Je distingue deux sujets, dont l'un me concerne, l'autre non.
Le volet qui englobe la réorganisation de la police judiciaire, en tant que telle, relève du périmètre strict du ministre de l'intérieur. Si demain, l'on souhaite créer une juridiction, cela relèvera du périmètre du ministère de la justice. Je n'ai donc pas à me prononcer sur ce volet, même si j'estime qu'un certain nombre de vraies raisons peuvent conduire Gérald Darmanin à vouloir mieux structurer les choses.
Un autre volet nous est commun et nous en serons d'une certaine façon cosignataires. Le directeur général de la police nationale (DGPN) et le directeur des affaires criminelles et des grâces (DACG) ont travaillé ensemble. La ligne rouge infranchissable, pour le ministère de la justice, réside dans les dispositions de l'article 12 du code de procédure pénale. Cela tombe très bien, car c'est aussi une ligne rouge infranchissable pour le ministre de l'intérieur. Celui-ci m'a écrit, après qu'un certain nombre de critiques, parfois singulières, ont été entendues. D'aucuns ont crié « aïe » avant de recevoir un coup que personne ne souhaitait leur porter. Nous avons notamment entendu de hauts magistrats s'exprimer sur des radios nationales pour dire que la réforme n'était pas bonne. Chacun s'exprime avec liberté. En entendant ces critiques, auxquelles j'ai été très attentif, j'ai souligné que le ministère de l'intérieur ne voulait en aucune façon empiéter sur les prérogatives qui sont celles des magistrats depuis des temps immémoriaux. Le juge d'instruction, par exemple, choisit son service d'enquête et cela doit demeurer.
Surtout, il convient de rappeler qu'une expérimentation est en cours. Elle n'est pas encore terminée. Au sens que donne le Conseil d'État à la notion d'expérimentation, celle-ci nécessite une évaluation, faute de quoi elle ne servirait à rien. L'inspection générale de la justice (IGJ), l'inspection générale de la police nationale (IGPN) et l'inspection générale de l'administration (IGA) sont mobilisées. Ce triptyque nous assure, plus encore que d'habitude, l'impartialité des inspecteurs. Nous n'avons pas encore leurs conclusions. Le ministre de l'intérieur et moi-même tirerons, probablement ensemble, un certain nombre de conséquences de ces inspections.
La machine s'emballe parfois un peu vite, même si l'on peut avoir un certain nombre de craintes. Rien, à ce stade, ne me permet de penser que l'article 12 sera abrogé ou modifié. J'ai indiqué au ministre de l'intérieur ma position, qu'il a évidemment entendue. La réponse qu'il m'a adressée, qui me satisfait pleinement, en témoigne. Chacun sera respectueux du choix du magistrat quant au service d'enquête.