Intervention de Philippe Bonnecarrere

Réunion du 13 décembre 2022 à 14h30
Politique de l'immigration — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere :

Notre proposition serait donc de vous suivre, madame la Première ministre, messieurs les ministres, à condition que le salaire versé soit égal ou supérieur à la moyenne des salaires payés dans notre pays, ou a minima dans la branche concernée. Cette condition nous semblerait aussi le gage d’une bonne intégration.

Notre groupe est également favorable à un débat annuel ou biennal sur les objectifs en matière de permis de séjour. À notre sens, une telle proposition ne se heurte à aucun obstacle constitutionnel. Les Français ont leur mot à dire, et c’est la responsabilité de la représentation nationale – votre responsabilité, mes chers collègues – que de l’exprimer.

Nous vous suivons aussi sur la conditionnalité des visas, voire de l’aide au développement.

En ce qui concerne la demande d’asile, nous serions ouverts à la possibilité pour le demandeur de travailler sans attendre un délai de six mois, ce qui est aussi une manière de jauger de la capacité de l’intéressé à s’intégrer, même si l’objet de la demande d’asile est différent.

En revanche, nous ne vous suivons pas du tout, monsieur le ministre de l’intérieur, sur votre idée que l’Ofpra et la CNDA pourraient davantage « aller vers ». Pour nous, c’est surtout de la communication…

L’Ofpra a déjà réalisé de gros progrès dans ses délais de traitement, et nous espérons que l’objectif de traitement en soixante jours pourra être respecté. Nous doutons qu’il le soit, néanmoins, si vous commencez à saupoudrer des agents de l’Ofpra dans les préfectures. Les officiers de protection instructeurs sont des spécialistes, dont l’expertise ne peut être fragmentée, sauf à voir l’Office perdre en efficacité.

De même, l’idée d’éclater la CNDA – ou plutôt de la « territorialiser », pour reprendre vos mots, monsieur le ministre de l’intérieur – nous paraît tout aussi improductive. Il est extrêmement difficile de faire coïncider dans la vraie vie tel type de dossiers concernant des ressortissants de tel pays avec la présence de tel interprète et de tel cabinet d’avocats spécialisé dans le traitement des ressortissants dudit pays.

La CNDA est effectivement le maillon faible de la chaîne de l’asile. Nous sommes très loin de l’objectif de cinq mois prévu en procédure classique et de cinq semaines en procédure accélérée.

Vous proposez d’organiser des audiences à juge unique et de systématiser les visio-audiences. Nous sommes réservés sur le premier point, mais très favorables ou second, qui est à notre sens la clé d’un traitement dans des délais raisonnables.

Le Conseil constitutionnel n’a pas conditionné la tenue d’une visio-audience à l’accord du demandeur d’asile, mais c’est pourtant ce qui a été obtenu par les avocats dans un protocole dit « d’expérimentation ». Monsieur le garde des sceaux, la solution à ce problème passe à notre sens par une négociation avec la profession d’avocat.

Nous sommes sceptiques à l’idée d’une OQTF dès le rejet par l’Ofpra. Nous voyons mal quelle pourrait en être l’efficacité pratique – une possibilité de recours subsisterait – et nous préférerions que la décision de rejet par la CNDA soit assortie de plein droit d’une OQTF, sans avoir besoin de saisir l’autorité préfectorale.

En ce qui concerne la dernière catégorie d’immigration, les régularisations de la circulaire Valls, nous rappelons ce qui a déjà été voté par le Sénat, à savoir que la seule condition d’une résidence de plus de cinq ans en France ne devrait pas être la seule condition de la régularisation.

S’agissant de la question de l’éloignement, nous approuvons l’objectif de simplification du contentieux, dans la logique de l’excellent rapport de François-Noël Buffet.

Nous souhaiterions également que soit évaluée la pratique des certificats d’hébergement fournis au soutien des visas de long séjour. Existe-t-il une harmonisation des pratiques dans notre pays ? Quel est le niveau de contrôle ? Sur ce sujet, la participation des collectivités locales est nécessaire.

Nous pensons, madame la Première ministre, mes chers collègues, que cette participation serait aussi utile pour le contrat d’intégration républicain, auquel il nous semble justement manquer une dimension locale pour garantir des résultats.

En ce qui concerne l’aide médicale d’État – un classique au Sénat –, nous sommes peut-être plus réservés que certains de nos collègues quant à l’idée de la modifier une nouvelle fois. Nous pensons que sa limitation aux soins dits « nécessaires » est correcte et qu’il n’y a pas de grande différence entre soins « nécessaires » et « urgents ». Elle est aussi complétée par un délai de carence.

En revanche, nous suggérons, à la suite du président Buffet, de nous pencher sur une procédure méconnue, celle de l’étranger malade, par laquelle notre pays offre une faculté de permis de séjour, avec des accompagnants, quand la possibilité d’apporter des soins satisfaisants n’existe pas dans le pays d’origine.

C’est une exception française, mes chers collègues. Aucun autre pays à travers le monde ne pratique un tel « guichet ouvert », selon les termes figurant dans le rapport de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii). Nous suggérons de conditionner cette procédure à une convention préalable entre le système social français et celui du pays d’origine.

Nous sommes également ouverts à la proposition bien connue de François-Noël Buffet d’une peine complémentaire d’interdiction de territoire français, évoquée également dans son intervention par M. le garde des sceaux.

Pour conclure cette trop rapide présentation, mes chers collègues, vous l’aurez compris, les sénateurs centristes ne font pas de l’immigration un fonds de commerce politique. Ils pensent en revanche que celle-ci doit être régulée, pour préserver la solidité du contrat social qui structure la France.

Madame la Première ministre, messieurs les ministres, tel est le sens de nos propositions et, demain, de nos votes.

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