Intervention de Cathy Apourceau-Poly

Réunion du 13 décembre 2022 à 14h30
Adaptation au droit de l'union européenne dans divers domaines — Discussion générale

Photo de Cathy Apourceau-PolyCathy Apourceau-Poly :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’examen de ce projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne (Ddadue) nous rappelle que la souveraineté de notre pays a été confisquée par les traités européens au profit d’une Europe ultralibérale appliquant la concurrence libre et non faussée au sein du marché intérieur, avec une Banque centrale européenne (BCE) indépendante de tout contrôle démocratique.

Cette Europe libérale, qui a dépecé notre industrie et démantelé nos services publics, se rappelle à nous en moyenne une fois par an lors de l’examen de ces fameux Ddadue. Celui qui nous est soumis aujourd’hui a été présenté le 23 novembre dernier en conseil des ministres et est examiné en première lecture au Sénat.

Comme le note justement notre commission des lois, « la nécessité, voire l’urgence à légiférer pour adapter le droit interne au droit de l’Union européenne ne saurait justifier les délais particulièrement courts laissés par le Gouvernement au Parlement, et en premier lieu au Sénat, pour mener à bien l’examen du projet de loi pour lequel la procédure accélérée a été engagée. »

J’invite le Gouvernement à lire l’excellent rapport d’information sur les méthodes de transposition des directives européennes, de nos collègues députés André Chassaigne et Jean-Louis Bourlanges, député MoDem, qui proposaient que les projets de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne soient réservés aux « cas d’urgence de transposition, en lien avec un retard important voire un précontentieux ou un contentieux » ou aux « cas de transposition de directives techniques, identifiées comme ne posant pas de difficultés politiques particulières. » Les auteurs du rapport concluaient ainsi : « Il faut également veiller à conserver une cohérence thématique au sein » des textes concernés.

En effet, comment pouvez-vous défendre des institutions européennes, dont les décisions sont imposées aux parlements nationaux ou leur sont soumises en limitant tellement leurs prérogatives que notre droit constitutionnel d’amendement en est entravé ?

Ce projet de loi renvoie très largement au pouvoir réglementaire du Gouvernement, dans la mesure où, sur trente et un articles, il comporte sept habilitations à prendre des ordonnances en lieu et place du Parlement et dix ordonnances à ratifier.

À cela, ajoutez une pincée de renvoi à un arrêté et une mise en conformité du droit français aux décisions de la Cour de justice de l’Union européenne et vous obtenez un texte fourre-tout et indigeste, qui ne laisse aucun espace aux parlementaires pour en amender ou en modifier le contenu !

Pourtant, les ingrédients mobilisés sont importants !

Si nous pouvons nous réjouir des mesures en faveur de l’accessibilité des personnes en situation de handicap et de l’élargissement des congés de proche aidant et de solidarité familiale aux salariés du particulier employeur, les progrès sociaux sont bien maigres. L’Europe sociale, dont on nous vante les mérites depuis quarante ans, est bien loin.

Ce ne sont malheureusement pas l’indemnité de licenciement d’un salarié travaillant à temps partiel sur un temps plein ou celle résultant du congé parental qui permettront de contrebalancer l’ensemble des mesures de régression sociale dues à l’Union européenne.

Alors que le Gouvernement s’est engagé auprès de la Commission européenne à réduire les droits à l’assurance chômage et à casser notre système de retraite, il révèle, dans son exposé des motifs, que l’article 2 de ce projet de loi a pour objet « d’améliorer l’attractivité » du « produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle (Pepp) ».

D’un côté, le Gouvernement annonce le report de l’âge légal de départ à la retraite à 65 ans. De l’autre, ce texte entend favoriser le développement d’un produit de retraite complémentaire individuelle réglementé au sein de l’Union européenne.

Selon l’alinéa 7 du règlement européen, « un marché européen plus vaste des produits d’épargne retraite individuelle améliorera l’approvisionnement en fonds des investisseurs institutionnels et favorisera les investissements dans l’économie réelle ».

Depuis le départ, le Gouvernement mène nos concitoyens en bateau s’agissant du déficit des retraites au lieu d’assumer qu’il a vendu notre système solidaire à l’Europe en échange des aides du plan de relance durant la pandémie de covid.

Le texte caresse les multinationales dans le sens des profits, en supprimant l’obligation de publier leurs comptes et en autorisant les entreprises sanctionnées pénalement à candidater à nouveau à des marchés publics, pour peu qu’elles démontrent leur « fiabilité ». Autrement dit, une entreprise condamnée pour fraude fiscale ou pour actes de terrorisme pourra candidater à des marchés publics si elle s’engage à ne plus commettre de nouvelles infractions.

Nous voterons donc contre ce projet de loi.

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