Je remercie la rapporteure d'avoir organisé des auditions éclairantes sur ces crédits que mon groupe votera.
J'ai noté que le trafic aérien de 2022 a représenté environ 80 % du niveau atteint en 2019. Des craintes, mentionnées par la rapporteure pour avis, se manifestent pour le trafic en 2023 : un enlisement de la guerre en Ukraine soulèverait bien entendu des difficultés avec le dérèglement des marchés énergétiques, la dégradation du pouvoir d'achat des ménages et s'y ajoutent la fragilité financière de certaines compagnies aériennes, tout comme les difficultés de recrutement sans doute récurrentes qu'elles rencontrent. On ne peut pas non plus écarter le redémarrage du risque sanitaire. La prise en compte de ces données rend difficilement atteignables les objectifs de reprise du trafic au-delà de 90 % du niveau de 2019 prévues par ce budget annexe.
L'engagement pris au sommet de Toulouse en février dernier par une quarantaine de pays et de structures a ouvert la voie aux accords internationaux de Montréal d'octobre 2022 pour aller vers une décarbonation nette de l'aviation civile d'ici 2050 pose question et remet peut-être en cause le modèle économique de ce secteur. J'ajoute que si les émissions de carbone de l'aviation atteignent un niveau estimé à 3 % du total, elles ont bondi de 80 % entre 1990 et 2019, soit plus de 24 millions de CO2 en France. Cinq millions de tonnes de carburants durables seront ainsi nécessaires pour atteindre l'objectif de décarbonation en 2030 en Europe. La filière doit donc absolument se développer sur nos territoires sans quoi on devra les importer. Si on peut considérer, tout compte fait, à la lumière des auditions, que le secteur aérien est un bon élève par rapport à ses objectifs, il faut prendre conscience d'un certain nombre de questions qui vont se poser. La principale est que les nouveaux carburants risquent de ne pas être disponibles en quantité suffisante pour basculer dans le durable. De plus, la massification de leur production risque de générer des conflits sur l'usage des sols et on peut se demander quels seront les arbitrages sur la part des terres réservée à l'alimentation ou sur les secteurs prioritaires pour l'accès aux biocarburants.
À moyen terme, on peut également s'interroger sur le pari technologique que constitue le recours à l'hydrogène. Cette conversion suppose le reprofilage des appareils et des investissements massifs dans de nouvelles flottes aériennes : le secteur a-t-il les moyens de supporter ces coûts, surtout si ces technologies se traduisent par l'obsolescence d'une partie de la flotte actuelle - dont le recyclage préoccupe, à juste titre, la rapporteure pour avis ? L'Union européenne a-t-elle les moyens de financer cette transition ? Dans le même temps, il faut se demander si les pouvoirs publics doivent anticiper une éventuelle réduction du trafic. Enfin, comme l'a évoqué la rapporteure, la décarbonation ne doit-elle pas être planifiée de façon équitable pour que l'ensemble du public puisse continuer de bénéficier de ce mode de transport ? Voilà un aperçu des questions et difficultés que devra résoudre l'aviation pour que ce bon élève puisse atteindre son objectif de verdissement en 2050 et, à ce titre, je leur souhaite beaucoup de courage. Le groupe SER rejoint donc l'avis favorable proposé par la rapporteure pour avis et approuve l'amendement présenté.