Intervention de Jean-Yves Leconte

Réunion du 13 décembre 2022 à 14h30
Politique de l'immigration — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Dans ces conditions, comment voulez-vous que les personnels de la police aux frontières (PAF) ne perdent pas le sens de leur action ?

Vous fixez l’objectif de centres de rétention administratifs (CRA) remplis à 90 %. Mais des CRA qui fonctionnent, monsieur le ministre de l’intérieur, ce sont des CRA où les personnes retenues peuvent être éloignées !

Désordre aussi lorsque vous appelez, dans le prolongement du rapport Stahl, à simplifier le droit des étrangers – nous souscrivons à cet objectif –, mais que vous voulez lier dans le même temps refus de protection par l’Ofpra et OQTF. Monsieur le ministre, si nous respectons toujours la convention de Genève, cet acte administratif n’aura d’OQTF que le nom !

Désordre enfin lorsque ces défaillances de l’État nuisent à l’intégration, qu’elles conduisent les personnes à s’appuyer sur leur communauté plutôt que sur les services publics et qu’elles font peser le devoir d’humanité sur les collectivités locales et les associations.

Monsieur le ministre, j’en termine ici avec les choses désagréables. §Devant les députés, vous affirmiez que les personnes de moins de 16 ans ne seraient plus placées en CRA. Dans cet hémicycle, vous venez de préciser que cette mesure vaudrait pour tous les mineurs. Je salue l’évolution positive de votre discours en l’espace d’une semaine…

Par ailleurs, pour la première fois depuis longtemps, ces questions ne sont pas exclusivement traitées par le ministère de l’intérieur. Je m’en réjouis également, car une intégration réussie – vous l’avez rappelé, madame la Première ministre, messieurs les ministres – passe avant tout par le travail et l’école ; c’est une réalité historique en France.

Si l’on examine les deux plus grands mouvements actuels de population, du Venezuela vers la Colombie et de l’Ukraine vers l’Union européenne, on constate que les migrants ont immédiatement un statut et le droit de travailler. C’est la meilleure façon de procéder. Le droit au travail permet en effet d’éviter le dumping social et d’en finir avec cet esclavage moderne dont nous sommes témoins chaque jour dans des domaines essentiels de la vie.

Madame la Première ministre, vous pouvez faire beaucoup plus que ce qui a été fait au cours des dernières années, sans changer la loi. Les marges de manœuvre sont importantes.

Tout d’abord, depuis 2008, la liste des métiers en tension n’a bougé qu’une fois, en 2021.

Ensuite, la situation choquante des jeunes apprentis en situation irrégulière n’est pas mieux résolue aujourd’hui qu’elle ne l’était il y a quelques années.

Enfin, quels moyens nouveaux accorderez-vous aux préfectures pour qu’elles puissent traduire en actes vos annonces et réellement changer la donne ? Le titre de séjour « métiers en tension » s’adressera-t-il à de nouveaux arrivants ou permettra-t-il d’ouvrir un droit au séjour à des personnes déjà engagées dans ces activités ?

Le refus de la présomption de salariat pour les travailleurs des plateformes, qui rend insoluble la situation de milliers de clandestins participant à notre économie, sera-t-il maintenu ?

Mes chers collègues, la France fait partie de l’espace Schengen. Voilà quelques années, une commission d’enquête du Sénat a rappelé l’intérêt et l’utilité de cet espace de libre circulation, dès lors qu’il y avait entre les pays des échanges d’informations solides, de la confiance et une surveillance sérieuse des frontières extérieures.

Entre 2012 et 2017, nous avons réformé l’interopérabilité des systèmes, mis en place l’enregistrement des dossiers passagers (PNR), lancé le projet d’information et d’autorisation concernant les voyages (Etias, en anglais European Travel Information and Authorization System) et renforcé le mandat de Frontex. Sur ces questions, l’Europe est non pas un problème, mais une solution, le pacte sur la migration et l’asile ayant vocation à renforcer encore la cohérence de cette action.

Nous l’avons vu l’an dernier à la frontière des pays baltes et de la Pologne avec la Biélorussie : des situations imprévues peuvent se produire, auxquelles il convient de répondre de façon solidaire entre pays européens. Cela oblige toutefois chaque pays à respecter le droit européen. L’Italie doit respecter le droit de la mer, mais la France doit aussi respecter le principe européen de libre circulation.

La Cour de justice de l’Union européenne a rappelé que l’on ne pouvait pas rétablir des contrôles systématiques aux frontières intérieures de l’Union.

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