Intervention de Jean-Marc Pastor

Réunion du 30 octobre 2007 à 16h15
Sécurité des manèges — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission

Photo de Jean-Marc PastorJean-Marc Pastor :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, fête foraine de Lille, parc de loisirs Nigloland dans l'Aube, fête foraine de Creil, fête du parc Saint-Paul, parc Astérix, Fête des Loges, etc. nombreux sont les lieux de fête et de loisir qui connaissent des accidents parfois dramatiques comme celui qui a coûté la vie à un père et son fils le 4 août dernier, à Saint-Germain-en-Laye.

Cette actualité motive la présente proposition de loi déposée par notre collègue Pierre Hérisson. Je tiens à saluer le travail qu'il a effectué pour « border » l'ensemble de ce dispositif, qui a pour objet d'introduire une base légale à la réglementation régissant l'activité des parcs d'attraction et des fêtes foraines.

En effet, il n'existe pas dans notre législation de texte sur la sécurité des manèges en dehors d'un protocole d'accord datant de 1984. Dès lors, la France était, jusqu'à il y a deux mois et demi, l'un des pays où le dispositif encadrant l'exercice de l'activité d'exploitant de manège ne reposait ni sur une réglementation ni sur une norme ; j'y reviendrai.

La Commission de sécurité des consommateurs, dans l'avis qu'elle avait émis à la fin de l'année 2006, indiquait qu'il n'existait pas d'information exhaustive des accidents survenus dans des fêtes foraines ou des parcs de loisirs. Seules des données ponctuelles sont disponibles en provenance de gérants de parcs de loisirs, des services d'urgence des hôpitaux, de l'Institut national de veille sanitaire.

En France, plus d'une centaine d'accidents par an ont été recensés depuis 1992, chiffre qui serait en hausse en valeur absolue, mais en diminution en valeur relative compte tenu du nombre croissant de visiteurs. Pour autant, cela me semble justifier une surveillance statistique spécifique de la part des pouvoirs publics. Qu'en pensez-vous, monsieur le secrétaire d'État ?

Au lieu d'une information fragmentée, ne serait-il pas préférable de disposer de sources d'informations à partir de la prescription de déclarations ? Je conçois bien la difficulté méthodologique, mais une telle collecte me paraît nécessaire pour conduire une politique en matière de consommation. Cela permettrait de procéder à une accidentologie plus précise : les accidents ont-ils tendance à être plus graves aujourd'hui ? Sont-ils liés à des défaillances techniques qui s'avéreraient dramatiques en raison de la vitesse ou de la hauteur accrues des structures, ou bien sont-ils dus à des problèmes de comportement des clients ? Ces accidents affectent-ils davantage les enfants ?

En l'état des données, on recense à la fois l'erreur humaine et des défaillances matérielles dans les facteurs de causalité des accidents.

Pour ce qui est de l'erreur humaine, il semble s'agir le plus souvent d'un défaut de prudence des passagers d'une attraction et plus rarement d'une faute de l'opérateur.

En ce qui concerne la défaillance technique, le mode d'exploitation d'un manège n'est pas neutre. Les matériels itinérants sont fortement sollicités, mais entretenus. Ceux des parcs seraient moins sollicités en raison d'une fréquentation des parcs éloignée de leur potentiel initial, mais ils auraient tendance à évoluer vers la production de sensations fortes dont les jeunes gens sont aujourd'hui particulièrement friands.

Pour revenir à l'aspect proprement réglementaire du dossier, il n'existe pas de réglementation européenne relative à la sécurité des manèges. Le principe de subsidiarité s'applique à plein.

Les tentatives de directives et les propositions de la Commission européenne depuis quinze ans n'ont pas même permis que la conception et la sécurité des matériels d'attraction sur les fêtes foraines et dans les parcs de loisirs soient intégrées à la directive 2006/42/CE du 17 mai 2006 sur les machines. Des particularismes nationaux de la profession, qui demeureraient pour l'instant infranchissables, paraissent empêcher toute harmonisation européenne, ce qui est dommageable.

Pour ce qui concerne notre pays, la priorité est en règle générale donnée aux mesures volontaires initiées par les entreprises, en coordination dans de nombreux cas avec les pouvoirs publics, dès lors qu'elles permettent d'éliminer efficacement le risque. Pour cette raison, les mesures réglementaires, qui n'interviennent qu'en cas d'insuffisance des mesures volontaires, sont très rares.

Mais, en l'occurrence, à la suite de la lettre que M. le Président de la République a adressée le 6 juin à Mme la ministre, on nous propose d'instaurer un dispositif législatif. En France, on le sait, la loi « parle » au peuple. Sans loi, point de crédibilité ! Elle a d'ailleurs tendance à devenir un instrument au service de la communication plutôt qu'au service du droit. Je me permets de vous renvoyer aux observations de l'ex-président du Conseil constitutionnel, M. Pierre Mazeaud, alors en fonction, et à celles de la section du rapport et des études du Conseil d'État sur la qualité des lois.

Les pouvoirs publics disposent de plusieurs outils pour que les produits présents sur le marché offrent toutes les garanties de sécurité pour les consommateurs. Outre leur association aux travaux de normalisation, ils effectuent des contrôles des produits et des services offerts aux consommateurs, ils élaborent des textes réglementaires et veillent à la qualité de l'information fournie au consommateur, en particulier celle qui est relative aux risques liés à l'utilisation d'un service ou d'un produit.

La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression de fraudes a pour mission, elle aussi, de veiller au respect de l'obligation générale de sécurité définie par les différents articles du code de la consommation.

La normalisation constitue l'une des voies fréquemment préconisées par la Commission de sécurité des consommateurs au travers de ses avis. Les recommandations de cette commission peuvent viser la mise au point de normes nouvelles pour les produits qui en sont dépourvus ou bien la modification de normes existantes pour qu'elles prennent en compte des risques nouvellement identifiés. Cette commission sollicite souvent les pouvoirs publics afin qu'ils interviennent auprès des autorités de normalisation en vue du lancement de ces fameux travaux de normalisation ; j'y reviendrai lors de l'examen des amendements.

C'est bien le cas au sujet des manèges. La recommandation de la commission était d'homologuer la norme européenne NF EN 13814 « Machines et structures pour fêtes foraines et parcs d'attraction - Sécurité ». C'est fait depuis le 17 septembre ! Je ne vois d'ailleurs pas comme une coïncidence cette décision d'homologation prise par le conseil d'administration de l'AFNOR le 17 août 2007, soit le même jour que celui de la signature de la convention liant le Gouvernement, l'Association des maires de France, les organismes représentatifs des forains et les bureaux de contrôle, et quelques jours après l'accident de la Fête des Loges à Saint-Germain-en-Laye le 4 août.

Le Gouvernement a donc réagi très vite - on peut y voir la traduction d'une volonté élyséenne -, et le dernier étage de l'édifice est donc le texte que nous examinons, porté par notre collègue Pierre Hérisson.

Je me souviens d'une proposition de loi de M. Raffarin - c'était même le premier texte que nous avions eu à examiner après sa nomination comme Premier ministre - qui traitait de la sécurité des piscines privées. À l'époque, en 2002, nous avions adopté une loi dont l'article 1er rendait obligatoire, à compter du 1er janvier 2004, l'installation de matériels de sécurité normalisé visant à prévenir le risque de noyade.

La Commission de sécurité des consommateurs avait, comme pour les manèges, préconisé la mise en place d'un système contraignant par voie législative ou réglementaire. L'ennui, c'est que l'application de la loi ne fut pas à la hauteur en raison de l'impossibilité pratique pour les propriétaires d'hébergements de se procurer sur le marché un matériel conforme à des normes AFNOR, qui n'étaient pas encore homologuées au moment de la promulgation de la loi. Le respect de la loi s'est dès lors avéré très problématique et le Gouvernement a dû autoriser des systèmes de sécurité qui n'étaient pas normalisés - cela entrait en contradiction avec la loi - avant d'actualiser les normes en vigueur, c'est-à-dire deux ans après.

Le paradoxe, avec le présent texte, c'est que la situation est inverse : au lieu d'un article 1er prévoyant l'application de normes qui n'existent pas, comme dans le cas des piscines, on est en présence d'un article 1er qui ne prévoit pas très clairement la mise en oeuvre d'une norme, qui existe pourtant dans le cas des manèges.

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