Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, parmi les dispositions très diverses de ce texte, qui n’ont pour point commun que d’assurer la mise en conformité du droit national au droit européen, la commission des affaires sociales s’est penchée sur les articles relatifs au handicap, au travail et à la santé publique.
Concernant le handicap, l’article 12 vise à autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures nécessaires à la transposition de la directive 2019/882 du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services.
Les premiers jalons de cette exigence d’accessibilité ont été posés par la loi du 11 février 2005. Au regard de la réglementation existante, la directive procède à un double élargissement, puisqu’elle rend obligatoires les exigences d’accessibilité à un plus grand nombre de produits, d’une part, à un plus grand nombre d’acteurs économiques, d’autre part, et ce à compter du 28 juin 2025. L’article 2 de la directive en énumère la liste.
Au regard de la technicité des mesures et de la nécessité d’harmoniser les réglementations qui concernent aussi bien le secteur bancaire que les transports ou la culture, le recours à l’habilitation me semble justifiable. Compte tenu des retards rencontrés dans l’application des mesures d’accessibilité physiques, nous devrons être attentifs au calendrier de la mise en œuvre de ces nouvelles obligations par les opérateurs économiques.
Concernant les dispositions relatives au travail, la commission a approuvé l’article 14, qui vise à sécuriser les droits des salariés prenant des congés familiaux, en ajustant notre droit aux exigences qui découlent de la directive du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants.
À l’issue d’un congé de paternité, d’un congé parental ou d’un congé de présence parentale, le salarié conservera le bénéfice de tous les avantages qu’il avait acquis avant le début du congé. Les salariés du particulier employeur, les assistants maternels et les assistants familiaux employés par des personnes privées pourront bénéficier des congés de proche aidant et de solidarité familiale. En outre, l’ancienneté d’un an, requise pour bénéficier d’un congé parental d’éducation, sera comptabilisée à compter non plus de la date de naissance de l’enfant ou de son arrivée dans le foyer, mais de la date de la demande du congé par le salarié.
Dans le prolongement de ces mesures, la commission a ajouté les périodes de congé de paternité aux périodes de congé assimilées à une présence dans l’entreprise pour la répartition de la réserve spéciale de participation entre salariés.
La commission a également adopté les articles 15 et 16, qui ont pour objet d’adapter le droit du travail à la directive du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne.
Cette directive impose aux employeurs d’informer les salariés sur les éléments principaux de la relation de travail en leur transmettant quinze types d’information dans un délai de sept à trente jours. La précision de la directive européenne ne laisse presque aucune marge de manœuvre au législateur pour transposer ces exigences dans le droit national. Nous avons donc approuvé l’article 15, qui prévoit que l’employeur remette au salarié un ou plusieurs documents établis par écrit précisant les informations principales relatives à la relation de travail.
J’attire toutefois l’attention du Gouvernement sur le fait que ces démarches supplémentaires, imposées aux employeurs, doivent être applicables et simples. Il conviendra d’accompagner les entreprises, notamment les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), dans la mise en œuvre de cette obligation, au moyen de l’élaboration de documents types à remettre aux salariés.
Nous avons approuvé la suppression de la possibilité de fixer, dans des accords de branche conclus avant 2008, des durées de période d’essai plus longues que la durée légale. Nous avons également entériné le renforcement de l’information des salariés en CDD ou en contrat d’intérim sur les postes en CDI à pourvoir au sein de l’entreprise. L’exclusion des dispositions de la directive aux salariés employés par le chèque emploi service pour de courtes durées ou par l’intermédiaire du guichet unique du spectacle occasionnel nous a semblé justifiée. Ces ajustements sont nécessaires et suffisants pour que notre droit du travail soit conforme au droit européen.
Concernant les dispositions relatives à la santé, la commission a globalement pris acte des adaptations ou des mises en conformité de notre droit.
L’article 19 a pour objet de tirer les conséquences pour les installations de chirurgie esthétique de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne établie par l’arrêt Vanderborght du 4 mai 2017 relative à la publicité dans le domaine de la santé. Depuis lors, un régime d’autorisation de principe, en la matière, est postulé ; il est toutefois encadré pour des motifs de santé publique et de dignité de la profession. Sur ce sujet, j’estime que l’enjeu est aujourd’hui celui de l’effectivité des contrôles, notamment sur les réseaux sociaux.
L’article 20 concerne les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales (DADFMS). Il s’agit de transcrire en droit français la dénomination apportée à l’échelon européen à ces produits très encadrés sur leur composition et l’information qui est jointe. Cependant, cet article va au-delà du seul changement de termes, puisqu’une distinction est faite selon les risques présentés par les denrées. Sur ce point, la commission a souhaité prévoir un encadrement plus strict des modes de délivrance et renforcer les exigences de contrôle médical.
Le Gouvernement, profitant de cette adaptation, a en outre prévu un changement de la distribution d’une partie de ces aliments. Les produits distribués aujourd’hui principalement par la pharmacie centrale de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) pourraient désormais être délivrés en officine. Cette modification, qui me semble recevable, a cependant fait naître de vives inquiétudes auprès de patients atteints de pathologies du métabolisme.
Je souhaite que le Gouvernement puisse, au cours de la discussion du texte, apporter des garanties sur les capacités de distribution de l’ensemble des spécialités, mais également nous rassurer sur les conditions de prise en charge, qui n’ont pas vocation à être modifiées.
L’article 21 vise à adapter le dispositif national de déclaration de la composition des mélanges dangereux par les industriels au système européen de déclaration unique, instauré en application des dernières modifications du règlement européen de 2008 relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, dit règlement CLP.
L’avantage de ce portail est de dispenser les industriels de remplir autant de déclarations qu’il existe de pays où se déploie leur activité, mais il a vocation à remplacer notre portail national, qui alimente depuis douze ans la base de données des centres antipoison qui peuvent avoir à connaître de ces produits à des fins préventives ou curatives. L’article 21 a pour objet de réécrire en conséquence les dispositions adéquates du code de la santé publique et du code du travail.
L’article 22, quant à lui, vise à adapter le droit français au « paquet médicaments vétérinaires », adopté en janvier 2019. Il s’agit, d’une part, de ratifier l’ordonnance du 23 mars 2022, qui a récemment adapté notre droit à ces nouvelles règles européennes, d’autre part, de tirer les conséquences d’une nouvelle répartition des compétences entre l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et les directions départementales de la protection des populations, lesquelles récupèrent la gestion des établissements de fabrication d’aliments médicamenteux.
L’article 23 vise à adapter le droit national aux règlements européens relatifs aux dispositifs médicaux et dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, entrés en vigueur récemment. À cet égard, il tend à ratifier deux ordonnances prises par le Gouvernement en 2022 pour apporter au code de la santé publique les modifications nécessaires, et inclut des dispositions directement relatives aux pouvoirs de sanction de l’administration des douanes notamment, qui n’avaient pu être introduites dans les ordonnances.
Les mesures de ces règlements ont permis d’harmoniser les normes applicables aux dispositifs médicaux, d’améliorer leur sécurité et de renforcer la transparence du marché. C’est pourquoi la commission a adopté l’article 23, en y ajoutant toutefois des dispositions qui visent à nous permettre de lutter plus efficacement contre les pénuries de dispositifs médicaux et de mieux anticiper les ruptures.
Enfin, l’article 24 soumet les pharmacies d’officine à une pénalité financière en cas de manquement à leur obligation de sérialisation des médicaments. Cette opération, qui garantit l’usage unique des boîtes de médicament, est une obligation européenne depuis février 2019, mais le taux de pharmacies connectées au système qui permet de la réaliser vient tout juste de dépasser 50 %, alors qu’il est plus proche de 80 % en moyenne dans le reste de l’Union européenne.
En conséquence, la Commission européenne fait peser sur l’État français la menace d’une sanction pour manquement de l’ordre de 300 millions d’euros à 400 millions d’euros.
L’article reprend le dispositif que nous avions voté dans le PLFSS pour 2022, mais qui avait été censuré par le Conseil constitutionnel, à la différence près que la pénalité est rendue forfaitaire. Sans doute est-ce une bonne solution pour rendre la menace claire et facile à prononcer par les équipes de l’assurance maladie et inciter ainsi davantage d’officines à se mettre en conformité avec la réglementation.
Au nom de la commission des affaires sociales, je vous invite donc à adopter le projet de loi dans la rédaction résultant des travaux de nos différentes commissions.