Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, certains esprits chagrins comparent les projets de loi Ddadue à des voitures-balais législatives souvent inscrites à l’ordre du jour dans l’urgence, en raison de l’approche d’un délai limite de transposition, voire de son dépassement.
Cela justifie alors la transposition de plusieurs directives, souvent sans grand rapport thématique entre elles, dans le cadre d’un examen en procédure accélérée. Je m’abstiendrai de toute surenchère.
Certains regrettent même une incursion de l’Europe dans notre cadre législatif. À ceux-là, en revanche, je réponds que c’est tant mieux ! L’Europe, comme l’a indiqué le Président de la République lors de son discours de la Sorbonne, voilà déjà cinq ans, est notre histoire, notre identité, notre horizon. Elle est ce qui nous protège et ce qui nous donne un avenir.
Nos textes législatifs actuels sont imprégnés de cette idée européenne, structurée, par exemple, autour d’une économie de marché régulée par une politique volontariste et innovante, avec les investissements massifs de France 2030, dont le financement est issu à 40 % des aides de l’Union européenne, d’exigences environnementales ambitieuses, dont le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables, qui vise à participer à réduire les émissions de l’Union européenne d’au moins 55 % d’ici à 2030, mais aussi en faveur d’une agriculture résiliente, stratégique et innovante, par l’application de notre plan stratégique national pour la politique agricole commune (PAC) pour la période 2023-2027 et grâce aux crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » du projet de loi de finances pour 2023, curieusement rejetés sur les deux travées opposées de cet hémicycle voilà quinze jours.
En d’autres termes, il n’est pas opportun d’opposer les objectifs issus de notre engagement européen, dont les directives sont une mise en œuvre concrète, et les projets de loi qui découlent de cette philosophie européenne, dont nous sommes tous en grande partie les garants.
C’est donc avec une certaine fierté que je suis ici devant vous pour faire part de mes quelques remarques sur le onzième projet de loi Ddadue examiné depuis 2010. Il est, certes, assez compliqué à scénariser dans sa globalité, mais il comporte de très belles avancées en matière de droit du travail, d’égalité des droits et d’ambition écologique.
Le projet de loi renforce tout d’abord le droit du travail pour les jeunes pères. Aujourd’hui, lorsqu’un salarié s’absente dans le cadre d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant, cette absence n’est normalement pas comptabilisée dans le calcul de l’ancienneté alors que le congé maternité est pris en compte dans son intégralité.
Le projet de loi vient combler cette disparité et prévoit d’ajouter un article dans la partie du code du travail qui assimile la durée du congé paternité à une période de travail effectif pour les droits que le salarié tient de son ancienneté.
Le texte prévoit plus de droits aussi en matière de transparence et d’information pour les salariés du secteur public. Les articles 17 et 18 consacrent ainsi le droit pour tout agent public ou praticien hospitalier de recevoir de son employeur des informations et règles essentielles relatives à l’exercice de ses fonctions. Concrètement, il s’agira notamment de la rémunération, du temps de travail, du droit à la formation ou des modalités de cessation de fonctions.
En matière d’égalité des droits, le texte prévoit de renforcer la loi de 2005 concernant les exigences d’accessibilité pour les personnes en situation de handicap. Cette loi voulue par le père des lois sur le handicap, Jacques Chirac, avait permis de nombreuses avancées : obligation d’accessibilité des transports collectifs et des établissements recevant du public (ERP) dans un délai de dix ans, concrétisation du droit à compensation du handicap, création des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH).
La directive du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicable aux produits et services, transposée ici par ordonnance, tend à aller encore un peu plus loin pour cibler un plus grand nombre de produits et d’acteurs. Je pense notamment à l’amélioration de l’accessibilité des distributeurs automatiques de billets et de titres de transport, ou des bornes d’enregistrement automatiques.
Dans le domaine des transports publics ferroviaires, l’article 27 vise à renforcer les droits des voyageurs en situation de handicap ou à mobilité réduite. Ainsi, à compter de juin 2023, les services régionaux devront porter assistance aux personnes à mobilité réduite ou en situation de handicap, à l’embarquement et au débarquement des trains.
Il reste toutefois encore beaucoup à faire. Les commerces, les restaurants et les transports présentent un retard important : le métro reste peu accessible, les arrêts de bus sont rarement aménagés et moins d’un tiers des gares ferroviaires nationales sont adaptées.
En matière d’ambition environnementale, l’article 26 vise à encourager un transport de marchandises plus écologique en conditionnant les taxes de circulation au nombre de kilomètres parcourus et à la quantité de dioxyde de carbone émise par les poids lourds. Cette modulation se substitue à celle prévalant en fonction de la classe Euro, telle que le prévoyait la précédente version de la directive Eurovignette. Ce dispositif vise donc un approfondissement du principe pollueur-payeur et passe par le développement de mécanismes de tarification ciblés.
Enfin, dans le cadre du Pacte vert pour l’Europe et du programme pour une finance durable, le Conseil européen a donné voilà quelques jours son feu vert définitif à la directive sur la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises. C’est l’objet de l’article 8 du projet de loi.
Concrètement, les entreprises devront rendre compte de la manière dont leur modèle économique influe sur leur durabilité et dont les facteurs externes de cette durabilité, comme le changement climatique ou les questions relatives aux droits de l’homme, influencent leurs activités. Ainsi, les investisseurs et les autres parties prenantes seront mieux à même de prendre des décisions en connaissance de cause sur les questions de durabilité.
C’est une mesure forte pour construire une économie au service des personnes et pour renforcer l’économie sociale de marché de l’Union européenne. Nous y sommes très attachés.
Certes, la décision du Conseil européen date du 28 novembre dernier : l’encre n’est pas encore tout à fait sèche, et il nous est demandé d’agir rapidement, par ordonnance. Mais devant de si grandes avancées pour les citoyens, et alors que le périmètre de la mesure a été encadré en commission, doit-on vraiment traîner des pieds et affaiblir le dispositif ?
Pour conclure, mes chers collègues, si, par définition, ce projet de loi de transposition manque un peu de cohérence, il est clairement orienté vers plus d’égalité, plus de droits et plus de cohésion sociale. Il est ainsi la traduction d’une Europe solidaire et écologique voulue par beaucoup d’entre nous sur ces travées. Le groupe Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants y sera donc très favorable.