Madame l'ambassadrice, mes chers collègues, à moins d'un mois d'une COP15 biodiversité décisive, maintes fois repoussée depuis deux ans en raison de la « stratégie zéro Covid » de la Chine, pays organisateur, nous sommes heureux de vous accueillir pour faire le point sur les ambitions et les stratégies portées par la France afin d'aboutir à un cadre mondial ambitieux et transformateur pour protéger et restaurer la nature.
Cette COP biodiversité marque un moment charnière : les 196 parties à la Convention sur la diversité biologique auront la lourde et impérieuse tâche de définir le nouveau cadre mondial pour la préservation de la biodiversité, à un moment où les pressions qui s'exercent sur le vivant n'ont jamais été aussi fortes. Le rapport de l'IPBES de 2019 - souvent présenté comme le GIEC de la biodiversité - a alerté sur le fait que « la nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l'histoire humaine » et que « le taux d'extinction des espèces s'accélère, provoquant dès à présent des effets graves sur les populations humaines du monde entier ». Selon le rapport Planète vivante 2022, établi par le Fonds mondial pour la nature (WWF), « entre 1970 et 2018, la taille moyenne des populations de vertébrés sauvages a décliné de 69 % ». En moins d'un demi-siècle, les effectifs de plus de 32 000 populations de mammifères, d'oiseaux, d'amphibiens, de reptiles et de poissons ont chuté des deux tiers, soit un rythme de 100 à 1 000 fois supérieur au taux naturel d'extinction. C'est une disparition à bas bruit, moins visible et perceptible que le changement climatique, mais dont les effets sur les écosystèmes et l'économie n'en sont pas moins colossaux.
Les causes de cette perte de biodiversité sont désormais identifiées au regard de l'évolution des savoirs scientifiques relatifs aux dynamiques des espèces : les changements d'usage des terres ; la surexploitation des ressources et la déforestation ; le changement climatique ; la pollution des eaux, des sols et de l'air et les espèces exotiques envahissantes.
Afin de lutter efficacement contre l'érosion de la biodiversité, il faut lutter contre chacune des pressions qui s'exercent sur les écosystèmes dans le cadre d'actions cohérentes et coordonnées, en visant autant que possible les mesures génératrices de cobénéfices pour le climat et la biodiversité. En 2021, le GIEC et l'IPBES ont d'ailleurs produit pour la première fois un rapport commun sur la biodiversité et le changement climatique, qui soulignait notamment que la limitation du réchauffement climatique pour assurer un climat habitable et la protection de la biodiversité sont des objectifs synergiques.
Nous devons être ambitieux face à cette urgence environnementale, mais également réalistes et pragmatiques : aucun des objectifs d'Aichi, fixés il y a une décennie pour enrayer la perte de biodiversité d'ici 2020, n'a été atteint. Ce triste constat ne doit pas conduire à l'inaction, mais à la définition d'un cadre qui fait l'objet d'un meilleur suivi, avec des évaluations régulières et des cibles partagées. Il faut fixer des objectifs qui permettent d'inverser la tendance, mais en aidant les pays pour qui la marche pourrait être trop haute. C'est tout l'intérêt de la diplomatie environnementale et le rôle des COP que de fixer un cap, de partager les instruments de navigation et de faire face ensemble aux tempêtes.
À ce titre, j'aimerais vous interroger sur la lecture que vous faites des relations internationales à l'aune des ambitions en matière de biodiversité, notamment sur le rôle de la Chine et des États-Unis, et à la suite des changements électoraux intervenus récemment, au Brésil, en Grande-Bretagne, en Italie et en Australie pour n'en citer que quelques-uns.
Après avoir rappelé les défis qui se présentent à nous, je vais donner la parole au président du groupe de suivi « Enjeux internationaux-Climat-Environnement-Développement », pour qu'il aborde les enjeux et les mécanismes des négociations internationales sur la biodiversité. Je vous céderai ensuite la parole pour un propos liminaire, tout en rappelant qu'une délégation de notre commission se rendra à Montréal du 11 au 14 décembre prochain dans le cadre de la COP15, composée de Guillaume Chevrollier, Jean-Michel Houllegatte, Denise Saint-Pé et Ronan Dantec.