Le Gouvernement entend et partage les préoccupations de M. Maurey, mais sollicite le retrait de cet amendement, pour des raisons à la fois philosophiques et techniques.
Je veux d’abord préciser que cet amendement est un peu une piqûre de rappel bienvenue : compte tenu de l’actualité du marché des crypto-actifs, nos travaux sur le sujet doivent se poursuivre, voire être accélérés.
Mais je veux revenir quelques années en arrière, quand on s’est posé la question, en 2018, de la manière dont on allait aborder la question de la régulation de ces objets étranges qu’étaient les crypto-actifs.
La France a fait le choix d’une régulation flexible. Nous avons créé un enregistrement facultatif consistant pour le prestataire en services de crypto-actifs à donner un certain nombre d’informations sur ses clients, son identité, etc. Cet enregistrement permet finalement d’avoir pignon sur rue.
L’agrément est un niveau supplémentaire de régulation. Il permet de garantir aux clients que des mesures de protection sont en place ; un tel agrément aurait peut-être évité l’épisode américain de FTX…
Ces deux modes de régulation facultatifs, c’est-à-dire l’enregistrement et l’agrément, avaient vocation à rendre la France attractive pour les nouveaux acteurs. C’est un grand succès, pour deux raisons.
D’abord, le cadre européen créé depuis lors s’inspire fortement des modalités françaises de régulation. Ainsi, le règlement Mica, qui va entrer en vigueur à l’horizon 2024, reprend largement les conditions que nous avions fixées pour l’agrément, si bien que les entreprises enregistrées ou agréées en France accéderont plus facilement à l’agrément européen, ce qui rend notre pays extrêmement attractif.
Ensuite, depuis la loi Pacte, soixante entreprises ont sollicité un enregistrement, et une entreprise est en voie d’être agréée. L’agrément n’est donc pas encore très répandu, mais ces indicateurs montrent tout de même le succès de la réforme que nous avons engagée.
La raison que je qualifierais de « philosophique » pour laquelle cet amendement nous paraît excessivement restrictif tient au fait qu’il serait risqué de contraindre les entreprises à solliciter un agrément au plus tard le 1er octobre 2023, alors que l’écosystème qui s’est développé en France permet à notre pays d’être identifié en Europe comme étant attractif.
Peut-être faudra-t-il, dans le cadre de la transition vers Mica, inciter très fortement les entreprises à solliciter l’agrément, voire à les y contraindre, si elles ne le font pas suffisamment tôt. Mais le faire dès le 1er octobre prochain risque de modifier complètement l’image qu’ont de la place de Paris les investisseurs, français ou étrangers, et de mettre un coup d’arrêt au développement de la finance crypto dans notre pays.
D’un point de vue technique, les délais qui sont proposés dans cet amendement nous paraissent intenables. Il faudrait que l’AMF délivre en quelques mois un agrément au moins aux soixante acteurs ayant d’ores et déjà obtenu l’enregistrement.
Cette difficulté technique enverrait là aussi un signal contraire à ce que nous avons voulu faire jusque-là et qui a permis le développement de ce marché. Or, comme je le disais, le règlement européen s’inscrit dans la continuité des choix que nous avons faits depuis 2018-2019. Il me semble que nous avons tout intérêt à profiter de cette continuité.
Nous devrons peut-être prendre des mesures, le cas échéant fortes, pour inciter les acteurs à s’engager dans la procédure d’agrément. Mais fixer d’ores et déjà la date du 1er octobre 2023 nous paraît prématuré.
C’est pourquoi le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, tout en comprenant les réserves exprimées et en s’engageant à poursuivre nos échanges sur ce sujet.