En complément des explications de M. le ministre du travail, je répondrai aux différents orateurs sur les points qui relèvent de mon domaine de compétences.
Monsieur le président Buffet, vous avez fait nombre de propositions, qui recoupent, pour certaines d’entre elles, les mesures que nous avons introduites dans le projet de loi que nous sommes en train de préparer et qui doit encore faire l’objet d’un avis du Conseil d’État.
Monsieur Laurent, à ce sujet, nous nous sommes vus récemment avec les membres de votre groupe – nous rencontrerons prochainement aussi le groupe communiste de l’Assemblée nationale –, mais je tiens à préciser que nous souhaitons attendre la fin des concertations politiques et des débats prévus par l’article 50-1 de la Constitution avant d’avancer. Ce n’est qu’alors que nous transmettrons le texte au Conseil d’État, avant sa délibération en conseil des ministres et son examen par le Parlement.
À ce jour, les avis convergent sur plusieurs mesures ; d’autres n’ont pas été reprises dans notre projet de loi, à la suite des arbitrages rendus par le Président de la République et la Première ministre – je pense à l’aide médicale d’État et aux mesures relatives aux étrangers malades, puisque nous en débattons chaque année dans le cadre du PLFSS et du PLF, vous le savez mieux que quiconque, mesdames, messieurs les sénateurs.
J’en profite pour vous rappeler simplement que les chiffres présentés par différents orateurs à la tribune à propos du titre de séjour « étranger malade » ne sont pas tout à fait exacts, si je puis me permettre ; ce point n’enlève rien au fait que la France est le seul pays à offrir de tels critères d’admission, mais là n’est pas la question.
Nous avons procédé à une réforme de ce titre, dans la loi Collomb, puis au travers de certaines dispositions introduites dans les projets de loi de financement de la sécurité sociale et dans les projets de loi de finances. En vérité, si 5 000 titres d’étrangers malades ont bien été délivrés en 2019 – contre près de 6 850 en 2016 –, leur nombre ne s’élève plus qu’à quelque 3 700 cette année, soit une baisse de 45 % par rapport à 2017, au moment où le Président de la République a été élu, et de 25 % par rapport aux années qui ont précédé la covid.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je le répète, seulement 3 700 titres d’étrangers malades sont délivrés aujourd’hui, essentiellement à des personnes atteintes du VIH, qui viennent de pays où les thérapies contre cette maladie ne sont pas connues.
Monsieur le président Buffet, nous avons instauré, vous le savez, une procédure à laquelle doit se soumettre chaque étranger délinquant, détenu dans un centre de rétention administrative, qui, en raison de sa maladie, sollicite la demande de titre de séjour « étranger malade », pour un motif que l’on pourrait qualifier d’« humanitaire » : désormais, un médecin de l’Ofii, totalement indépendant, procède au diagnostic de la pathologie et vérifie s’il existe ou non une thérapie dans le pays d’origine du demandeur. Si tel n’est pas le cas, nous lui accordons l’asile, conformément à notre engagement ; à l’inverse, si une thérapie existe, le demandeur est expulsé.
L’opportunité du titre peut être mise en cause dans le cadre de ce projet de loi, comme celle de tous les titres de séjour du reste, mais je pense que les termes du débat seront différents de ceux qui ont été défendus il y a cinq ans.
Je ne reviens pas sur la question de l’AME – les différents arguments ont été opposés –, qui ne sera pas inscrite dans le projet de loi, je le rappelle, car nous en débattons chaque année au moment de l’examen des textes financiers.
En ce qui concerne les exécutions des mesures d’éloignement – les OQTF – le débat devient totémique et les slogans brandis ne correspondent pas tout à fait à la réalité…
Mesdames, messieurs les sénateurs, les services du ministère de l’intérieur, tout comme vous dans vos rapports de 2019 et 2020, estiment le nombre de mesures qui ont été exécutées à partir des informations dont ils disposent ; ce n’est pas la même chose que présenter le nombre de mesures réellement exécutées !
Je m’explique : ce que nous connaissons, c’est le nombre des personnes qui ont quitté l’espace Schengen. C’est un point important, puisque cela veut dire que lorsqu’un étranger quitte la France, après avoir reçu une OQTF, ou toute autre mesure d’éloignement, pour rejoindre la Belgique, par exemple, nous ne le savons pas !
À Tourcoing, on ne compte pas moins de dix-sept points de passage avec la Belgique et aucun contrôle à la frontière… Quand les personnes devant quitter le territoire national se rendent dans un État membre de l’espace Schengen sans qu’il y ait de contrôle aux frontières, nous ne sommes pas informés de leur sortie.
Il est vrai, et nous en reparlerons, que le système d’entrée-sortie de Schengen (ESS) et le règlement Etias nous permettront à l’avenir d’en être informés, mais, à ce jour, ce n’est pas le cas.
Par ailleurs, nous ne pouvons dénombrer que les personnes bénéficiant de l’aide au retour volontaire, accompagnées par l’Ofii, ou celles qui ont reçu une OQTF, exécutée par la police aux frontières, parce que le consulat du pays en question a délivré un laissez-passer, ou, tout simplement, parce que le passeport permet aux policiers aux frontières de les embarquer dans un avion, afin de les accompagner dans leurs pays.
Nombreux sont les étrangers qui respectent les lois de la République. Ceux-là, quand ils voient qu’ils ne sont pas bienvenus sur le sol de la République, parce qu’ils ont fait l’objet d’une OQTF ou d’une aide au retour volontaire, contre lesquelles ils peuvent avoir déposé un certain nombre de recours, quittent le territoire national, sans jamais se signaler à la préfecture ni à la police aux frontières.