Concernant les aspects financiers en matière climatique comme de biodiversité, il est très difficile d'obtenir des chiffres uniques et consolidés, mais quoi qu'il en soit, ceux-ci sont effrayants.
Lors de la COP21, la première coalition de parties prenantes privées portait sur la diminution des actifs fortement carbonés. Se défaire d'un certain nombre de ces actifs permettait de s'acheter une vertu, mais ces actifs étaient rachetés par d'autres consortiums moins regardants. Le vrai sujet n'est donc pas d'arrêter les hydrocarbures, car nous en avons encore tous besoin, mais de planifier une trajectoire qui permettra de s'en passer d'ici à 2050, date à laquelle l'engagement a été pris de parvenir à la neutralité carbone. Une entreprise produisant des hydrocarbures qui se tourne vers les énergies renouvelables est vertueuse. L'Ademe a réalisé un très bon travail de méthodologie afin de prodiguer des conseils aux entreprises pour imaginer une pente de décroissance en lien avec les technologies existantes dans leurs domaines. Il est important pour les institutions financières d'accompagner les entreprises sur ce chemin. Cela ne signifie pas se défaire de l'ensemble des entreprises possédant des actifs carbonés, mais s'assurer que ces entreprises projettent bien de diminuer ces actifs. Les banques, les fonds de pension et les investisseurs se sont lancés dans cette démarche. Pour les y encourager, la Banque de France a mis en oeuvre à travers l'Autorité des marchés financiers (AMF) et l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), des « stress tests climatiques » qui étudient l'impact pour les banques en termes de risques physiques et de risques de transitions. Les banques doivent incorporer le fait que les politiques publiques vont évoluer, sans oublier de tenir compte du risque réputationnel. Ces aspects sont actuellement mis en oeuvre sur le climat et pour la première année l'ACPR se penche sur la biodiversité.
Sur les banques de développement, l'AFD a mis en place une méthodologie pour comptabiliser l'impact en matière de biodiversité. Le financement de la biodiversité rencontre des problèmes de méthodologie. L'AFD possède un réseau mondial de banques publiques travaillant sur ce sujet. Les grandes banques multilatérales s'y intéressent depuis peu mais sont encore dans l'incapacité de quantifier leurs financements en matière de biodiversité. Bruno Lemaire a envoyé une lettre au président de la banque mondiale pour lui demander ces chiffres avant la COP15, ce qui ne sera pas possible.
Virginie Dumoulin. - La stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) a été adoptée en mars 2021 et sera révisée à l'issue de la COP15, notamment pour y intégrer les nouveaux indicateurs. La stratégie nationale des aires protégées s'intègre dans la stratégie nationale pour la biodiversité. L'objectif de couverture de 5 % des eaux territoriales en Méditerranée sous protection forte a été ajouté par le Président de la République, ainsi que la création d'un parc national consacré aux zones humides.
Ces deux stratégies ne pourront pas être mises en oeuvre sans une déclinaison territoriale fine. Les régions sont chefs de file en matière de biodiversité. Depuis la loi dite « 3DS », elles sont chargées de l'animation du réseau terrestre Natura 2000. Le département est la seule collectivité à disposer d'une ressource fiscale dédiée, via une part de la taxe d'aménagement pour les espaces naturels sensibles qui sont en passe de devenir des aires protégées. Les EPCI ont des compétences en matière de biodiversité. Il existe un réel besoin de déclinaison territoriale. L'État ne réussira pas seul la SNB ni la stratégie nationale des aires protégées.
Concernant les indicateurs, la cible 7 vise la réduction des pollutions évoquées par la sénatrice Angèle Préville. L'Union européenne défend une cible chiffrée, notamment sur les nitrates, dont nous souhaitons qu'ils soient réduits de 50 % à l'échelle de la planète d'ici à 2030. Une cible existe également sur les pesticides, dont la seule réduction volumétrique de 50 % ne permettra pas d'éviter les impacts forts sur la biodiversité. Il est nécessaire de travailler sur les usages et sur les risques. Le sujet du plastique est également compris dans la cible 7, suggérant une élimination totale d'ici à 2030. Un travail est mené avec l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture afin de définir un indicateur commun à l'échelle de la planète pour les pesticides et que la cible de moins 50 % soit fixée même si l'indicateur n'existe pas encore.
L'un des objectifs est d'accroître de 20 % la surface des espaces naturels de la planète et d'arrêter la destruction des espèces d'ici à 2050. La liste rouge de l'UICN constitue déjà un indicateur.
Le Costa Rica a connu une importante perte de biodiversité jusque dans les années 2000. Depuis lors, ce pays a reconquis l'ensemble de sa biodiversité perdue. L'objectif de la France n'est néanmoins pas d'avoir des parcs sans population. Un certain nombre d'ONG estiment d'ailleurs que la préservation de 30 % de la planète fait courir un risque aux populations autochtones des parcs, alors qu'elles sont en mesure de mieux préserver la biodiversité des endroits sensibles.
Un mécanisme qui s'imposerait à tous les pays sans renoncement à une part de souveraineté n'existe pas. C'est le drame de la gouvernance actuelle des biens mondiaux, qui demanderait que soit imposée à tous les pays une trajectoire climatique commune. Kyoto n'a pas fonctionné. La méthode mise en place avec l'Accord de Paris a aussi ses limites. Seule la convention Cites portant sur le trafic d'espèces protégées peut imposer des mesures et appliquer des sanctions.