Dans le cadre de cette réflexion, nous examinerons naturellement les propositions de la mission commune d'information - dont je vous remercie, monsieur Sido - en matière d'incitations fiscales et économiques, de formation professionnelle et de rôle exemplaire de l'État.
Je ne citerai qu'un exemple, sur lequel votre mission a, là aussi, bien travaillé : la rénovation énergétique des bâtiments est un investissement initial dont le retour s'étale sur plusieurs années. Pour rendre possible cet effort financier, il faut un juste partage des coûts et des revenus qu'une telle rénovation représente entre le bailleur et le locataire. Nous devrons donc trouver des mécanismes financiers innovants pour assurer une répartition équitable.
De même, les propositions issues du Grenelle de l'environnement en matière d'efficacité énergétique des équipements rejoignent vos réflexions, je pense notamment aux recommandations concernant l'action auprès de l'Union européenne en faveur de l'étiquetage des produits bruns, cités par M. Deneux, à la limitation de la puissance de veille des appareils - c'est le bon sens - et à l'interdiction programmée des ventes de lampes à incandescence.
La mise en oeuvre de ces mesures passera par un renforcement de la réglementation. Mais, comme pour tout programme ambitieux, elle exige aux côtés de la réglementation un plan d'accompagnement des acteurs, en particulier pour sensibiliser les consommateurs et pour mobiliser les distributeurs.
D'ailleurs, pour répondre à une question précise de M. Deneux, on estime aujourd'hui à un térawattheure l'économie d'énergie réalisée au travers du changement d'heures, mesure instaurée dans notre pays en 1975. Le Gouvernement est favorable à ce que ce mécanisme se poursuive. Le rapport que la Commission européenne doit livrer, avant la fin de l'année, sur l'impact du passage à l'heure d'été dans les différents secteurs économiques nous permettra de nous prononcer sur l'opportunité d'une évolution de ce dispositif.
Sur le thème des énergies renouvelables, le débat dans le cadre du Grenelle de l'environnement l'a montré : développer les énergies renouvelables ne saurait se faire au détriment d'autres exigences environnementales.
Je pense à l'acceptabilité paysagère pour les éoliennes - nous vivons tous ce problème dans nos départements -, qui doit être gérée. Je pense également à la préservation des espèces et des ressources halieutiques dans les cours d'eau pour la production d'énergie hydraulique. Je pense encore à la protection des sols lorsqu'il s'agit de produire des biocarburants. Il nous faut donc concilier notre ambition en matière d'énergies renouvelables avec un critère de « haute qualité environnementale » pour chacune des filières.
Mais les gisements existent. Il faut mieux valoriser la biomasse, tirer parti de l'évolution de la réglementation sur l'eau pour exploiter au mieux le potentiel hydroélectrique, comme le recommande votre mission. C'est donc un vrai plan de mobilisation de nos ressources renouvelables incluant tous les acteurs de la chaîne qui doit être élaboré filière par filière.
Cette réflexion sur le développement des énergies renouvelables me permet d'aborder la question de notre parc de production d'électricité.
Il faut répondre à une préoccupation que vous avez formulée, monsieur Sido, et à certaines préconisations de votre rapport.
Tout d'abord, en ce qui concerne notre production électronucléaire, le développement des énergies renouvelables et l'intensification des efforts en matière d'efficacité énergétique permettront peut-être de diminuer la part du nucléaire dans notre bouquet énergétique. Il n'en reste pas moins, et le Président de la République l'a affirmé clairement, qu'il n'y a pas de solution à notre équation énergétique - énergie compétitive, sûre et sans CO2 - sans le nucléaire. Par conséquent, notre programme nucléaire ne saurait en aucun cas être remis en cause.
À ce titre, j'ai écouté attentivement les propos tenus par M. Pastor. Je profite de mon intervention pour rappeler la position constante du Gouvernement sur la question des tarifs réglementés de vente de l'électricité : ceux-ci sont compatibles avec les directives européennes et doivent être maintenus. Les tarifs réglementés couvrent, en effet, l'ensemble de nos coûts de production et leur niveau ne fait donc que refléter la grande compétitivité de notre parc de production électrique.
Par ailleurs, j'attire votre attention sur le fait que, outre ses avantages économiques, le parc de production électronucléaire contribue très fortement à limiter nos émissions de CO2. Par rapport à un parc de production qui serait fondé sur le charbon, notre parc électronucléaire permet d'éviter entre 300 millions et 400 millions de tonnes de CO2 par an. C'est un choix énergétique qui nous permet aujourd'hui d'afficher des émissions de gaz à effet de serre par habitant inférieures de 25 % à celles de nos voisins européens.
Je tiens à dire à M. Desessard que le nucléaire contribue à la sécurité d'approvisionnement globale non pas tant parce que l'électricité est ainsi produite en France, mais parce que le nucléaire nous permet de diversifier notre approvisionnement. Notre alimentation en matières premières énergétiques ne dépend pas uniquement des zones riches en hydrocarbures que chacun connaît, elle dépend aussi du Niger, du Canada, de l'Afrique du Sud et de l'Australie.
Ensuite, s'agissant de l'opportunité d'obligation minimale de production au sein de chaque État européen, que vous proposez dans votre rapport, la position du Gouvernement est plus réservée. Dans le cadre d'une politique européenne de l'énergie, nos objectifs en matière d'énergie renouvelable sont européens, nos réseaux sont interconnectés. Il convient donc de tenir compte des spécificités de chaque État membre. Le Gouvernement estime - mais le débat n'est jamais fermé - que le fait d'imposer une production locale peut conduire à ce que l'on appelle, avec bonheur - moins pour la langue française ! -, une « désoptimisation ». Si une telle possibilité ne saurait être écartée a priori, la France entend d'abord mettre l'accent sur des planifications nationales coordonnées à l'échelon européen.
Ces questions relatives à la production d'électricité nous ramènent au deuxième thème de notre discussion : l'avènement d'une politique européenne de l'énergie.
Votre mission a conduit ses travaux pendant un moment important, la phase préparatoire d'une nouvelle série de directives sur le marché intérieur de l'énergie.
Dans cette phase, notre pays a mis en avant certains dysfonctionnements, émis de nombreuses propositions et exprimé son attachement à l'émergence d'un marché de l'électricité intégré, sûr, efficace et bénéficiant in fine au consommateur.
Tel est bien le message de la France : l'Europe de l'énergie, le marché de l'énergie ne doivent se construire qu'au bénéfice des consommateurs. Et dans un secteur aussi complexe que celui de l'électricité - qui, comme vous l'avez rappelé, mesdames, messieurs les sénateurs, constitue un bien essentiel et non stockable -, le rôle des pouvoirs publics, de la régulation à la surveillance en passant par la planification, est primordial.
Messieurs les rapporteurs, vous insistez sur l'importance des interconnexions dans la sécurité d'approvisionnement d'un pays - nous en débattons souvent avec nos voisins espagnols, notamment -, ainsi que sur la nécessaire coordination à l'échelle européenne des réglementations s'appliquant aux gestionnaires de réseaux de transport en France. Il s'agit là d'un message que nous portons hautement à Bruxelles.
La sûreté du système électrique passe par un contrôle strict du gestionnaire de réseau de transport. Telle est la position que nous défendons, et que la Commission européenne a d'ailleurs partiellement reprise à son compte dans son troisième paquet énergétique.
Les règles mises en oeuvre par les gestionnaires de réseaux doivent être contraignantes et particulièrement suivies : il faut que tout manquement, à l'instar de celui qu'a connu, le 4 novembre 2006, la République fédérale d'Allemagne, soit sanctionné. La France milite donc pour une régulation contraignante, comme le recommande d'ailleurs la mission commune d'information.
Ainsi que vous l'avez souligné tout à l'heure, monsieur Sido, la mesure la plus emblématique du troisième paquet énergétique concerne la séparation patrimoniale, présentée par la Commission européenne comme la réponse aux dysfonctionnements du marché et notamment aux problèmes de sûreté du système électrique.
Or la France ne partage pas cette position. Elle considère que RTE, Réseau de transport d'électricité, a parfaitement montré par le passé sa capacité à gérer le système électrique sans incident majeur. Pour preuve, le dernier incident majeur remonte au 12 janvier 1987, quand des délestages importants se produisirent dans l'ouest de la France, beaucoup d'entre nous s'en souviennent.
Le renforcement de la sûreté passe aussi par une coopération accrue entre les gestionnaires de réseaux de transport. Là encore, nous voulons être exemplaires : le mémorandum d'entente signé le 6 juin 2007 par les ministres chargés de l'énergie des cinq pays du forum pentalatéral, c'est-à-dire la Belgique, le Luxembourg, la France, l'Allemagne et les Pays-Bas, constitue une illustration de la politique que nous souhaitons promouvoir en Europe.
Ce mémorandum vise des objectifs précis et ambitieux, à savoir l'élaboration d'un bilan prévisionnel global, la création d'une échelle de classification des incidents de réseau et la mise en place d'une plate-forme commune de coordination des gestionnaires de réseaux de transport afin que, demain, nous soyons assurés que les gestionnaires communiquent effectivement entre eux et utilisent les mêmes outils.
Tous ces objectifs rejoignent les propositions de la mission commune du Sénat, me semble-t-il, et doivent être mieux pris en compte dans le troisième paquet énergétique.
À cet égard, voilà quelques semaines que les discussions ont débuté au Conseil européen. Comme l'indiquait M. Daniel Raoul, il s'agit pour la France de peser dans ces négociations, aux côtés de ses partenaires européens, afin d'aboutir à un texte ambitieux, garantissant que les objectifs soient atteints, sans pour autant nuire à l'intégrité de nos opérateurs.
Ainsi, la France et l'Allemagne ont déjà réuni sept pays européens sceptiques devant une mesure qu'ils considèrent comme étant disproportionnée. Ensemble, nos deux pays s'efforceront de faire évoluer dans le bon sens les projets de textes européens de ce paquet énergétique.
Au final, s'agissant de l'émergence d'une politique européenne de l'énergie au travers des négociations communautaires en cours, le Gouvernement reprend à son compte quasiment toutes les propositions de la mission d'information du Sénat, dont il partage le constat et les objectifs.
Toutefois, sur certains points, en nombre limité d'ailleurs, il émet quelques réserves quant à la façon de parvenir au résultat attendu. Il en est ainsi de la proposition, sur laquelle nous reviendrons, visant à encadrer le fonctionnement du réseau par des textes européens juridiquement contraignants, tels que des directives techniques, ou de celle, formulée par M. Yannick Texier, tendant à encadrer le développement des interconnexions par une déclaration d'utilité publique européenne - si du moins tel est bien le sens de votre proposition, monsieur Texier.
En effet, il nous semble que de tels processus, assez lourds, pourraient à terme ralentir l'intégration européenne et aller à l'encontre de l'effet recherché.
En revanche, la France est favorable à une régulation concrète au niveau européen et à la mise en place de coordinateurs européens, qui permettraient, sur des projets d'interconnexion, de fluidifier le dialogue entre les pays concernés.
Pour conclure, et sans tomber dans le péché de l'unanimisme, qui n'est jamais propice à l'exercice de la démocratie, je tiens à rendre hommage à la mission commune d'information du Sénat pour les enseignements précieux qu'elle a dégagés, dans un moment particulièrement crucial pour notre politique de l'énergie, tant nationale qu'européenne.
Je souhaite que le dialogue entre le Gouvernement et la Haute Assemblée se poursuive, voire s'intensifie, car il reste certaines questions dont je souhaite débattre avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, particulièrement lors de la déclinaison, au mois de décembre prochain, des différents programmes opérationnels issus du Grenelle de l'environnement.
Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, je me félicite du travail qui a été réalisé par le Sénat et je vous en remercie.