Intervention de Elisabeth Doineau

Commission des affaires sociales — Réunion du 30 novembre 2022 à 9h30
Proposition de loi visant à rétablir l'équité territoriale face aux déserts médicaux et à garantir l'accès à la santé pour tous — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Elisabeth DoineauElisabeth Doineau, rapporteure générale :

La situation est difficile, elle ne date pas d'hier et risque de ne pas s'améliorer d'ici à 2030. Les prévisions de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) n'incitent pas à l'optimisme, notamment concernant le nombre de médecins nécessaires sur le territoire.

Nous sommes confrontés, comme beaucoup d'autres pays de l'Union européenne (UE), à un problème démographique. Le nombre de médecins étrangers embauchés dans les hôpitaux ou les MSP est un bon indice de la situation critique. Nous avons mal appréhendé le vieillissement de la population, avec ses effets sur le nombre de maladies chroniques et le niveau de prise en charge.

Nous avons également pris des décisions qui n'étaient pas appropriées à la gestion de ces difficultés ; je pense notamment au numerus clausus, resté longtemps trop faible, et aux incitations, faites aux médecins, à prendre leur retraite dès cinquante-sept ans.

Vos propositions sont-elles pertinentes ? Elles ne résoudront pas le problème de l'accès aux soins. Nous n'allons pas inventer ce que nous n'avons pas. Il s'agit de former des médecins en nombre et, surtout, de rendre attractive la médecine générale. Nous multiplions tellement les injonctions à travailler dans les territoires sous-dotés que les jeunes engagés dans ces métiers de la santé se sentent sous pression ; certains m'ont parlé de « harcèlement ». Cette pression continuelle, ajoutée à l'année supplémentaire, ne les encourage pas dans cette voie.

Il conviendrait d'élaborer un vrai projet de loi sur la santé, incluant tous les autres professionnels de santé. Selon la Drees, plus on a de médecins généralistes pour 100 000 habitants, moins on a d'infirmiers ; et plus on a d'infirmiers, moins on a de médecins généralistes. Il s'agit d'avoir une vision globale du système, et ne pas se focaliser seulement sur les médecins.

L'article 1er prévoit l'instauration d'une année de professionnalisation obligatoire dans les déserts médicaux. Cette obligation aura un effet répulsif, certains vont préférer s'orienter vers l'hôpital. Dans les hôpitaux, on a également un besoin important d'internes. Il s'agit de ne pas déshabiller Pierre pour habiller Paul.

L'exercice coordonné, tel qu'il est prévu dans l'article 2, existe déjà. Des territoires se sont engagés via les contrats locaux de santé (CLS), dans le cadre des MSP ou des CPTS. Nous sommes en train de changer de modèle, avec une nouvelle génération qui n'entend pas exercer son métier de la même manière que l'ancienne. Certains territoires ont réussi à s'engager, d'autres moins ; peut-être faut-il des brigades, avec des ARS qui puissent donner l'impulsion.

La permanence des soins, évoquée dans l'article 3, doit être favorisée. Mais les médecins généralistes font déjà beaucoup d'heures ; si on leur impose des astreintes supplémentaires, cela risque de provoquer un désengagement. Et comment feront-ils pour accepter une nouvelle patientèle ?

Je suis opposée au conventionnement sélectif prévu dans l'article 4. À mes yeux, ce n'est pas la solution. On observe tellement de manques aujourd'hui dans les services de protection maternelle et infantile (PMI) ou dans certaines institutions que les jeunes médecins préfèreront s'engager dans ces lieux plutôt que d'être contraints de s'installer à tel ou tel endroit. Le coût des transmissions de patientèle est également assez effrayant.

Nous n'apportons pas les bonnes réponses à ces questions. Afin de prendre en charge les 10 % ou 12 % de personnes qui, actuellement, ne disposent pas d'un médecin traitant, on peut augmenter la part de télémédecine, ou encore aider à l'embauche d'un assistant médical susceptible de délester le médecin des tâches administratives ; on peut également travailler sur les consultations avancées, avec des outils qui existent déjà. Les ARS ou les services dans les départements pourraient notamment aider les territoires en difficulté afin de lancer la dynamique.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion