Intervention de Marcel Deneux

Réunion du 30 octobre 2007 à 10h00
Approvisionnement électrique de la france — Discussion d'une question orale avec débat

Photo de Marcel DeneuxMarcel Deneux, rapporteur :

Ce n'est pas un hasard si c'est le thème sur lequel a « planché » le premier groupe de travail du « Grenelle de l'environnement ».

En effet, la maîtrise de la demande d'électricité permet de relâcher les contraintes à la fois financières, techniques et politiques qui pèsent sur l'augmentation des capacités de production et de transport. Produire, puis transporter l'électricité coûte très cher et prend beaucoup de temps, alors que le potentiel de maîtrise de la demande peut être rapidement mobilisable.

La maîtrise de la demande d'énergie permet aussi de réduire la dépendance énergétique de la France, que ce soit en énergies fossiles ou en uranium.

Elle entraîne des économies à long terme pour les ménages et les industriels.

Enfin, elle diminue les émissions de gaz à effet de serre, ce qui permet de préserver l'environnement et la santé humaine.

On pourrait appeler cela le quadruple bonus de la maîtrise de la demande d'électricité, et j'en tire comme conclusion qu'il s'agit d'un impératif majeur.

Je me réjouis que cette vision soit partagée par l'ensemble des pays de l'Union européenne, qui se sont donnés pour objectif de réduire de 20 % la consommation énergétique de l'Europe par rapport aux projections pour l'année 2020, telles qu'elles sont estimées par la Commission dans son Livre vert sur l'efficacité énergétique.

Dans la loi du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique, la France s'est quant à elle fixée pour objectif d'améliorer son intensité énergétique finale, c'est-à-dire le rapport entre la consommation et le produit intérieur brut, de 2 % par an à partir de 2015, puis de 2, 5 % par an après 2030.

Si chacun s'accorde sur le résultat à atteindre, les moyens pour y parvenir sont plus discutés. Pour ma part, j'ai la conviction que le jeu du marché et le niveau des prix ne suffiront pas à déclencher les investissements nécessaires en matière d'efficacité énergétique. Nous voyons là se dégager un principe politique, monsieur le secrétaire d'État : cette incapacité du marché à inciter à la maîtrise de la consommation impose la mise en place permanente d'une politique publique comprenant des mesures à la fois économiques, institutionnelles et réglementaires.

Je vais développer ces solutions en distinguant les mesures d'incitation à la maîtrise de la consommation d'électricité en direction des particuliers, d'une part, et des entreprises, d'autre part.

Je n'insisterai pas sur l'importance de l'isolation des bâtiments, axe essentiel de la politique de réduction de la consommation d'énergie, car ce sujet a été excellemment développé par notre collègue Bruno Sido, ainsi que dans le cadre du Grenelle de l'environnement. Les mesures de structuration de l'offre, d'une part, et d'incitation à la demande en bâtiments basse consommation, d'autre part, sont les deux piliers essentiels sur lesquels doit reposer la stratégie de diminution de la consommation énergétique des bâtiments.

Je développerai plus longuement les propositions concernant l'incitation à l'utilisation des équipements vertueux par les consommateurs, émises en juin dernier par la mission sénatoriale.

On constate, depuis plusieurs décennies, une forte hausse de la consommation du secteur résidentiel du fait de l'accroissement des équipements domestiques « blancs » et « bruns ». Je rappelle que les professionnels des appareils électroménagers distinguent les « produits blancs », c'est-à-dire les réfrigérateurs, congélateurs, cuisinières, lave-linge et lave-vaisselle, des « produits bruns », tels que les aspirateurs, téléviseurs, magnétoscopes, matériels hi-fi et informatiques.

Il semble que la réglementation soit insuffisante dans ce secteur et qu'une limitation de la puissance de veille des appareils à 1 watt doive être imposée. En effet, l'un des problèmes majeurs posés par les produits « bruns » est que ceux-ci sont très consommateurs, même en mode veille. Bien que les puissances unitaires concernées restent apparemment minimes, entre 5 et 15 watts par appareil, ces consommations ont lieu toute la journée, le plus souvent inutilement. Du fait de leur multiplication, elles peuvent représenter, selon une étude de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, jusqu'à 10 % de la consommation totale d'électricité d'un ménage. Un document de travail de la Commission européenne, élaboré dans la perspective de l'application de la directive sur les exigences en matière d'écoconception, préconise, au demeurant, de fixer, pour les modes veille, une consommation maximale, de 1 watt dans un premier temps et de 0, 5 watt dans un second temps.

S'agissant de la consommation courante des appareils, un étiquetage européen assez efficace a été imposé. Il semble aujourd'hui que, pour favoriser pleinement les appareils de classe A, A+ et A++, qui sont les plus économes en énergie, un passage à 5, 5 % de la TVA qui leur est appliquée constituerait la meilleure des solutions. Compte tenu de l'évolution des technologies et des différences entre les étiquetages selon les appareils, il faudrait bien sûr veiller à ce que la liste des produits bénéficiant de ce taux réduit soit régulièrement révisée afin qu'elle ne concerne que les appareils les plus performants. Je souhaite que la France profite du fait qu'elle exercera la présidence de l'Union, au second semestre de l'année prochaine, pour soutenir auprès de ses partenaires le projet d'une TVA réduite sur les produits écolabellisés.

Par ailleurs, j'ai la profonde conviction que l'interdiction unilatérale de la vente d'ampoules à incandescence sur le territoire national dès 2010, qui permettrait une réduction de la consommation de 8 térawattheures par an, soit plus que la production d'une tranche nucléaire, est une impérieuse nécessité. J'ai été ravi d'entendre le Président de la République retenir cet objectif dans son discours du 25 octobre dernier.

Je dois insister sur le fait que certaines consommations ne seront réduites que par une modification des habitudes de consommation. Des mesures d'information sont donc nécessaires. L'idée d'apposer des affichettes rappelant les principales recommandations en matière d'économies d'énergie dans les administrations, les écoles et les entreprises est simple et potentiellement très efficace en matière de maîtrise de la demande d'énergie.

Je tiens à signaler que le président et les rapporteurs de la mission commune d'information sur l'approvisionnement électrique ont adressé un courrier aux questeurs du Sénat afin que soient apposées, dans toutes les salles de réunion et dans tous les bureaux de la Haute Assemblée, des affiches incitant les utilisateurs à éteindre les lumières quand les locaux sont inoccupés, ainsi que les équipements informatiques et les téléviseurs, le soir et en fin de semaine.

Dans ce même courrier, nous nous sommes félicités du remplacement progressif des ampoules à incandescence par des dispositifs à faible consommation, mais nous avons aussi souhaité que cette politique soit complétée par l'installation, dans tous les lieux de passage, de mécanismes d'allumage et d'extinction automatique de l'éclairage. Le Sénat serait ainsi à la pointe de la maîtrise de la consommation d'électricité, et c'est essentiel. L'idéal serait bien sûr de faire un véritable bilan « carbone », comme je l'avais demandé, en décembre 2002, dans un courrier adressé aux questeurs du Sénat. Cela viendra !

Je rappelle, à ce titre, que la circulaire adressée par le Premier ministre à l'ensemble du Gouvernement, le 28 septembre 2005, souligne que l'État se doit de contribuer à l'évolution des comportements et d'être exemplaire dans le cadre de la commande publique. Parmi les orientations fixées figure, notamment, l'achat d'équipements et d'appareils de bureautique économes en énergie. La mise en application de cette circulaire mériterait d'être davantage contrôlée et je m'interroge, monsieur le secrétaire d'État, sur la réalité de sa diffusion, en particulier dans les services déconcentrés. J'insiste vraiment sur cette dimension d'exemplarité de l'État, qui doit montrer au public quelles sont les bonnes pratiques.

Ainsi, le réglage des appareils permet de faire des économies à peu de frais. Certaines collectivités utilisent, par exemple, des régulateurs-variateurs en matière d'éclairage public, qui font varier les flux lumineux en fonction de nombreux facteurs, parmi lesquels figurent l'utilisation de la voie et, éventuellement, l'intensité de la lumière naturelle. Ces dispositifs, qui commencent à se diffuser dans les collectivités, sont à vulgariser.

Outre l'exemplarité, l'État a un devoir d'éducation de la population aux problématiques d'économie d'énergie.

J'estime qu'il serait bon d'inscrire dans le cahier des charges de France Télévisions et de Radio France l'obligation de diffuser des émissions consacrées à la maîtrise de la consommation énergétique.

Je pense également qu'un travail doit être réalisé auprès des plus jeunes. La circulaire du ministère de l'éducation nationale du 29 mars 2007, relative à la seconde phase de généralisation de l'éducation au développement durable, est une bonne initiative.

Monsieur le secrétaire d'État, à la suite du rapport sur le changement climatique que j'avais eu l'honneur de présenter il y a cinq ans, au nom de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, 5 600 CD-Rom de présentation de ce rapport ont été diffusés dans les lycées français par le Centre national de documentation pédagogique, le CNDP, et ont été agréés pour les travaux des classes de première et de terminale. Il ne faut pas se priver de cet outil pédagogique. Avec M. Darcos, nous rappelons actuellement aux recteurs l'intérêt de l'utilisation de ce document.

Le deuxième volet de mon argumentation concerne l'amélioration de l'efficacité énergétique des entreprises, principalement dans l'industrie. Le potentiel d'économie est loin d'être négligeable, puisqu'il est estimé à 20 térawattheures par an. Son exploitation passe prioritairement par l'amélioration des process industriels. Dans un environnement international très compétitif, il a été considéré que les mesures adoptées en ce domaine devaient éviter de grever la productivité des entreprises et des programmes de soutien ont été mis en oeuvre.

Trois programmes européens ont ainsi permis la mise en place de protocoles d'aide et de recherche à la maîtrise d'énergie, respectivement dans l'industrie automobile, l'informatique et la plasturgie. Toutefois, dans la mesure où l'on ne peut pas multiplier les aides et où l'enjeu environnemental devient essentiel, il est temps que les aides attribuées par l'État et les collectivités territoriales aux entreprises soient conditionnées au respect de certains critères relatifs à la maîtrise de la demande d'électricité, d'autant que c'est économiquement rentable à moyen terme.

Au cours des années qui viennent de s'écouler, et suivant les périodes, on a pu s'interroger sur la volonté politique des gouvernements d'aller dans cette direction. Depuis l'élection présidentielle et la séquence du Grenelle de l'environnement qui s'est déroulée ces dernières semaines, on ne peut plus douter de cette volonté politique, le temps est venu de passer à l'action. Dans le domaine qui nous occupe aujourd'hui, la maîtrise de la demande d'électricité, c'est par une politique des petits pas, se traduisant par des petits gestes allant tous dans la même direction, que nous parviendrons à réduire la consommation d'électricité et à desserrer la contrainte qui pèse sur nos capacités de production et de transport.

En conclusion, monsieur le secrétaire d'État, je vous poserai simplement trois questions.

Tout d'abord, quelles sont vos priorités en matière de maîtrise de la consommation d'énergie électrique ?

Ensuite, quels engagements êtes-vous d'ores et déjà prêt à prendre sur la question de la hausse des certificats d'énergie, dont la reconduction aura lieu en 2009 ? C'est dans quatorze mois !

Ma troisième question, enfin, est particulièrement d'actualité. J'avais proposé d'allonger la période d'heure d'été afin de caler encore mieux les heures d'activité de la population avec l'ensoleillement.

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