J'ai l'honneur de vous communiquer à mon tour les principaux axes de mon avis sur les crédits consacrés aux transports routiers dans le projet de loi de finances pour 2023. Je souhaiterais en détailler avec vous les cinq principaux volets.
Je commencerai par évoquer la question du financement de nos infrastructures de transport.
Comme vous l'a indiqué Philippe Tabarot, 3,8 milliards d'euros de recettes sont attendus pour 2023 par l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf). Il s'agit, comme cela a été indiqué, d'une somme considérable, et en augmentation par rapport à l'année précédente.
Cela étant dit, et eu égard au dernier budget rectificatif adopté par l'agence en 2022, on peut penser que malgré cette tendance positive, les consommations de crédits sont en réalité moins importantes que la prévision initiale.
En outre, l'Afitf pâtit, depuis plusieurs années désormais, d'un modèle de financement qui fait reposer des dépenses pérennes et certaines sur des recettes incertaines, pour ne pas dire parfois imprévisibles. Je pense bien sûr aux amendes radar mais, également, pendant la crise sanitaire, à la contribution du secteur aérien. S'y ajoute, depuis deux ans, le refus de la part des sociétés concessionnaires d'autoroutes de s'acquitter du versement de la contribution volontaire exceptionnelle à la suite de l'augmentation du taux de la taxe d'aménagement du territoire, ce qui représente un manque à gagner d'environ 60 millions d'euros par an. L'année 2022 a également été marquée par une sous-exécution de plus de 210 millions d'euros du plan de relance. Cette situation est préoccupante, d'autant plus dans un contexte de hausse des prix qui pourrait conduire à un renchérissement du coût des projets financés par l'Afitf. D'ores et déjà, l'agence nous a indiqué que le dernier budget rectificatif prenait en compte une hausse de 10 millions d'euros des coûts de régénération routière.
Dans ce contexte, il est essentiel de sécuriser les ressources de l'Afitf. C'est dans cet esprit que je vous avais présenté, la semaine dernière, un amendement visant à ce que, si certaines recettes de l'agence venaient à manquer, une part supplémentaire d'accise sur les énergies (ex-taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ou TICPE) lui serait affectée.
J'en viens à présent au deuxième axe de mon avis budgétaire, relatif au financement des transports collectifs.
Là encore, je partage le constat formulé par Philippe Tabarot : les autorités organisatrices de la mobilité (AOM) sont dans une situation intenable. D'une part, elles doivent à présent commencer à rembourser les avances qui leur avaient été accordées par l'État pendant la crise sanitaire. D'autre part, elles doivent faire face à d'importants surcoûts énergétiques du fait de la répercussion de la hausse des prix de l'énergie. Pour ne donner que quelques exemples, ce surcoût est estimé à Lyon à 14 millions d'euros pour 2022 et à 41 millions d'euros pour 2023 ; à Toulouse, il est de l'ordre de 5 à 6 millions d'euros pour 2022 et devrait atteindre 28 millions d'euros en 2023.
La situation est alarmante et les AOM n'ont d'autre choix que de réduire l'offre de transports, augmenter le tarif payé par l'usager ou encore renoncer - ou du moins reporter - certains de leurs investissements en matière de transports collectifs. Aucune de ces solutions n'est pleinement satisfaisante, d'autant plus compte tenu de nos objectifs de décarbonation du secteur des transports, qui supposent un report modal massif vers les transports collectifs.
C'est pourquoi, afin de donner davantage de marges de manoeuvre aux AOM, vous avez adopté la semaine dernière l'amendement que nous avons porté avec Philippe Tabarot, afin de diminuer le taux de TVA sur les mobilités du quotidien. Je me réjouis que cet amendement ait été adopté en séance publique.
En complément, je vous avais également proposé, la semaine dernière, d'adopter un amendement dans l'objectif de soutenir les communautés de communes s'étant récemment saisies de la compétence mobilité et n'ayant pas instauré de versement mobilité, par l'affectation d'une fraction d'accise sur les énergies à hauteur de 10 euros par habitant.
Enfin, avant d'en venir à l'état de nos routes, je souhaiterais partager avec vous l'un des constats importants de mon rapport : celui du manque de coordination entre les différentes parties prenantes concourant aux politiques de mobilité. Nous manquons de vrais schémas de mobilité partagés. Ce diagnostic m'a été rapporté par de nombreux acteurs que j'ai eu l'occasion d'auditionner. À titre d'exemple, Intercommunalités de France a soulevé la problématique des ruptures de continuité des itinéraires, notamment dans les espaces périurbains, qui résultent souvent d'un manque de communication et d'objectifs partagés. Un autre exemple concerne la faible association du tissu économique local à la définition des politiques de mobilité, alors même que les trajets domicile-travail représentent une part non négligeable des déplacements et que les entreprises concourent significativement au financement des transports collectifs.
Le troisième point de mon rapport porte sur l'entretien des infrastructures routières. Le PLF pour 2023 prévoit d'allouer, conformément à la trajectoire fixée par la loi d'orientation des mobilités, environ 930 millions d'euros de crédits de paiement à l'entretien du réseau routier national non concédé (RRNNC), soit une augmentation d'environ 60 millions d'euros par rapport à l'enveloppe prévue pour 2022.
Pour autant, tout laisse à croire que, compte tenu de l'augmentation des prix de l'énergie d'une part, et des prix des matières premières d'autre part, les objectifs de régénération du réseau national soient revus à la baisse. Pourtant, l'heure n'est pas à baisser la garde, à la veille des transferts de routes nationales aux métropoles, départements et régions volontaires en application de la loi du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.
À cet égard, il faut rappeler que les demandes des collectivités représentent environ 4 000 kilomètres de linéaire, sur les 11 000 kilomètres de voies concernées. En outre, 16 départements ont assorti leur demande de transfert de conditions. Certaines d'entre elles portent notamment sur l'engagement de l'État sur des opérations d'investissements dans les prochains contrats de plan État-régions (CPER) - sur lesquels, comme vous le savez, on manque de visibilité.
Aussi, il est essentiel de maintenir un effort suffisant d'entretien des routes qui servent trop souvent, comme l'a très justement fait remarquer l'Assemblée des départements de France, de variable d'ajustement budgétaire. Dans ces conditions, je vous proposerai un amendement visant à abonder de 50 millions d'euros supplémentaires le budget consacré à l'entretien des routes de l'État.
Suivant la même logique, je vous proposerai un amendement visant à rattraper le retard en matière de financement des dépenses d'entretien des ouvrages d'art de l'État.
J'en viens à présent aux ouvrages d'art des collectivités territoriales. Créé plus d'un an après l'adoption, par notre commission, du rapport de 2019 Sécurité des ponts : éviter un drame de la mission présidée par Hervé Maurey, et dont les rapporteurs étaient Patrick Chaize et Michel Dagbert, le programme national Ponts a permis de déployer, dans le cadre du plan de relance, 40 millions d'euros sur trois ans en faveur du recensement et de l'évaluation des ouvrages d'art du bloc communal. Aux termes de cette première phase de diagnostic, il apparaît que le constat alarmant dressé en 2019 s'est confirmé, voire même aggravé. Ainsi, sur les 40 000 ponts des 11 540 communes bénéficiaires du programme, il apparaît que 23 % des ouvrages d'art du bloc communal présentent des défauts significatifs majeurs.
Le programme national Ponts a donc permis une première avancée nécessaire, mais l'effort doit être poursuivi. D'abord, compte tenu des crédits du programme restants, seuls 300 à 500 ouvrages devraient pouvoir bénéficier d'une évaluation approfondie de leur état. Je vous proposerai, avec mon collègue rapporteur Louis-Jean de Nicolaÿ, un amendement visant à permettre à l'ensemble des ponts dégradés, de bénéficier de cette évaluation. En outre, après ce travail de recensement et d'évaluation approfondie, se posera évidemment la question du financement des travaux de réparation des ouvrages qui peuvent atteindre des niveaux considérables. Sur ce point-là, nous avons pris un retard significatif par rapport à la recommandation formulée en 2019 de consacrer 130 millions d'euros par an aux ouvrages d'art des collectivités territoriales. Aussi, afin de permettre la remise en état d'environ 500 ponts parmi les ouvrages les plus dégradés identifiés dans le cadre du programme national Ponts, je vous proposerai, également avec mon collègue rapporteur Louis-Jean de Nicolaÿ, un amendement visant à créer un fonds d'aide à l'entretien et à la réparation des ouvrages d'art des collectivités territoriales.
Le quatrième volet de mon avis porte sur la décarbonation des véhicules, lourds comme légers, qui suppose de renforcer les dispositifs de soutien des ménages, mais aussi des collectivités territoriales.
Nous nous sommes fixé, à l'échelle nationale et à l'échelle européenne, des objectifs ambitieux de fin de vente des véhicules thermiques. Pour les atteindre, il est crucial d'anticiper les échéances et de soutenir les ménages et les professionnels dans le renouvellement de leurs véhicules pour les encourager à acquérir des véhicules moins polluants. C'est tout l'objectif des dispositifs de bonus automobile ou encore de prime à la conversion. Je profite d'évoquer ces deux dispositifs pour vous signaler que plusieurs des auditions que j'ai conduites ont mis en lumière le fait que certaines de ces aides ne sont pas suffisamment ciblées pour favoriser l'acquisition de véhicules moins lourds, qui sont aussi moins polluants. Nous sommes face à un paradoxe : nous confortons aujourd'hui les constructeurs automobiles qui produisent des véhicules de plus en plus lourds et ceux-ci déplorent la concurrence de la Chine, qui produit des véhicules de plus en plus légers. Autrement dit, les constructeurs chinois gagnent des parts de marché en France sur les véhicules plus légers, qui sont intéressants pour mener nos politiques de décarbonation du secteur automobile.
Cette année, le PLF pour 2023 prévoit la création d'un nouveau dispositif de leasing social, dont l'objectif est de permettre aux ménages les plus modestes de pouvoir louer des véhicules électriques à moins de 100 euros par mois, tout en favorisant la production de véhicules français. Pour autant, aucune des auditions que j'ai menées dans le cadre de cet avis budgétaire ne m'a permis de disposer d'informations plus détaillées sur les modalités de ce prêt : qui en bénéficiera ? Quels seront les véhicules concernés ? Quel sera le montant de l'aide ? Autant de questions qui restent en suspens. Au total, 1,3 milliard d'euros sont prévus pour le bonus automobile, la prime à la conversion et ce dispositif de leasing social. Je regrette fortement que le Gouvernement impose au Parlement de se prononcer sur une somme aussi substantielle pour un dispositif dont on ignore encore tout.
Cela étant dit, le renforcement du soutien à l'acquisition de véhicules propres est particulièrement prégnant dans le contexte du déploiement des zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m). S'il faut saluer l'affectation de 200 millions d'euros du fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires à l'accompagnement du déploiement des ZFE-m, je regrette le retard du déploiement de la lecture automatisée des plaques d'immatriculation, sans quoi l'efficacité des ZFE-m restera limitée. En outre, je vous avais proposé la semaine dernière un amendement visant à allonger la durée de l'expérimentation d'un prêt à taux zéro pour l'acquisition d'un véhicule peu polluant dans et à proximité des ZFE-m. Je me réjouis que cet amendement ait été adopté en séance publique.
En parallèle de la décarbonation de la flotte automobile, la transition écologique du secteur du transport routier de marchandises représente un défi considérable ; 99 % du parc des 600 000 poids lourds fonctionnant au diesel et les alternatives étant particulièrement onéreuses.
Je salue l'adoption, en séance publique, des deux amendements que je vous avais proposés d'adopter sur le sujet, qui visaient respectivement à créer un prêt à taux zéro pour l'acquisition de poids lourds peu polluants et à élargir le bénéfice du suramortissement pour l'acquisition de poids lourds peu polluants aux véhicules rétrofités. Je vous proposerai, en complément, d'adopter un amendement visant à allouer davantage de moyens à l'appel à projets « Ecosystèmes des véhicules électriques », dont l'enveloppe a déjà été intégralement consommée.
Enfin, je souhaiterais évoquer la question du développement du vélo qui, ces dernières années, est loin d'être anecdotique. Le plan Vélo et mobilités actives, créé en 2018, a en effet permis de créer plusieurs milliers de kilomètres d'aménagements cyclables et le nouveau plan Vélo, annoncé en septembre dernier, poursuit cette dynamique positive. Pour autant, on observe aujourd'hui que le mouvement doit être encore amplifié, notamment pour faire face aux besoins en matière d'ingénierie territoriale. Je vous présenterai un amendement en ce sens.
Sous le bénéfice des observations que j'ai partagées avec vous et des amendements que je vous propose d'examiner, je vous propose d'émettre un avis favorable à l'adoption des crédits relatifs aux transports routiers.