Je vous propose de débuter notre matinée avec la désignation d'un rapporteur pour avis sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture, qui serait examiné au fond par la commission des affaires sociales.
J'emploie le conditionnel car ce texte devrait être présenté en Conseil des ministres aujourd'hui, puis déposé sur le Bureau du Sénat. L'examen de ce texte en commission des affaires sociales, ainsi qu'en a décidé la dernière conférence des Présidents, aura lieu le mercredi 7 décembre au matin. Notre commission se réunira quant à elle le mardi 6 décembre à 17 heures. L'examen en séance publique se déroulera le mardi 13 décembre après-midi et, éventuellement, le soir.
Sur les 28 articles qui devraient composer le projet de loi, 4 articles relatifs au secteur des transports pourraient donc directement entrer dans le champ de compétences de notre commission et seraient, à ce titre, susceptibles d'être délégués au fond à notre commission.
Outre deux articles visant à corriger des erreurs matérielles ou des références, un article devrait porter sur la taxation des véhicules à moteur, et plus spécifiquement sur les péages applicables aux véhicules de transport de marchandises par route. Un quatrième article devait porter sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires.
D'autres articles portant sur des domaines aussi variés que le droit des sociétés ou la commande publique - pour ne citer que quelques exemples -, pourraient être délégués pour traitement au fond à d'autres commissions. Sous réserve du dépôt du texte, les commissions des finances, des lois et des affaires économiques devraient, en effet, elles aussi être concernées par des délégations au fond par la commission des affaires sociales.
Le calendrier d'examen de cette réforme technique s'annonce particulièrement serré puisque nous disposerons d'à peine un mois entre le dépôt du texte et son examen en commission. Mais je ne doute pas que le rapporteur que nous allons désigner dès à présent réussira à conduire ses travaux dans ces délais.
J'ai reçu la candidature de M. Cyril Pellevat. Je vous propose donc de le désigner en qualité de rapporteur pour avis.
Il n'y a pas d'opposition ?
La commission demande à être saisie pour avis sur le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne dans les domaines de l'économie, de la santé, du travail, des transports et de l'agriculture, sous réserve de sa transmission, et désigne M. Cyril Pellevat rapporteur pour avis.
Madame l'ambassadrice, mes chers collègues, à moins d'un mois d'une COP15 biodiversité décisive, maintes fois repoussée depuis deux ans en raison de la « stratégie zéro Covid » de la Chine, pays organisateur, nous sommes heureux de vous accueillir pour faire le point sur les ambitions et les stratégies portées par la France afin d'aboutir à un cadre mondial ambitieux et transformateur pour protéger et restaurer la nature.
Cette COP biodiversité marque un moment charnière : les 196 parties à la Convention sur la diversité biologique auront la lourde et impérieuse tâche de définir le nouveau cadre mondial pour la préservation de la biodiversité, à un moment où les pressions qui s'exercent sur le vivant n'ont jamais été aussi fortes. Le rapport de l'IPBES de 2019 - souvent présenté comme le GIEC de la biodiversité - a alerté sur le fait que « la nature décline globalement à un rythme sans précédent dans l'histoire humaine » et que « le taux d'extinction des espèces s'accélère, provoquant dès à présent des effets graves sur les populations humaines du monde entier ». Selon le rapport Planète vivante 2022, établi par le Fonds mondial pour la nature (WWF), « entre 1970 et 2018, la taille moyenne des populations de vertébrés sauvages a décliné de 69 % ». En moins d'un demi-siècle, les effectifs de plus de 32 000 populations de mammifères, d'oiseaux, d'amphibiens, de reptiles et de poissons ont chuté des deux tiers, soit un rythme de 100 à 1 000 fois supérieur au taux naturel d'extinction. C'est une disparition à bas bruit, moins visible et perceptible que le changement climatique, mais dont les effets sur les écosystèmes et l'économie n'en sont pas moins colossaux.
Les causes de cette perte de biodiversité sont désormais identifiées au regard de l'évolution des savoirs scientifiques relatifs aux dynamiques des espèces : les changements d'usage des terres ; la surexploitation des ressources et la déforestation ; le changement climatique ; la pollution des eaux, des sols et de l'air et les espèces exotiques envahissantes.
Afin de lutter efficacement contre l'érosion de la biodiversité, il faut lutter contre chacune des pressions qui s'exercent sur les écosystèmes dans le cadre d'actions cohérentes et coordonnées, en visant autant que possible les mesures génératrices de cobénéfices pour le climat et la biodiversité. En 2021, le GIEC et l'IPBES ont d'ailleurs produit pour la première fois un rapport commun sur la biodiversité et le changement climatique, qui soulignait notamment que la limitation du réchauffement climatique pour assurer un climat habitable et la protection de la biodiversité sont des objectifs synergiques.
Nous devons être ambitieux face à cette urgence environnementale, mais également réalistes et pragmatiques : aucun des objectifs d'Aichi, fixés il y a une décennie pour enrayer la perte de biodiversité d'ici 2020, n'a été atteint. Ce triste constat ne doit pas conduire à l'inaction, mais à la définition d'un cadre qui fait l'objet d'un meilleur suivi, avec des évaluations régulières et des cibles partagées. Il faut fixer des objectifs qui permettent d'inverser la tendance, mais en aidant les pays pour qui la marche pourrait être trop haute. C'est tout l'intérêt de la diplomatie environnementale et le rôle des COP que de fixer un cap, de partager les instruments de navigation et de faire face ensemble aux tempêtes.
À ce titre, j'aimerais vous interroger sur la lecture que vous faites des relations internationales à l'aune des ambitions en matière de biodiversité, notamment sur le rôle de la Chine et des États-Unis, et à la suite des changements électoraux intervenus récemment, au Brésil, en Grande-Bretagne, en Italie et en Australie pour n'en citer que quelques-uns.
Après avoir rappelé les défis qui se présentent à nous, je vais donner la parole au président du groupe de suivi « Enjeux internationaux-Climat-Environnement-Développement », pour qu'il aborde les enjeux et les mécanismes des négociations internationales sur la biodiversité. Je vous céderai ensuite la parole pour un propos liminaire, tout en rappelant qu'une délégation de notre commission se rendra à Montréal du 11 au 14 décembre prochain dans le cadre de la COP15, composée de Guillaume Chevrollier, Jean-Michel Houllegatte, Denise Saint-Pé et Ronan Dantec.
Madame l'ambassadrice, mes chers collègues, le Président vient de dresser un tableau juste des menaces pesant sur la biodiversité et des facteurs contribuant à son érosion, qui ne prête pas à l'optimisme.
Le chiffre sur la diminution du nombre de vertébrés en cinquante ans est très significatif. La fenêtre d'action se rétrécit et il est nécessaire de sortir des grands principes et des phrases convenues. La COP doit renforcer l'efficience des mécanismes d'action.
Au sein du groupe de suivi que j'ai l'honneur de présider, certains de mes collègues ont déjà pu entendre Madame l'ambassadrice. Fin octobre, un certain nombre de responsables de grandes associations de protection de l'environnement, du WWF et de l'UICN ont été entendus. Ils proposent d'aller vers des cibles mieux chiffrées et mieux échelonnées dans le temps. Des évaluations périodiques sur l'état de la biodiversité seront nécessaires.
La France est très engagée en amont de cette COP, notamment pour défendre l'objectif de protection de 30 % des territoires terrestres et maritimes. Chaque pays doit être en mesure de produire des propositions chiffrées, même la Chine, habituellement réticente à prendre des engagements précis et mesurables.
La réforme des financements interroge également, tout comme la convergence avec les financements liés au climat ainsi que le renforcement des méthodes de suivi.
Notre optimisme est donc loin d'être béat. La guerre en Ukraine, les évolutions géopolitiques, les tensions inflationnistes, les crises économiques ne plaident pas pour un accord ambitieux et transformateur. Si la COP a lieu au Canada, c'est toujours la Chine qui la préside. Que cherche-t-elle à travers cette COP ? La déclaration de Kunming, où la COP devait avoir lieu initialement, est-elle encore d'actualité ou déjà dépassée ?
Avec le concept de One Health, qui apparait depuis quelques années et prône une santé unique, humaine, animale et environnementale, la COP devra consacrer un volet de son accord final aux enjeux de santé globale.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, merci beaucoup de m'avoir invitée, en compagnie de Virginie Dumoulin de l'Inspection générale de l'environnement au ministère de la transition écologique, avec qui je travaille pour l'ensemble de ces négociations.
La COP15 qui se tiendra à Montréal en décembre a lieu dans le cadre de la Convention sur la biodiversité, une des trois conventions établies à Rio en 1992, avec la Convention sur le climat et la Convention sur la désertification.
Cette Convention repose sur trois piliers : la préservation et la conservation de la nature ; l'utilisation durable des ressources tirées de la nature et le partage des avantages de l'exploitation des ressources génétiques.
À la différence de la COP climat qui se réunit chaque année, la Convention sur la biodiversité a lieu tous les deux ans. L'objectif de la négociation prévue à Montréal est d'établir un cadre décennal, qui succède aux objectifs d'Aichi, qui n'ont pas été atteints ainsi que l'a rappelé le président. Depuis 2010, la biodiversité se dégrade. Des chiffres et des rapports, dont celui de WWF en témoignent.
La dégradation de la biodiversité est liée à cinq causes : le changement d'usage des terres et des mers dû à l'emprise de l'agriculture et de l'urbanisation ; la surexploitation des espèces sauvages avec pour marqueur le plus évident la surpêche ; le changement climatique, dont l'impact sur la biodiversité est de plus en plus important ; la pollution chimique et les espèces exotiques envahissantes.
Le cadre doit se pencher sur chacune de ces causes. Selon les experts, le cadre défini à Aichi a échoué faute de mécanismes d'accompagnement des cibles, de rapportage, de stock-taking ou encore d'état des lieux chemin faisant. Ces mécanismes devraient désormais être inclus dans le cadre mondial.
La question financière est centrale : les pays en développement trouvent, à juste titre, que les mesures liées à la biodiversité sont onéreuses. Un soutien plus volontariste des pays développés sera nécessaire.
Le premier objectif du cadre concerne la réduction des menaces pesant sur la biodiversité avec pour cibles : la conservation, notamment avec la protection de 30 % des terres et des océans - la France et le Costa Rica ont initié une coalition pour la Haute ambition pour la nature et les peuples (HAC) qui compte 110 pays et 5 nouveaux pays ont adhéré lors de la COP27 à Charm el-Cheikh ; l'interdiction du commerce et de l'utilisation des espèces sauvages ; les espèces exotiques envahissantes ; la réduction de la pollution ; le lien entre le changement climatique et la biodiversité.
La deuxième série de cibles se rapporte à la conservation et à l'utilisation durable des ressources notamment via une pêche et une gestion durable des systèmes productifs. En matière d'agriculture, la France et l'Union européenne plaident pour un développement des pratiques respectueuses de l'environnement. Autant de points qui ne font pas non plus l'unanimité parmi les États parties à la Convention sur la diversité biologique.
Le troisième objectif est lié à l'accès et au partage des avantages issus des ressources génétiques, le DSI. Le génome des ressources génétiques a été numérisé. Ces ressources ne sont pas soumises à des redevances pour leur utilisation, ce que les pays en développement trouvent injuste. Les pays développés pensent qu'il est nécessaire que la recherche puisse poursuivre son travail. Les pays africains ont d'ores et déjà annoncé que sans solution sur ce sujet, il n'y aurait pas d'accord à Montréal.
Un dernier objectif a trait aux moyens mis en oeuvre avec une diminution des subventions et une augmentation des financements.
Comme pour l'Accord de Paris, les plans sur la biodiversité devront être élaborés de la façon la plus homogène possible, afin d'être compilables et comparables. À la différence de ce qui existe actuellement, le processus de reporting devra utiliser des indicateurs similaires. Un processus d'état des lieux à mi-chemin devra être réalisé d'ici à 2030, afin de permettre un renforcement de l'ambition si l'état d'avancement est insuffisant. Ce qui figurait dans l'Accord de Paris deviendra donc la norme minimum.
La France et l'Union européenne souhaitent un cadre ambitieux. Le texte et les négociations ont été préparés pour un dernier tour de négociations durant la première semaine de décembre. Les ministres prendront ensuite le relais pour le segment de haut niveau afin de trancher les aspects les plus complexes.
La France et l'Union européenne insistent pour que figurent dans le texte : l'augmentation de la surface des écosystèmes naturels, leurs connectivités et leur intégrité ; le taux et le risque d'extinction des espèces ainsi que la diversité génétique des espèces.
La France souhaite également que la vision du cadre pour 2030 soit claire et communicable. Il est proposé a minima : d'arrêter et d'inverser le déclin de la biodiversité - certains pays estimant qu'inverser ce mouvement en huit ans est impossible ; la protection de 30 % des terres et des mers ; la restauration de 3 milliards d'hectares de terres dégradées ; une réduction quantifiée des risques et des usages liés aux pesticides et aux engrais ; une augmentation des pratiques agroécologiques ; un point sur les flux financiers - en dehors du montant transféré du Nord vers le Sud, un alignement des flux financiers avec les acteurs privés ou publics dans le monde est nécessaire. L'article 2C de l'Accord de Paris indiquait déjà que les flux financiers devaient être alignés avec une trajectoire compatible avec ledit accord. Cet article a impacté les développements européen et français, privés comme publics ; une obligation pour les entreprises de faire connaitre leur impact et leurs dépendances en matière de biodiversité ; une mobilisation de l'ensemble des sources de financement.
Les pays en développement souhaitent que le DSI, c'est-à-dire l'accès et le partage des avantages issus des ressources numériques, soit pris en compte et qu'un financement plus important soit mis en oeuvre du Nord vers le Sud.
Où en est-on aujourd'hui ? Je dirais que nous sommes encore assez loin de l'atteinte d'un accord ambitieux. Montréal n'est pas une promenade de santé, mais une véritable négociation, qui peut réussir, mais également échouer. Les forces en présence à la COP15 et les exigences de chacun sont très complexes. Un certain nombre de pays, à l'image du Brésil, sont peu ambitieux et peu aidants sur le sujet de la biodiversité. Le Brésil a beaucoup pesé dans les négociations pour diminuer la plupart des objectifs tout en demandant d'importants financements supplémentaires.
Une alliance des pays du Sud, en particulier l'Afrique et quelques pays d'Amérique latine, demande la création d'un fonds mondial en matière de biodiversité, comme il en existe sur le climat. La plupart des pays donateurs sont contre dans la mesure où il existe déjà le fonds mondial pour l'environnement, récemment augmenté, et dont une part importante est consacrée à la biodiversité.
Les pays du Sud plaident pour que les pays développés leur transfèrent 100 milliards par an. Actuellement, l'ensemble de ces transferts est de 6 milliards. Le fossé est important et les pays donateurs sont dans l'incapacité de répondre à cette demande.
De nombreuses solutions sont proposées pour le DSI venant compliquer le protocole de Nagoya, difficilement mis en oeuvre au niveau national.
La guerre en Ukraine a ravivé les tensions géopolitiques, réduisant les marges de manoeuvre des pays donateurs. Le renchérissement des prix agricoles n'incite pas à plus d'ambition en matière d'agroécologie. La mobilisation politique sur la biodiversité n'est pas au niveau de la mobilisation en matière climatique, sauf peut-être en France et en Europe.
Les résultats des élections au Brésil ne changent pas la donne. Le président Lula, même s'il est plus ambitieux en matière environnementale, ne modifiera pas le rôle que le Brésil entend jouer en tant que porte-parole des pays non alignés.
Les États-Unis ne font pas partie de la convention sur la biodiversité, ce qui complique les choses pour l'Europe, qui se retrouve en première ligne, regardée comme un « vilain donneur de leçons ». Des coalitions de pays ambitieux se créent néanmoins, y compris avec des pays d'Amérique latine qui ne sont pas alignés avec le Brésil.
Concernant la mobilisation des ressources financières, la France a anticipé la COP15 en doublant son financement en matière de biodiversité à travers l'Agence française de développement (AFD), et en augmentant de 40 % sa contribution au Fonds pour l'Environnement mondial (FEM).
Actuellement, seuls 17 % des territoires sont protégés dans le monde. L'accompagnement vers les 30 % devrait se faire via la Coalition de la haute ambition qui s'est dotée d'un secrétariat et pourra proposer des appuis en matière de formation, d'assistance technique, mais aussi de financement en mettant en relation les pays ambitieux et les donateurs prêts à les financer.
Merci pour votre intervention. Nous souhaitons tous que la COP15 soit utile pour la biodiversité. Son érosion a des incidences très significatives sur le plan économique, avec des services écosystémiques perturbés et une dégradation du bien-être des populations. La valeur des services rendus par la nature pour l'air, l'eau, l'alimentation est évaluée à 125 000 milliards de dollars par an, soit un montant supérieur au PIB mondial. Selon le Forum économique mondial, près de la moitié du PIB à l'échelle de la planète est lié à la biodiversité, autrement dit à des écosystèmes en bonne santé et à même de fournir des services comme une eau de qualité, la pollinisation des cultures ou la lutte contre les ravageurs de cultures. Ceci posé, pensez-vous qu'il soit possible de faire entrer ces paramètres dans les négociations, dans le cadre d'éléments de langage qui puissent parler au plus grand nombre ? La biodiversité souffre de l'absence d'indicateur composite permettant d'appréhender la gravité et la rapidité de son érosion. Que pensez-vous des approches consistant à convertir les bénéfices induits par la biodiversité en termes monétaires ?
Pour rester sur les mécanismes financiers, où en est la réforme des subventions néfastes pour la biodiversité ? Selon une étude publiée en février 2022 par Business for nature, au moins 1 800 milliards de dollars de subventions publiques, soit 2 % du PIB mondial, sont à l'origine chaque année de destructions d'écosystème et d'extinction d'espèces. Comment inverser la tendance ? La COP15 est-elle l'enceinte pertinente pour négocier un cadre d'aides publiques plus favorables à la biodiversité ?
Par ailleurs, le climat et la perte de biodiversité sont devenus des risques systémiques intégrés au modèle financier. L'importance des modèles prévisionnistes a conduit les institutions financières à se doter d'indicateurs de performances climatiques et environnementales. Quels mécanismes complémentaires permettraient selon vous d'améliorer l'empreinte environnementale des outils et supports financiers, afin d'accélérer la transition vers une finance plus durable et engagée pour la nature et le climat ?
L'un des problèmes les plus dirimants pour la protection de la biodiversité est qu'il n'existe pas d'éléments de langage fédérateurs, à l'instar des deux degrés pour le climat ou d'une tonne de carbone. La biodiversité est composite et parle difficilement au plus grand nombre.
La mission clé de la COP15 consiste à diminuer et inverser la tendance en matière de biodiversité, via le partage d'indicateurs compris du plus grand nombre et la mise au point d'une définition claire de ce qu'est une économie bénéfique pour la nature (nature-positive economy). Pour cela, nous souhaitons que plusieurs indicateurs soient adoptés. Certains existent déjà, d'autres restent encore à construire. La France a néanmoins toujours défendu la nécessité d'adopter des cibles même sans indicateurs, quitte à ce que ceux-ci soient ensuite ajoutés. Nous demanderons un mandat afin de continuer à négocier et adopter des indicateurs au cours des deux années suivant la COP15. La finalisation du cadre avec l'ensemble des indicateurs clés aura probablement lieu lors de la COP16.
Traduire la biodiversité sur le plan monétaire semble complexe. Pour intégrer cet aspect dans des normes comptables, une mesure unique de la valeur biodiversité devrait être prise en compte. Or il en existe plusieurs, dont celle développée par la Caisse des dépôts sur la biodiversité, fondée sur la prise en compte du nombre d'espèces moyen par hectare. Des études donnent déjà une valeur à la biodiversité, mais tant qu'un indicateur unique ne sera pas reconnu par tous et intégré dans des modèles standardisés, il sera difficile de comptabiliser la biodiversité dans le PIB. Depuis Aichi, le cadre de négociation vise à ce que la biodiversité soit intégrée dans les comptes publics. La commission de la comptabilisation des Nations unies a formulé des recommandations sur le sujet, mais celles-ci ne sont pas appliquées.
Un différend sur les chiffres existe aussi en matière de réforme des subventions néfastes. Business for Nature évoque 1 800 milliards de dollars, l'OCDE 800 milliards. Il s'agit pour les deux tiers de subventions aux énergies fossiles, néfastes également pour le climat. Les autres subventions concernent la pêche et l'agriculture. L'Europe a connu une diminution de l'ensemble de ces subventions, mais certains pays refusent de les réduire pour des raisons sociales.
L'un des points essentiels de la mise en oeuvre du cadre de la COP15 dépendra de la façon dont les grandes banques multilatérales de développement prendront en compte le sujet. La biodiversité doit être incorporée dans l'ensemble des choix publics. Seules les grandes banques pourront accompagner les pays dans des réformes de politique publique, surtout pour les pays du Sud.
La destruction de la biodiversité s'accélère et représente une catastrophe globale pour la planète avec des impacts sur tous les continents et territoires. Même s'il existe une volonté politique plus affirmée, beaucoup de chemin reste à parcourir. En France, un certain nombre de dispositifs permettent aux régions, aux départements, aux EPCI d'être des acteurs importants dans la limitation de la perte de biodiversité. Une stratégie nationale vise à couvrir 30 % du territoire par des aires protégées. Cette stratégie associe peu les élus locaux. Les espèces à prendre en compte sont proposées par le Muséum d'histoire naturelle. Le ministère de l'écologie se charge du programme d'actions et la Dreal coordonne. Les élus locaux sont pourtant les maillons indispensables à la réussite d'une stratégie qui se décline sur le terrain. Ne pensez-vous pas que toute stratégie nationale ne peut fonctionner que si elle associe pleinement, y compris dans sa définition, les acteurs de terrain que sont les maires ?
Les banques européennes n'ont pas infléchi leurs financements aux énergies fossiles, mais plutôt que les flux, je voudrais évoquer les stocks. Selon le rapport de l'Institut Rousseau, sorti l'année dernière, les banques ont accumulé des centaines de milliards d'actifs financiers liés à l'exploration, l'exploitation, mais aussi le transport du charbon, du pétrole et du gaz. Les 11 principales banques européennes détiennent 530 milliards d'euros d'actifs fossiles, soit 95 % de leurs fonds propres. La dévalorisation de ces actifs détenus pourrait produire d'importantes turbulences, voire générer une nouvelle crise financière à l'image de celle des subprimes. Des travaux sont-ils en cours pour imaginer, notamment au niveau européen, un mécanisme ou une structure de défaisance qui permettraient de « dissoudre » ces actifs ?
L'une des causes de la baisse drastique de la biodiversité est la pollution, notamment chimique et plastique. Plastique dans l'estomac des cétacés, substances chimiques dans les sols, présence de DDT et PFAS, qualifiés de polluants éternels, chez les ours polaires, les raisons de la baisse de la biodiversité sont documentées.
Les composants chimiques étant déjà présents dans la nature, baisser leurs indicateurs ne sera pas forcément efficace. La sixième limite planétaire a été dépassée avec l'arrivée exponentielle de nouvelles entités chimiques dans l'environnement. Ce problème doit être pris en compte. Tout comme celui des microplastiques qui se retrouvent partout, des eaux de l'Arctique au sommet de l'Everest.
Dans un entretien croisé publié dans Ouest France récemment, Nadia Ameziane et Guillaume Massé, respectivement cheffe et directeur adjoint de la station marine de Concarneau, évoquent une sixième extinction, mais soutiennent qu'une action est encore possible à l'approche de la COP15. La rapidité des changements dans les océans dépasse les estimations du GIEC. Le réchauffement climatique a un impact sur la faune et la flore en particulier sur des organismes comme les huîtres et les moules et leurs cycles reproductifs. Avec la montée des eaux, certaines étendues d'eau douce seront à l'avenir en contact avec les océans.
La question des financements sera au coeur des enjeux de la COP15 et leur alignement sur les objectifs en matière de protection de la biodiversité sera déterminant. Il est nécessaire d'accentuer la pression sur les banques publiques de développement. Qu'est-il prévu sur ce point ?
Vous indiquez que les indicateurs clés ne sont pas évidents à construire pour l'ensemble des pays. Leur finalisation est prévue à la COP16. Quelles pistes la France envisage-t-elle ? Pouvez-vous expliquer les programmes de préservation positive pays par pays ? Récemment évoqués par le Président de la République, ces contrats pourraient être finalisés par le One Forest Summit au Gabon en 2023.
Une réflexion internationale existe-t-elle pour placer les politiques de préservation de la biodiversité au-dessus des turbulences politiques ? Certains pays ont la taille d'un continent et peuvent faire basculer l'écologie mondiale. Envisagez-vous la mise en place de mécanismes qui, tout en conservant la souveraineté des pays, s'imposeraient au nom de l'intérêt supérieur de la planète en ne permettant pas de défaire ce qui a été mis en place ?
Avec plusieurs de mes collègues, nous nous sommes rendus en mission au Costa Rica, pays qui, depuis la fin des années 1940, comptabilise la biodiversité. La France pourrait appliquer les mêmes critères, même si leur transposition doit tenir compte des choix collectifs de chaque pays : au Costa Rica, le critère de réussite porte sur le fait que personne n'habite plus dans le parc national de Cahuita, ce qui nous interroge.
Votre silence en tant qu'ambassadrice de l'environnement par rapport à la coupe du monde de football au Qatar interpelle de plus en plus mes concitoyens dans les Yvelines. Le Président a eu des mots forts lors de la COP27, mais la diplomatie environnementale est peu présente sur cet événement qui a pourtant un véritable impact sur la biodiversité et le climat.
Concernant les aspects financiers en matière climatique comme de biodiversité, il est très difficile d'obtenir des chiffres uniques et consolidés, mais quoi qu'il en soit, ceux-ci sont effrayants.
Lors de la COP21, la première coalition de parties prenantes privées portait sur la diminution des actifs fortement carbonés. Se défaire d'un certain nombre de ces actifs permettait de s'acheter une vertu, mais ces actifs étaient rachetés par d'autres consortiums moins regardants. Le vrai sujet n'est donc pas d'arrêter les hydrocarbures, car nous en avons encore tous besoin, mais de planifier une trajectoire qui permettra de s'en passer d'ici à 2050, date à laquelle l'engagement a été pris de parvenir à la neutralité carbone. Une entreprise produisant des hydrocarbures qui se tourne vers les énergies renouvelables est vertueuse. L'Ademe a réalisé un très bon travail de méthodologie afin de prodiguer des conseils aux entreprises pour imaginer une pente de décroissance en lien avec les technologies existantes dans leurs domaines. Il est important pour les institutions financières d'accompagner les entreprises sur ce chemin. Cela ne signifie pas se défaire de l'ensemble des entreprises possédant des actifs carbonés, mais s'assurer que ces entreprises projettent bien de diminuer ces actifs. Les banques, les fonds de pension et les investisseurs se sont lancés dans cette démarche. Pour les y encourager, la Banque de France a mis en oeuvre à travers l'Autorité des marchés financiers (AMF) et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), des « stress tests climatiques » qui étudient l'impact pour les banques en termes de risques physiques et de risques de transitions. Les banques doivent incorporer le fait que les politiques publiques vont évoluer, sans oublier de tenir compte du risque réputationnel. Ces aspects sont actuellement mis en oeuvre sur le climat et pour la première année l'ACPR se penche sur la biodiversité.
Sur les banques de développement, l'AFD a mis en place une méthodologie pour comptabiliser l'impact en matière de biodiversité. Le financement de la biodiversité rencontre des problèmes de méthodologie. L'AFD possède un réseau mondial de banques publiques travaillant sur ce sujet. Les grandes banques multilatérales s'y intéressent depuis peu mais sont encore dans l'incapacité de quantifier leurs financements en matière de biodiversité. Bruno Lemaire a envoyé une lettre au président de la banque mondiale pour lui demander ces chiffres avant la COP15, ce qui ne sera pas possible.
Virginie Dumoulin. - La stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) a été adoptée en mars 2021 et sera révisée à l'issue de la COP15, notamment pour y intégrer les nouveaux indicateurs. La stratégie nationale des aires protégées s'intègre dans la stratégie nationale pour la biodiversité. L'objectif de couverture de 5 % des eaux territoriales en Méditerranée sous protection forte a été ajouté par le Président de la République, ainsi que la création d'un parc national consacré aux zones humides.
Ces deux stratégies ne pourront pas être mises en oeuvre sans une déclinaison territoriale fine. Les régions sont chefs de file en matière de biodiversité. Depuis la loi dite « 3DS », elles sont chargées de l'animation du réseau terrestre Natura 2000. Le département est la seule collectivité à disposer d'une ressource fiscale dédiée, via une part de la taxe d'aménagement pour les espaces naturels sensibles qui sont en passe de devenir des aires protégées. Les EPCI ont des compétences en matière de biodiversité. Il existe un réel besoin de déclinaison territoriale. L'État ne réussira pas seul la SNB ni la stratégie nationale des aires protégées.
Concernant les indicateurs, la cible 7 vise la réduction des pollutions évoquées par la sénatrice Angèle Préville. L'Union européenne défend une cible chiffrée, notamment sur les nitrates, dont nous souhaitons qu'ils soient réduits de 50 % à l'échelle de la planète d'ici à 2030. Une cible existe également sur les pesticides, dont la seule réduction volumétrique de 50 % ne permettra pas d'éviter les impacts forts sur la biodiversité. Il est nécessaire de travailler sur les usages et sur les risques. Le sujet du plastique est également compris dans la cible 7, suggérant une élimination totale d'ici à 2030. Un travail est mené avec l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture afin de définir un indicateur commun à l'échelle de la planète pour les pesticides et que la cible de moins 50 % soit fixée même si l'indicateur n'existe pas encore.
L'un des objectifs est d'accroître de 20 % la surface des espaces naturels de la planète et d'arrêter la destruction des espèces d'ici à 2050. La liste rouge de l'UICN constitue déjà un indicateur.
Le Costa Rica a connu une importante perte de biodiversité jusque dans les années 2000. Depuis lors, ce pays a reconquis l'ensemble de sa biodiversité perdue. L'objectif de la France n'est néanmoins pas d'avoir des parcs sans population. Un certain nombre d'ONG estiment d'ailleurs que la préservation de 30 % de la planète fait courir un risque aux populations autochtones des parcs, alors qu'elles sont en mesure de mieux préserver la biodiversité des endroits sensibles.
Un mécanisme qui s'imposerait à tous les pays sans renoncement à une part de souveraineté n'existe pas. C'est le drame de la gouvernance actuelle des biens mondiaux, qui demanderait que soit imposée à tous les pays une trajectoire climatique commune. Kyoto n'a pas fonctionné. La méthode mise en place avec l'Accord de Paris a aussi ses limites. Seule la convention Cites portant sur le trafic d'espèces protégées peut imposer des mesures et appliquer des sanctions.
La Chine n'a pas exercé jusqu'à récemment une présidence très active. Il est compliqué pour un pays posant des restrictions en termes de circulation de jouer un rôle d'entremetteur. La Chine est plus à l'aise dans les relations bilatérales que dans les enceintes multilatérales. Son objectif est d'aboutir à un compromis le plus réaliste possible à Montréal, tenant compte des positions des pays ambitieux et des autres. Il est probable que la Chine exerce son plein pouvoir de présidence lors de la COP.
Merci pour cet échange riche et fructueux.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
- Présidence de M. Jean-François Longeot, président -
Mes chers collègues, nous entamons aujourd'hui l'examen du premier avis budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2023 consacré aux crédits relatifs aux transports aériens, sur le rapport de notre collègue Évelyne Perrot. Cette séquence comprendra l'examen de neuf rapports pour avis, que les rapporteurs budgétaires de notre commission présenteront cette semaine et les deux suivantes. Cette année, parmi la priorité de nos missions régaliennes, la transition écologique est affichée comme un axe prioritaire des pouvoirs publics. Le budget est un acte fort dans lequel la Nation affirme ses priorités et détaille les moyens qu'elle consacre à l'atteinte des objectifs qu'elle se fixe. Le budget doit donc être lisible et refléter les choix du législateur et les choix politiques formulés depuis le début de ce nouveau quinquennat. Il est en effet impératif d'allouer les moyens budgétaires et humains à la bonne mise en oeuvre des ambitions environnementales, faute de quoi elles resteraient un voeu pieux. Les rapporteurs ne manqueront pas de nous livrer leur analyse à cet égard.
La maquette budgétaire devient chaque année de plus en plus complexe et ne facilite pas l'analyse. Cette année encore, les crédits alloués aux missions que nous examinons traditionnellement doivent se lire en croisant de missions ponctuelles avec la fin des crédits de paiement alloués à la mission Plan de relance et les crédits intégrés au sein du plan Investir pour la France de 2030, qui remplace la mission Investissement d'avenir. Les crédits concernent parfois plusieurs missions avec des dotations croisées.
Pour la troisième année consécutive, le PLF 2023 comporte en annexe un rapport sur l'impact environnemental du budget de l'État. Ce document vise à compiler les informations disponibles sur les moyens consacrés aux politiques environnementales. Il est regrettable que cette année encore ce rapport ait été remis tardivement. Il a seulement été diffusé par les services de Bercy le 10 octobre dernier, soit le lendemain du début de la discussion budgétaire en séance publique à l'Assemblée nationale.
Ce document montre que près de 13 % des dépenses inscrites au projet de loi de finances ont un impact sur l'environnement (9,3 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022). Mais la très grande majorité des dépenses concerne en réalité les boucliers tarifaires gaz et électricité contribuant à un brunissement marqué du budget de l'État.
La crise énergétique que nous subissons montre à quel point la transition climatique est dépendante de facteurs socio-économiques. Le contexte économique difficile ne facilite donc pas le mouvement en faveur du verdissement de notre économie. La mission écologie illustre bien cette ambivalence. Le montant des dépenses défavorables à l'environnement a augmenté de 25 % tandis que le montant des dépenses qui lui sont favorables a baissé de 11 %, ce qui représente, au total, un effet ciseau important.
Pour la troisième année consécutive, j'ai le plaisir de vous présenter le fruit de mes travaux préparatoires en ma qualité de rapporteur pour avis du projet de budget alloué aux transports aériens, qui porte sur les crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ». De manière sous-jacente, plus de 100000 emplois sont englobés dans le secteur aérien, 260000 dans la construction aéronautique et spatiale et, indirectement, le transport aérien constitue une composante essentielle du tourisme et contribue au rayonnement international de notre pays.
Je vous soumets une analyse placée sous le signe de l'efficacité, à travers cinq thèmes principaux (trois D et deux I) : désendettement, décarbonation, désenclavement, innovation et insonorisation.
Tout d'abord, ce budget annexe avoisine, dans la lignée des précédents, 2,5 milliards d'euros en dépenses et en recettes à structure constante. Il représente un effectif d'environ 10000 personnes et il doit rembourser une dette qui atteint 2,7 milliards d'euros.
L'effondrement du trafic aérien en 2020 et 2021 avait provoqué, par ricochet, celui des recettes du budget annexe essentiellement prélevées en contrepartie des services de navigation aérienne. L'endettement avait alors compensé les pertes de recettes.
L'ampleur de la reprise du trafic aérien en 2022, qui se situe à plus de 80 % du niveau de 2019, a excédé les prévisions estimées l'an dernier à 70 %. La forte reprise du trafic et des recettes a permis, dès 2022, de diminuer plus fortement que prévu le recours à l'emprunt. Les crédits pour 2023 soumis à notre approbation prévoient d'entamer une trajectoire de désendettement à partir de l'an prochain.
Bien entendu, cette construction budgétaire repose non pas sur des certitudes, mais sur une prévision officielle d'un retour à 97 % du niveau de 2019 qu'il me paraît plus prudent de ramener à 90-95 % en prenant en compte deux facteurs minorants.
Cette prévision s'appuie d'abord sur l'absence d'événements imprévus ainsi que la fin de la pandémie ;
Il faut également prendre en compte la sensibilité des consommateurs à l'augmentation du prix des billets. Certes, en 2022, l'épargne des ménages et la volonté de voyager ont pu prendre le dessus, mais aujourd'hui le coût du kérosène dans le contexte de crise énergétique, qui représente traditionnellement 25 à 35 % des charges supportées par les compagnies aériennes, a plus que doublé - passant de 500 à 1200 euros la tonne -. Je rappelle également qu'il faudra incorporer des carburants durables, entre quatre et huit fois plus coûteux que le kérosène fossile.
Les voyageurs devront donc s'acquitter d'un vrai surcoût qui s'ajoute à l'inquiétude climatique, particulièrement intense chez les jeunes générations. Cela incitera nécessairement à réduire l'appétence pour les voyages en avion, d'autant qu'il n'est pas question de « bouclier tarifaire » dans l'aérien. Avec le conflit en Ukraine, les temps de vols vers l'Asie organisés par les compagnies européennes se sont d'ailleurs allongés de plusieurs heures pour contourner les interdictions de survol de la Russie. Pour mémoire, une heure de vol a un coût d'environ 10000 euros à répartir entre 200 passagers ou plus.
Soyons donc lucides, en attendant les ruptures technologiques à venir, la trajectoire de démocratisation et de massification du voyage aérien a peut-être atteint son pic en 2019 avec 4,5 milliards de passagers.
Je formulerai deux brèves observations sur les principaux postes de dépenses du budget annexe prévus pour 2023.
La modernisation du contrôle et de la navigation aérienne nécessite des investissements d'environ 300 millions d'euros par an, en particulier pour acquérir des logiciels plus performants et harmonisés avec ceux de nos voisins européens. L'enjeu est également climatique puisqu'il s'agit, par exemple, de permettre le réglage fin des trajectoires de descente continues qui permettent de moins solliciter les moteurs. Je signale également l'avancée que constitue le programme « free route » ou « cheminements directs » qui favorise, au-dessus de 6000 mètres d'altitude, les économies de carburant en privilégiant la ligne droite ou les trajets avec vent favorable.
En fonctionnement, le principal poste de dépenses reste celui des rémunérations - qui représente la moitié du budget annexe.
J'en viens maintenant à la décarbonation et au rôle de notre maillage aéroportuaire territorial.
L'effort de décarbonation est une réalité qui s'impose aussi au secteur aérien. Le débat sur les « jets privés » le reflète à cet égard : le transport aérien privé représente globalement peu d'émissions - de l'ordre de quelques pour cent des rejets de l'aviation - mais, par personne, elles sont excessivement élevées et de moins en moins acceptées par le corps social. Comme l'a récemment souligné le ministre de la transition écologique, Christophe Béchu, devant notre Commission, l'aérien représente 3 % des émissions de la France, mais comme n'importe quel autre acteur du réchauffement climatique, ce secteur doit pleinement participer à l'effort. Tel est bien le cas pour le transport aérien public à l'échelle nationale, européenne et même internationale qui s'est aligné, le 7 octobre dernier à Montréal, sur l'objectif « zéro émission » en 2050.
Dans le débat budgétaire en cours, cela justifie l'augmentation des taxes sur les carburéacteurs prévue par l'article 8 quater du projet de loi de finances pour 2023 que nous allons examiner. Cet alignement fiscal sur les essences routières à échéance 2024 concerne les jets privés d'affaires ainsi que l'aviation de tourisme et de loisirs, y compris les hélicoptères et les ULM. J'observe que le périmètre de cette taxation va au-delà d'une des propositions de la Convention citoyenne pour le climat, soucieuse de freiner des activités aériennes qu'elle a jugées « sans utilité directe pour la société » et qui n'avait pas été reprise dans la loi « Climat et résilience » d'août 2021. J'indique également que l'article 138 de la loi « Climat et résilience » impose aux entreprises de mentionner dans leur déclaration annuelle de performance extrafinancière les conséquences sur le changement climatique de leur activité un ensemble d'informations, dont les émissions liées aux activités de transport en amont et en aval de leur activité ainsi que le plan d'actions visant à réduire les émissions.
Au-delà, le soutien des mesures favorisant le verdissement de ce mode de transport est essentiel. L'électrification des avions pour effectuer des petits déplacements ou servir à la formation des pilotes est une évolution qui va dans le bon sens d'exemplarité. Pour les trajets plus longs, des obligations renforcées d'incorporation de kérosènes durables environ quatre fois plus chers que le carburant fossile - sont nécessaires, ce que prévoit d'ailleurs le projet européen « Fit for 55 », toujours en cours d'adoption et sur lequel notre commission a travaillé en février dernier en collaboration avec la commission des affaires européennes.
Je rappelle également que les Lignes d'aménagement du territoire (LAT) présentent un réel intérêt pour la cohésion de nos territoires ; aucune alternative ferroviaire n'existe le plus souvent. Aujourd'hui, une douzaine de lignes sont financées par une contribution de 26 millions d'euros prévue pour 2023 contre 21 millions l'an dernier.
En ce qui concerne le voyage individuel en transport public, les émissions de l'aérien par personne et par kilomètre sont en moyenne européenne 14 fois supérieures à celles du train, et jusqu'à 40 fois en comparaison de notre TGV. C'est surtout la multiplication des voyages en avion sur des distances importantes qui doit constituer un point de vigilance. Pour que les voyageurs en prennent conscience, de nombreux calculateurs de CO2 sont à leur disposition et les députés proposent de compléter l'offre déjà existante. Cela donne toute son actualité à la recommandation formulée l'an passé de mieux informer les passagers sur les émissions induites par le mode de transport qu'ils choisissent.
Comme l'année dernière, j'évoquerai la dimension internationale du transport aérien, secteur extrêmement concurrentiel.
Le cadre réglementaire « Paquet 55/Fit for 55 » va, à cet égard, constituer un véritable défi pour ce secteur et nécessiter un engagement sur le long terme avec l'extinction progressive des quotas gratuits de CO2 de 2024 à 2027.
Cette année, en lien avec l'examen du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, je souhaite souligner les liens entre la décarbonation de l'aviation et notre maillage aéroportuaire. C'est, pour se préparer à l'avion à hydrogène, une problématique un peu analogue à celle des bornes de recharge pour accompagner l'électrification du parc automobile.
Tout d'abord, au cours des auditions, les compagnies aériennes ont insisté, à propos des carburants durables (dits S.AF pour Sustainable Aviation Fuel), sur le choc auxquelles elles sont confrontées avec, d'un côté, des obligations d'incorporation qui augmentent et, de l'autre, une très grande difficulté à s'en procurer. Le ministre de la Transition écologique, Christope Béchu entendu la semaine dernière nous a rappelé que l'État consacrera 200 millions d'euros de crédits pour des appels à projets destinés à ce que les acteurs français s'emparent du sujet. La France a cependant pris un certain retard.
Par comparaison, les États-Unis, grâce à l'ampleur des surfaces cultivées, ne font pas cette distinction et subventionnent massivement non seulement la production, mais aussi la consommation de ces biocarburants d'aviation dits « 1G » pour première ou ancienne génération.
Le sujet des biokérosènes est crucial, car l'avion électrique ne pourra physiquement transporter, en plus de ses lourdes batteries, qu'une vingtaine de passagers au maximum sur des distances courtes inférieures à 400 km. Le rayon d'action de l'avion à hydrogène sera limité au moyen-courrier soit environ 4 000 km avec 200 personnes et des réservoirs quatre fois plus volumineux que sur nos appareils à kérosène. Pour les vols intercontinentaux, il n'y a pas d'alternative en vue aux carburants durables, même à l'horizon 2050.
Je soulignerai également que nos aéroports sont, pour leur part, très actifs dans leurs efforts de décarbonation. À court terme, ils visent le « zéro émission » pour les opérations au sol. Les aéroports se transforment également en centres de production et de distribution d'énergies renouvelables. En particulier, leur grande superficie leur permet de déployer des panneaux solaires qui serviront à produire de l'hydrogène vert sous forme gazeuse pour les engins au sol et de l'hydrogène liquide pour les futurs avions à hydrogène dont nos avionneurs garantissent la mise en service en 2035.
J'en viens maintenant à la question de la lutte contre les nuisances sonores. J'ai en effet entendu des représentants de l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (Acnusa), afin de prendre la mesure des réalités vécues par les riverains et de leur sensibilité. Tout d'abord, contrairement à une idée reçue, la diminution du trafic aérien n'a pas pour autant réduit la perception des nuisances, car certains des riverains des aéroports ont davantage recours au travail à domicile. Les tensions n'ont donc pas diminué, d'autant que le fret aérien est revenu à son niveau de 2019 et que les vols de nuit atteignent leur plafond réglementaire.
Enfin, la généralisation des « descentes continues » permet de moins solliciter les moteurs, elle implique cependant de voler plus longtemps à basse altitude, ce qui élargit le périmètre des riverains concernés par les nuisances sonores. Il faut donc adapter les efforts de soutien à l'isolation acoustique et, dans l'immédiat, résorber les trop nombreux dossiers d'insonorisation en attente. Cela nécessite de compenser les pertes de taxe sur les nuisances sonores aériennes qui financent ces travaux et je vous propose d'adopter un amendement en ce sens, comme l'année dernière.
En conclusion, avant le conflit en Ukraine, le secteur aérien a subi le choc de la pandémie qui a engendré d'importantes difficultés financières pour de nombreux opérateurs du secteur aérien. Le soutien bienvenu des pouvoirs publics a, dans certains cas, alors été conditionné à des impératifs de décarbonation prolongés et confirmés par le législateur européen. La France a joué un rôle majeur dans l'impulsion de ce processus qui mérite d'être salué en s'engageant dans une voie d'équilibre.
Aujourd'hui, dans la période ouverte par le conflit en Ukraine, l'aviation subit des hausses de prix qui changent la donne économique tant pour les compagnies aériennes que pour les consommateurs.
J'ajoute qu'il est important de souligner la volonté réelle des aéroports de devenir respectueux de l'environnement, même s'ils sont inquiets quant au stockage des futurs biocarburants, qui représenteront des volumes importants, notamment pour les aéroports de province. Ces « petits aéroports » doivent être maintenus, car ils constituent des relais importants entre les territoires. La durée de vie d'un avion est cependant de 40 ans et la flotte ne pourra pas être entièrement renouvelée rapidement sans un colossal effort d'investissement.
Sous le bénéfice de ces observations, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux transports aériens, sous réserve de l'adoption de l'amendement relatif au financement de l'insonorisation acoustique.
Je remercie la rapporteure d'avoir organisé des auditions éclairantes sur ces crédits que mon groupe votera.
J'ai noté que le trafic aérien de 2022 a représenté environ 80 % du niveau atteint en 2019. Des craintes, mentionnées par la rapporteure pour avis, se manifestent pour le trafic en 2023 : un enlisement de la guerre en Ukraine soulèverait bien entendu des difficultés avec le dérèglement des marchés énergétiques, la dégradation du pouvoir d'achat des ménages et s'y ajoutent la fragilité financière de certaines compagnies aériennes, tout comme les difficultés de recrutement sans doute récurrentes qu'elles rencontrent. On ne peut pas non plus écarter le redémarrage du risque sanitaire. La prise en compte de ces données rend difficilement atteignables les objectifs de reprise du trafic au-delà de 90 % du niveau de 2019 prévues par ce budget annexe.
L'engagement pris au sommet de Toulouse en février dernier par une quarantaine de pays et de structures a ouvert la voie aux accords internationaux de Montréal d'octobre 2022 pour aller vers une décarbonation nette de l'aviation civile d'ici 2050 pose question et remet peut-être en cause le modèle économique de ce secteur. J'ajoute que si les émissions de carbone de l'aviation atteignent un niveau estimé à 3 % du total, elles ont bondi de 80 % entre 1990 et 2019, soit plus de 24 millions de CO2 en France. Cinq millions de tonnes de carburants durables seront ainsi nécessaires pour atteindre l'objectif de décarbonation en 2030 en Europe. La filière doit donc absolument se développer sur nos territoires sans quoi on devra les importer. Si on peut considérer, tout compte fait, à la lumière des auditions, que le secteur aérien est un bon élève par rapport à ses objectifs, il faut prendre conscience d'un certain nombre de questions qui vont se poser. La principale est que les nouveaux carburants risquent de ne pas être disponibles en quantité suffisante pour basculer dans le durable. De plus, la massification de leur production risque de générer des conflits sur l'usage des sols et on peut se demander quels seront les arbitrages sur la part des terres réservée à l'alimentation ou sur les secteurs prioritaires pour l'accès aux biocarburants.
À moyen terme, on peut également s'interroger sur le pari technologique que constitue le recours à l'hydrogène. Cette conversion suppose le reprofilage des appareils et des investissements massifs dans de nouvelles flottes aériennes : le secteur a-t-il les moyens de supporter ces coûts, surtout si ces technologies se traduisent par l'obsolescence d'une partie de la flotte actuelle - dont le recyclage préoccupe, à juste titre, la rapporteure pour avis ? L'Union européenne a-t-elle les moyens de financer cette transition ? Dans le même temps, il faut se demander si les pouvoirs publics doivent anticiper une éventuelle réduction du trafic. Enfin, comme l'a évoqué la rapporteure, la décarbonation ne doit-elle pas être planifiée de façon équitable pour que l'ensemble du public puisse continuer de bénéficier de ce mode de transport ? Voilà un aperçu des questions et difficultés que devra résoudre l'aviation pour que ce bon élève puisse atteindre son objectif de verdissement en 2050 et, à ce titre, je leur souhaite beaucoup de courage. Le groupe SER rejoint donc l'avis favorable proposé par la rapporteure pour avis et approuve l'amendement présenté.
Les compagnies aériennes et les fabricants d'avions sont effectivement très inquiets de ne pas disposer de biocarburants en volume suffisant pour faire voler les avions dont les motorisations sont d'ores et déjà adaptées à des taux d'incorporation élevés. Aujourd'hui, s'agissant des huiles usagées utilisables comme carburant, c'est surtout la Chine qui détient une position dominante sur le marché.
Je remercie Mme Perrot d'avoir ouvert ses auditions aux membres de la commission. Depuis deux ans, j'ai tenu à m'informer sur ce sujet car « l'aviation bashing » est une réalité, mais il faut prendre conscience et tenir compte des efforts réalisés par l'aviation civile. J'ai la chance de représenter le Sénat au Conseil supérieur de l'aviation civile et de participer au groupe d'études Aviation civile présidé par Vincent Capo-Canellas. Je fais observer, à la suite de l'intervention précédente, que ce n'est pas uniquement au niveau européen que les évolutions vont être décidées : l'enjeu est évidemment planétaire et certains pays n'auront aucun scrupule, sur le terrain, à montrer qu'ils sont les plus forts. Il suffit par exemple de regarder du côté du Qatar, de la Chine ou de la Turquie aux portes de l'Europe et n'oublions pas que la moitié des vols de la planète sont des trajets intérieurs aux États-Unis.
Accompagner la décarbonation de l'aérien est fondamental car ce secteur est utile et nécessaire : on l'a bien vu, au début de la pandémie, quand il a fallu organiser des rapatriements. Cet été encore, les canadairs et les infrastructures de l'aviation ont été déterminants pour gérer les méga-feux. Nous qui sommes en charge de l'aménagement du territoire et représentants des collectivités territoriales devons souligner la nécessité de maintenir les « petits aéroports de province » - selon la formule employée par la rapporteure pour avis. Ces aéroports sont, d'une part, mobilisés « H24 » pour assurer des interventions médicales urgentes et bien souvent des greffes d'organes. D'autre part, ils sont une garantie de sécurité en tant qu'aéroports de déroutement surtout quand ils disposent d'une piste d'atterrissage d'un peu plus de 2 kilomètres.
Par ailleurs, s'agissant de l'interdiction des lignes aériennes de province quand existe une alternative en 2h30 de TGV, on en voit, avec le recul, les inconvénients et l'exemple de Bordeaux est parlant. Huit vols Air France étaient assurés avant l'interdiction ; certains ont été supprimés au profit du TGV, mais celui-ci arrive gare Saint Jean alors que le tissu économique se situe sur la zone de Mérignac, près de l'aéroport : il en résulte des embouteillages et une embolie de la ville de Bordeaux alors que les trajets Mérignac - Paris avaient tout leur utilité.
Il faut aussi, comme cela a été évoqué, souligner les efforts de sobriété de l'aviation. Je rappelle par exemple, que les Airbus A220 et A350 sont des appareils dotés de nouvelles motorisations et des consommations beaucoup plus basses que les anciennes flottes. Juste une remarque sur l'avion électrique : la simulation qui a été faite sur un Paris-Toulouse montre qu'il faut faire une étape à Limoges pour recharger les lourdes batteries ; ce n'est donc pas la solution idéale pour des distances supérieures à 400 kilomètres. Le verdissement de la flotte est néanmoins essentiel et il est en cours. Comme cela a été indiqué, il y a effectivement, en matière de kérosènes durables, un problème de filière et celle-ci doit être développée. Des stocks sont nécessaires - en particulier de déchets bois - pour fabriquer les volumes nécessaires de carburants durables.
S'agissant des prévisions de trafic, les chiffres mentionnés au dernier conseil supérieur de l'aviation civile oscillent entre 82 et 86% du niveau de 2019. N'oublions pas non plus une autre donnée : le prix d'un billet d'avion est aujourd'hui composé à 48 % de taxes, il faut donc réfléchir sur ce paramètre si on souhaite maintenir l'aviation à la portée de nos concitoyens.
Telles sont les observations qui me tenaient à coeur et je soutiens les éléments présentés par la rapporteure.
Je salue l'important travail réalisé par Mme Perrot. Trois leviers permettent de réduire l'empreinte du carbone dans le secteur aérien. Le premier est lié au design des avions, le deuxième aux carburants alternatifs, le dernier aux mesures organisationnelles, avec notamment la modification du profil de descente des avions permettant une approche plus en souplesse malgré des nuisances sonores supplémentaires.
La réduction du temps d'attente à l'atterrissage demande à être prise en compte via le nouveau système de contrôle aérien ForeFlight, véritable serpent de mer, tout comme le ciel unique européen censé améliorer les transmissions.
Le rapport est excellent notamment sur les liaisons d'aménagement du territoire. Avec 26 millions d'euros, les crédits affectés à ces liaisons sont en augmentation cette année. Il est indispensable que l'État participe au financement de ces aéroports de province.
Pour répondre à M. Houllegate, « ForeFlight » a été livré par Thalès et « Free Route » est en place sur la moitié de la France.
Je ne voudrais pas « doucher l'optimisme » des précédents orateurs, mais un article récent rappelle que le Directeur de l'association internationale du transport aérien déclarait en 2007 que d'ici à dix ans les carburants d'aviation durable représenteraient 10 % du besoin. Quinze ans plus tard, en 2022, cette part du carburant s'élève à 0,01 %.
La consommation du carburant par passager a été divisée par deux, mais en 30 ans le trafic a explosé. La situation n'a donc pas vraiment avancé. Il sera sans doute très difficile d'améliorer la performance énergétique des avions à l'avenir.
L'intermodalité des aéroports mériterait d'être analysée plus en profondeur dans le cadre de schémas de mobilité partagés avec les collectivités territoriales et l'État.
Sur l'adaptation des moyens aériens, il existe une possibilité de remotorisation. L'enjeu des agrocarburants est majeur et devrait être pris en compte à l'échelle de l'Europe.
Six vols par jour existent encore entre Paris et Bordeaux via Air France et 16 au total avec les autres compagnies. La problématique vient plus du départ de l'aéroport Charles-de-Gaulle. À Bordeaux, les problèmes d'accessibilité à la gare Saint-Jean étaient essentiellement dus à des travaux.
La loi « Climat et résilience » a permis des avancées en faveur de la décarbonation du transport aérien : je pense notamment à la suppression des lignes aériennes en cas d'alternative ferroviaire de moins de 2 heures 30pour les vols qui ne sont pas majoritairement des correspondances. Quel bilan dressez-vous de l'application de ces mesures ? Sont-elles appliquées ?
Je pense pour ma part que le meilleur reste à venir dans le domaine de la décarbonation de l'aviation. L'avion à hydrogène vole déjà. Des avions hybrides carburants et électriques sont à l'étude dans une société toulousaine, Aura Aero. 2050 est un objectif lointain, mais de bonnes surprises pourraient surgir en amont. Airbus Defense and Space réfléchit à une centrale photovoltaïque satellitaire pouvant ravitailler des avions en vol par faisceaux. En Israël, une entreprise a trouvé le moyen de produire de l'hydrogène sans électricité. Je place toute ma confiance dans le travail des ingénieurs du consortium Airbus qui ont encore une avance confortable sur les Chinois.
Une usine Alstom située sur ma commune avait une avance considérable en matière de fabrication de moteurs de TGV, mais a été dépassée par les Chinois. L'aviation pourrait subir le même sort.
L'une des manifestations les plus visibles de l'inégalité de la répartition des efforts collectifs pour le climat est l'usage abusif des jets privés. Un amendement a été proposé à l'Assemblée nationale pour doubler la taxation du kérosène pour ces usages. Quel est votre sentiment sur ce point ?
Pour répondre à M. Favreau, la consommation d'un Airbus a effectivement baissé de façon continue et représente aujourd'hui en moyenne 3,2 litres aux 100 km, par passager. Cependant, en 2019, l'aviation a transporté 4,5 milliards de passagers dans le monde, ce qui conduit donc à une consommation importante de carburant. Les constructeurs aéronautiques comme Safran prévoient des moteurs ultra sobres avec une nouvelle diminution de la consommation de 20 %.
L'alternative ferroviaire évoquée par M. Tabarot concerne les trajets de 2 h 30 en train mais la commission européenne souhaite qu'on distingue Paris et les aéroports autour de Paris : le calcul des 2h30 est donc moins simple qu'il n'y paraît. C'est pourquoi le décret d'application de la loi climat est toujours en phase d'examen au niveau européen. Par ailleurs, s'agissant des trajets aériens à très bas prix, je rappelle que le coût du kérosène sur les vols low cost représente 35 % du prix du billet et ce dernier va nécessairement être impacté par le doublement a minima du prix des carburants d'aviation.
Les jets privés font également partie d'un secteur d'activité qui conserve une certaine utilité : la difficulté majeure surgit quand leur taux d'occupation est trop faible. Quand les jets voleront avec une énergie verte, ils seront mieux tolérés. Je rappelle également que selon certains chiffrages, seuls 8 % de jets privés ayant circulé en France sont immatriculés dans notre pays.