Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture porte bien son nom, tant il constitue un agglomérat de mesures n’ayant d’autre point commun que de provenir de l’Union européenne.
Je commencerai par formuler trois observations relatives à l’écriture de la loi.
Premièrement, il me semble que la cohérence d’un tel texte est aussi limitée que son utilité est certaine. Ces transpositions expéditives du droit européen, qui s’apparentent à du fret législatif, interrogent quant aux modalités de transposition du droit de l’Union.
Deuxièmement, il est à déplorer que le Parlement n’ait disposé que de quelques jours pour examiner ces articles techniques et pour débattre de modifications directes de notre droit ou de demandes d’habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance. Les amendements adoptés par les différentes commissions montrent cependant toute l’importance du Parlement et du Sénat dans le processus législatif, ainsi que la qualité de son travail.
Troisièmement, je regrette que l’étude d’impact ne comporte pas d’éléments de droit comparé qui permettraient de mieux apprécier les solutions choisies par le Gouvernement par rapport à celles retenues par les autres États membres de l’Union européenne et, partant, d’éclairer le débat et la délibération parlementaire.
Pour le reste, j’aborderai plusieurs thématiques visées dans le projet de loi.
Concernant le volet transports, l’article 26 du texte vise à transposer la directive Eurovignette dans sa version révisée en 2022, qui prévoit de nouvelles obligations en matière de taxation des véhicules pour l’utilisation d’infrastructures routières.
Cet article se borne toutefois à transposer les nouvelles obligations aux seuls péages des futures concessions autoroutières. Il ne modifie donc que les dispositions relatives aux péages figurant dans le code de la voirie routière. Cela est insuffisant.
En effet, l’ordonnance du 26 mai 2021 relative aux modalités d’instauration d’une taxe sur le transport routier de marchandises recourant à certaines voies du domaine public routier de la Collectivité européenne d’Alsace (CEA) est, elle aussi, conforme aux règles fixées par la directive Eurovignette. La transposition prévue par le projet de loi initial est donc incomplète.
Cette ordonnance, prise sur le fondement d’une habilitation prévue par la loi du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace, permet à cette dernière d’instaurer une taxe sur les véhicules lourds de transport routier de marchandises empruntant son domaine public routier.
En l’état actuel du droit, cette ordonnance applique des obligations fixées par la directive Eurovignette dans sa version antérieure à la révision de 2022.
Elle prévoit, par exemple, que les taux kilométriques de cette taxe sont différenciés en fonction de la classe d’émissions Euro du véhicule. Or, dans la version révisée de la directive, cette modulation des taux en fonction de la classe Euro est remplacée par une modulation en fonction des émissions de CO2.
Faute de modifications pour mettre cette ordonnance en conformité avec le droit européen révisé, la taxe instaurée par la CEA risque donc de ne plus être compatible avec les dispositions de la directive à compter de 2024.
Afin d’éviter une telle situation, et alors que les Alsaciens attendent la mise en œuvre de la taxe depuis des années, la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable a adopté un amendement visant à rectifier cet oubli en mettant en conformité l’ordonnance du 26 mai 2021 avec le droit européen révisé.
Lors de l’examen du projet de loi de ratification de cette ordonnance, dont j’avais été désigné rapporteur, le Sénat avait souhaité anticiper la révision de la directive, notamment en permettant de différencier les taux en fonction des émissions de CO2 des véhicules. Cet ajout n’avait toutefois pas été conservé dans la suite de la navette.
La nouvelle directive étant, depuis lors, entrée en vigueur dans sa version révisée en 2022, l’article 26 bis, introduit par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, permettra à la CEA d’anticiper les nouvelles obligations de la directive à l’amont de l’instauration de la taxe.
Concernant le volet finances, le constat formulé par le rapporteur pour avis Hervé Maurey interpelle. Un peu plus d’un an après la promulgation de la précédente loi Ddadue, le Parlement examine de nouveau des dispositions visant à adopter le droit financier, assurantiel, bancaire et économique. La France pourrait ne pas respecter les délais qui lui sont accordés pour prendre ces dispositions.
Je rejoins la commission des finances, qui, sur proposition de son rapporteur pour avis, a adopté des amendements visant à harmoniser les exigences et à renforcer le contrôle des dirigeants de mutuelle en l’alignant sur celui qui est prévu pour les dirigeants de sociétés d’assurance et d’institutions de prévoyance.
Enfin, l’amendement visant à restreindre le champ de l’habilitation à légiférer par ordonnance demandée par le Gouvernement pour transposer les dispositions de la directive relative à la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises est bienvenu, car le champ d’habilitation prévu dans le texte initial excédait très largement celui de la directive visée.
Concernant les dispositions relevant de la commission des lois, pour l’essentiel, le présent texte transpose en droit interne deux directives relatives au droit des sociétés et prévoit la mise en œuvre d’un règlement relatif à la protection de l’enfance. Les apports du Sénat sont notables.
La directive concernant les transformations, fusions et scissions transfrontalières devant être transposée par ordonnance avant le 31 janvier 2023, le Parlement est tenu de légiférer dans des délais particulièrement contraints.
Je salue la réduction du délai de transposition de la directive à trois mois au lieu de six, adoptée par la commission des lois sur proposition de son rapporteur pour avis.
Il était en outre nécessaire de supprimer l’option, prévue par la directive, permettant aux États de réduire la proportion des représentants des salariés au sein de l’organisme de direction de la société issue d’une opération transfrontalière, susceptible d’être favorable aux salariés.
Il convenait également de confier le contrôle de légalité des opérations transfrontalières aux greffiers des tribunaux de commerce, qui ont – il faut le souligner – acquis une compétence certaine en matière d’enregistrement des projets de fusion transfrontalière.
J’en viens au volet santé.
En matière de santé publique, les mesures sont également très hétérogènes, visant aussi bien la composition des produits chimiques aux exigences que l’encadrement des denrées alimentaires destinées à des fins médicales ou encore le taux de connexion des officines de pharmacie.
J’évoquerai le problème de l’encadrement de la publicité des activités de chirurgie esthétique. La France est mise en demeure depuis 2019 par la Commission européenne sur ce sujet important du fait de l’interdiction totale de publicité.
Pour remédier à la non-conformité de ces dispositions au droit de l’Union européenne, il est proposé de préciser que le retrait de l’autorisation d’exercer n’est prononcé qu’en cas de publicité contrevenant à l’enjeu de protection de la santé publique.
Comme l’a souligné à juste titre le rapporteur de la commission des affaires sociales Pascale Gruny, la publicité pour les activités de chirurgie esthétique doit être mieux contrôlée par les autorités compétentes. Il convient que cet encadrement soit également de nature déontologique et qu’il soit effectué par les ordres, afin de prévenir les dérives constatées, notamment sur les réseaux sociaux.
Concernant enfin le volet social, les apports du texte sont divers.
En matière de handicap, les dispositions de la directive du 17 avril 2019 contribueront à améliorer l’accessibilité à divers produits et services du quotidien.
Du fait du délai relativement court qui est prévu pour l’application de ces dispositions, il faudra s’assurer que les acteurs sont opérationnels et que les difficultés rencontrées n’entraînent pas de désengagement de leur part, en veillant notamment à la couverture de l’ensemble du territoire par des distributeurs automatiques accessibles.
En matière de droit du travail, des difficultés pourraient survenir dans certaines entreprises, en particulier dans les TPE-PME, notamment dans celles qui ne disposent pas d’un service de ressources humaines.
Vous l’aurez compris, mes chers collègues, notre groupe approuve ces dispositions tendant à mettre notre droit en conformité avec le droit de l’Union européenne telles que modifiées et améliorées par le Sénat, dont les apports sont nombreux. Nous serons vigilants quant à l’usage qui sera fait des habilitations à légiférer par ordonnance accordées au Gouvernement.