos capacités en centres de rétention administrative (CRA). De plus, nous continuerons à agir dans nos relations bilatérales avec les pays qui refusent de réadmettre leurs propres ressortissants.

Par ailleurs, nous devons nous montrer intraitables avec les étrangers délinquants, même en situation régulière. S’engager dans la délinquance, c’est se placer en dehors de notre communauté nationale ; c’est porter une grave atteinte à notre pacte social et à nos compatriotes ; c’est également nuire à tous les étrangers qui vivent en France et qui construisent paisiblement des parcours d’intégration réussis, dont on ne parle pas.

Grâce à l’action déterminée du ministre de l’intérieur et des préfets, plus de 3 000 étrangers auteurs de troubles à l’ordre public ont été éloignés en 2021 et 2022.

Enfin, sous le contrôle du juge, et dans le respect de nos engagements conventionnels, des mesures d’expulsion doivent désormais pouvoir être prises contre les étrangers qui commettent des infractions graves, quelle que soit leur situation.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je le disais, nous portons une vision équilibrée. Si nous voulons que ceux qui ne doivent pas rester partent, c’est aussi pour pouvoir mieux intégrer ceux que nous accueillons.

Cela passe d’abord par une refonte en profondeur de l’accueil en préfecture pour les démarches de renouvellement des titres des étrangers en situation régulière. Nous devons éviter les pertes de droits, notamment d’emploi, que peuvent connaître certaines personnes faute d’accès au guichet.

Pour les demandeurs d’asile, nous devons aussi continuer à renforcer nos capacités d’hébergement. En cinq ans, nous les avons déjà augmentées de plus de 36 000 places.

Enfin, le pivot de notre politique d’intégration, c’est le travail.

Dans un pays dont le taux de chômage est de 7, 3 %, nous devons d’abord chercher à pourvoir les postes vacants en proposant ces emplois à nos ressortissants et aux personnes en situation régulière. Le taux d’emploi des immigrés en France étant plus faible de neuf points que celui de l’ensemble de la population, nous devons travailler à réduire cet écart.

Ensuite, si les employeurs ne sont pas parvenus à trouver la main-d’œuvre dont ils ont besoin, ils peuvent la faire venir de manière légale. En effet, un employeur peut toujours solliciter une autorisation de travail s’il démontre qu’il n’a pas pu pourvoir le poste en déposant une offre auprès de Pôle emploi.

Pour certains métiers particulièrement en tension, l’employeur est même dispensé de cette justification. Nous avons simplifié ces dispositifs en 2019 pour mieux répondre aux besoins.

Par ailleurs, la question de la régularisation peut se poser pour des personnes en situation irrégulière présentes sur notre sol depuis des années et qui travaillent depuis longtemps.

Ce sujet mérite mieux que des caricatures. Il ne s’agit en aucun cas de procéder à une régularisation massive, ni de laisser penser que la régularisation serait la réponse aux tensions sur le marché du travail. Il s’agit de régulariser certaines personnes qui, si elles contribuent depuis longtemps à la richesse nationale, subissent parfois des conditions de travail indignes et restent enfermées dans un statut précaire. Le ministre du travail Olivier Dussopt y reviendra plus en détail.

Enfin, s’intégrer, c’est parler la langue de la République. Alors que nous proposons des cours de langue dès l’arrivée sur le territoire, nous souhaitons qu’un niveau minimal de français soit désormais imposé pour obtenir des titres de séjour de plus d’un an.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai tracé devant vous les grands principes de notre action. Elle est fondée sur la volonté d’équilibre et la recherche d’efficacité : agir d’abord sur les causes profondes de l’immigration, en lien avec les pays d’origine et de transit ; assurer ensuite le respect de nos frontières et de notre droit, par des procédures plus rapides et des mesures d’éloignement mieux appliquées ; donner enfin à celles et ceux que nous accueillons les moyens d’une intégration pleine, entière et réussie.

En effet, l’intégration est bien la finalité de toute notre politique migratoire.

Autour de ces principes, je suis et je reste convaincue que nous pouvons construire des réponses ensemble. Je sais que le Sénat, fidèle à sa volonté de dialogue et d’action, y prendra avec nous toute sa part.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est un honneur de pouvoir dire quelques mots après Mme la Première ministre dans ce débat portant sur la politique migratoire de notre pays, alors qu’un projet de loi sera examiné en premier lieu par la Haute Assemblée.

Ce texte, que je défendrai en lien parfait avec M. le garde des sceaux, prévoit quatre thèmes : la fermeté, la simplification, l’intégration et le travail ; je laisserai évidemment le ministre du travail développer le quatrième.

Le premier thème est la fermeté. Comme l’a dit le Président de la République dans sa campagne électorale, comme la Haute Assemblée l’a déjà réclamé et comme la Première ministre vient de le signifier, nous avons actuellement trop de difficultés à expulser des personnes sur notre sol dont nous ne voulons plus et qui commettent des actes délictuels graves, criminels ou qui sont fichés par nos services de renseignement.

Ces difficultés sont causées non pas par la jurisprudence des tribunaux ni par les engagements constitutionnels ou conventionnels de notre pays, mais par les règles que nous avons nous-mêmes fixées dans les années 2000, dans un contexte qui n’était pas celui que nous connaissons aujourd’hui.

Aussi s’agit-il de mettre dans la loi de la République la fin des réserves d’ordre public, c’est-à-dire la fin de la fin de la double peine, qui empêche le ministre de l’intérieur et les préfets d’expulser du territoire national toute personne ayant commis des actes graves. Je parle de personnes condamnées de façon définitive par les tribunaux à plus de cinq ans de prison pour des actes qui relèvent souvent des crimes : violences envers des femmes, des enfants ou des personnes dépositaires de l’autorité publique, trafics de stupéfiants, etc.

Aujourd’hui, il existe sept réserves d’ordre public ; nous proposons de n’en conserver qu’une, conformément à l’engagement international que nous avons défendu s’agissant des mineurs. Il appartient en effet à l’autorité judiciaire de suivre les mineurs qui commettent des actes délictuels ou criminels.

Nous proposons de lever les autres restrictions à l’expulsion des étrangers qui commettent des délits graves ou des actes criminels et d’inscrire dans la loi la possibilité pour le préfet de présenter ces personnes à l’expulsion, en respectant évidemment l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Cet article prévoit un équilibre entre, d’un côté, le respect de la vie privée et familiale et le droit au séjour et, de l’autre, la défense de la sûreté nationale et la préservation de la sécurité publique.

Nous disons que nous ne devons pas nous autocensurer dans la loi et empêcher ces expulsions. Au total, 4 000 expulsions pourraient être prononcées et exécutées chaque année. Or nous n’en sommes qu’à 3 100 depuis deux ans, comme l’a rappelé Mme la Première ministre. Il appartient au juge de confirmer que l’équilibre entre la vie privée et familiale et les impératifs de sécurité nationale est respecté.

Nous proposerons donc au Parlement de supprimer ces réserves d’ordre public et d’effectuer un copier-coller de l’article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

J’évoquerai à présent l’augmentation du nombre de places dans les centres de rétention administrative. Le Gouvernement a accepté, dans le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), un amendement du député Éric Ciotti tendant à augmenter de 3 000 le nombre de ces places. De tels centres sont nécessaires pour expulser plus facilement les étrangers qui commettent des actes de délinquance ou qui sont fichés pour radicalisation.

Les centres de rétention administrative présentent aujourd’hui une spécificité. Selon les dernières estimations, 92 % des personnes qui y sont placées ont un casier judiciaire ou sont suivies par les services de renseignement. Les étrangers en situation irrégulière qui sont sous le coup d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), mais qui ne présentent pas de danger pour nos concitoyens n’y sont plus placés. D’autres formules sont privilégiées, comme l’assignation à résidence.

En tant que ministre de l’intérieur, j’ai aussi demandé que les enfants ne soient progressivement plus placés dans ces centres. C’est désormais le cas, sauf à Mayotte, territoire spécifique s’il en est ; nous en reparlerons au cours du débat.

À la demande de Mme la Première ministre et du Président de la République, nous inscrirons dans le texte que nous vous présenterons l’interdiction de placer des mineurs dans des centres de rétention administrative. Une fois que ce texte aura été voté, l’assignation à résidence sera la règle.

Outre leur aspect carcéral, les centres de rétention administrative ont pour spécificité d’accueillir des publics dangereux pour nos concitoyens, ce qui justifie l’augmentation considérable du nombre de places dans ces centres. En 2022, nous avons augmenté de 450 le nombre de ces places, malgré les contraintes liées au covid, et nous créerons celles qui ont été prévues par le Parlement dans la Lopmi. Celle-ci sera promulguée par le Président de la République dans quelques jours. Les mineurs, je le répète, n’auront plus à connaître ce type de rétention.

J’en viens à mon deuxième thème, les mesures de simplification, qui sont – Mme la Première ministre l’a souligné – inspirées directement du rapport du sénateur Buffet, président de la commission des lois. Celui-ci prévoit en effet de réduire de douze à quatre le nombre de procédures possibles pour contester des actes administratifs pris par les préfets de la République.

Les délais d’attente et les recours suspensifs empêchent notre pays de mener une politique d’immigration digne de ce nom. Nous n’arrivons pas à faire exécuter correctement les lois de la République. Lorsque les tribunaux nous donnent raison au bout d’un an ou deux, les personnes ne sont souvent plus expulsables, notamment parce qu’elles ont désormais une vie privée et familiale sur le sol de la République. Elles ont par exemple eu des enfants.

En revanche, pour ceux que nous accueillons au titre du droit d’asile, un an ou deux, c’est beaucoup trop long. Il leur faut travailler et s’intégrer pour pouvoir vivre dans le pays qui les accueille.

Nous proposerons donc une modification de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA). Le garde des sceaux reviendra sur cette question. Il s’agit pour nous de territorialiser la CNDA et d’instaurer un juge unique. Nous avons entendu la demande du Conseil d’État et de la CNDA de conserver une instance collégiale pour les arrêts de principe. Le texte que nous présenterons répondra, me semble-t-il, à la demande du Conseil d’État. Mais nous souhaitons, dans un souci d’efficacité et de rapidité, que l’immense majorité des décisions puissent être prises par un juge unique.

Par ailleurs, nous mettrons en place la visioconférence, et nous simplifierons le lien entre le refus de la demande d’asile – 70 % des demandes d’asile sont refusées – et la décision d’obligation de quitter le territoire français. Conformément à l’annonce du Président de la République lors de sa campagne électorale, le refus de la demande d’asile, soit par l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra), soit par la CNDA en cas d’appel, vaudra obligation de quitter le territoire français. Le tribunal administratif aura ensuite quinze jours pour juger l’acte ainsi contesté.

Aujourd’hui, un demandeur d’asile doit attendre entre un an et un an et demi, voire deux ans pour obtenir une réponse. La loi Collomb a permis de réduire les délais de traitement des demandes par l’Ofpra de neuf mois à cinq mois, mais les délais de la CNDA sont malheureusement un peu trop longs, faute de moyens et de simplification, comme nous l’avons déjà dit. Ce que nous voulons, c’est que la demande d’asile complète de n’importe quel demandeur puisse être traitée en moins de neuf mois.

D’autres mesures de simplifications sont prévues. Elles sont très largement inspirées du rapport de François-Noël Buffet, qui, je le crois, a été approuvé à l’unanimité par la commission des lois de votre assemblée.

Le troisième thème sur lequel je souhaite m’attarder est celui de l’intégration. Vous avez voté dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur une augmentation de 25 % des crédits relatifs à l’intégration, soit une hausse de plus de 100 millions d’euros, notamment pour l’apprentissage du français.

Comme l’a rappelé Mme la Première ministre, 25 % des étrangers en situation régulière sur notre sol parlent très mal le français et ont par conséquent beaucoup de mal à s’intégrer. Certes, des cours de français sont obligatoires, mais l’obtention d’un titre de séjour n’est pas conditionnée à la réussite d’un examen sanctionnant cet apprentissage.

Nous proposons donc que l’obtention d’un titre de séjour soit conditionnée à la réussite, et non pas simplement au passage, d’un examen de français et à l’adhésion aux valeurs de la République, conformément à ce que nous avons prévu dans la loi confortant le respect des principes de la République. En cas d’échec à cet examen, qui concernerait 270 000 personnes par an, le titre de séjour ne serait pas délivré, quand bien même il s’agirait d’une immigration familiale.

L’apprentissage du français est évidemment très important. Le ministre du travail reviendra sur le sujet, ainsi que sur les obligations que nous pourrons imposer. De telles dispositions relèvent du domaine réglementaire par le ministère de l’intérieur et demandent une révolution dans l’organisation des préfectures. Ces dernières doivent cesser de vérifier les titres de séjour de personnes qui sont depuis de nombreuses années sur le sol national, qui travaillent et qui n’ont pas de casier judiciaire. Ces titres doivent être délivrés automatiquement.

Il faut par conséquent concentrer le travail de l’intégralité des agents des préfectures d’abord sur les primo-arrivants. Il faut s’assurer que ces personnes parlent bien le français, qu’elles sont désireuses de s’intégrer, qu’elles peuvent avoir accès à un métier qui leur permette de faire vivre leur famille dans des conditions d’intégration acceptables. Le travail des agents doit ensuite être d’améliorer l’exécution des obligations de quitter le territoire français et de retirer leur titre de séjour à toute personne ayant un casier judiciaire.

Depuis la circulaire que j’ai prise à la demande du Président de la République, 92 000 titres de séjour ont été refusés ou retirés à des étrangers qui avaient une difficulté avec les règles de la République. L’étape suivante est de s’assurer que ces étrangers quittent bien le territoire national. Pour cela, il faut que les préfectures cessent d’ennuyer administrativement ceux qui ne posent aucun problème à la République et qu’elles se concentrent plus largement sur ceux qui lui en posent. Je pense que c’est ce que demandent les Français.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l’a souhaité Mme la Première ministre, le Sénat est aujourd’hui réuni pour débattre d’un sujet important, extrêmement complexe, qui peut se résumer au fond en une question simple : comment, et sous quelles conditions, accueillir, sur notre sol français des femmes et des hommes de nationalité étrangère ?

L’immigration, à l’évidence, est un phénomène qu’il faut envisager de façon globale et pragmatique : globale, car la question de l’immigration implique de nombreux périmètres ministériels, comme en témoigne la présence au banc du Gouvernement de plusieurs de mes collègues ; pragmatique, car pour trouver des solutions, il faut se départir de tout dogmatisme, de toute démagogie et, bien sûr, de tout angélisme.

Depuis longtemps, le ministère de la justice travaille avec tous les autres ministères impliqués sur la question de l’immigration et, plus particulièrement, sur les procédures administratives et pénales applicables aux étrangers.

De quoi parlons-nous exactement ?

Il s’agit tout d’abord de réfléchir à une simplification du traitement du contentieux des étrangers. Ce contentieux constitue l’activité principale des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel. Comme le souligne avec acuité le rapport Stahl publié en 2020, sous l’égide du Conseil d’État, il faut avant tout rechercher « une plus grande efficacité des mesures juridictionnelles ».

Cette réflexion rejoint celle du président de la commission des lois, François-Noël Buffet, qui, dans son excellent rapport

Exclamations amusées sur les travées du groupe Les Républicains

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

Fort d’un diagnostic partagé tant par la juridiction administrative que par les parlementaires, le Gouvernement va, comme l’a indiqué mon collègue Gérald Darmanin, ouvrir prochainement le chantier de la réforme du contentieux des étrangers. Il n’y aura évidemment aucune question taboue. Ainsi, la réforme du contentieux de l’asile devra également être mise à l’ordre du jour.

Toutes ces questions sont en débat aujourd’hui et le seront lors de l’examen du projet de loi. Je sais évidemment que vous aurez à cœur de bâtir une procédure à la fois efficace et respectueuse de nos principes.

Pour résumer le propos en une phrase, je dirais ceci : la protection des droits et la protection qu’offre le droit, oui ; l’instrumentalisation du droit et le dilatoire, non !

Le second axe de travail que je vous propose concerne la sphère pénale.

Laissez-moi tout d’abord insister sur un constat que nous faisons lucidement. Oui, il y a des étrangers délinquants. Oui, il y a des étrangers dans nos prisons ; de ce point de vue, nous sommes dans la moyenne européenne.

Debut de section - Permalien
Éric Dupond-Moretti

Mais l’écrasante majorité des personnes que nous accueillons sur notre sol aiment notre pays et en respectent les lois. Je dis cela avec force, car il ne faut pas accepter des amalgames parfois faciles ou des généralisations entre l’immigration et la délinquance.

Pour autant, mesdames, messieurs les sénateurs, je me garderai de tout angélisme, et je souhaite que nous puissions, dans le cadre du projet de loi annoncé, permettre à notre droit pénal d’être plus efficient à l’égard des étrangers qui ne respectent ni nos lois ni notre pacte républicain.

Pour y parvenir, il nous faut réfléchir à un élargissement de la peine d’interdiction du territoire français. Il s’agit aujourd’hui d’une peine complémentaire, prévue pour de nombreuses infractions qui sont les plus graves : crimes contre l’humanité, infractions terroristes ou atteintes volontaires à la vie, par exemple.

Pourquoi ne pas harmoniser les conditions d’interdiction judiciaire du territoire français avec celles des mesures d’expulsion ? N’est-il pas légitime qu’un juge correctionnel puisse protéger notre territoire et nos concitoyens aussi bien qu’un préfet qui décide de l’expulsion d’un étranger délinquant ?

Pourquoi également ne pas explorer l’élargissement du champ infractionnel de cette peine complémentaire, en prenant évidemment toutes les précautions qui s’imposent, car cet élargissement ne pourra pas avoir lieu sans que soient garantis les grands principes de l’État de droit, auxquels nous sommes tous particulièrement attachés ?

Ces pistes sont sérieusement à l’étude.

C’est tout l’enjeu des débats qui vous attendent : être ferme à l’égard des étrangers qui s’affranchissent de nos règles tout en garantissant à chaque femme, à chaque homme qui souhaite s’installer régulièrement sur notre territoire un examen individualisé de sa situation personnelle et familiale.

Mesdames, messieurs les sénateurs, les Français nous regardent. Il est de notre responsabilité collective de nous montrer à la hauteur de leurs attentes bien légitimes.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées des groupes RDSE et UC.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, une politique d’intégration doit naturellement envisager le travail comme un outil essentiel, car il est, selon nous, la seule manière durable pour un étranger arrivant sur notre territoire d’assurer sa subsistance. Par ailleurs, le contexte professionnel facilite grandement l’apprentissage de la langue et de la culture d’un peuple.

La France a, comme de nombreux pays, besoin de talents étrangers. Cela ne signifie aucunement que nous sommes déliés de notre obligation de former et d’accompagner nos compatriotes résidant sur notre territoire ; c’est une priorité dans notre marche vers le plein emploi. Cela signifie simplement que nous devons accompagner cette politique d’un recours subsidiaire au recrutement d’étrangers non communautaires pour faire face à nos besoins en compétences.

En réalité, nous le savons, nous avons déjà des procédures permettant l’introduction de main-d’œuvre étrangère, de talents venus de l’étranger. Nous savons aussi délivrer des titres de séjour à des personnes présentes depuis plusieurs années sur le territoire. Mais nous ne pouvons pas nous soustraire plus longtemps à une analyse lucide de notre système. Force est de constater qu’il est inefficace par plusieurs aspects, injuste par d’autres.

Notre système est inefficace, car il ne permet pas à de nombreux étrangers arrivés régulièrement sur notre territoire de se former et d’être accompagnés, puis d’exercer un emploi. Cela se voit dans les chiffres relatifs à la politique de l’emploi : au premier trimestre 2022, le taux de chômage des personnes étrangères était de 13 %, contre 7, 5 % pour l’ensemble de la population. Ce rapport ne varie ni en période de crise ni en période de croissance.

Nous enfermons dans l’illégalité des étrangers présents depuis longtemps sur notre territoire et travaillant notamment dans des secteurs en tension. Ils sont pourtant essentiels à la prospérité et au développement de notre pays. Ils sont le plus souvent déclarés, ils paient des impôts, des cotisations. Mais leur situation relève parfois de la traite des êtres humains.

L’absence de droit au séjour les rend vulnérables et précaires. Il arrive aussi que des employeurs peu scrupuleux les obligent à travailler parfois plusieurs semaines sans repos ou encore à être hébergés dans des conditions indignes. Ce constat ne vaut évidemment pas généralisation, mais nous savons que de telles situations existent.

Progresser sur le sujet, c’est progresser sur l’ensemble des conditions de travail en supprimant ces situations du pire et en revenant à un socle commun pour l’ensemble des salariés.

Ce constat partagé nous oblige. Nous devons sortir du système perdant-perdant. Il nous incombe de faire plus pour lutter contre le travail illégal et le travail dissimulé.

Des étrangers présents depuis plusieurs années sur le territoire, travaillant depuis plusieurs mois en France et exerçant un métier en tension sont en situation irrégulière, sans porte de sortie. Ils travaillent, s’intègrent, veulent s’intégrer ou sont intégrés. Ils demeurent pourtant sans droit au séjour ni au travail.

Nous souhaitons que ces étrangers puissent obtenir un titre temporaire, pour une année renouvelable. Il faut leur permettre de travailler légalement dans un secteur en tension de main-d’œuvre. Ils pourront ensuite s’insérer dans un parcours plus classique, toujours par le travail et par la langue. Cela s’appelle tout simplement l’intégration. C’est ce que nous voulons promouvoir, comme le ministre de l’intérieur et moi l’avons déjà indiqué.

Certains feignent de penser que nous allons ainsi favoriser le travail des étrangers au détriment des Français. C’est faux par construction. Les secteurs en question ont besoin de main-d’œuvre. Les étrangers dont nous parlons ne prennent le travail de personne. Ils occupent un emploi pour lequel il est bien difficile de recruter. Par ailleurs, nous n’avons pas abandonné l’important effort de formation de l’ensemble des actifs et notre objectif de plein emploi.

L’introduction de ce titre de séjour est d’ailleurs une demande forte de nombreuses entreprises, qui souhaitent pouvoir accompagner la régularisation de celles et ceux qui travaillent pour elles.

Dans ce même état d’esprit, nous avons d’ores et déjà entamé la révision de la liste existante des métiers en tension. Elle comporte quelques incongruités, quelques manques. Les métiers de la restauration y sont par exemple aujourd’hui peu présents, tout comme ceux de la propreté. Cette liste devra donc demain être plus en phase avec la réalité des tensions de recrutement.

Si l’on observe la part des emplois en tension occupés par des étrangers, qu’ils soient en situation régulière ou en situation irrégulière, on ne peut que constater la lenteur et la faiblesse des sanctions infligées.

C’est une certitude, la lutte contre le travail illégal passera par des sanctions applicables plus facilement et plus rapidement.

Il existe aujourd’hui des sanctions pénales, que nous ne prévoyons pas de modifier, car elles sont nécessaires au traitement des situations les plus graves, lorsque sont manifestes l’intentionnalité et la dégradation des conditions de travail.

Il existe aussi des sanctions administratives. Je pense par exemple à la possibilité pour les préfets de fermer un établissement pour une durée maximale de trois mois. C’est une sanction lourde, dont nous devons faciliter l’application.

Il nous faut aussi une sanction administrative calibrée pour être plus systématique, comme une amende de plusieurs milliers d’euros par emploi illégal. Cette sanction n’aurait pas un caractère automatique, mais serait déployée en fonction de l’appréciation d’un certain nombre de critères comme les ressources, les charges, mais aussi, et peut-être surtout, l’intentionnalité, le contexte et la gravité.

Enfin, l’intégration passe à l’évidence par la langue, comme l’a rappelé le ministre de l’intérieur. Or bien des employeurs comptent sur la main-d’œuvre étrangère pour faire tourner leur entreprise. Il ne serait donc pas anormal qu’ils contribuent à la réussite de l’intégration de leurs salariés par la langue.

Nous avons ouvert un dialogue avec les partenaires sociaux pour examiner avec les opérateurs de la formation, par le financement de la formation continue et par la possibilité de libérer des heures sur le temps de travail, la façon dont nous pourrions mettre à contribution les employeurs pour la formation en français de leurs salariés étrangers.

Nous abordons ce débat sans naïveté, en voulant ne plus être les complices passifs d’injustices existantes. En ce qui concerne le travail des étrangers, nous agissons sans naïveté ni idéalisme, mais en faisant preuve de réalisme et avec la volonté de protéger les travailleurs comme les chefs d’entreprise qui n’ont pas d’autre choix.

Applaudissements sur les travées des groupes RDPI et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Acte est donné de la déclaration du Gouvernement.

Dans le débat, la parole est à M. François-Noël Buffet, pour le groupe Les Républicains.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains. – MM. Philippe Bonnecarrère, Alain Richard et François Patriat applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, « il n’existe pas, le pays qui peut accueillir l’ensemble des migrants économiques. Il n’existe pas. […] Nous avons besoin d’améliorer l’intégration dans la République plus vite, mieux. […] Je ne veux plus de femmes et d’hommes dans les rues. Mais partout, dès la première minute, un traitement administratif qui permet de déterminer si on peut aller vers une demande d’asile ou non. Et derrière, une vraie politique de reconduite aux frontières ».

Ces quelques phrases ne sont pas de moi. Certains peut-être s’en souviendront, elles ont été prononcées, il y a déjà cinq ans, par le Président de la République lui-même, à Orléans.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

On pouvait être séduit, il y a cinq ans, par ces propos qui semblaient annoncer une grande ambition pour moderniser notre politique migratoire et même la penser – enfin ! – dans sa globalité. Mais regardons les choses en face : la triste réalité, c’est que notre politique d’immigration, d’asile et d’intégration se trouve aujourd’hui dans l’impasse.

Je vous concède, madame la Première ministre, que cette faillite trouve ses racines dans les errements du quinquennat de M. Hollande, dont vous avez en partie hérité.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Toutefois, force est de constater que, cinq ans après le discours d’Orléans, le Gouvernement n’a pu se donner les moyens de redresser totalement la barre.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Nous avons tout d’abord renoncé à la maîtrise de l’immigration légale, dont chacun sait qu’elle nourrit pour partie l’immigration irrégulière.

Pour la seule année 2021, à en croire les chiffres publiés en juin 2022 par le ministère de l’intérieur, 270 000 premiers titres de séjour ont été délivrés en France métropolitaine, soit 100 000 de plus qu’en 2011. Le nombre de titres valides a lui augmenté d’un million, pour atteindre aujourd’hui un total de 3, 4 millions.

L’ampleur de ces chiffres et de leur évolution parle d’elle-même. Certains sur ces travées soutiendront que l’immigration est une chance pour les pays européens. Sans doute ! Mais à condition qu’elle soit un apport pour le pays d’accueil, et non une charge.

Or, comme le souligne l’OCDE, l’Organisation de coopération et de développement économiques, la contribution de l’immigration à la société et à l’économie d’un pays, quel qu’il soit, est étroitement liée au niveau de qualification des arrivants. Et celui-ci est bien moindre en France que chez nos voisins européens.

Quant à l’intégration, elle ne peut véritablement advenir qu’avec la maîtrise de notre langue et le respect des principes et des valeurs qui font notre nation. Or, vous l’avez souligné vous-même la semaine dernière, monsieur le ministre de l’intérieur, un quart des étrangers en situation régulière parlent ou écrivent très mal le français.

En ce qui concerne l’immigration irrégulière, nous allons d’échec en échec, avec tout d’abord une maîtrise très insuffisante de nos frontières – c’est un euphémisme ! – à l’échelle européenne.

En 2006, le Gouvernement estimait, ici même, qu’entre 200 000 et 400 000 clandestins étaient présents sur le territoire national. Devant la commission des lois, le 2 novembre dernier, vous avez, monsieur le ministre de l’intérieur, indiqué qu’ils étaient aujourd’hui de 600 000 à 900 000. En quinze ans, leur nombre a donc été multiplié au moins par deux.

La potion est encore plus amère pour ce qui concerne l’éloignement. Selon les chiffres transmis par le ministère, le taux d’exécution des OQTF au premier semestre de 2022 s’établit au niveau famélique de 6, 9 %. On peut toujours discuter de la pertinence de ce taux comme indicateur, mais c’est un fait qu’il a été divisé par trois en dix ans, puisque nous exécutions encore 22 % des OQTF en 2012, soit trois fois plus qu’aujourd’hui.

Il y a du mieux du côté de l’asile, mais nous sommes encore loin du compte. Avec un délai moyen d’examen des demandes d’un peu plus de 330 jours, l’objectif de six mois fixé en 2017 est hors de portée à moyen terme. C’est d’autant plus regrettable que nous renouons avec les nombres exceptionnels de demandes d’avant la pandémie. Nous devrions même dépasser l’année prochaine le record de 2019, puisque 135 000 demandes sont attendues.

Je ne dresse ce tableau ni par malice ni par fatalisme. Se laisser aller à l’une ou à l’autre, ce serait renoncer à chercher des solutions et se réfugier dans des postures stériles. Ce serait alimenter chez nos concitoyens des peurs qui n’ont pas lieu d’être. Ce serait, surtout, ouvrir grand la porte aux extrêmes.

Vous l’avez dit à l’Assemblée nationale la semaine dernière, madame la Première ministre : si nous voulons débattre sérieusement de la politique migratoire, nous devons nous astreindre à un langage de vérité.

Cela implique de nous appuyer sur des données partagées et indiscutables, pour dresser le constat lucide d’une immigration qui n’est pas maîtrisée et d’une politique publique qui a perdu tout son sens. Un langage de vérité nous permettra d’énoncer clairement les objectifs à atteindre et de dénoncer les postures : l’immigration zéro est une chimère ; l’accueil au fil de l’eau est une folie.

Ce qui nous fait aujourd’hui cruellement défaut, c’est une réelle stratégie. Faute d’anticipation et faute de volonté clairement exprimée, nous ne faisons que subir les soubresauts des flux migratoires. Nous avons été dépassés par l’intensité des flux migratoires en 2015, nous le sommes encore aujourd’hui avec la reprise qui succède à l’épidémie de covid. Et nous venons de vivre un épisode particulier avec l’Ocean Viking, notamment de par la complexité des procédures suivies.

Ce n’est pourtant pas un gros mot que de dire que, comme pour tout État souverain, c’est à nous qu’il revient de décider qui nous accueillons sur notre territoire et qui n’y a pas sa place.

Pour nous, il y a trois principes à suivre. Tout d’abord, nous voulons une immigration régulière choisie, prioritairement économique et qui trouvera d’autant plus sa place dans notre société qu’elle y contribuera pleinement. Puis, il faut de l’intransigeance dans la lutte contre l’immigration irrégulière. Enfin, l’efficacité de la procédure d’asile doit être accrue. Tels sont les trois piliers sur lesquels doit reposer notre stratégie migratoire.

Cette stratégie, c’est celle que défend le Sénat, ou du moins sa majorité, depuis de nombreuses années. C’était le sens des propositions que nous avions portées en 2018 lors de l’examen de la loi pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie, dont une partie a été balayée d’un revers de main par le gouvernement de l’époque.

C’est donc avec satisfaction que j’observe plus qu’une inflexion de la part du Gouvernement, qui envisage désormais de reprendre plusieurs de nos propositions dans le texte qui devrait être examiné en mars prochain par le Sénat en première lecture, ce dont nous vous remercions. Certaines pistes du Gouvernement peuvent être intéressantes, d’autres sont moins acceptables. J’y reviendrai.

Monsieur le ministre de l’intérieur, vous rappelez régulièrement vous être inspiré pour la rédaction de votre texte du rapport Services de l ’ État et immigration : retrouver sens et efficacité, que j’ai rédigé en mai dernier. C’est un bon début !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de François-Noël Buffet

Néanmoins, pour éviter tout malentendu, et comme l’on n’est jamais mieux servi que par soi-même, je vais vous faire des propositions très concrètes, qui sont ancrées dans les positions constamment soutenues par le Sénat depuis plus de dix ans et qui visent à doter la France d’une stratégie migratoire réellement ambitieuse et efficace.

Madame la Première ministre, vous avez déploré la semaine dernière devant l’Assemblée nationale le manque de propositions. Les nôtres seront sur la table. Permettez-moi de vous en présenter les grandes lignes.

La priorité est de retrouver notre souveraineté en matière d’immigration régulière. C’est à nous de décider qui accueillir sur le territoire, en assumant de prioriser l’immigration économique. Or celle-ci représentait à peine 13 % des premiers titres de séjour délivrés en 2021. C’est au Parlement qu’il revient de fixer ces orientations annuelles, avec, disons-le franchement, un débat sur des quotas ou, à tout le moins, la détermination de grandes directions.

Recouvrer notre souveraineté, c’est aussi assumer de restreindre les voies d’accès au séjour. Je pense à la procédure « étranger malade », pour laquelle il est urgent de revenir au critère de l’absence de soins dans le pays d’origine. Rien que pour 2021, nous avons reçu 5 000 demandes émanant de pays du G20, qui disposent pourtant de systèmes de soins développés !

Je pense aussi au regroupement familial, pour lequel nous proposons de resserrer les critères, naturellement dans le respect du droit européen.

Avoir une politique d’immigration régulière cohérente, c’est aussi mieux traiter ceux que nous acceptons sur notre territoire. Je ne reviens pas sur les situations ubuesques suscitées par les difficultés d’accès aux guichets des préfectures pour obtenir ou renouveler un titre de séjour.

La solution est pourtant là, dans une refonte des pratiques d’instruction autour d’une logique dite « à 360 degrés », où l’on examinerait dès la première demande, et une fois pour toutes, l’ensemble des motifs qui pourraient fonder la délivrance d’un titre de séjour. L’expérimentation conduite par le Gouvernement à la préfecture d’Angers est une très bonne démarche.

Mieux traiter les étrangers en situation régulière demande également de muscler notre dispositif d’intégration. Vous proposez, monsieur le ministre, d’augmenter le volume d’heures de français. C’est une bonne idée.

La contrepartie, c’est le renforcement des devoirs de l’étranger. Vous avez repris la proposition du Sénat, qui suggérait de conditionner la délivrance des titres de séjour de longue durée à la réussite d’un examen de langue. Fort bien ! Nous estimons nécessaire d’aller encore plus loin et de la conditionner également au passage d’un examen civique, par lequel l’étranger démontrerait sa bonne appropriation de nos valeurs, de l’histoire et de la culture de la France.

Passer d’une logique de moyens à une logique de résultats, c’est la vraie révolution pour le contrat d’intégration républicaine. Cette appropriation des valeurs républicaines n’est pas négociable, et l’obtention d’un titre de séjour n’est pas un blanc-seing : elle vient avec des responsabilités. À cet égard, nous aurons des difficultés à vous suivre dans votre idée d’automaticité du renouvellement des titres pluriannuels. Mais nous attendons de voir ce que vous proposerez exactement.

La deuxième priorité est de fluidifier le traitement des demandes d’asile et de lutter plus efficacement contre le détournement de notre politique d’accueil.

Il est crucial de faciliter l’instruction des demandes de protection internationale, en permettant notamment à l’Ofpra de statuer plus rapidement sur les dossiers les moins problématiques, par exemple en cas de retrait de la demande ou d’abandon du lieu d’hébergement, mais aussi en lui imposant de refuser l’asile en cas de menace pour l’ordre public.

Ainsi, l’Office pourra concentrer son expertise sur les dossiers les plus complexes. Je tiens en tout cas à saluer à cette tribune l’excellent travail des agents de l’Ofpra.

Enfin, nous devons faire de la lutte contre l’immigration irrégulière une priorité nationale et agir, enfin, pour la mise en œuvre des décisions d’éloignement.

Prévenir l’immigration irrégulière, c’est d’abord assumer d’établir un rapport de force avec les États d’origine. Le Sénat avait voté en 2018 une disposition autorisant les restrictions de visas à l’égard des pays délivrant peu de laissez-passer consulaires. Le Gouvernement ne l’avait pas retenue. Il s’y est finalement résolu et, là encore, cela a produit quelques résultats, puisque le nombre de retours forcés vers l’Algérie, nombre certes modeste en valeur absolue, a tout de même été multiplié par seize en moins d’un an.

La montée en puissance de la lutte contre l’immigration clandestine ne se fera pas non plus sans réforme de l’aide médicale de l’État (AME). Avec 400 000 bénéficiaires et un coût supérieur à un milliard d’euros, celle-ci atteint des sommets. Nous ne pouvons pas nous satisfaire des derniers ajustements paramétriques ; c’est d’une réforme structurelle dont nous avons besoin.

Là encore, le Sénat défend de longue date le remplacement de l’AME par une aide médicale d’urgence, centrée sur la prise en charge des pathologies les plus graves. L’AME se justifie pour des raisons de santé publique, madame la Première ministre, mais on ne peut se dissimuler qu’elle constitue aussi, parfois, une incitation à l’immigration irrégulière.

Il en va de même du projet de titre de séjour « métiers en tension », qui est au fond une opération de régularisation qui n’ose pas dire son nom. Soyons clairs, en effet : qu’est-ce que l’attribution d’un titre de séjour à une personne en situation irrégulière sinon une régularisation ?

La problématique est réelle, pourtant, et nous ne pouvons nier que nombre de métiers, parfois indispensables, sont exercés en majorité par des étrangers. Nous pouvons en débattre.

La solution passe-t-elle pour autant par des régularisations massives, sans aucun ciblage, qui risquent de créer un nouvel appel d’air ? Non. Si nous y procédons, cela fera les affaires des filières criminelles qui industrialisent le passage des clandestins et jouent avec leurs vies. Il faudra donc des critères précis et des conditions, qui devront être précisées par la loi. La problématique est réelle, je le répète, et nous devons absolument dire les choses telles qu’elles sont, et non telles que nous aimerions qu’elles soient.

Je formulerai la même remarque s’agissant de la réforme du contentieux. Nous le savons tous, le droit des étrangers est d’une complexité qui frôle l’absurde. Il suffit de voir la taille du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda)… C’est une charge pour les magistrats chargés de l’appliquer, une source d’insécurité juridique pour les justiciables et une aubaine pour les clandestins cherchant à se soustraire à l’éloignement.

Le Gouvernement a souhaité réduire à quatre le nombre de procédures contentieuses. Nous vous proposons de descendre jusqu’à trois. Nous aurons à en discuter.

Madame la Première ministre, ce n’est pas en masquant les problèmes que l’on va les oublier, ce n’est pas en les nommant que l’on va les aggraver, mais c’est certainement avec des propositions concrètes que l’on va les résoudre. Cela tombe bien, nous n’en manquons pas ! Celles que je vous ai exposées, et bien d’autres encore, figureront parmi nos propositions.

Nous avons adopté vingt et une lois sur l’immigration en trente ans, ce qui fait une moyenne d’une loi tous les seize mois. Je vous propose que nous prenions l’engagement de doter notre pays d’une vraie stratégie. Le groupe Les Républicains y est prêt.

Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et INDEP. – MM. Philippe Bonnecarrère et Jean-Baptiste Lemoyne applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain.

Applaudissements sur les travées des groupes SER et CRCE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’asile est un droit. C’est un engagement conventionnel et c’est une part de notre identité constitutionnelle.

L’immigration, c’est autre chose. C’est une politique qu’il convient de mener en respectant nos principes, mais aussi, au mieux, les intérêts de notre pays. Avant 2018, jamais ces deux sujets n’avaient été abordés dans les mêmes lois. Ce sont en effet deux sujets distincts. Malheureusement, nous devons désormais les aborder ensemble.

Sur la question de l’immigration, les Français semblent relativement « fermés » lorsqu’on les interroge, mais ils sont fondamentalement ouverts et généreux dès lors qu’ils font face à des situations concrètes. Surtout, ils sont attachés à notre tradition d’accueil et d’asile.

La France est restée relativement à l’écart des grands mouvements de demande de protection, que ce soit au moment de la crise syrienne ou, actuellement, avec la crise ukrainienne, puisque nous ne sommes pas le pays qui a accueilli le plus d’Ukrainiens. Par ailleurs, nous délivrons relativement peu de premiers titres de séjour chaque année, si l’on nous compare à des pays similaires.

On entend souvent que l’immigration augmente de manière exponentielle. Mais, au début du XXe siècle, 5 % de la population mondiale était migrante. Aujourd’hui, c’est moins de 3, 5 %. Quant à l’immigration familiale, ce n’est pas open bar en France : il faut totaliser dix-huit mois de présence sur le territoire et remplir des conditions précises de ressources et de logement.

Madame, la Première ministre, sur ce sujet, votre gouvernement mène une politique de désordre et d’affichage.

Désordre, car, avec des préfectures dysfonctionnelles, où il est impossible de prendre rendez-vous, des personnes en situation régulière passent en situation irrégulière, parce qu’elles ne peuvent pas faire renouveler leurs documents. La moitié de la justice administrative est mobilisée par ces dysfonctionnements, qui coûtent à l’État. Et vous nous annoncez un renouvellement automatique, monsieur le ministre de l’intérieur. Comment cela va-t-il fonctionner réellement ?

Désordre aussi puisque, alors que vous êtes ministre de l’intérieur depuis deux ans, rien n’a été fait pour régler la question des personnes qui ne sont ni expulsables ni régularisables. Il faut absolument procéder à un examen à 360 degrés de l’ensemble des situations. Et pour cela, il faut du personnel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Désordre lorsque, d’une préfecture à l’autre, nous ne traitons pas de la même manière les demandes d’admission exceptionnelle au séjour, quand bien même elles sont examinées.

Désordre lorsque, pour des raisons d’affichage, monsieur le ministre de l’intérieur, vous exigez des préfets plus d’OQTF.

Au lieu de vous concentrer en priorité sur les personnes qui risquent réellement de menacer l’ordre public, vous visez toutes celles qui sont inscrites au fichier TAJ (traitement d’antécédents judiciaires). À vouloir absolument faire du chiffre, vous ne faites pas correctement l’essentiel : vous instrumentalisez les « dublinés », mais ils reviennent une semaine plus tard…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Dans ces conditions, comment voulez-vous que les personnels de la police aux frontières (PAF) ne perdent pas le sens de leur action ?

Vous fixez l’objectif de centres de rétention administratifs (CRA) remplis à 90 %. Mais des CRA qui fonctionnent, monsieur le ministre de l’intérieur, ce sont des CRA où les personnes retenues peuvent être éloignées !

Désordre aussi lorsque vous appelez, dans le prolongement du rapport Stahl, à simplifier le droit des étrangers – nous souscrivons à cet objectif –, mais que vous voulez lier dans le même temps refus de protection par l’Ofpra et OQTF. Monsieur le ministre, si nous respectons toujours la convention de Genève, cet acte administratif n’aura d’OQTF que le nom !

Désordre enfin lorsque ces défaillances de l’État nuisent à l’intégration, qu’elles conduisent les personnes à s’appuyer sur leur communauté plutôt que sur les services publics et qu’elles font peser le devoir d’humanité sur les collectivités locales et les associations.

Monsieur le ministre, j’en termine ici avec les choses désagréables. §Devant les députés, vous affirmiez que les personnes de moins de 16 ans ne seraient plus placées en CRA. Dans cet hémicycle, vous venez de préciser que cette mesure vaudrait pour tous les mineurs. Je salue l’évolution positive de votre discours en l’espace d’une semaine…

Par ailleurs, pour la première fois depuis longtemps, ces questions ne sont pas exclusivement traitées par le ministère de l’intérieur. Je m’en réjouis également, car une intégration réussie – vous l’avez rappelé, madame la Première ministre, messieurs les ministres – passe avant tout par le travail et l’école ; c’est une réalité historique en France.

Si l’on examine les deux plus grands mouvements actuels de population, du Venezuela vers la Colombie et de l’Ukraine vers l’Union européenne, on constate que les migrants ont immédiatement un statut et le droit de travailler. C’est la meilleure façon de procéder. Le droit au travail permet en effet d’éviter le dumping social et d’en finir avec cet esclavage moderne dont nous sommes témoins chaque jour dans des domaines essentiels de la vie.

Madame la Première ministre, vous pouvez faire beaucoup plus que ce qui a été fait au cours des dernières années, sans changer la loi. Les marges de manœuvre sont importantes.

Tout d’abord, depuis 2008, la liste des métiers en tension n’a bougé qu’une fois, en 2021.

Ensuite, la situation choquante des jeunes apprentis en situation irrégulière n’est pas mieux résolue aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a quelques années.

Enfin, quels moyens nouveaux accorderez-vous aux préfectures pour qu’elles puissent traduire en actes vos annonces et réellement changer la donne ? Le titre de séjour « métiers en tension » s’adressera-t-il à de nouveaux arrivants ou permettra-t-il d’ouvrir un droit au séjour à des personnes déjà engagées dans ces activités ?

Le refus de la présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes, qui rend insoluble la situation de milliers de clandestins participant à notre économie, sera-t-il maintenu ?

Mes chers collègues, la France fait partie de l’espace Schengen. Voilà quelques années, une commission d’enquête du Sénat a rappelé l’intérêt et l’utilité de cet espace de libre circulation, dès lors qu’il y avait entre les pays des échanges d’informations solides, de la confiance et une surveillance sérieuse des frontières extérieures.

Entre 2012 et 2017, nous avons réformé l’interopérabilité des systèmes, mis en place l’enregistrement des dossiers passagers (PNR), lancé le projet d’information et d’autorisation concernant les voyages (Etias, en anglais European Travel Information and Authorization System) et renforcé le mandat de Frontex. Sur ces questions, l’Europe est non pas un problème, mais une solution, le pacte sur la migration et l’asile ayant vocation à renforcer encore la cohérence de cette action.

Nous l’avons vu l’an dernier à la frontière des pays baltes et de la Pologne avec la Biélorussie : des situations imprévues peuvent se produire, auxquelles il convient de répondre de façon solidaire entre pays européens. Cela oblige toutefois chaque pays à respecter le droit européen. L’Italie doit respecter le droit de la mer, mais la France doit aussi respecter le principe européen de libre circulation.

La Cour de justice de l’Union européenne a rappelé que l’on ne pouvait pas rétablir des contrôles systématiques aux frontières intérieures de l’Union.

M. le ministre de l ’ intérieur et des outre-mer s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Vous ne voulez pas l’entendre, monsieur le ministre de l’intérieur, mais la Cour l’a pourtant effectivement rappelé à l’Autriche !

La politique de visas mise en œuvre depuis quelques mois se caractérise par des délais incroyables, des refus arbitraires et des projets de vie détruits. Elle brise progressivement les liens historiques que nous avons avec les pays du sud de la Méditerranée. Ce n’est plus Paris, mais Istanbul, Dubaï et même parfois Moscou qui font référence aux yeux de beaucoup. Hélas, nous n’avons qu’à nous en prendre à nous-mêmes, car c’est le résultat de votre politique, monsieur le ministre de l’intérieur.

Dans de très nombreux pays, les communautés d’affaires se plaignent de contrats qui ne peuvent plus être conclus, de visites qui ne peuvent plus avoir lieu. Cela doit cesser !

Plus de 17 000 morts en Méditerranée au cours des six dernières années, des milliers d’enfants disparus sur la route des Balkans : madame la Première ministre, monsieur le ministre, cela doit cesser également ! La lutte contre les passeurs n’est pas compatible avec le financement de structures étrangères opaques au jeu trouble, telles que les gardes-frontières libyens.

Il peut être nécessaire d’obtenir des laissez-passer consulaires, mais pas uniquement par des coups de menton. Les démarches entreprises auprès des pays d’origine et de transit doivent aussi accorder une place significative aux politiques de mobilité légale.

Je terminerai par la politique d’asile, absolument essentielle, qui se situe au cœur de notre identité depuis la Révolution.

Les personnes qui méritent d’être protégées viennent sur notre sol après avoir vécu des chocs terribles ; elles ne sont donc pas en mesure de préparer correctement leur récit en l’espace de quelques jours. Monsieur le ministre, vous annoncez la création d’un guichet France asile. Très bien, mais les personnes qui présentent une demande auront-elles le temps de se préparer ?

Quant au projet de réforme de la CNDA, nous refusons le juge unique systématique et nous ne voulons pas que le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) en soit exclu.

Il faut selon nous avancer vers une reconnaissance européenne de l’instruction des demandes d’asile, qui doit passer à terme par la création d’une Cour européenne du droit d’asile.

Enfin, il est essentiel qu’aucune minute ne soit perdue pour reconnaître à une personne qui demande l’asile le droit au travail, à la formation et à l’apprentissage de la langue, en d’autres termes la possibilité d’être autonome le plus vite possible.

Il y aurait encore beaucoup à dire sur les problématiques liées à l’outre-mer. Mais si nous sommes une République, il n’y a qu’un seul territoire, sur lequel s’applique une seule loi. La situation à Mayotte est très complexe, mais il est inacceptable qu’un titre de séjour délivré dans ce département ne donne pas le droit de voyager dans l’Hexagone. Toutes les larmes versées sur Mayotte ne sont qu’hypocrisie si les étrangers qui se trouvent là-bas en situation régulière ne peuvent pas tous circuler librement en France.

Une politique humaine, cohérente et résolue, profondément européenne : telle est la voie qui nous permettra de reprendre confiance, de corriger nos erreurs et de recouvrer une capacité d’intégrer celles et ceux qui, venant se réfugier, travailler et étudier en France, contribuent à l’édification de notre pays. C’est en effet grâce à la diversité de ces apports que nous nous sommes construits.

Faisons preuve de volonté et de courage, ayons confiance en notre histoire, nos principes et nos valeurs, donnons confiance à l’Europe et continuons sur ce chemin !

Applaudissements sur les travées des groupes SER et GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour le groupe Union Centriste.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, l’immigration met en tension la souveraineté qui fonde l’État et la citoyenneté qui fonde la Nation. Avec mes collègues centristes, je souhaite présenter nos propositions, lesquelles seront nécessairement exposées de façon cursive, au regard du délai qui m’est imparti – je vous prie par avance de bien vouloir m’en excuser.

Nous ne partageons pas l’idée suivant laquelle l’action de l’exécutif serait empêchée ou interdite par l’État de droit. Les deux nous semblent compatibles, et c’est pourquoi nous ne formulerons aucune proposition de nature constitutionnelle.

Le premier niveau de solution est européen. La révision du « paquet asile » est un échec, probablement durable. Relevons toutefois quelques avancées avec la montée en puissance de Frontex et la création de l’Agence de l’Union européenne pour l’asile, qui vise à harmoniser les politiques, en particulier la liste des pays dits « sûrs ».

Nous proposons une reconnaissance mutuelle des décisions de rejet d’une demande d’asile, afin d’éviter les migrations dites « de rebond ». Si cet objectif n’est pas atteignable à 27, il pourrait l’être par une coopération renforcée à 9 États ou par des accords bilatéraux.

Nous souhaitons aussi l’entrée en vigueur effective en 2023 du système d’entrée-sortie, dit EES, enfin robuste, avec la précision que, en cas de refus de se soumettre au relevé d’empreintes, l’intéressé se verrait refuser l’accès au territoire européen.

Pour revenir en France, la première voie d’immigration est familiale, au titre du droit à la vie privée. Nous formulons à cet égard deux propositions.

Nous suggérons, premièrement, de porter de dix-huit à vingt-quatre mois le délai de présence régulière sur le territoire à partir duquel pourrait être faite la demande de rapprochement. Il s’agit du délai plafond fixé par la directive de 2003.

Nous proposons, deuxièmement, d’explorer les mesures conditionnelles visées par cette même directive, à savoir le fait pour la personne faisant l’objet de la demande de rapprochement de disposer de ressources suffisantes et d’un logement, de respecter l’ordre public et de se conformer aux mesures dites « d’intégration ».

Chaque mot a son importance. Nous pensons en particulier à la maîtrise préalable de la langue française au titre du contrat d’intégration ou à la connaissance de la culture française, évoquée précédemment à juste titre par notre collègue François-Noël Buffet.

Si nous mettons à part les visas étudiants, qui ne semblent pas faire de difficultés, la deuxième voie d’immigration est celle des permis de séjour. Votre proposition majeure, madame la Première ministre, messieurs les ministres, porte sur un permis de séjour pour les métiers en tension. Nous serions favorables à de tels permis, mais seulement pour des métiers en tension qualifiés.

Chacun est conscient en effet de cette vieille pratique française tendant à confier les métiers que nos concitoyens ne souhaitent pas assurer à des étrangers, à bas prix.

Or, avec un tel système, rien ne changera, car il crée des trappes à bas salaires assurées. Ces métiers ne seront jamais attractifs financièrement pour nos concitoyens, ils ne monteront ni en qualification ni en gamme et ne feront l’objet d’aucun investissement d’automatisation.

Par ailleurs, les bas salaires entraînent des problèmes de logement et la nécessité de faire appel aux autres ressortissants du pays d’origine. Et nous voilà repartis vers du communautarisme…

Mes chers collègues, l’idée d’une main-d’œuvre immigrée bon marché, sans cesse renouvelée, est nuisible à notre pays.

M. Sébastien Meurant applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bonnecarrere

Notre proposition serait donc de vous suivre, madame la Première ministre, messieurs les ministres, à condition que le salaire versé soit égal ou supérieur à la moyenne des salaires payés dans notre pays, ou a minima dans la branche concernée. Cette condition nous semblerait aussi le gage d’une bonne intégration.

Notre groupe est également favorable à un débat annuel ou biennal sur les objectifs en matière de permis de séjour. À notre sens, une telle proposition ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel. Les Français ont leur mot à dire, et c’est la responsabilité de la représentation nationale – votre responsabilité, mes chers collègues – que de l’exprimer.

Nous vous suivons aussi sur la conditionnalité des visas, voire de l’aide au développement.

En ce qui concerne la demande d’asile, nous serions ouverts à la possibilité pour le demandeur de travailler sans attendre un délai de six mois, ce qui est aussi une manière de jauger de la capacité de l’intéressé à s’intégrer, même si l’objet de la demande d’asile est différent.

En revanche, nous ne vous suivons pas du tout, monsieur le ministre de l’intérieur, sur votre idée que l’Ofpra et la CNDA pourraient davantage « aller vers ». Pour nous, c’est surtout de la communication…

L’Ofpra a déjà réalisé de gros progrès dans ses délais de traitement, et nous espérons que l’objectif de traitement en soixante jours pourra être respecté. Nous doutons qu’il le soit, néanmoins, si vous commencez à saupoudrer des agents de l’Ofpra dans les préfectures. Les officiers de protection instructeurs sont des spécialistes, dont l’expertise ne peut être fragmentée, sauf à voir l’Office perdre en efficacité.

De même, l’idée d’éclater la CNDA – ou plutôt de la « territorialiser », pour reprendre vos mots, monsieur le ministre de l’intérieur – nous paraît tout aussi improductive. Il est extrêmement difficile de faire coïncider dans la vraie vie tel type de dossiers concernant des ressortissants de tel pays avec la présence de tel interprète et de tel cabinet d’avocats spécialisé dans le traitement des ressortissants dudit pays.

La CNDA est effectivement le maillon faible de la chaîne de l’asile. Nous sommes très loin de l’objectif de cinq mois prévu en procédure classique et de cinq semaines en procédure accélérée.

Vous proposez d’organiser des audiences à juge unique et de systématiser les visio-audiences. Nous sommes réservés sur le premier point, mais très favorables ou second, qui est à notre sens la clé d’un traitement dans des délais raisonnables.

Le Conseil constitutionnel n’a pas conditionné la tenue d’une visio-audience à l’accord du demandeur d’asile, mais c’est pourtant ce qui a été obtenu par les avocats dans un protocole dit « d’expérimentation ». Monsieur le garde des sceaux, la solution à ce problème passe à notre sens par une négociation avec la profession d’avocat.

Nous sommes sceptiques à l’idée d’une OQTF dès le rejet par l’Ofpra. Nous voyons mal quelle pourrait en être l’efficacité pratique – une possibilité de recours subsisterait – et nous préférerions que la décision de rejet par la CNDA soit assortie de plein droit d’une OQTF, sans avoir besoin de saisir l’autorité préfectorale.

En ce qui concerne la dernière catégorie d’immigration, les régularisations de la circulaire Valls, nous rappelons ce qui a déjà été voté par le Sénat, à savoir que la seule condition d’une résidence de plus de cinq ans en France ne devrait pas être la seule condition de la régularisation.

S’agissant de la question de l’éloignement, nous approuvons l’objectif de simplification du contentieux, dans la logique de l’excellent rapport de François-Noël Buffet.

Nous souhaiterions également que soit évaluée la pratique des certificats d’hébergement fournis au soutien des visas de long séjour. Existe-t-il une harmonisation des pratiques dans notre pays ? Quel est le niveau de contrôle ? Sur ce sujet, la participation des collectivités locales est nécessaire.

Nous pensons, madame la Première ministre, mes chers collègues, que cette participation serait aussi utile pour le contrat d’intégration républicain, auquel il nous semble justement manquer une dimension locale pour garantir des résultats.

En ce qui concerne l’aide médicale d’État – un classique au Sénat –, nous sommes peut-être plus réservés que certains de nos collègues quant à l’idée de la modifier une nouvelle fois. Nous pensons que sa limitation aux soins dits « nécessaires » est correcte et qu’il n’y a pas de grande différence entre soins « nécessaires » et « urgents ». Elle est aussi complétée par un délai de carence.

En revanche, nous suggérons, à la suite du président Buffet, de nous pencher sur une procédure méconnue, celle de l’étranger malade, par laquelle notre pays offre une faculté de permis de séjour, avec des accompagnants, quand la possibilité d’apporter des soins satisfaisants n’existe pas dans le pays d’origine.

C’est une exception française, mes chers collègues. Aucun autre pays à travers le monde ne pratique un tel « guichet ouvert », selon les termes figurant dans le rapport de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii). Nous suggérons de conditionner cette procédure à une convention préalable entre le système social français et celui du pays d’origine.

Nous sommes également ouverts à la proposition bien connue de François-Noël Buffet d’une peine complémentaire d’interdiction de territoire français, évoquée également dans son intervention par M. le garde des sceaux.

Pour conclure cette trop rapide présentation, mes chers collègues, vous l’aurez compris, les sénateurs centristes ne font pas de l’immigration un fonds de commerce politique. Ils pensent en revanche que celle-ci doit être régulée, pour préserver la solidité du contrat social qui structure la France.

Madame la Première ministre, messieurs les ministres, tel est le sens de nos propositions et, demain, de nos votes.

Applaudissements sur les travées des groupes UC et INDEP, ainsi que sur des travées du groupe Les Républicains. – M. François Patriat applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. François Patriat, pour le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, ce débat de bonne tenue était nécessaire, et nous remercions le Gouvernement de l’avoir inscrit à l’ordre du jour de notre assemblée. Il est l’occasion, mes chers collègues, de regarder en face la question migratoire, et cela en toute objectivité. Nous devons tenir un discours de vérité aux Français, loin des caricatures et des procès d’intention.

Dire la vérité, c’est tout d’abord admettre que, oui, l’immigration régulière et irrégulière est en progression. Mais, non, la France n’est pas confrontée à un tsunami migratoire. Ce chiffon rouge est agité par l’extrême droite, avec pour seul but d’attiser les peurs et la colère et de diviser les Français.

Le démographe François Héran décrit ainsi la situation de notre pays : « Un nombre d’immigrés en hausse, mais pas en pointe, une immigration familiale contenue, un essor important des étudiants internationaux, des régularisations en nombre limité. »

À cet égard, je rappelle à ceux qui alimentent le fantasme du « grand remplacement » que la proportion d’immigrés dans notre pays – elle avoisine les 10 % – est nettement inférieure à la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), loin du raz-de-marée décrit par les idéologues xénophobes.

Dire la vérité, mes chers collègues, c’est aussi reconnaître que plusieurs défis restent à relever, que ce soit pour renforcer la maîtrise des flux migratoires ou pour améliorer l’accueil des réfugiés et la perception des Français sur l’immigration. Il y va du maintien de notre cohésion sociale et de la préservation de notre pacte républicain.

Quatre défis majeurs sont ainsi devant nous. Tout d’abord, préserver notre régime d’asile ; ensuite, renforcer la lutte contre l’immigration irrégulière, qui est en progression continue depuis vingt ans ; en outre, améliorer les conditions d’accueil des primo-arrivants, à commencer par les conditions d’accès au guichet des préfectures ; enfin, et peut-être même surtout, faciliter l’intégration des réfugiés et des étrangers en situation régulière.

Contrairement à ce que certains affirment, la politique du Gouvernement et de sa majorité est lisible et cohérente.

Mme Sophie Primas s ’ exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Depuis 2017, deux principes guident notre action : l’humanité et la fermeté. Humanité avec les étrangers ayant besoin d’une protection ; fermeté avec ceux qui n’ont pas vocation à demeurer sur notre territoire.

C’est la cohérence qui amène le Gouvernement à maintenir ce diptyque dans le texte dont nous serons saisis bientôt– j’ai cru le comprendre, madame la Première ministre – et que notre groupe salue.

Sans surprise, les premières propositions ont à peine été esquissées que les oppositions s’en sont emparées pour les dénaturer, les caricaturer ou les transformer en contre-vérités. Je les invite à minorer leurs attaques sur les OQTF. Chers collègues, ayez l’honnêteté de le reconnaître, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

… le taux d’exécution des OQTF n’a jamais dépassé 20 %, toutes périodes confondues, y compris lorsque les uns ou les autres étaient au pouvoir.

Ayez aussi l’honnêteté de reconnaître que la faiblesse du taux d’exécution des OQTF est avant tout liée à la difficulté d’obtenir des laissez-passer consulaires. Elle est là, la vérité. D’ailleurs, je salue les efforts déployés par la France pour convaincre les pays d’origine et de transit de délivrer ces précieux sésames.

Ce travail de conviction commence à porter ses fruits. J’aurais préféré que nous nous en félicitions ensemble, plutôt que d’entendre certains camper sur des positions partisanes.

Je le déplore d’autant plus que le Gouvernement propose de s’inspirer du rapport du président de la commission des lois, François-Noël Buffet, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

… dont j’ai apprécié les propos tout à l’heure, visant à améliorer l’efficacité de la lutte contre l’immigration clandestine.

Je déplore aussi que certains de nos collègues de la majorité sénatoriale fassent preuve d’autant de dogmatisme sur le futur titre de séjour des métiers en tension. Notre groupe accueille très positivement cette proposition, qui relève du bon sens.

Non, ce nouveau titre de séjour ne participe pas d’un soi-disant « projet de résignation nationale ». Non, il n’entraînera pas d’appel d’air ! Nous en sommes convaincus, cette mesure est équilibrée. Il s’agit, d’un côté, de régulariser au cas par cas les travailleurs étrangers qui sont déjà présents sur notre territoire, donc qui sont déjà intégrés dans notre société, et, de l’autre, de durcir les sanctions à l’encontre des employeurs d’étrangers clandestins.

J’ai entendu les propositions qu’a formulées M. Buffet, mais j’ai aussi entendu dans les propos de Mme la Première ministre que le Gouvernement y avait déjà répondu positivement par avance. Plutôt que de lancer des procès d’intention contre ces idées de mesures, tâchons plutôt de réfléchir à la manière de les perfectionner.

Telle est, en tout cas, la direction qu’empruntera notre groupe. Nous serons par exemple attentifs à ce que la perte d’un emploi n’entraîne pas automatiquement la perte du droit de séjour.

Debut de section - PermalienPhoto de François Patriat

Sur un autre plan, nous veillerons à ce qu’une attention particulière soit portée aux territoires ultramarins concernés par les enjeux migratoires.

Les faits parlent d’eux-mêmes et n’ont que trop duré. À Mayotte, par exemple, 50 % de la population est immigrée, mais 24 000 étrangers en situation irrégulière ont été reconduits à la frontière l’an passé, soit 78 % de plus qu’en 2020. Et je ne vous parle ni de la Guyane ni de La Réunion, que mes collègues ultramarins pourraient évoquer mieux que moi.

Madame la Première ministre, vous pourrez compter sur les sénateurs ultramarins du groupe RDPI pour coconstruire le projet de loi.

Ensuite, comment ne pas évoquer les causes profondes de la crise migratoire ? Vous l’avez dit, madame la Première ministre, la maîtrise des flux migratoires passe par le développement des pays d’origine.

Là encore, ne cédons ni au simplisme ni au populisme. Nous entendons souvent cette musique insidieuse selon laquelle il vaudrait mieux allouer l’argent du contribuable aux seules priorités nationales, plutôt que de le gaspiller dans une aide inefficace à des pays noyautés par la corruption. Il n’y a rien de plus faux et de plus caricatural !

Nous ne sommes pas dupes : les relations entre migration et développement sont complexes. C’est pourquoi l’aide publique au développement n’a jamais été conçue pour être l’alpha et l’oméga de notre politique migratoire.

C’est aussi pourquoi notre aide doit impérativement s’accompagner d’une sécurisation des parcours migratoires, qui doit permettre aux migrants d’effectuer des allers-retours entre la France et leur pays d’origine sans craindre de basculer dans la clandestinité.

Une première étape a été franchie en 2016 avec la création du passeport talent, qui est un franc succès. Aussi, nous soutenons l’idée du Gouvernement de simplifier ce titre de séjour pluriannuel et de l’étendre aux professions médicales.

Enfin, et j’en terminerai par là, nous avons assurément, mes chers collègues, des visions très divergentes sur la politique migratoire. Accordons-nous cependant sur un point : la gestion des flux migratoires relève de la souveraineté nationale, mais nécessite dans le même temps un minimum de coopération européenne.

La présidence française du Conseil de l’Union européenne a obtenu cette année des avancées essentielles sur le pacte pour l’asile et la migration.

Des efforts restent à fournir pour boucler les dossiers majeurs, à commencer par la réforme du système de Dublin et la création d’un nouveau mécanisme de solidarité.

La France, elle, est au rendez-vous de la solidarité quand elle se mobilise aux côtés des Afghans fuyant le régime des talibans, des Ukrainiens fuyant la guerre ou des migrants secourus en mer.

Il est urgent que les États membres surmontent leurs divergences. Nous ne pouvons pas faire l’économie d’un cadre européen commun pour la gestion de la migration et de l’asile. Sans cela, en effet, l’Europe pourrait ne pas résister à ce nouvel accès migratoire, qui est inédit dans son ampleur depuis 2015.

C’est la raison pour laquelle, madame la Première ministre, nous écouterons vos propositions, étudierons votre texte de loi et vous apporterons notre soutien, sur les bases que vous avez évoquées et que je viens de rappeler.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI. – M. Jean-Michel Arnaud applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Pierre Laurent, pour le groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, le débat d’aujourd’hui est censé anticiper celui que nous aurons, au début de 2023, sur un nouveau texte de loi sur l’immigration. Ce sera le vingt-neuvième en quarante ans !

En prélude à ce projet de loi, vous avez publié, le 17 novembre dernier, une circulaire mettant gravement en cause le droit inconditionnel à l’hébergement d’urgence pour les étrangers, contre laquelle les structures d’accueil et les associations sont vent debout. La discussion commence donc très mal.

S’il partait sur de telles bases, votre texte de loi pourrait être un nouvel appel d’air à tous les débordements, à tous les fantasmes sur la subversion migratoire ou sur les assimilations entre immigration et délinquance, qui pourrissent le débat public depuis tant d’années. L’hystérie soulevée par l’arrivée du navire Ocean Viking en est le dernier exemple.

Pourrions-nous, au contraire, enfin débattre sérieusement et sereinement ? Les migrations sont un enjeu essentiel du monde et de l’époque actuels.

Depuis toujours, la France, comme d’autres grandes démocraties, s’est construite en accueillant des migrants. Pendant longtemps, c’est aussi cela qui a contribué à faire de la France, aux yeux des peuples du monde, la patrie des droits de l’homme. Mais, rompant avec cette histoire au fil des lois régressives, nous sommes devenus l’un des pays les plus restrictifs d’Europe, car, loin des fantasmes, telle est la réalité des chiffres.

Nous vivons une grave crise de l’accueil. Indigne des droits humains, le traitement des migrants est de plus en plus dégradant, en France et en Europe.

Oui, il faut débattre, car les causes des migrations sont multiples. Guerres, pauvreté extrême, violences faites aux femmes, répression des droits humains, catastrophes climatiques jettent des millions de femmes, d’hommes et d’enfants sur les routes de l’exil.

La mondialisation aussi a changé bien des choses, car les habitants de la planète, où qu’ils vivent, considèrent que les inégalités mondiales et le « deux poids, deux mesures » dans le traitement de la vie humaine ne sont plus acceptables. Agissons-nous contre ces inégalités et ces insécurités mondiales ? Bien au contraire, la politique des pays les plus riches, comme le nôtre, ne cesse de les renforcer.

Citons quelques exemples : les opérations militaires à répétition, qui déstabilisent nombre d’États du Sud et du Proche-Orient, les ajustements structurels et les traités de libre-échange, qui laissent exsangues les services publics de ces pays et assignent leurs économies à l’extraversion, à l’encontre de leurs besoins de développement interne, le contrôle monétaire que nous continuons d’exercer sur les pays de l’Afrique de l’Ouest, via l’ex-franc CFA, qui empêche ces derniers de financer leur développement, ou encore les atermoiements face à la crise climatique, dont témoigne l’échec de la COP27.

C’est de tout cela que nous devrions parler, si nous voulions débattre sérieusement des migrations. Mais nous n’allons pas en parler, et certains nous rediront avec des mots nouveaux que « la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde ».

Chaque fois que des solutions concrètes sont mises sur la table pour traiter les causes réelles des désordres mondiaux et les conséquences qu’elles entraînent, elles sont balayées d’un revers de main.

L’arrivée des réfugiés fuyant la guerre en Syrie aurait pu signer une nouvelle prise de conscience en Europe. En 2016, Angela Merkel avait déclaré courageusement : « Nous y arriverons ! » Ce fut l’échec et le retour des murs et des barbelés.

En 2021, après la prise de Kaboul par les talibans, Emmanuel Macron ne trouvait plus qu’à s’inquiéter face au risque des flux migratoires irréguliers.

L’Europe a tourné le dos à ses devoirs d’accueil et de solidarité humaine. La présidence française de l’Union européenne a passé son tour sur le pacte asile et immigration. Aujourd’hui, le non-respect des clés de répartition solidaires à l’échelle européenne, un temps évoqué, associé à l’absurde règlement de Dublin, entraîne souffrance et indignité sur le continent.

Nous vivons la multiplication des camps d’exilés et des violences condamnables aux frontières, avec des dizaines de milliers de morts en Méditerranée, dans la Manche ou sur la route des Balkans.

L’Europe n’a plus qu’une obsession : externaliser le traitement des migrants et marchander les reconduites aux frontières avec les pays de départ, plutôt que de considérer ces États comme des partenaires pour la coopération et le développement.

Ces politiques, qui n’arrêteront rien, tant les causes des migrations sont profondes, ne font que favoriser les contournements et les migrations irrégulières, quand il faudrait au contraire travailler à des voies légales et sécurisées de migration.

Ces voies légales et sécurisées sont possibles, car sinon, comment expliquer que l’Europe puisse accueillir, à juste titre d’ailleurs, plusieurs millions d’Ukrainiens ? Un Afghan fuyant les talibans, une Nigériane fuyant un mariage forcé ou l’excision, un Congolais fuyant les massacres, une famille du Pakistan fuyant les inondations valent-ils moins à nos yeux ?

De tout cela, nous ne débattrons probablement pas. Votre projet, pour ce que nous en savons – nous ne disposons pas encore du texte –, semble vouloir se concentrer sur deux sujets, qui sont présentés comme les deux faces d’une même pièce : la régularisation par le travail pour les uns, l’accélération des expulsions pour les autres. Vous nous demandez donc de nous concentrer sur la situation de ceux qui sont déjà entrés sur notre sol.

Concernant la question du travail, vous connaissez notre position. Elle est claire : nous sommes pour la régularisation de tous ceux qui travaillent. Les grèves de sans-papiers ont montré clairement que des filières entières emploient ces travailleurs sans les déclarer, au vu et au su de tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Ils n’usurpent le travail de personne, car nous peinons aujourd’hui à recruter. Ils travaillent pour notre pays et sont pourtant maintenus dans une situation de vulnérabilité insupportable. Nous ne voulons pas de quotas et nous serons vigilants sur cette affaire de liste des métiers en tension.

Le Gouvernement serait donc prêt à accueillir des étrangers, mais à une condition : leur utilité. Pour nous, il doit s’agir non pas de régulariser des pratiques d’exploitation patronale, mais de régulariser des femmes et des hommes qui, par leur travail, peuvent enrichir notre pays et sécuriser leur vie.

Nous sommes favorables à la suppression du délai de carence, afin de permettre aux demandeurs d’asile de travailler dès les six premiers mois en France.

Nous plaidons pour une régularisation des travailleurs de plein droit, qui ne serait pas soumise à la durée des contrats précaires, et pour un titre de séjour d’une durée minimale de deux ans, afin de permettre à ces salariés de sécuriser leur vie et leur installation.

Le ministre de l’intérieur, M. Darmanin, évoque aussi l’exigence de réussir un test de français pour l’obtention d’un titre de séjour pluriannuel. Évidemment, personne ne peut s’opposer au fait que les étrangers qui viennent travailler en France apprennent le français. Nous serons cependant attentifs à ce que cela ne donne pas lieu à discrimination.

D’ailleurs, combien de Français aux origines immigrées ont mis des années avant de maîtriser notre langue nationale, leur langue d’adoption ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Laurent

Si, au contraire, le titre que vous envisagez pour les travailleurs sans-papiers ne courait que pour la stricte durée du contrat de travail, sa fin vaudrait alors OQTF et expulsion. Le cycle infernal serait enclenché.

Nous nous inquiétons donc de l’abus de vulnérabilité découlant de la dépendance économique et administrative du travailleur à l’égard de son employeur.

Quant au second volet, à savoir le renforcement des OQTF, que vous présentez faussement comme une contrepartie, le risque est grand de prendre de plus en plus de largesses avec le respect du droit.

Vous voulez qu’une OQTF vaille expulsion. On peut aisément supposer qu’une telle décision serait sévèrement réprouvée par la Cour européenne des droits de l’homme, car elle porterait atteinte au droit à un recours effectif, qui est garanti par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Du point de vue procédural, vous affirmez votre volonté de généraliser le juge unique à la Cour nationale du droit d’asile. Vous risquez de déshumaniser les procédures administratives en favorisant les rejets systématiques.

Cette déshumanisation passera aussi par la généralisation des audiences vidéo que vous envisagez. Cet éloignement a sa symbolique, car la présence, le corps et ses marques, la souffrance endurée par les migrants ne sont pas perceptibles de la même façon dans une procédure menée en présentiel.

Voilà en quelques mots, madame la Première ministre, mesdames, messieurs les ministres, dans quel état d’esprit et avec quels principes nous aborderons le débat à venir sur votre projet de loi.

Applaudissements sur les travées des groupes CRCE, SER et GEST.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Colette Mélot, pour le groupe Les Indépendants – République et Territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, « Faire une loi et ne pas la faire exécuter, c’est autoriser la chose qu’on veut défendre. » Cette phrase du cardinal de Richelieu trouve une résonance particulière dans l’actualité récente, autour d’un sigle dont aucun Français n’avait entendu parler voilà quelques mois et que tous connaissent aujourd’hui : OQTF.

Depuis des années, moins de 20 % de ces décisions sont exécutées. Il y a, dans notre pays, des lois qui déterminent qui peut ou ne peut pas entrer et vivre sur notre territoire. Elles ne sont pas respectées.

La situation actuelle est incompréhensible pour les législateurs que nous sommes, pour les Français que nous représentons et même pour les étrangers concernés.

La France est l’une des premières puissances mondiales. Elle doit être en mesure de contrôler ses frontières. Depuis longtemps, ce n’est pourtant plus vraiment le cas. Cet état de fait ne date pas d’hier. Les gouvernements se sont succédé, et la politique migratoire n’a jamais été jugée satisfaisante dans notre pays.

Ce n’est pas seulement gênant pour notre administration, c’est dangereux pour nos institutions. En n’étant pas en mesure ou en ne souhaitant pas donner un cap clair à cette politique migratoire, nous mettons en danger notre démocratie et la cohésion de la Nation.

De plus en plus de peuples européens portent au pouvoir des populistes et des extrémistes. Même si ce n’est pas la seule raison, les considérations migratoires ont joué un grand rôle dans le choix des Britanniques de sortir de l’Union européenne. Si l’Allemagne connaît une montée de l’extrême droite, la crise migratoire de 2015 n’y est pas étrangère. C’est un problème que rencontrent également l’Autriche, la Suède ou l’Italie.

Notre pays ne fait pas exception. D’élection en élection progresse une extrême droite auparavant très minoritaire au Parlement. Aujourd’hui, elle constitue le deuxième groupe à l’Assemblée nationale. Certains sont parfois tentés de copier ses réponses simplistes, en espérant que les Français préféreront la copie à l’original. C’est un pari hasardeux, au succès très peu probable.

Entre la porte grande ouverte, proposée par une extrême gauche refusant de voir que notre pays n’a ni les moyens économiques ni les moyens politiques – aucun pays ne les a, d’ailleurs – d’accueillir le monde entier, et la fermeture à double tour, réclamée par l’autre bord de l’hémicycle devenu marchand d’angoisse, nos concitoyens ont le droit de se voir proposer une alternative crédible.

Pour cela, il faut d’abord dire clairement que l’immigration ne doit, à aucun prix, se faire au détriment de la cohésion de notre nation.

C’est à la France qu’il revient de décider d’accueillir ou non des migrants sur son territoire. C’est à nous de fixer les conditions de cet accueil, et nous ne devons pas accepter que l’immigration puisse remettre en cause la façon dont notre société a choisi de vivre.

Dans des conditions qui doivent rester contrôlées, la France accorde à certains étrangers l’asile sur son territoire. Pour rester conforme à sa nature et demeurer soutenable, cette procédure ne peut qu’être exceptionnelle.

Sans la maîtrise des frontières, qui permet de choisir d’accueillir ou non des migrants, notre société risque de se déliter. Il nous faut au contraire trouver une formule nous permettant de tirer au mieux parti de l’immigration.

Bon nombre de nos entreprises font face à une pénurie de main-d’œuvre. Pour poursuivre leur activité et conserver leur compétitivité, beaucoup de nos entrepreneurs recourent à l’immigration ; l’exemple britannique est édifiant à cet égard.

En choisissant son immigration, la France pourrait sélectionner les compétences dont elle a besoin. Ainsi notre économie maintiendrait-elle son dynamisme en pourvoyant aux emplois pour lesquels une pénurie de main-d’œuvre est constatée dans l’ensemble de l’Europe.

« Le travail éloigne de nous trois grands maux : l’ennui, le vice et le besoin », disait Voltaire.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Pour entrer dans notre société, les immigrants doivent accepter les règles, adopter les valeurs et embrasser la culture de cette dernière. Ce sont eux qui souhaitent nous rejoindre, et ils demeurent libres de choisir où ils veulent aller. Il ne s’agit pas seulement de protéger notre mode de vie : ces conditions sont également nécessaires à l’intégration des immigrés dans notre société. Elles leur permettront de devenir des citoyens à part entière.

Bien sûr, nous devons veiller à ce que les personnes entrées en France en respectant ces engagements ne fassent l’objet d’aucune discrimination. À l’inverse, si ces prérequis ne sont pas tous satisfaits, nos concitoyens garderont le sentiment de subir l’immigration, et les immigrés ne parviendront pas à se fondre au sein de notre société.

J’y insiste, la problématique migratoire ne concerne pas seulement la France : l’Europe dans son entier, par son respect des libertés et son dynamisme économique, fait figure d’eldorado pour beaucoup de personnes dans le monde.

Dans tous les pays de l’Union européenne, la population vieillit. La main-d’œuvre se raréfie et, dans le même temps, la dépendance de nos aînés s’accroît. De nombreux États membres font face aux mêmes défis que nous. Il nous faut donc trouver ensemble des solutions qui protègent notre mode de vie, à la fois contre ses propres limites et contre les ingérences étrangères.

À la suite des chantages turcs, l’Union européenne a pris conscience qu’elle ne pouvait continuer à sous-traiter à un pays tiers la gestion de ses frontières extérieures. Les Européens doivent assumer leurs responsabilités ; à ce titre, la montée en puissance des moyens de l’agence Frontex doit être saluée.

Au début de l’année prochaine, le Gouvernement présentera un nouveau texte de loi relatif à l’immigration.

Monsieur le ministre de l’intérieur, vous avez déclaré vouloir « être méchant avec les méchants et gentil avec les gentils ». En d’autres termes, vous nous proposez de choisir un peu mieux qui doit venir ou rester dans notre pays et qui ne le doit pas.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Vous avez parfaitement compris !

Debut de section - PermalienPhoto de Colette Mélot

Nous y sommes favorables.

Nous ne feignons pas d’ignorer, comme tant d’autres, que l’immigration peut constituer une menace pour notre société si elle est incontrôlée. Pour autant, nous sommes pleinement conscients qu’elle est à bien des égards nécessaire.

Regardant la réalité en face, nous notons la nécessité de faire évoluer une législation qui, faute d’avoir été appliquée, a perdu beaucoup de son sens. Nous vous soutiendrons donc dans votre démarche.

Face à une extrême droite en progression croissante et à une extrême gauche chaque jour plus irresponsable, nous sommes tous ensemble contraints de réussir là où nos prédécesseurs échouent depuis quarante ans.

M. Jean-Claude Requier applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Maryse Carrère, pour le groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen.

Applaudissements sur les travées du groupe RDSE, ainsi que sur des travées du groupe RDPI.

Debut de section - PermalienPhoto de Maryse Carrère

Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous avons amorcé cette discussion il y a quelques semaines à l’occasion de l’examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration », et les élus du groupe du RDSE n’ont pas changé de position depuis lors.

La politique d’immigration compte, pour notre pays, parmi les questions les plus difficiles. Elle est sujette aux fantasmes et aux peurs parfois irrationnelles. Dès lors, le devoir d’une République modérée est d’éviter les écueils populistes pour aboutir à une solution équilibrée.

Toutefois, il existe une autre dérive qui doit attirer l’attention du législateur et, partant, celle du Gouvernement : la tentation de faire une loi simplement pour dire que l’on a légiféré.

Monsieur le ministre de l’intérieur, je sais que vous défendez de véritables ambitions. Je ne les fais pas toutes miennes : c’est le jeu de la démocratie. Seulement, le Parlement a déjà adopté en septembre 2018 le projet de loi, défendu par Gérard Collomb, pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie. C’était il y a quatre ans, autrement dit il n’y a pas si longtemps !

Quel est le bilan de ce texte ? Qu’en est-il des garanties d’exercice et d’effectivité du droit d’asile qu’il devait apporter ? Presque dix de ses articles étaient censés renforcer l’efficacité et la crédibilité de la lutte contre l’immigration irrégulière : qu’en est-il également ? Qu’en est-il, en particulier, de la mise en œuvre des mesures d’éloignement et des dispositions relatives à la rétention administrative, à commencer par l’allongement de cette dernière à quatre-vingt-dix jours ?

En outre, avant de légiférer de nouveau, il serait légitime que nous puissions analyser la réduction de cent vingt à quatre-vingts jours du délai prévu pour déposer une demande d’asile. Dans nos départements, le constat n’est pas à l’amélioration de l’accueil ou du traitement des dossiers : cette mesure devait pourtant réduire le délai de réponse dans les situations difficiles.

Puisque nous devrions bientôt légiférer, cet état des lieux nous permettrait de savoir où et comment agir efficacement.

Au cours des derniers mois, le débat relatif à l’immigration a été dominé par deux enjeux : l’effectivité des obligations de quitter le territoire français (OQTF) et la place des travailleurs irréguliers.

J’espère néanmoins que les autres sujets ne seront pas écartés. Je pense, par exemple, à l’amélioration de l’accompagnement des personnes étrangères les plus vulnérables, qu’il s’agisse des victimes de violence ou des mineurs isolés, ou encore à l’accompagnement des familles, une question chère aux élus du groupe du RDSE.

Nous allons beaucoup parler des OQTF, et c’est normal, car ce dispositif pose manifestement problème. D’après les données dont je dispose, la France délivre en moyenne 120 000 OQTF par an, dont moins de 10 % sont exécutées : ces chiffres et l’écart qu’ils traduisent montrent bien l’absurdité de ce rouage administratif, particulièrement pesant tant pour notre nation que pour ceux qui, de facto, sont l’objet de décisions quasi aléatoires.

Cette situation d’ensemble justifie de repenser les différents mécanismes qui entourent les OQTF : il s’agit d’en améliorer l’application, en les rendant plus efficaces et plus humaines.

Dans cet esprit, nous défendrons la simplification du contentieux des étrangers, à condition qu’elle garantisse à ces derniers un droit effectif à contester les décisions de l’administration tout en assurant un meilleur traitement des recours et la bonne administration de la justice. Bien sûr, nous examinerons ces mesures avec vigilance.

On propose de généraliser les audiences à proximité des centres de rétention administrative (CRA) ou par moyens audiovisuels, pour éviter les déplacements des personnes retenues : pourquoi pas ! On suggère aussi de créer des pôles territoriaux labellisés pour la gestion du droit d’asile : une nouvelle fois, pourquoi pas ! Mais il ne faut pas que ces dispositifs deviennent des contraintes pour les personnes migrantes en entravant leurs droits.

En parallèle, il faut trouver le moyen de désengorger les préfectures : nous l’entendons. Dans de très nombreux cas, on constate en effet que les décisions préfectorales sont faciles à annuler devant le juge, au motif que de mauvaises appréciations de l’administration ont conduit à de mauvaises décisions.

Toutefois, ce désengorgement passera nécessairement par la baisse du nombre d’OQTF, pour que chacune d’elles soit mieux instruite et ainsi juridiquement fondée. La politique du chiffre, consistant à prononcer des OQTF dans des proportions massives, se révèle inefficace en pratique.

La surpopulation des centres de rétention administrative confirme, à sa manière, l’inefficacité de notre politique de contrôle de l’immigration : ces structures ne sont pas à même de faire face aux flux que nous connaissons. À ce titre, j’espère que nous serons en mesure d’apporter des solutions concrètes.

Entre autres mesures utiles, on a annoncé la possibilité de mettre en place un titre de séjour « métiers en tension ». Cette mesure n’inspire pas d’a priori de principe aux membres de notre groupe, loin de là. Chacun sait qu’actuellement de nombreux immigrés en situation irrégulière travaillent sans être déclarés. Ce travail illégal permet d’offrir de la main-d’œuvre à des secteurs en tension.

Je pourrais citer de nombreux exemples. Certains cas sont mis en lumière : ici, un artisan boulanger pour lequel un village se mobilise, ailleurs un apprenti boucher. Ces personnes ont de la chance, mais il y en a des milliers d’autres qui travaillent sur les marchés, dans la restauration ou encore dans les métiers du bâtiment.

Tous travaillent pour notre pays, et leurs métiers sont souvent essentiels au quotidien de nos concitoyens. Pour autant, ils sont en situation irrégulière : ces travailleurs et leurs employeurs sont donc placés dans une précarité difficile à admettre – ces emplois instables vont de pair avec une faible rémunération et sont privés de tout dispositif de sécurité sociale.

Monsieur le ministre de l’intérieur, pour ce qui concerne ce titre de séjour spécial, nous vous disons donc une fois de plus : pourquoi pas ! Mais à une condition : qu’il soit effectif, dans le respect du droit du travail, sans aucune dérogation.

En d’autres termes, notre position est la suivante : d’une part, il n’est pas question d’offrir aux entreprises une main-d’œuvre à bas coût pour certains métiers boudés par les résidents nationaux ; de l’autre, ce dispositif devra impérativement être assorti de mécanismes de contrôle et de sanctions lourdes pour les entreprises qui continueraient de recourir au travail non déclaré.

Vous l’aurez compris : le projet de loi annoncé suscite de grandes attentes de la part des élus du groupe RDSE, et nous resterons pleinement mobilisés pour vous accompagner lors de l’examen de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à M. Guy Benarroche, pour le groupe Écologiste – Solidarité et Territoires.

Applaudissements sur les travées du groupe GEST. – Mme Esther Benbassa applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Benarroche

Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce débat n’est qu’un prélude à l’examen du vingt-neuvième texte de loi relatif à l’immigration depuis 1980.

« La France ne peut pas accueillir tout le monde si elle veut accueillir bien » : voilà ce que déclarait le Président de la République en 2019. Pourtant, rien dans les derniers budgets présentés ou dans les dernières politiques annoncées ne vient refléter cette doctrine.

Si mieux accueillir, c’est réduire de plus d’un tiers les crédits octroyés à l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) dans le budget pour 2023, la discussion risque d’être compliquée, tant le décalage entre les actes et les paroles est grand.

« Je crois au vrai en même temps sur la politique migratoire aussi », disait le chef de l’État lors du même entretien. Or, à mon sens, nous ne voyons pour l’heure que la jambe droite de sa politique migratoire, peut-être parce que c’est celle qui porte réellement ses convictions.

Sinon, comment justifier que tout soit vu au prisme de la sécurité ? Comment comprendre qu’un sujet de société si important ne soit réellement examiné qu’au travers d’une vision sécuritaire ? Nous aurions encore préféré étudier la création d’un véritable ministère consacré à la politique d’immigration, d’accueil et d’intégration.

Pourquoi ne pas appréhender ce débat sous l’angle humanitaire, dans un esprit de fraternité et de solidarité, qui va d’ailleurs de pair avec le réalisme et le pragmatisme économique, social et climatique ?

Je le répète, les questions d’immigration ne peuvent se limiter à leur aspect sécuritaire, ni même être abordées prioritairement par ce biais. Nos discussions d’aujourd’hui permettront, je l’espère, de recentrer le débat.

L’immigration est un phénomène normal, historique et récurrent, qui a participé et participera à la construction de notre pays ; un phénomène démographique complexe, tributaire des guerres comme des famines et, désormais, provoqué par le changement climatique ; un phénomène qui entraînera des mouvements de population de plus en plus nombreux dans les années à venir, que ce soit entre les continents ou au sein même de l’Europe.

En 2017, le candidat Macron promettait : « Nous examinerons les demandes d’asile en moins de six mois, recours compris. C’est nécessaire pour accueillir dignement les réfugiés qui ont droit à la protection de la France. » Pourtant, les juridictions administratives et la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) dressent un constat unanime : l’embolisation totale d’un système mal calibré.

Qu’il s’agisse de l’accès aux préfectures et à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii) pour l’obtention ou le simple renouvellement d’un titre de séjour, de l’accès au travail ou à une prise en charge médicale effective, les parcours des migrants sont trop souvent semés d’embûches. Ce système, bien loin de nourrir des « profiteurs », maintient des milliers de personnes dans la précarité.

En parallèle, que dire de l’ambition affichée de supprimer « les protections contre l’éloignement pour motif d’ordre public », par exemple pour les étrangers résidant en France depuis plus de dix ans ?

Nous, au sein du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, sommes clairement favorables à une plus grande célérité des procédures, mais jamais aux dépens des droits des personnes ou des conditions de travail des agents de notre service public. Il faut certes juger plus vite, mais il faut surtout juger mieux.

Le Gouvernement se fixe pour objectif l’application de 100 % des OQTF. Quel est le sens de cet affichage politique ? Quel est le chemin pour y arriver ? Quels sont les dispositifs concrets mis en œuvre ? Le taux d’application de ces décisions s’est limité à 20 %, de manière assez constante au cours des dernières décennies.

À ce titre, nous pensons que la multiplication des CRA pour répondre aux difficultés diplomatiques des éloignements est un non-sens. Et que dire de possibles placements en CRA en vertu d’OQTF vieilles de trois ans, appliquées sans réévaluation des situations personnelles ou professionnelles ?

De toute évidence, une telle annonce s’accorde bien à la volonté exprimée par le ministère de l’intérieur à l’égard de ces étrangers : leur rendre la vie impossible.

Aujourd’hui, je pense à la promesse d’Orléans, formulée en 2017 et définitivement enterrée : le Président de la République avait alors déclaré qu’aucun demandeur d’asile ne dormirait dehors. Aucune des mesures qui nous ont été présentées ne s’attelle à ce sujet pourtant essentiel.

À Calais, 97 % des expulsions des lieux de vie ne sont pas suivies de mises à l’abri. De telles situations sont d’autant plus inacceptables que les peines encourues pour avoir facilité l’entrée, la circulation ou le séjour irrégulier d’étrangers seront quant à elles alourdies ; nous nous inquiétons tout particulièrement pour les bénévoles des associations.

Au printemps de 2022, le président-candidat entendait « poursuivre la refonte de l’organisation de l’asile et du droit au séjour pour décider beaucoup plus rapidement qui est éligible. »

La crise ukrainienne a montré que l’Europe, en particulier notre pays, pouvait accueillir, bien accueillir et accueillir rapidement lorsque la volonté politique était là. La mesure dérogatoire concédée à l’Ukraine a fait ses preuves : ne devrait-elle pas tendre à devenir la règle ?

Aller plus vite, c’est permettre un système de rendez-vous plus efficace en préfecture, où commence souvent une succession d’obstacles qui donne aux intéressés l’impression de se heurter à un « mur administratif ».

J’ai déjà eu l’occasion de le dire : où qu’ils se trouvent, les agents présents sur le terrain sont confrontés à la perte de sens de leurs missions et des moyens qui leur sont accordés. Cette situation débouche aussi sur un état d’insécurité pour des personnes sans droits sur notre territoire, qui deviennent la proie de réseaux.

Privés de titre de séjour, les étrangers sont maintenus dans la dépendance de l’accompagnement assuré par les associations. Ils ne peuvent pas obtenir de travail déclaré, un logement ou encore un bon accès aux soins.

Nous accueillons plutôt favorablement la régularisation annoncée des travailleurs exerçant sur notre sol, comme la volonté nouvelle de ne plus détourner le regard face aux employeurs peu scrupuleux. Toutefois, rien n’est précisé quant au parcours vers la nationalité française.

Certains de ces travailleurs, exerçant souvent des métiers dits « de première ligne » pendant la crise de la covid, ont bénéficié de ce parcours de reconnaissance vers la nationalité. Pourtant, aux termes du débat actuel, rien ne permet de refonder cet accès à la nationalité pour les personnes intégrées qui le souhaitent.

Quant à la notion de « travailleurs des métiers en tension » sur notre sol, elle nous laisse pour le moins circonspects : vous nous présentez, en quelque sorte, une variante de la notion de travailleurs méritants.

Derrière ces annonces, il y a un vrai sujet : l’utilité sociale de l’immigré implique-t-elle une assignation à résidence, comme le disait le Président de la République ?

Imaginons une personne accueillie sur notre territoire au motif qu’elle travaille dans un secteur en tension. La situation de ce domaine d’activité s’explique par des raisons bien particulières – conditions de travail difficiles, précarité de l’emploi, salaires insuffisants, etc. S’il veut demeurer en France, ce travailleur sera-t-il condamné à rester dans ledit secteur ? Pis, en cas de perte d’emploi, bénéficiera-t-il toujours d’un titre de séjour ?

Une telle logique pourrait vite devenir purement utilitariste : elle risque de réduire l’étranger à un travailleur interchangeable, vision qui nous paraît particulièrement problématique.

Le Gouvernement a aussi exprimé l’intention de renforcer les exigences relatives à la maîtrise du français, et c’est normal ; mais quelles seront les modalités d’accompagnement ? Qui seront les évaluateurs et les formateurs ?

La lutte contre l’immigration irrégulière est la priorité du Gouvernement, l’axe presque unique de réflexion de sa politique migratoire : dont acte.

La position de notre groupe est connue de tous : nous pensons au contraire que la question migratoire ne doit ni ne peut se limiter au prisme du travail ou de la sécurité.

Les moyens de l’administration doivent d’abord être destinés à faciliter l’accès au séjour et l’intégration. La criminalisation outrancière de l’étranger est contraire à nos valeurs.

On entend réviser les procédures judiciaires et administratives sous couvert de simplification, quitte à s’éloigner du contradictoire, de la collégialité et d’autres principes des droits de la défense : ce n’est pas acceptable.

Last but not least, comment ne pas relever votre silence assourdissant au sujet des frontières, y compris au sein de l’Union européenne ? Pour vous, la problématique est de surveiller plus que de secourir : nous l’avons bien vu.

Avec le président Gontard et d’autres de mes collègues, j’ai clairement observé la situation à Montgenèvre, par exemple. Non seulement les secours font défaut, mais beaucoup d’associations rapportent encore aujourd’hui le manque d’enregistrement des demandes d’asile, malgré les rappels répétés du Conseil d’État quant à la réalité de ce droit.

Où en est la réflexion sur ce sujet ? Qu’entend faire le Gouvernement face à ces refoulements sauvages aux frontières ?

Notre pays s’enorgueillit d’accueillir et de sauver : à ce titre, nous devons veiller à l’inconditionnalité de la dignité dans l’accueil, car tel est vraiment notre honneur. Or je regrette qu’il s’applique de manière variable, entre l’Aquarius et l’Ocean Viking.

L’acceptabilité des refus doit s’ancrer dans le respect des procédures et des personnes. Mes chers collègues, ne voyez dans cette attitude ni naïveté ni idéalisme utopique. Au contraire, entendez le besoin de bien accueillir les personnes arrivant sur notre sol, la nécessité de mieux respecter leurs demandes et notre souhait d’un véritable travail européen !

Applaudissements sur les travées du groupe GEST, ainsi que sur des travées du groupe SER. – Mme Esther Benbassa applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, coincés entre une extrême droite obnubilée par le « grand remplacement » et une droite en crise, M. le ministre de l’intérieur et ses amis sont prêts à occulter les vrais problèmes du pays, à flatter les bas instincts et à encourager le rejet et la suspicion.

Mes chers collègues, notre ministre s’enorgueillit d’accorder deux fois moins l’asile aux exilés que l’Allemagne. Il nous promet aussi que tout rejet d’une demande d’asile vaudra obligation de quitter le territoire ; il n’en résultera rien d’autre qu’encore plus d’OQTF, mais combien d’entre elles seront exécutées ? Vous n’aurez jamais les moyens de vos ambitions, et vous le savez, monsieur le ministre.

C’est la trentième loi en la matière, depuis 1980… Les gouvernements se succèdent, mais c’est toujours la même rengaine : l’immigration coûterait « un pognon de dingue » et les exilés ne traverseraient les mers au péril de leur vie que pour bénéficier de tous les avantages sociaux, tels que l’aide médicale de l’État (AME)…

D’ailleurs, la droite sénatoriale semble en partager l’idée, puisqu’elle a déjà exprimé le souhait, dans un bel esprit d’humanité, de réduire de 350 millions d’euros le budget de l’AME dans le projet de loi de finances pour 2023.

L’étranger à la peau sombre serait un profiteur, un futur délinquant et le responsable de tous les maux de la France, quand bien même il vivrait sous un pont ou sous une tente d’infortune, et même s’il est privé de couverture pour passer l’hiver… En comparaison, le bon réfugié, l’Ukrainien par exemple, est reçu dignement – et c’est tant mieux ! – parce qu’il a la peau claire et qu’il est chrétien.

Protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Avec votre texte, il y aura désormais le migrant économiquement utile, à qui sera délivré cyniquement un titre de séjour temporaire « métiers en tension », pour le lui retirer une fois que la « tension » s’est estompée. Votre politique d’accueil n’est qu’un sinistre replâtrage, qui vise simplement à rendre « acceptables » ces milliers d’immigrés destinés à régler notre crise du recrutement.

L’État abandonne à leur sort les étrangers sur son territoire. La situation des centres de rétention administrative (CRA) est catastrophique, tout comme celle des mineurs non accompagnés (MNA). La France, « terre d’asile » ? Désormais, ce n’est plus qu’un mythe !

Nouvelles protestations sur les travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Messieurs les ministres, à tant prévenir les esprits des Français contre le danger que les étrangers représenteraient, y aura-t-il encore une place dans notre pays, d’ici à dix ans, pour des Dupond-Moretti, voire des Darmanin ?

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

D’après vous, avec le texte que nous défendons, mes grands-parents n’auraient jamais été intégrés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Mme Esther Benbassa. J’en doute, monsieur le ministre… Quel dommage, n’est-ce pas ?

Applaudissements sur les travées du groupe GEST.

Debut de section - Permalien
Olivier Becht

Monsieur le président, madame la Première ministre, messieurs les ministres, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, à l’issue de ce débat, de vous livrer quelques éléments relatifs à notre politique étrangère – ils ont été en partie abordés durant la discussion générale.

Comme la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, que je représente ce soir, à sa demande, l’a rappelé la semaine dernière devant l’Assemblée nationale, la question migratoire est un élément central dans la conduite de notre politique étrangère.

À cet égard, trois principes nous guident en matière migratoire : attractivité et organisation des mobilités légales, solidarité avec les plus vulnérables et fermeté face aux flux irréguliers.

La France souhaite défendre une vision équilibrée en matière migratoire. Tout d’abord, nous sommes attachés au développement d’une migration légale, avantageuse pour notre pays. Ensuite, nous veillons tout particulièrement au renforcement de notre attractivité à l’égard des étudiants et des talents. Nous avons cette année atteint le chiffre record de 400 000 inscriptions d’étudiants étrangers en France et de 12 000 délivrances de visas, dans le cadre des passeports talents.

Contrairement à ce que j’ai pu entendre, permettez-moi de vous dire que notre politique de visas n’est en rien arbitraire, mesdames, messieurs les sénateurs. Elle a pour objet de renforcer l’attractivité et le rayonnement de notre pays.

Nous défendons également avec force et constance le droit international. Au reste, nous nous enorgueillissons d’être l’un des pays les plus engagés pour l’asile au monde.

Nous sommes attachés à la protection des migrants, au respect de leurs droits fondamentaux ; nous coparrainerons, à la demande du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le prochain Forum mondial sur les réfugiés, prévu en décembre 2023. Ce même souci de la protection des migrants nous conduit à lutter avec force contre les trafics et la traite des êtres humains.

En effet, et c’est la contrepartie naturelle de l’ouverture et de la générosité de notre pays, nous sommes intransigeants sur le respect de nos lois et de nos valeurs. C’est la raison pour laquelle nous sommes engagés à lutter avec la même force contre l’immigration irrégulière, pour le retour, la réadmission et la réintégration dans leurs pays d’origine des migrants irréguliers.

La France, sur la question migratoire, comme sur bien d’autres questions, cherche donc à défendre une vision équilibrée.

Nous souhaitons atteindre cet objectif en lien avec nos partenaires africains. La stratégie « migrations et développement » de la France couvre plus de 55 pays, majoritairement africains. En 2021, le montant des projets engagés par la France s’est élevé à plus de 1, 5 milliard d’euros, financés conjointement par la France et d’autres partenaires principalement européens.

Nous prônons également cette vision équilibrée dans le cadre européen et multilatéral. C’est dans cet esprit que la ministre de l’Europe et des affaires étrangères a participé hier à Bruxelles au lancement de deux initiatives de l’Équipe Europe (TEI, en anglais Team Europe Initiatives), consacrées à deux routes migratoires, celle de la Méditerranée centrale et celle de la Méditerranée occidentale. Lancées par la France, l’Espagne et l’Italie, ces initiatives associent les moyens des institutions européennes et des États membres.

Pour chacune de ces routes migratoires, environ 1 milliard d’euros ont été investis, afin de mettre en place des instruments tendant à resserrer une coopération euro-africaine globale, pour lutter contre les filières d’immigration irrégulière et pour organiser les retours, mais également pour combattre les causes profondes des migrations irrégulières, pour protéger les migrants ou encore pour favoriser la migration légale.

La France a soutenu fortement l’objectif européen de consacrer 10 % des moyens d’intervention extérieure de l’Union à des projets liés aux migrations. Cela représente, au total, près de 10 milliards d’euros sur la période 2021-2027.

Nous avons donc intérêt à inscrire notre action dans une logique coopérative, indispensable à une meilleure maîtrise des flux migratoires. Nous devons construire ensemble des partenariats bénéfiques, pour nous-mêmes comme pour les pays d’origine. C’est la raison pour laquelle la France a aussi pris la présidence du forum mondial sur la migration et le développement, dont le sommet se tiendra à Paris, au début de l’année 2024.

Enfin, nous réfléchirons – ensemble – plus particulièrement aux effets du changement climatique sur la mobilité humaine, en adoptant une approche transversale et inclusive, en suivant une méthode fondée sur le dialogue et l’anticipation, dans un esprit à la fois de solidarité et de responsabilité.

Tel est l’équilibre que nous visons pour notre politique migratoire, qui fait pleinement partie de notre politique étrangère.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Je reviendrai brièvement sur le projet de créer un titre de séjour spécifique pour les métiers en tension, à la suite de l’intervention de M. François-Noël Buffet. En inscrivant cette mesure dans la loi, notre objectif est justement de pouvoir débattre au sein du Parlement des critères d’accès à ce nouveau titre de séjour.

La circulaire du 28 novembre 2012, dite circulaire Valls, établit, pour les demandes d’admission exceptionnelles, des conditions d’ancienneté – régulière ou irrégulière – de son séjour dans notre territoire et dans l’emploi qu’il exerce, mais elle oblige également l’employeur à accompagner cette démarche, au risque de payer une taxe à l’Ofii.

Au contraire, nous souhaitons instaurer un titre de séjour qui permettra à un salarié de solliciter une demande de régularisation, s’il est en mesure de prouver qu’il satisfait aux règles d’ancienneté dans son activité et de présence sur le territoire.

Quels seront les bons critères en la matière ? Voilà ce qu’il nous reste à préciser dans la loi, afin de contrôler l’utilisation de ce nouveau titre, de sorte qu’il ne se transforme pas en un outil de régularisation massive – monsieur le sénateur Buffet, n’ayez pas de crainte à ce sujet, tel ne sera pas le cas, parce que, justement, le choix des critères nous en gardera.

Ce sera un titre d’un an renouvelable. Il sera attaché non pas à un emploi – nous avons fait ce choix pour répondre à un certain nombre d’interrogations –, mais bien à l’exercice d’un emploi dans un secteur en tension – plusieurs dizaines de métiers sont en tension, selon la liste établie par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, la Dares.

Dans ce cadre, une personne qui aurait régularisé sa situation au moyen de ce nouveau titre, mais qui aurait perdu son emploi, sera désormais en mesure d’en retrouver un dans l’un des secteurs en tension ou dans un autre ; dans ce cas, il faudra qu’elle sollicite un titre de séjour pour un motif économique, et, à cet égard, qu’elle réponde aux exigences – nous les connaissons – fixées par la loi en vigueur.

Monsieur Bonnecarrère, je ne partage pas totalement votre inquiétude, ou plutôt l’objectif que vous fixez, en matière de rémunération. Selon vous, ce titre devrait être réservé aux salariés dont le niveau de rémunération, au moment de leur recrutement, serait supérieur à la moyenne de la branche dans laquelle ils exercent.

Votre proposition pose, à mes yeux, deux difficultés : la première, c’est que les salariés dont nous parlons sont déjà présents sur le territoire et travaillent depuis au moins plusieurs mois, ce qui suppose que leur niveau de salaire a déjà été fixé ; la seconde tient au fait que les situations, nous le savons, sont extrêmement hétérogènes.

Par ailleurs, j’ajouterai qu’il faut veiller à ce que cette disposition n’ouvre pas, pour ainsi dire, une trappe à bas salaires. Monsieur le sénateur, nous pouvons nous retrouver sur ce point.

M. Philippe Bonnecarrère acquiesce.

Debut de section - Permalien
Olivier Dussopt

Enfin, madame Carrère, nous ne voulons pas que la précarité s’installe dans ces situations ou que les étrangers soient employés à moindre coût.

Dès lors que le salarié sera régularisé – concrètement, s’il possède une carte de séjour pluriannuelle –, sa situation deviendra pérenne. L’employeur aura alors l’obligation de participer à sa formation, notamment pour l’apprentissage du français. Pour cela, l’employeur devra soit lui libérer du temps, soit lui permettre d’aménager son temps de travail, pour qu’il puisse participer à cette formation.

Au contraire, nous cherchons, au travers de ce projet de loi, le bon équilibre, pour que ce titre de séjour sécurise les employeurs – ceux-ci sont régulièrement confrontés à des situations dans lesquelles ils ne se savent pas que l’étranger en situation régulière qu’ils emploient n’a pas vu son titre de séjour être renouvelé –, et pour que les travailleurs, qui sont souvent exploités de façon dramatique, puissent se sortir d’une telle situation de dépendance.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

En complément des explications de M. le ministre du travail, je répondrai aux différents orateurs sur les points qui relèvent de mon domaine de compétences.

Monsieur le président Buffet, vous avez fait nombre de propositions, qui recoupent, pour certaines d’entre elles, les mesures que nous avons introduites dans le projet de loi que nous sommes en train de préparer et qui doit encore faire l’objet d’un avis du Conseil d’État.

Monsieur Laurent, à ce sujet, nous nous sommes vus récemment avec les membres de votre groupe – nous rencontrerons prochainement aussi le groupe communiste de l’Assemblée nationale –, mais je tiens à préciser que nous souhaitons attendre la fin des concertations politiques et des débats prévus par l’article 50-1 de la Constitution avant d’avancer. Ce n’est qu’alors que nous transmettrons le texte au Conseil d’État, avant sa délibération en conseil des ministres et son examen par le Parlement.

À ce jour, les avis convergent sur plusieurs mesures ; d’autres n’ont pas été reprises dans notre projet de loi, à la suite des arbitrages rendus par le Président de la République et la Première ministre – je pense à l’aide médicale d’État et aux mesures relatives aux étrangers malades, puisque nous en débattons chaque année dans le cadre du PLFSS et du PLF, vous le savez mieux que quiconque, mesdames, messieurs les sénateurs.

J’en profite pour vous rappeler simplement que les chiffres présentés par différents orateurs à la tribune à propos du titre de séjour « étranger malade » ne sont pas tout à fait exacts, si je puis me permettre ; ce point n’enlève rien au fait que la France est le seul pays à offrir de tels critères d’admission, mais là n’est pas la question.

Nous avons procédé à une réforme de ce titre, dans la loi Collomb, puis au travers de certaines dispositions introduites dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale et dans les projets de loi de finances. En vérité, si 5 000 titres d’étrangers malades ont bien été délivrés en 2019 – contre près de 6 850 en 2016 –, leur nombre ne s’élève plus qu’à quelque 3 700 cette année, soit une baisse de 45 % par rapport à 2017, au moment où le Président de la République a été élu, et de 25 % par rapport aux années qui ont précédé la covid.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je le répète, seulement 3 700 titres d’étrangers malades sont délivrés aujourd’hui, essentiellement à des personnes atteintes du VIH, qui viennent de pays où les thérapies contre cette maladie ne sont pas connues.

Monsieur le président Buffet, nous avons instauré, vous le savez, une procédure à laquelle doit se soumettre chaque étranger délinquant, détenu dans un centre de rétention administrative, qui, en raison de sa maladie, sollicite la demande de titre de séjour « étranger malade », pour un motif que l’on pourrait qualifier d’« humanitaire » : désormais, un médecin de l’Ofii, totalement indépendant, procède au diagnostic de la pathologie et vérifie s’il existe ou non une thérapie dans le pays d’origine du demandeur. Si tel n’est pas le cas, nous lui accordons l’asile, conformément à notre engagement ; à l’inverse, si une thérapie existe, le demandeur est expulsé.

L’opportunité du titre peut être mise en cause dans le cadre de ce projet de loi, comme celle de tous les titres de séjour du reste, mais je pense que les termes du débat seront différents de ceux qui ont été défendus il y a cinq ans.

Je ne reviens pas sur la question de l’AME – les différents arguments ont été opposés –, qui ne sera pas inscrite dans le projet de loi, je le rappelle, car nous en débattons chaque année au moment de l’examen des textes financiers.

En ce qui concerne les exécutions des mesures d’éloignement – les OQTF – le débat devient totémique et les slogans brandis ne correspondent pas tout à fait à la réalité…

Mesdames, messieurs les sénateurs, les services du ministère de l’intérieur, tout comme vous dans vos rapports de 2019 et 2020, estiment le nombre de mesures qui ont été exécutées à partir des informations dont ils disposent ; ce n’est pas la même chose que présenter le nombre de mesures réellement exécutées !

Je m’explique : ce que nous connaissons, c’est le nombre des personnes qui ont quitté l’espace Schengen. C’est un point important, puisque cela veut dire que lorsqu’un étranger quitte la France, après avoir reçu une OQTF, ou toute autre mesure d’éloignement, pour rejoindre la Belgique, par exemple, nous ne le savons pas !

À Tourcoing, on ne compte pas moins de dix-sept points de passage avec la Belgique et aucun contrôle à la frontière… Quand les personnes devant quitter le territoire national se rendent dans un État membre de l’espace Schengen sans qu’il y ait de contrôle aux frontières, nous ne sommes pas informés de leur sortie.

Il est vrai, et nous en reparlerons, que le système d’entrée-sortie de Schengen (ESS) et le règlement Etias nous permettront à l’avenir d’en être informés, mais, à ce jour, ce n’est pas le cas.

Par ailleurs, nous ne pouvons dénombrer que les personnes bénéficiant de l’aide au retour volontaire, accompagnées par l’Ofii, ou celles qui ont reçu une OQTF, exécutée par la police aux frontières, parce que le consulat du pays en question a délivré un laissez-passer, ou, tout simplement, parce que le passeport permet aux policiers aux frontières de les embarquer dans un avion, afin de les accompagner dans leurs pays.

Nombreux sont les étrangers qui respectent les lois de la République. Ceux-là, quand ils voient qu’ils ne sont pas bienvenus sur le sol de la République, parce qu’ils ont fait l’objet d’une OQTF ou d’une aide au retour volontaire, contre lesquelles ils peuvent avoir déposé un certain nombre de recours, quittent le territoire national, sans jamais se signaler à la préfecture ni à la police aux frontières.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie le conteste.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

C’est d’ailleurs pour cette raison que la circulaire que j’ai prise, à la suite de différents faits divers sur lesquels je ne reviendrai pas, permet justement d’indiquer le nombre de personnes inscrites dans le fichier des personnes recherchées, afin que, lorsqu’elles passent entre les mains de la police aux frontières, nous sachions exactement combien d’entre elles sont parties.

Le nombre d’OQTF que vous avez cité – quelque 121 000 personnes en 2021 – ne correspond pas au nombre de mesures individuelles qui ont réellement été prises ; c’est simplement le nombre de mesures prises, tout court ! En effet, certaines personnes ont fait l’objet de plusieurs mesures individuelles – une OQTF, parfois deux, accompagnée d’une interdiction de retour sur le territoire français (IRTF), par exemple –, ce qui entraîne plusieurs mesures.

Si nous comparons le nombre de personnes renvoyées dans des pays étrangers et le nombre de mesures prises, nous ne pouvons évidemment pas atteindre une parfaite adéquation, puisque, je l’ai dit, certaines personnes – jusqu’à 20 % des personnes inscrites dans les fichiers dits « des mesures administratives » – ont fait l’objet de plusieurs dispositions d’ordre individuel.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Mesdames, messieurs les sénateurs, je citerai, à mon tour, les chiffres que nombre d’entre vous ont déjà utilisés : aucun gouvernement n’a jamais atteint une proportion supérieure à 20 % d’exécutions effectives d’OQTF.

Monsieur le président Buffet, en 2011 et 2012, des années qui n’étaient pas mauvaises, si je puis dire, quelque 85 000 mesures ont été prises. Plus précisément, en 2011, les services ont dénombré quelque 7 970 reconduites aux frontières, contre 6 284 en 2012.

Si je prends l’exemple de l’année 2021, mes services ont dénombré 124 000 mesures – toutes mesures administratives confondues, et en incluant également les personnes ayant fait l’objet de plusieurs mesures administratives. Dans l’hypothèse où ce chiffre est partagé par tous, il faut alors le comparer avec les quelque 116 984 reconduites qui ont été rendues effectives. C’est plus du double des reconduites réalisées par le passé, alors même que le nombre des mesures ordonnées, lui, n’a pas doublé.

Monsieur le président Buffet, nous avons eu à peu près le même taux d’exécution, comme l’a rappelé le président Patriat. Sous le quinquennat du Président Hollande, il est vrai, la situation s’est beaucoup détériorée.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Pierre de La Gontrie

Mme Marie-Pierre de La Gontrie. Mais oui ! C’est sans doute à cause de M. Dussopt…

Sourires sur les travées du groupe SER.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

M. Gérald Darmanin, ministre. Madame de La Gontrie, je vais vous répondre, ne vous inquiétez pas. Ne hâtez pas ma réponse, car je crains qu’elle ne vous déplaise…

Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Jean-Yves Leconte protestent.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Sous le quinquennat Hollande, donc, sur les 100 000 mesures prises, seulement 7 000 reconduites aux frontières ont été rendues effectives. À cette époque, la situation s’est détériorée, nous le voyons bien.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Quant à nous, nous avons réalisé la meilleure année en matière d’exécutions des reconduites aux frontières, si je puis m’exprimer ainsi, et ce malgré les difficultés liées à la situation en Syrie.

Mesdames, messieurs les sénateurs qui siégez sur les travées de droite, je ne vous ferai pas l’affront de rappeler que le président Sarkozy, lors de son quinquennat, n’avait pas été confronté aux mêmes difficultés que nous rencontrons actuellement en Libye, en Afghanistan et au Soudan : sur tous les fronts, les difficultés diplomatiques se sont multipliées – je rappelle simplement ce point pour expliquer le contexte du quinquennat du président Macron.

Pour autant, malgré les difficultés diplomatiques que nous rencontrons, notamment à cause de pays en guerre, je constate que l’année 2019, avant la covid, a connu le meilleur taux de reconduites aux frontières.

Est-ce suffisant ? Non, car 20 %, cela veut toujours dire qu’un cinquième seulement des mesures prises a été rendu effectif. Aussi, nous devons repenser totalement le système des reconduites aux frontières, des OQTF et du placement.

Monsieur Bonnecarrère, vous avez fait allusion au système d’entrée-sortie de Schengen qu’il faut mettre en place ; M. Leconte a d’ailleurs évoqué le règlement Etias (système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages). La France est prête à mettre en place ces textes.

À chaque conseil Justice et affaires intérieures, je le répète sans cesse, nous nous interrogeons sur les causes du report de la date d’entrée en vigueur du système de contrôle des entrées et des sorties des frontières extérieures de l’espace Schengen, car il est très important : pour tout étranger et tout citoyen de l’espace Schengen, grâce à une fiche de présence sur le territoire européen, nous pourrons suivre entrées et sorties et éviter les doublons de demandes de titre de séjour.

Etias est également essentiel, car il instaure l’interopérabilité entre toutes les polices européennes, ce qui rend possible un contrôle du pays d’origine, de l’entrée et de la sortie pour tous les étrangers. Ainsi, grâce à cette action lancée sous le précédent quinquennat, nous lutterons mieux contre le risque terroriste.

Cependant, si la France est le seul pays à instaurer le système EES, cela ne sert pas à grand-chose. Nous ne ferons que rallonger les délais d’attente à nos frontières, particulièrement dans les ports et aéroports, sans qu’aucun pays européen nous accompagne. Nous mettrons donc en place le système EES quand tous les pays seront prêts, et le plus rapidement possible – je suis tout à fait d’accord avec vous sur ce point.

Je suis le dossier de près au sein de mon ministère et je puis vous assurer que la France ne souffre ni de lacunes en développement informatique ni d’un manque de volonté. En revanche, tous les pays de l’Union européenne ne partagent pas le même entrain.

L’ouverture récente de l’espace Schengen, qui sera bientôt confirmée par les chefs d’État et de gouvernement, n’améliore pas la situation.

La sortie de nos amis britanniques de l’espace Schengen, alors qu’ils étaient, comme membres de l’Union européenne, l’un de ses partisans, va poser un certain nombre de problèmes, notamment pour le port de Douvres et pour les citoyens de pays tiers. Mon homologue britannique me demande sans cesse de reporter la mise en œuvre de ce système EES, ce à quoi le ministère de l’intérieur est opposé.

Monsieur le président Buffet, nous sommes aussi d’accord au sujet de l’examen sur les valeurs de la République, complémentaire de l’examen de langue française. Nous vous proposerons de nouvelles dispositions législatives, que nous sommes prêts à améliorer.

Le refus d’asile et l’OQTF constituent deux actes administratifs différents – nous en reparlerons avec le Conseil d’État. Un recours reste possible contre l’OQTF – je parle sous le contrôle du garde des sceaux –, mais nous souhaitons qu’il soit soumis à conditions et particulièrement réduit dans le temps.

Monsieur Leconte, vous nous avez proposé une chronique, ou plutôt une plaidoirie contre votre propre bilan. Il n’y aurait pas assez d’agents dans les préfectures. Vous avez tout à fait raison : vous avez supprimé 11 000 agents en cinq ans.

M. Jean-Yves Leconte s ’ exclame.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Oui, monsieur Leconte, c’est bien vous qui les avez supprimés ! La Cour des comptes elle-même le dit ; tout le monde le dit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Vous êtes aux affaires depuis plus de cinq ans !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Quand j’étais ministre des comptes publics, sous l’autorité d’Édouard Philippe, nous avons mis fin aux suppressions de postes dans les préfectures. Et depuis que je suis ministre de l’intérieur, dans les gouvernements de Jean Castex et maintenant d’Élisabeth Borne, nous augmentons le nombre d’agents dans les préfectures – vous avez mal suivi la loi de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), même si je suis fort heureux que vous l’ayez votée en première lecture. Vous, vous avez supprimé 11 000 postes !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Monsieur le sénateur, je vous en prie, je vous ai écouté avec attention : ce sont bien 11 000 postes que vous avez supprimés. Et ensuite vous nous dites, comme le coq de Chantecler qui pense qu’il fait se lever le soleil, qu’il est terrible de voir les gens mal reçus en préfecture. Si vous n’aviez pas supprimé tous ces postes lorsque vous étiez en responsabilité, il en serait allé autrement.

J’en viens aux contrôles aux frontières : ils seraient contraires au droit européen et scandaleux, dites-vous. Mais qui a mis en place ces contrôles aux frontières en 2015 ? Qui donc ? Je ne me rappelle plus très bien…

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

M. Gérald Darmanin, ministre. Trois fois, sous des gouvernements de gauche, vous avez demandé ces contrôles aux frontières. Huit pays ont rétabli ces contrôles.

M. Jean-Yves Leconte proteste.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Permettez-moi de vous répondre, monsieur Leconte !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Ce sont là des vérités que vous ne voulez pas entendre. Vous devriez rencontrer plus souvent Bernard Cazeneuve, car vous êtes manifestement bien éloigné de la politique qu’il défendait lorsqu’il exerçait la responsabilité du ministère de l’intérieur.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Et je ne cite même pas Manuel Valls, …

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

… car vous nous feriez une crise d’urticaire. Vos deux ministres de l’intérieur défendaient exactement ce que nous défendons : vous devriez plutôt vous en réjouir. ( Mme Marie-Pierre de La Gontrie et M. Jean-Yves Leconte protestent.)

Cinq de vos camarades sociaux-démocrates ont instauré des contrôles aux frontières de l’Union européenne. Pourquoi ? Non pas pour des raisons migratoires, mais pour lutter contre le terrorisme.

Si nous avons rétabli les contrôles aux frontières dans la période récente, c’était après l’attaque de la basilique de Nice, qui a entraîné la mort de trois personnes. À l’époque, personne – en ces jours de procès des auteurs des attentats de Nice, vous n’irez pas dire le contraire – ne contestait notre souhait de retrouver la maîtrise de nos frontières.

Quant aux visas Balladur, combien de temps avez-vous été en responsabilité ?

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

M. Gérald Darmanin, ministre. Mais moi, je ne suis pas contre la suppression de ces visas ! Voilà toute la différence entre nous !

Vives exclamations sur les travées du groupe SER.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Richard

Chers collègues, pourriez-vous écouter le ministre sans crier ?

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Vous pensez, monsieur le sénateur, qu’il faut permettre à tous les étrangers présents à Mayotte de venir sur le sol réunionnais et sur le sol métropolitain. On voit bien que vous n’êtes pas allés très souvent à Mayotte. Allez le dire à vos collègues mahorais ! La situation à Mayotte est totalement insolite, chacun en est convaincu.

Les visas Balladur s’appellent ainsi parce qu’ils ont été instaurés sous le Premier ministre du même nom. Cela ne rajeunira personne… À l’époque, je n’étais même pas en classe de sixième, mais vous, monsieur le sénateur, vous faisiez déjà de la politique.

Murmures.

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Vous dites qu’il existe deux types d’asiles, mais vous confondez les sujets : il y a l’asile d’un côté et l’immigration de l’autre. Quand 70 % des demandes d’asile reçoivent une réponse négative après leur passage devant la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), c’est bien qu’il existe un problème d’orientation, monsieur le sénateur !

Il faut soit fermer les yeux, soit être extrêmement naïf pour ne pas voir qu’il existe, d’une part, des gens qui méritent absolument l’asile, et, d’autre part, des personnes qui utilisent l’asile pour rester illégalement sur le territoire de la République. Chacun le sait ! Rencontrez les agents de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra), ils vous le diront, sans la moindre idéologie.

Notre travail est entravé : les personnes éligibles à l’asile mettent beaucoup trop de temps à l’obtenir et vivent ainsi une très grande paupérisation, parce que tous ceux qui ne sont pas éligibles à l’asile utilisent cette procédure comme une voie d’immigration illégale. C’est la vérité première, et beaucoup l’ont dit. C’est si vrai que je n’ai qu’à vous renvoyer aux précédents débats parlementaires : Manuel Valls et Bernard Cazeneuve défendaient la même position.

Vous affirmez que, depuis 1982, quelque trente textes ont été examinés : tous, vous faites ainsi le procès de votre propre passé. En un quinquennat, nous n’en avons présenté qu’un seul !

Debut de section - Permalien
Gérald Darmanin

Si trente textes ont été pris en quarante ans, c’est parce que la situation est difficile, en raison d’une jurisprudence complexe, des engagements internationaux de la France et des phénomènes migratoires liés à la déstabilisation de certains pays. Quoi qu’il en soit, les trente textes en quarante ans ne sont pas un argument valable, puisque nous n’en avons présenté qu’un seul en six ans.

Enfin, vous avez parlé des personnes en situation irrégulière, que nous acceptons en trop grand nombre et que nous n’avons pas régularisées.

En 2012, lorsque M. Hollande est arrivé aux responsabilités, 208 000 irréguliers sur le territoire national étaient inscrits à l’aide médicale d’État (AME). Par nature, nous ne connaissons pas exactement le nombre d’irréguliers, mais l’AME reste le chiffre le moins contestable, car un grand nombre d’irréguliers s’y inscrivent pour pouvoir se faire soigner.

En 2017, ils étaient 315 000, ce qui représente une augmentation de plus de 100 000 personnes sous votre responsabilité ! Certes, sous le quinquennat du président Macron, ce chiffre est passé de 315 000 à 350 000, notamment car nous ne pouvions pas, en 2020 et 2021, renvoyer des étrangers dans leur pays à cause de la crise de la covid, l’espace aérien étant fermé.

Cette augmentation est certes importante et elle mérite d’être régulée, monsieur le président de la commission des lois, mais elle n’a rien à voir avec l’augmentation exponentielle que vous avez connue, monsieur le sénateur Leconte.

À l’époque, d’ailleurs, vous n’avez pas eu le courage, contrairement à notre Première ministre et au ministre du travail, de proposer des régularisations par le biais d’une loi. Vous avez préféré faire passer la circulaire Valls, dont je rappelle qu’elle proposait 30 000 régularisations – 23 000 au titre du rapprochement familial et 7 000 au titre du travail.

Ne donnez pas des leçons de régularisation et d’humanité quand vous n’avez pas été capables, en votre temps, d’assumer vos responsabilités. Sur de tels sujets, il faut être plus constructif et objectif, monsieur le sénateur.

Monsieur Laurent, il ne s’agit pas de généraliser le juge unique au sein de la CNDA, mais de l’autoriser – voilà qui est très différent – et de laisser à la CNDA le choix de sa formation.

Soit elle considère que les affaires sont simples, aussi bien pour accorder l’asile que pour le refuser – voyez le cas des Ivoiriens, par exemple, dont l’immense majorité ne bénéficie pas de l’asile sans que cela pose de question de principe –, et elle statue sous la forme du juge unique.

Soit il s’agit de cas complexes – orientation sexuelle, réfugiés issus de pays divisés, comme le Soudan, ou encore la situation des ressortissants d’Afghanistan qui ont fui les talibans, à l’origine de la jurisprudence Kaboul –, et nous laissons alors à la CNDA la possibilité de siéger en formation collégiale ou en formation de juge unique.

Bref, le Gouvernement ne propose pas la généralisation du juge unique : au contraire, il laisse le choix à la cour. Cette demande est formulée en partie par le Conseil d’État lui-même, dans le rapport de son ancien vice-président Bruno Lasserre. Certes, vous ne disposez pas encore du texte du Gouvernement, mais permettez-moi de vous corriger : il ne s’agit en rien de généraliser le juge unique.

Monsieur Benarroche, j’ai bien compris les interrogations de votre groupe, mais il n’est pas possible de dire que des milliers de places d’hébergement sont supprimées à Calais.

Au contraire, des milliers de places d’hébergement sont libres, à Calais et sur toute la côte d’Opale – je le dis devant tous les élus de ce secteur, d’autant que j’en suis un moi-même. Ce qui est vrai, c’est que, en laissant les migrants en marge dans des jungles ou auprès des passeurs, nous faisons le jeu de ces derniers : dans toutes les villes du Nord-Pas-de-Calais, les passeurs expliquent qu’il ne faut pas accepter les hébergements, pour garder les migrants sous la main, en leur promettant de les faire passer de l’autre côté de la frontière.

Je salue la proposition du garde des sceaux, à savoir requalifier de délit en crime les agissements des passeurs, avec des peines allant jusqu’à vingt ans de prison. C’est une bonne chose, et j’espère un vote unanime sur ce texte. Quoi qu’il en soit, on ne peut pas dire que l’État ne fait pas son travail d’hébergement et d’accompagnement à Calais. D’ailleurs, nous aurions bien aimé que beaucoup nous accompagnent pour encourager les migrants à accepter les hébergements proposés.

Monsieur Benarroche, si la proposition des groupes de gauche du Sénat est de faire pour les demandeurs d’asile ce que nous faisons pour les Ukrainiens, ce sera idéologiquement difficile pour vous. En effet, nous ne donnons pas l’asile aux Ukrainiens ! Nous leur accordons, très rapidement, une protection pour trois ans, puis ils repartent.

Si votre proposition est de mettre fin au droit d’asile et d’accorder une protection temporaire pendant un, deux ou trois ans, vous serez bien plus à droite que ceux que vous dénoncez. Tout cela est bien paradoxal.

Madame la sénatrice Benbassa, je ne répondrai pas à vos provocations ; elles sont difficiles à entendre, car elles sont insultantes pour une partie d’entre elles. Je répondrai seulement à la dernière ; vous avez évoqué mes deux grands-pères, pour vous demander si je serais ici devant vous s’ils n’avaient pas été accueillis en France. Je vous trouve bien mal renseignée !

L’un de mes grands-pères est né en Algérie, du temps où ce territoire était français. Il s’est engagé dans l’armée coloniale à 14 ans ; il ne savait ni lire ni écrire, et la France lui a énormément apporté. En 1962, il a choisi notre pays. Il était un militaire de carrière et un Français de volonté. Oui, évidemment, pour ces Français de volonté, le Gouvernement est tout à fait prêt à construire de belles histoires.

Mon second grand-père était un juif maltais, né en Tunisie. Il est venu en France dans les années 1930, pour travailler dans les mines. Il a ensuite rencontré ma grand-mère, et ainsi me voilà, manifestement pour votre plus grand plaisir… Oui, avec le texte que nous proposons, ce grand-père, qui est venu exercer en France un métier difficile, aurait été régularisé et naturalisé.

Mes deux grands-pères avaient de grandes qualités : ils aimaient la France, ils étaient travailleurs et ils n’avaient pas de casier judiciaire. Donc, oui, avec une telle loi, je serais bien là devant vous.

Applaudissements sur les travées du groupe RDPI, ainsi que sur des travées du groupe RDSE. – M. Philippe Bonnecarrère applaudit également.

Debut de section - Permalien
Elisabeth Borne

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite avant tout remercier les oratrices et les orateurs qui ont pris la parole ce soir.

Nous avons des points de vue différents, bien sûr – c’est le principe de la démocratie. Des malentendus, sans doute, restent à lever. Je l’ai dit, tout comme les ministres : il n’est pas question de régularisation massive. Il n’est pas non plus question de faire croire que c’est par l’immigration que nous allons régler les tensions sur le marché du travail.

Cependant, je crois fermement que, pour celles et ceux qui sont sur notre sol depuis longtemps, qui participent à la vie économique et sociale de notre pays et qui sont enfermés dans la précarité, nous devons trouver un chemin vers des régularisations ciblées, en veillant naturellement à ne pas créer des appels d’air ou à ne pas tirer vers le bas les conditions d’emploi. Je suis convaincue que, si nous travaillons ensemble de bonne foi, nous pourrons trouver des solutions et répondre à des craintes légitimes.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai noté dans la plupart des interventions des points de convergence et une volonté de construire ensemble. Nous sommes d’accord, collectivement, pour agir aux racines de l’immigration illégale en travaillant avec les pays d’origine et de transit et en mettant notre aide au développement au service de la transition écologique et de la lutte contre la pauvreté.

J’ai aussi noté des convergences sur la question de nos procédures et du respect de notre droit. Ce n’est pas une surprise, puisque nos orientations s’inspirent, voire reprennent, sur beaucoup de points, les conclusions du rapport du président Buffet.

Enfin, je note également un consensus sur la nécessité d’intégrer mieux, notamment par le travail, ceux que nous acceptons sur notre sol. Cet enjeu est essentiel : là encore, nous pourrons avancer ensemble.

Mesdames, messieurs les sénateurs, beaucoup d’entre vous – je l’ai entendu – partagent notre volonté d’efficacité et d’équilibre. Dans les mois qui viennent, et d’abord au Sénat, nous examinerons un projet de loi pour notre politique migratoire, un projet de loi sur lequel nous pouvons travailler ensemble. J’ai confiance en notre esprit de responsabilité collective.

Applaudissements sur les travées d es groupes RDPI et INDEP. – MM. Henri Cabanel et Philippe Bonnecarrère applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous en avons terminé avec le débat sur la déclaration du Gouvernement relative à la politique de l’immigration.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-et-une heures trente-cinq, sous la présidence de M. Vincent Delahaye.