Intervention de François Calvet

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 23 novembre 2022 à 9h30
Projet de loi de finances pour 2023 — Crédits relatifs à la transition énergétique et au climat - examen du rapport pour avis

Photo de François CalvetFrançois Calvet, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs à la transition énergétique et au climat :

Pour la troisième année consécutive, j'ai le plaisir de vous présenter le fruit de mes travaux en ma qualité de rapporteur pour avis des crédits « Transition énergétique et climat ».

Cet avis portera, comme à l'accoutumée, sur les crédits relatifs au développement des énergies renouvelables et ceux relatifs à la rénovation énergétique des bâtiments.

Concernant les énergies renouvelables, je serai rapide, car ce sujet nous a beaucoup mobilisés lors du récent examen du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables.

La France est le seul pays européen à ne pas avoir atteint l'objectif fixé à l'horizon 2020. Le déploiement des énergies renouvelables est pourtant doublement nécessaire à notre pays : il contribue, d'une part, à l'atteinte de nos objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, et d'autre part, à la préservation de notre sécurité d'approvisionnement.

Ce retard est également dommageable d'un point de vue financier : fait exceptionnel dans un contexte budgétaire tendu, le développement des énergies renouvelables constitue, en 2022 et 2023, une politique publique à un coût négatif pour les finances de l'État !

Cette situation inédite s'explique par la forte hausse des coûts de l'électricité. L'État empoche en effet la différence entre le prix de marché, d'une part, et les tarifs de référence du complément de rémunération ou le tarif de l'obligation d'achat, d'autre part. Dans le cas des compléments de rémunération, cette dynamique est renforcée par le déplafonnement des contrats, permis par la loi de finances rectificative d'août 2022.

Ce sont ainsi 39,4 milliards d'euros qui entreront dans les caisses de l'État pour l'exercice budgétaire à venir !

En raison des fortes hausses des prix du gaz naturel, un phénomène analogue de baisse des charges de service public s'observe pour le gaz renouvelable : les crédits relatifs à l'injection de biométhane seront deux fois moindres que dans le PLF 2022. Cette évolution baissière est d'autant plus remarquable que 2023 devrait marquer une croissance très rapide de la production de biométhane : la production pourrait être, dans le meilleur des cas, multipliée par deux entre fin 2022 et fin 2023.

La situation est bien différente pour la chaleur renouvelable, qui accuse un retard de développement particulièrement criant. Les crédits actuels du fonds Chaleur - 520 millions d'euros en 2022 - sont déjà pleinement engagés et seront donc insuffisants pour financer l'ensemble des projets d'ici la fin de l'année. Cette situation est à déplorer, compte tenu du retard accumulé par notre pays et des besoins des acteurs, pour qui la chaleur renouvelable constitue aujourd'hui un filet de garantie face à l'instabilité du prix des énergies fossiles.

Je vous proposerai donc un amendement tendant à porter les montants du fonds Chaleur de 520 à 700 millions d'euros, une augmentation nécessaire à l'atteinte des objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie, comme l'a d'ailleurs reconnu le ministère de la transition énergétique (DGEC), que j'ai auditionné.

J'en viens au deuxième thème de cet avis : la rénovation énergétique des bâtiments. Il sera essentiellement question du dispositif MaPrimeRénov', qui fait l'objet d'un indéniable plébiscite des Français : depuis ses débuts en 2020, près de 1,3 million de dossiers ont fait l'objet de financement par l'Agence nationale de l'habitat (l'Anah), pour un montant cumulé de plus de 5,6 milliards d'euros. La dernière enquête réalisée auprès des ménages ayant eu recours à MaPrimeRénov' atteste également d'un taux élevé de satisfaction.

On peut en outre saluer la réorientation opportune des aides du dispositif vers les ménages des premiers déciles de revenus, alors que le bénéfice fiscal du mécanisme antérieur, le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), était essentiellement capté par les ménages les plus aisés : 83 % des montants ont ainsi bénéficié aux ménages très modestes ou modestes. La prolongation du dispositif en 2023 pour tous les ménages, sans condition de ressources, proposée par l'Assemblée nationale dans la deuxième loi de finances rectificative pour 2022, n'en demeure pas moins bienvenue : elle permettra de poursuivre le soutien apporté par MaPrimeRénov' à des projets à fort potentiel énergétique, les aides aux revenus intermédiaires et élevés se limitant à des forfaits « rénovation globale » et à un soutien pour la rénovation de copropriétés.

Côté budgétaire, le PLF 2023 consacre une pérennisation bienvenue du dispositif, avec 2,45 milliards d'euros d'autorisations d'engagement (AE), en augmentation par rapport aux crédits ouverts en 2022, où les autorisations d'engagement s'élevaient à 2,1 milliards d'euros.

Voilà pour les points positifs. Toutefois quand on se penche sur le bilan énergétique du dispositif, le tableau est bien plus sombre.

Rappelons qu'une rénovation énergétique performante des bâtiments implique, en principe, des travaux d'amélioration et de décarbonation du vecteur énergétique et des travaux d'amélioration de l'isolation de l'enveloppe. Or, MaPrimeRénov' finance pour l'essentiel des travaux de rénovation portant sur le chauffage et l'eau chaude sanitaire, là où l'isolation des murs, toitures ou combles ne représente que 14 % des économies d'énergie permises en 2021 ! Le dispositif est également très largement utilisé pour financer des gestes individuels : les travaux mono-gestes représentent environ 75 % des dossiers... Cette situation n'est évidemment pas satisfaisante, compte tenu du caractère bien plus performant des rénovations globales ou pluri-gestes.

En 2021, les économies d'énergie associées à MaPrimeRénov' pour chaque logement aidé étaient en augmentation de 30 % par rapport au CITE en 2019. Nous avons toutefois pu calculer, en partant des données mises à notre disposition, que les économies d'énergie permises par MaPrimeRénov' ne représenteraient en 2021 que 0,45 % de la consommation totale du parc résidentiel. À ce rythme-là, nous y serons encore dans des décennies...

Par ailleurs, s'il n'existe pas de chiffres précis sur le nombre de rénovations performantes réalisées, en l'absence de contrôle systématique à l'issue des travaux, je constate que seuls 6 700 bonus pour l'atteinte du niveau « Bâtiment basse consommation » ont été accordés en 2021, soit 1 % de l'ensemble des dossiers : ce chiffre est assez révélateur...

Il me semble donc nécessaire de mieux évaluer et d'améliorer la performance environnementale du dispositif, en l'orientant plus massivement vers les rénovations globales ou multi-gestes : les aides délivrées pour ces rénovations devraient toujours être plus avantageuses que l'addition d'aides demandées individuellement. À moyens constants, les forfaits et bonus opportunément introduits depuis les débuts du dispositif devraient donc bénéficier d'un soutien accru, aux dépens des rénovations mono-gestes. Je pense notamment à « MaPrimeRénov' Sérénité », dispositif ciblé sur les rénovations performantes et orienté vers les ménages très modestes : « MaPrimeRénov' Sérénité », qui ne représentait en 2022 qu'environ 5 % des dossiers (pour 15 % des montants), permet des gains énergétiques de plus de 50 % !

Le déploiement du service France Rénov', et à partir de 2023 d'un réseau d'accompagnateurs agréés doit également soutenir l'ambition des travaux. La massification de la rénovation énergétique passera parallèlement par la structuration des filières de rénovation et la montée en compétence des professionnels.

Il me reste enfin à aborder le « fonds vert » pour les collectivités territoriales, qui était initialement doté de 1,5 milliard d'euros et a été porté par l'Assemblée nationale à 2 milliards d'euros. Malheureusement, aucune estimation officielle de la part du fonds qui sera dédiée aux rénovations des bâtiments publics n'a été fournie au Parlement. Je le regrette évidemment. Le chiffre de 600 millions d'euros est parfois évoqué dans la presse, mais n'a pas été confirmé dans mes travaux préparatoires. En tout état de cause, ces montants ne devraient pas suffire à passer ce que de nombreux élus décrivent comme un « mur d'investissements ».

Des solutions innovantes de financement devront sans doute être mobilisées pour répondre aux besoins. Le Haut Conseil pour le climat avait par exemple évoqué la piste d'une dérogation à la séparation entre sections de fonctionnement et d'investissement pour les dépenses afférentes aux bâtiments publics, car cette séparation constitue aujourd'hui un frein à la réalisation de programmes de rénovation ambitieux. Cette piste mérite sans doute d'être creusée.

Vous l'aurez compris, mes réserves portent plus sur l'exécution que sur les montants retenus par le PLF.

J'émettrai donc un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs à la transition énergétique et climatique, inscrits au projet de loi de finances pour 2023, sous réserve de l'adoption de l'amendement n° II-305, qui vise à porter les crédits du fonds Chaleur de 520 à 700 millions. Cet abondement est indispensable si l'on veut atteindre les objectifs de la programmation pluriannuelle de l'énergie, car les crédits actuels du fonds sont déjà pleinement engagés...

L'amendement n°II-305 est adopté.

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