Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement nous présente aujourd’hui un nouveau projet de loi d’adaptation au droit de l’Union européenne, un an après le précédent. Il nous a saisis dans des délais particulièrement contraints, puisqu’il a déposé son projet de loi le 23 novembre, alors que nous examinions le projet de loi de finances.
La commission des finances dispose d’une délégation au fond sur neuf articles, les articles 1er à 8 et l’article 13, qui concernent des sujets très différents. Cinq d’entre eux sont des demandes d’habilitation.
Le Sénat appréciant peu les ordonnances, je me suis attaché à vérifier que celles-ci étaient suffisamment circonscrites, qu’il n’était pas possible de les transposer « en dur » et que les délais proposés nous permettaient de respecter nos obligations européennes.
Dans plusieurs cas, c’est le retard pris par le Gouvernement pour transposer des directives ou pour adapter notre droit à celui de l’Union européenne qui le conduit à demander des habilitations et à exiger du Sénat une première lecture dans des délais extrêmement contraints.
Les articles 1er, 2, 4, 5, 6 et 13 interviennent dans les domaines assurantiels, bancaires ou des marchés financiers, et relèvent avant tout de dispositions techniques. Après un examen approfondi, ils n’ont pas soulevé de difficultés particulières et ont fait l’objet de deux amendements rédactionnels en commission.
L’article 3 corrige une erreur de suradaptation du droit interne qui a conduit à appliquer à l’ensemble des entreprises d’assurance mutuelle et des institutions de prévoyance l’obligation de publier des informations en matière de durabilité.
Vous m’autoriserez, monsieur le ministre, à rappeler à cette occasion que, dans le cadre de l’examen de la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, le Sénat avait supprimé l’article transposant le règlement européen, en ayant déjà relevé qu’il excédait les exigences européennes. Le Gouvernement, qui avait ensuite réintroduit cette disposition dans le texte, se rend aujourd’hui compte que, comme souvent, le Sénat avait raison.
Les articles 7 et 8, qui concernent les entreprises, soulèvent les enjeux les plus importants.
L’article 7 est une demande d’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour transposer la directive du 24 novembre 2021 relative à la communication, par certaines entreprises et succursales, d’informations relatives à l’impôt sur le revenu des sociétés.
Sur ce sujet, je regrette que le Gouvernement n’ait pas choisi, comme il aurait pu le faire, la transposition « en dur ». Il disposait en effet d’un an pour s’y préparer. De surcroît, nous n’avons pas pu obtenir les informations que nous demandions sur deux questions importantes : les obligations déclaratives des entreprises et la définition de la clause de sauvegarde. En conséquence, nous ne pouvons pas accepter l’habilitation. Je proposerai donc un amendement de suppression.
L’article 8 est, lui aussi, une demande d’habilitation du Gouvernement, cette fois-ci pour transposer la directive dite CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), relative à la publication d’informations en matière de durabilité des entreprises.
J’attire d’abord votre attention sur le fait que la directive n’a été définitivement adoptée par le Conseil que la semaine dernière et qu’elle n’a pas encore été publiée au Journal officiel de l ’ Union européenne, ce qui est assez inhabituel.
Par ailleurs, la demande d’habilitation était particulièrement large. Dans le texte déposé, avant la modification de l’article 8 par notre commission, le Gouvernement nous demandait de lui permettre de prendre toutes les mesures qu’il jugerait utiles sur les obligations sociales et environnementales des entreprises. Ce périmètre tout à fait démesuré excède très largement celui de la directive.
Nous avons donc restreint l’habilitation aux seuls domaines dans lesquels la législation française ferait doublon avec les nouvelles obligations de la directive CSRD.
Pour terminer, j’évoquerai rapidement l’encadrement des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN). La faillite de la société FTX et ses conséquences tant sur les investisseurs particuliers que sur les acteurs financiers doivent nous inviter à la plus grande vigilance. Nous proposerons un amendement pour prévoir l’obtention d’un agrément, et non plus simplement d’un enregistrement, beaucoup moins exigeant. Nous en reparlerons lors de l’examen de l’amendement que j’ai déposé.