Séance en hémicycle du 30 octobre 2007 à 16h15

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à onze heures cinquante, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Louis de Broissia, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Louis de Broissia

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j'ai été ému, comme plusieurs de mes collègues, par les récentes déclarations d'un leader sympathique d'un syndicat de salariés sympathique, qui a mis en cause, de façon très peu sympathique, le Parlement.

Je vous lis ses propos, qui concernent une organisation syndicale patronale : « Personne n'a de preuve que les organisations syndicales sont corruptibles et achetables ! Ce qui me révolte, c'est la ligne de défense du président de [cette organisation patronale]. [...] Tout le monde se précipite sur cette piste et personne ne va en chercher d'autres. »

À la question : « Quelles sont, selon vous, les autres pistes inexplorées ? », ce syndicaliste répond : « Depuis des années - c'est ce point qui me choque, monsieur le président -, [cette organisation patronale] a réussi à faire passer des amendements à l'Assemblée nationale ou au Sénat. Comment font-ils pour trouver des députés - il ne parle pas des sénateurs - qui les soutiennent, et des majorités parlementaires, y compris contre l'avis du Gouvernement ? »

Monsieur le président, il s'agit d'une mise en cause du Parlement, toutes tendances politiques confondues, qui m'apparaît non seulement regrettable, mais également condamnable.

J'ai donc écrit au leader sympathique de cette organisation syndicale sympathique, dont je ne citerai pas le nom, n'étant pas ici pour faire de la publicité, en lui rappelant deux textes en vigueur. En vertu de l'article 40 du code de procédure pénale, la personne qui connaît des faits confirmant ses allégations est tenue de les dévoiler et de saisir la justice. Sinon, l'article 29 de la loi de 1881 sur la liberté de la presse, lequel définit la diffamation, pourrait lui être appliqué. Il s'agirait également, selon certains, de dénonciations calomnieuses.

Je souhaite, monsieur le président, que le Sénat, comme l'Assemblée nationale, prenne vigoureusement position sur ces allégations qui mettent en cause le travail du Parlement.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur des travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Les applaudissements de nos collègues valent réponse !

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Mes chers collègues, j'ai le plaisir et l'honneur de saluer la présence dans notre tribune officielle d'une délégation du Parlement de la République d'Azerbaïdjan, conduite par son président, M. Oktay Assadov.

Le Sénat se réjouit d'accueillir à nouveau un haut responsable azerbaïdjanais quelques mois après avoir reçu le Président de la République d'Azerbaïdjan, Son Excellence M. Aliyev, pendant sa visite d'État en France.

Je forme des voeux pour que cette visite contribue au renforcement des liens qui unissent notre pays à la République d'Azerbaïdjan, pays qui a un rôle important à jouer dans la stabilité régionale, notamment au Caucase méridional.

M. le secrétaire d'État, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre, en application de l'article 67 de la loi n° 2004-1343 du 9 décembre 2004 de simplification du droit, le rapport sur la mise en application de la loi n° 2006-450 du 18 avril 2006 de programme pour la recherche.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires culturelles, à la commission des affaires économiques et à la commission des finances, et sera disponible au bureau de la distribution.

(Ordre du jour réservé)

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction, présentée par M. Pierre Hérisson et plusieurs de ses collègues (463, 2006-2007 ; n° 48).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est un texte attendu depuis longtemps. Je remercie les nombreux sénateurs et sénatrices qui se sont associés à sa rédaction.

Nous allons - enfin, serais-je tenté de dire - nous intéresser à un domaine qui, une fois n'est pas coutume, a longtemps été ignoré par le législateur : les manèges des fêtes foraines et des parcs de loisirs.

Pourtant, ces activités ont pris une place grandissante dans notre société, jusqu'à devenir une « industrie ». En témoigne le succès des parcs thématiques comme Disneyland Paris ou des fêtes foraines traditionnelles organisées dans nos communes. Chaque année, près de cent millions de personnes montent dans un manège en France. Ces manèges ont considérablement changé ces dernières années : plus sophistiqués, ils vont toujours plus vite, toujours plus haut, répondant ainsi aux demandes de clients amateurs de sensations toujours plus fortes.

Malheureusement, les accidents, dont le dernier en date, dans lequel un père et son fils ont trouvé la mort, s'est produit à la Fête des Loges, dans un booster, deviennent de plus en plus graves à mesure que la vitesse des manèges augmente. Aussi surprenant que cela puisse paraître, aucune réglementation spécifique n'encadre aujourd'hui la fabrication et l'exploitation des attractions foraines, notamment parce que, historiquement, la fête foraine a été un espace de liberté. Ainsi, les forains ont développé une grande autonomie dans l'organisation de leurs activités.

Certes, les pouvoirs publics ont progressivement réinvesti cet espace, que ce soit en matière d'ordre public ou de contrôle sanitaire, mais la sécurité des machines elles-mêmes a été négligée.

Ainsi, force est de constater aujourd'hui que la réglementation française est minimale. Un protocole a bien été signé en 1983 par les syndicats de forains et certains bureaux de contrôle technique, sur l'initiative du ministre de l'intérieur, mais il est aujourd'hui totalement obsolète.

L'article L. 221-1 du code de la consommation pose une obligation générale de sécurité des produits, mais la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, n'a pas toujours les moyens nécessaires ou les compétences techniques requises en matière de contrôle des manèges.

Le code général des collectivités territoriales donne au maire des pouvoirs de police s'agissant des grands rassemblements, des foires ou des jeux, mais les élus, surtout ceux des petites communes, n'ont pas les moyens de contrôler la sécurité des attractions et se limitent, le plus souvent, à un simple contrôle documentaire.

Une réglementation européenne existe, mais elle est encore embryonnaire et repose surtout sur une norme de 2004 que la France a mis trois ans à intégrer.

Donc, au final, mes chers collègues, le système actuel de contrôle de la sécurité des attractions repose, pour l'essentiel, sur les forains eux-mêmes.

Bien avant le drame de la Fête des Loges, l'Association des maires de France, l'AMF, que je tiens ici à saluer, travaillait à l'élaboration de dispositions législatives et réglementaires visant à renforcer la sécurité des manèges. Son groupe de travail « Fêtes foraines », que j'ai l'honneur de présider, a conduit une concertation avec les forains. Au terme de celle-ci, les professionnels, les organismes de contrôle, les maires et les ministres concernés, à savoir Mme le ministre de l'intérieur et M. le secrétaire d'État à la consommation et au tourisme, ont signé, le 17 août dernier, une convention sur la sécurité des manèges.

Il s'agissait d'une avancée considérable, puisque les exploitants ont accepté le principe d'un contrôle technique périodique selon le type d'attraction et son niveau de sensation. Toutefois, au-delà de ces engagements, qui ne lient que ceux qui y consentent, une loi était nécessaire afin de définir les obligations pour l'ensemble de la profession. C'est l'objet de cette proposition de loi, qui donnera une assise législative à la convention du 17 août 2007.

Ce texte novateur crée pour les professionnels concernés de nouvelles obligations, à mes yeux d'égale importance.

En premier lieu, il vise à imposer une obligation générale de sécurité pour l'ensemble des attractions en France. Qu'il s'agisse de manèges, de machines ou d'installations pour fêtes foraines ou pour parcs d'attractions, ils devront être conçus, construits, installés et exploités sans qu'il soit porté atteinte à la santé des personnes.

Dans la mesure où certains manèges sont exploités hors des fêtes foraines et des parcs de loisirs, j'ai proposé à la commission des affaires économiques d'élargir le champ d'application de ma proposition initiale, afin que celle-ci englobe ces machines, installées le plus souvent sur les parkings des centres commerciaux ou sur les places de village.

En second lieu, ce texte vise à créer une obligation de contrôle technique des manèges. Demain, tous les manèges de France subiront un contrôle technique initial et des contrôles périodiques. Il s'agit là d'un progrès considérable. Et ce n'est pas le seul, puisque ces contrôles, à la charge des exploitants, devront être effectués par des organismes agréés par l'État, indépendants économiquement et juridiquement des exploitants, ce qui empêchera tout risque de collusions d'intérêts dans la profession.

Tel est le cadre général fixé par la proposition de loi que vous soumet la commission des affaires économiques ; ces mesures seront complétées par un décret en Conseil d'État et deux arrêtés : ces textes fixeront les exigences de sécurité auxquelles devront satisfaire les manèges, définiront le contenu et les modalités des contrôles techniques et détermineront les modalités d'agrément des organismes de contrôle technique.

À cet égard, monsieur le secrétaire d'État, je vous demande, au nom de la commission des affaires économiques, que ces dispositions réglementaires soient prises le plus rapidement possible, afin que ce nouveau dispositif entre en vigueur dès janvier 2008.

Pour conclure, j'indiquerai que la commission des affaires économiques, dont je salue le président, s'est prononcée à l'unanimité en faveur de cette proposition de loi.

J'espère vous avoir convaincus, mes chers collègues, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

...de l'importance de ce texte. Je crois que nous faisons là un grand pas dans l'organisation de l'espace des fêtes foraines et des parcs d'attractions dans l'intérêt de tous, des utilisateurs avant tout, mais aussi des exploitants eux-mêmes et, bien sûr, des élus locaux, dont nous devons prendre grand soin dans cette maison.

Enfin, je tiens à la disposition de ceux qui le souhaitent le texte de la norme NF EN 13814 « Machines et structures pour fêtes foraines et parcs d'attraction - Sécurité », que l'éditeur m'a autorisé à vous communiquer ; son coût est normalement de 148 euros.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier M. le rapporteur de l'intérêt et de la pertinence de sa proposition de loi ainsi que de son engagement sur un sujet aussi important que celui de la sécurité des manèges et des attractions. Ce travail concrétise une réflexion collective qui est menée depuis longtemps non seulement par les professionnels, mais aussi par l'AMF.

À titre liminaire, je voudrais saluer la mémoire de Claudine Ségelle, fonctionnaire de grand talent, disparue dans un tragique accident le 31 août dernier. Sous-directrice à la DGCCRF, Claudine Ségelle était la spécialiste des questions concernant les manèges forains. Sans compter son temps, apportant son dynamisme, sa clarté de vue et son efficacité, elle avait pris en main le dossier de la sécurité. Elle était présente à nos côtés, monsieur le rapporteur, le 17 août dernier, lors de la signature de la convention. C'est une fonctionnaire de très grande qualité que nous avons perdue et je souhaitais honorer aujourd'hui sa mémoire.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la sécurité des personnes est une préoccupation majeure du Gouvernement. Mme Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence, et moi-même nous travaillons en étroite concertation sur ce sujet.

Le dramatique accident survenu le 4 août 2007 à la Fête des Loges, qui s'est ajouté à divers accidents de manège ayant entraîné des blessures ces dernières années, a mis au jour un vide juridique qu'il est nécessaire de combler : actuellement, aucune loi ou réglementation spécifique n'encadre la fabrication et l'exploitation des attractions foraines.

La survenance régulière d'accidents de personnes sur des matériels d'attraction foraine et la sophistication technique croissante de ceux-ci, dans le but de répondre à une demande de sensations toujours plus fortes de la part des utilisateurs, ont montré les limites de ce dispositif.

Il est ressorti des débats qui ont fait suite à l'accident de la Fête des Loges, lequel a coûté la vie à un père et à son fils, que la grande majorité des parties concernées reconnaissait aujourd'hui le caractère inadapté, incomplet et inefficace des dispositions existantes.

Par ailleurs, depuis plusieurs mois, la profession des forains, les maires, représentés par l'AMF, et l'administration travaillaient de concert à l'élaboration de textes plus opérationnels visant à préciser les modalités et la périodicité du contrôle technique des manèges forains, et ce en tenant compte de l'évolution des matériels et de la nécessaire indépendance des organismes chargés du contrôle technique.

Alors même que les réflexions étaient déjà engagées, l'accident du 4 août dernier a amené l'ensemble des acteurs à marquer rapidement une évolution pour améliorer la sécurité des manèges, et ce sous la forme d'une convention.

Cette convention a été signée le 17 août 2007 par les représentants des forains, des organismes de contrôle, l'Association des maires de France - représentée par Pierre Hérisson -, les ministres concernés - Michèle Alliot-Marie, Hervé Novelli et moi-même -, préfigurant ainsi l'architecture de l'encadrement législatif et réglementaire que nous souhaitons collectivement mettre en place aujourd'hui.

En effet, au-delà des engagements des uns et des autres, l'objectif d'une plus grande sécurité des attractions foraines exige que le dispositif ait une assise juridique solide et pérenne et force contraignante pour définir les responsabilités et les obligations de chacun.

Un texte législatif s'impose puisqu'il s'agit de créer une obligation de contrôle technique, dont le non-respect est sanctionné par l'interdiction, par les maires, de l'installation ou de l'exploitation de l'attraction foraine en question, ce qui constitue une restriction à la liberté du commerce et de l'industrie.

Tel est l'objet de la présente proposition de loi, élaborée dans la meilleure concertation avec la profession, les maires, l'administration et le Gouvernement. Je voulais vous en remercier et vous en féliciter, monsieur le rapporteur.

L'article 1er de cette proposition de loi pose le principe que la conception, la construction, l'installation, l'exploitation et l'entretien des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction doivent assurer la sécurité des personnes. Cet article assure, en quelque sorte, la transposition aux manèges et attractions - ce sont par définition des biens itinérants - des dispositions de l'article L.221-1 du code de la consommation définissant l'obligation générale de sécurité des produits et services.

L'article 2 s'attache à encadrer le niveau d'exigence requis pour assurer la sécurité des manèges et attractions. Il introduit ainsi l'obligation de faire procéder sur chaque matériel à un contrôle technique initial puis à des contrôles techniques périodiques par des organismes qui seront agréés par l'État.

Enfin, l'article 3 renvoie à un décret en Conseil d'État la définition des conditions d'application de la loi, notamment en ce qui concerne les exigences de sécurité auxquelles doivent satisfaire les manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction, le contenu et les modalités du contrôle technique et les conditions d'agrément des organismes de contrôle technique.

Ce dispositif, qui s'inspire, vous l'avez compris, mesdames, messieurs les sénateurs, du système déjà bien rôdé du contrôle technique des véhicules automobiles - véhicules légers comme poids lourds - me semble répondre parfaitement aux besoins de sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines et parcs d'attraction.

Les mesures législatives seront complétées dans les plus brefs délais - je tiens à engager le Gouvernement dans ce sens - par un décret et des arrêtés d'application sur lesquels travaillent déjà les services de l'État. Ces textes préciseront le contenu et les modalités du contrôle technique, ainsi que les conditions d'agrément des organismes de contrôle technique.

J'attire de nouveau votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur l'importance de ce texte, qui participe à l'action du Gouvernement sur l'amélioration du dispositif de protection des consommateurs dans le domaine de la sécurité et qui permettra aux différents acteurs de la fête foraine et des parcs d'attraction d'exercer leur activité dans de meilleures conditions. Il s'agit d'une avancée importante, dont je tiens à vous remercier.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, fête foraine de Lille, parc de loisirs Nigloland dans l'Aube, fête foraine de Creil, fête du parc Saint-Paul, parc Astérix, Fête des Loges, etc. nombreux sont les lieux de fête et de loisir qui connaissent des accidents parfois dramatiques comme celui qui a coûté la vie à un père et son fils le 4 août dernier, à Saint-Germain-en-Laye.

Cette actualité motive la présente proposition de loi déposée par notre collègue Pierre Hérisson. Je tiens à saluer le travail qu'il a effectué pour « border » l'ensemble de ce dispositif, qui a pour objet d'introduire une base légale à la réglementation régissant l'activité des parcs d'attraction et des fêtes foraines.

En effet, il n'existe pas dans notre législation de texte sur la sécurité des manèges en dehors d'un protocole d'accord datant de 1984. Dès lors, la France était, jusqu'à il y a deux mois et demi, l'un des pays où le dispositif encadrant l'exercice de l'activité d'exploitant de manège ne reposait ni sur une réglementation ni sur une norme ; j'y reviendrai.

La Commission de sécurité des consommateurs, dans l'avis qu'elle avait émis à la fin de l'année 2006, indiquait qu'il n'existait pas d'information exhaustive des accidents survenus dans des fêtes foraines ou des parcs de loisirs. Seules des données ponctuelles sont disponibles en provenance de gérants de parcs de loisirs, des services d'urgence des hôpitaux, de l'Institut national de veille sanitaire.

En France, plus d'une centaine d'accidents par an ont été recensés depuis 1992, chiffre qui serait en hausse en valeur absolue, mais en diminution en valeur relative compte tenu du nombre croissant de visiteurs. Pour autant, cela me semble justifier une surveillance statistique spécifique de la part des pouvoirs publics. Qu'en pensez-vous, monsieur le secrétaire d'État ?

Au lieu d'une information fragmentée, ne serait-il pas préférable de disposer de sources d'informations à partir de la prescription de déclarations ? Je conçois bien la difficulté méthodologique, mais une telle collecte me paraît nécessaire pour conduire une politique en matière de consommation. Cela permettrait de procéder à une accidentologie plus précise : les accidents ont-ils tendance à être plus graves aujourd'hui ? Sont-ils liés à des défaillances techniques qui s'avéreraient dramatiques en raison de la vitesse ou de la hauteur accrues des structures, ou bien sont-ils dus à des problèmes de comportement des clients ? Ces accidents affectent-ils davantage les enfants ?

En l'état des données, on recense à la fois l'erreur humaine et des défaillances matérielles dans les facteurs de causalité des accidents.

Pour ce qui est de l'erreur humaine, il semble s'agir le plus souvent d'un défaut de prudence des passagers d'une attraction et plus rarement d'une faute de l'opérateur.

En ce qui concerne la défaillance technique, le mode d'exploitation d'un manège n'est pas neutre. Les matériels itinérants sont fortement sollicités, mais entretenus. Ceux des parcs seraient moins sollicités en raison d'une fréquentation des parcs éloignée de leur potentiel initial, mais ils auraient tendance à évoluer vers la production de sensations fortes dont les jeunes gens sont aujourd'hui particulièrement friands.

Pour revenir à l'aspect proprement réglementaire du dossier, il n'existe pas de réglementation européenne relative à la sécurité des manèges. Le principe de subsidiarité s'applique à plein.

Les tentatives de directives et les propositions de la Commission européenne depuis quinze ans n'ont pas même permis que la conception et la sécurité des matériels d'attraction sur les fêtes foraines et dans les parcs de loisirs soient intégrées à la directive 2006/42/CE du 17 mai 2006 sur les machines. Des particularismes nationaux de la profession, qui demeureraient pour l'instant infranchissables, paraissent empêcher toute harmonisation européenne, ce qui est dommageable.

Pour ce qui concerne notre pays, la priorité est en règle générale donnée aux mesures volontaires initiées par les entreprises, en coordination dans de nombreux cas avec les pouvoirs publics, dès lors qu'elles permettent d'éliminer efficacement le risque. Pour cette raison, les mesures réglementaires, qui n'interviennent qu'en cas d'insuffisance des mesures volontaires, sont très rares.

Mais, en l'occurrence, à la suite de la lettre que M. le Président de la République a adressée le 6 juin à Mme la ministre, on nous propose d'instaurer un dispositif législatif. En France, on le sait, la loi « parle » au peuple. Sans loi, point de crédibilité ! Elle a d'ailleurs tendance à devenir un instrument au service de la communication plutôt qu'au service du droit. Je me permets de vous renvoyer aux observations de l'ex-président du Conseil constitutionnel, M. Pierre Mazeaud, alors en fonction, et à celles de la section du rapport et des études du Conseil d'État sur la qualité des lois.

Les pouvoirs publics disposent de plusieurs outils pour que les produits présents sur le marché offrent toutes les garanties de sécurité pour les consommateurs. Outre leur association aux travaux de normalisation, ils effectuent des contrôles des produits et des services offerts aux consommateurs, ils élaborent des textes réglementaires et veillent à la qualité de l'information fournie au consommateur, en particulier celle qui est relative aux risques liés à l'utilisation d'un service ou d'un produit.

La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression de fraudes a pour mission, elle aussi, de veiller au respect de l'obligation générale de sécurité définie par les différents articles du code de la consommation.

La normalisation constitue l'une des voies fréquemment préconisées par la Commission de sécurité des consommateurs au travers de ses avis. Les recommandations de cette commission peuvent viser la mise au point de normes nouvelles pour les produits qui en sont dépourvus ou bien la modification de normes existantes pour qu'elles prennent en compte des risques nouvellement identifiés. Cette commission sollicite souvent les pouvoirs publics afin qu'ils interviennent auprès des autorités de normalisation en vue du lancement de ces fameux travaux de normalisation ; j'y reviendrai lors de l'examen des amendements.

C'est bien le cas au sujet des manèges. La recommandation de la commission était d'homologuer la norme européenne NF EN 13814 « Machines et structures pour fêtes foraines et parcs d'attraction - Sécurité ». C'est fait depuis le 17 septembre ! Je ne vois d'ailleurs pas comme une coïncidence cette décision d'homologation prise par le conseil d'administration de l'AFNOR le 17 août 2007, soit le même jour que celui de la signature de la convention liant le Gouvernement, l'Association des maires de France, les organismes représentatifs des forains et les bureaux de contrôle, et quelques jours après l'accident de la Fête des Loges à Saint-Germain-en-Laye le 4 août.

Le Gouvernement a donc réagi très vite - on peut y voir la traduction d'une volonté élyséenne -, et le dernier étage de l'édifice est donc le texte que nous examinons, porté par notre collègue Pierre Hérisson.

Je me souviens d'une proposition de loi de M. Raffarin - c'était même le premier texte que nous avions eu à examiner après sa nomination comme Premier ministre - qui traitait de la sécurité des piscines privées. À l'époque, en 2002, nous avions adopté une loi dont l'article 1er rendait obligatoire, à compter du 1er janvier 2004, l'installation de matériels de sécurité normalisé visant à prévenir le risque de noyade.

La Commission de sécurité des consommateurs avait, comme pour les manèges, préconisé la mise en place d'un système contraignant par voie législative ou réglementaire. L'ennui, c'est que l'application de la loi ne fut pas à la hauteur en raison de l'impossibilité pratique pour les propriétaires d'hébergements de se procurer sur le marché un matériel conforme à des normes AFNOR, qui n'étaient pas encore homologuées au moment de la promulgation de la loi. Le respect de la loi s'est dès lors avéré très problématique et le Gouvernement a dû autoriser des systèmes de sécurité qui n'étaient pas normalisés - cela entrait en contradiction avec la loi - avant d'actualiser les normes en vigueur, c'est-à-dire deux ans après.

Le paradoxe, avec le présent texte, c'est que la situation est inverse : au lieu d'un article 1er prévoyant l'application de normes qui n'existent pas, comme dans le cas des piscines, on est en présence d'un article 1er qui ne prévoit pas très clairement la mise en oeuvre d'une norme, qui existe pourtant dans le cas des manèges.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

Monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, nous disposons d'une norme, homologuée certes très récemment en France bien qu'elle existe depuis plusieurs années dans l'Union européenne, mais homologuée tout de même. Or la proposition de loi de notre collègue n'y fait aucunement référence. C'est pourtant bien là l'avancée majeure pour la sécurité : la norme !

On a l'impression que votre initiative s'est arrêtée en chemin. Vous avez souhaité réglementer par voie législative, mais sans aller au bout de la logique. La logique, monsieur le secrétaire d'État, pour assurer vraiment la sécurité des manèges, ce serait que la loi rende obligatoire la norme NF EN 13814, dont vous avez demandé l'homologation il y a deux mois et demi. Autrement, la proposition de loi que nous examinons - je ne doute pas qu'elle ira au terme du processus législatif - serait privée de l'efficacité que nos concitoyens sont en droit d'attendre d'un tel texte.

Pourquoi mobiliser le Parlement si nous ne parvenons pas à prendre une telle décision ? Nous vous proposerons un amendement en ce sens. En tout cas, je serai attentif à votre réponse.

Pour l'heure, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, faute de compétence technique, n'exerce aucune action de surveillance préventive des matériels d'attraction. Et les interventions après accidents ne sont pas systématiques. Quant aux bureaux de contrôle, ils considèrent obsolète - et cela se comprend - le protocole d'accord de 1984, unique texte spécifique de notre droit français, et refusent de l'appliquer pour les plus grands d'entre eux, considérant qu'il ne permet plus de mesurer efficacement la sécurité des matériels.

Ce protocole prévoit que les bureaux de contrôle n'interviennent qu'à la demande de l'exploitant. Pourtant, il sert toujours de base à la délivrance des certificats de conformité sur lesquels s'appuient les maires pour autoriser l'exploitation des manèges sur le territoire de leur commune. Vous pouvez concevoir la gêne qu'éprouvent certains élus en accordant ces autorisations.

Comme le souligne Pierre Hérisson, les maires n'ont pas les moyens de s'assurer que les manèges sont en état. Il n'est pas aisé pour eux de vérifier que les réserves émises par les bureaux de contrôles sont devenues sans objet. Il faut donc procéder à une uniformisation et le meilleur vecteur pour y parvenir reste la norme NF.

Par ailleurs, le contrôle du respect des règles du code du travail en matière de santé et de sécurité des salariés ne doit pas être négligé. Comment s'effectue-t-il chez les forains ? Depuis quelques années, les inspecteurs du travail semblent ne plus être associés aux commissions de sécurité. Nous confirmez-vous cette évolution néfaste, monsieur le secrétaire d'État ?

Parallèlement, il nous paraît très important de mettre l'accent sur la formation des opérateurs permanents ou saisonniers appelés à intervenir sur les manèges forains. Souvent, ce sont eux qui s'occupent de l'entretien, assurent les contrôles préventifs quotidiens et les opérations de manutention des manèges ainsi que la maintenance courante. Ils doivent pouvoir avoir accès à des modules de formation débouchant sur une qualification. Envisagez-vous de prendre des dispositions allant dans ce sens, monsieur le secrétaire d'État ?

Toute velléité de sécurisation implique de réfléchir à la prévention, donc à l'information du public. Les prestataires doivent être tenus d'informer automatiquement les consommateurs des risques liés à l'utilisation du manège.

Monsieur le secrétaire d'État, prévoyez-vous une disposition réglementaire qui instituerait l'obligation, pour le prestataire, de fournir aux consommateurs des informations adéquates et suffisantes sur les risques ou les contre-indications liés à l'utilisation de ces équipements ?

J'emprunterai ma conclusion à la Commission de la sécurité des consommateurs, qui considère que « l'activité des exploitants forains est indispensable à l'animation économique et culturelle locale - nous en sommes tous convaincus - et celle des parcs de loisirs [...] à la création d'un certain nombre d'emplois fixes ou saisonniers ».

Elle estime que la concertation entre « acteurs d'horizons différents doit aboutir maintenant rapidement à un dispositif actualisé, cohérent et acceptable par tous ». L'objectif final doit être de « garder aux manèges leur vocation de divertissement du public, et ce dans les meilleures conditions possibles de confort et de sécurité, ce qui pourrait faciliter la reconnaissance officielle d'un art forain - c'est peut-être aussi de cela qu'il s'agit - comme partie intégrante du patrimoine historique et culturel de la France, comme cela a été le cas pour l'art du cirque. »

J'espère que les améliorations que nous présenterons seront acceptées par le Gouvernement et par le Sénat, car nous sommes convaincus qu'il est urgent d'avoir un texte réglementant ces activités. Je remercie d'ailleurs tous les acteurs qui ont contribué à son élaboration.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Françoise Henneron

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à la suite à l'accident survenu le 4 août dernier à la Fête des Loges de Saint-Germain-en-Laye, dans lequel un homme et son fils ont trouvé la mort, Mme Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, a réagi très rapidement en signant, dès le 17 août, une convention sur la sécurité des manèges, avec les représentants des forains, les organismes de contrôle, l'Association des maires de France et les ministres en charge de la consommation et des entreprises.

Ce texte dresse la liste des différents matériels présents dans les parcs d'attraction et prévoit des exigences de contrôle selon leur dangerosité : un manège pour enfants devra être contrôlé tous les trois ans, tandis que les manèges à sensations fortes, qui soumettent le matériel à de plus importantes tensions, devront être contrôlés au moins chaque année.

Comme l'a fort justement rappelé le rapporteur du texte, M. Pierre Hérisson, alors que la tendance est au développement d'une protection très avancée dans tous les domaines de la vie sociale, afin de relayer la demande de nos concitoyens d'une sécurité accrue, voire du risque zéro, aussi surprenant que cela puisse paraître, les manèges et attractions ne sont soumis, en France, à aucun texte spécifique.

Cela tient, pour partie, à des raisons historiques qui ont fait de la fête foraine un espace de liberté. La réglementation en vigueur remonte à 1983 et il est bien évident que, près de vingt-cinq ans plus tard, il fallait prendre des dispositions strictes de sécurité et de contrôle, car les nouveaux manèges n'ont plus rien à voir avec ceux de 1983.

La sécurité des manèges et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction relève simplement de l'obligation générale de sécurité inscrite dans le code de la consommation. Une réglementation propre aux fêtes foraines en matière de sécurité est donc la bienvenue.

Aujourd'hui, on peut s'interroger sur le développement de la sophistication technique de ces attractions, dont le seul but est de répondre à la demande croissante de sensations fortes des personnes qui fréquentent les fêtes foraines et les parcs d'attraction. Il ne faut peut-être pas aller trop loin.

La place de l'industrie du loisir dans notre société ne cesse de s'accroître. Les manèges des fêtes foraines et des parcs d'attraction attirent en effet entre quatre-vingt-dix millions et cent millions de personnes par an. Du fait des évolutions technologiques, les manèges vont de plus en plus haut, de plus en plus vite, avec des accélérations parfois considérables.

À l'heure actuelle, nous nous intéressons à la fabrication, à la maintenance et au contrôle des structures de ces manèges. Mais sans doute faudrait-il examiner de plus près les conséquences de l'emploi de ces matériels sur la santé des utilisateurs. Certains nouveaux manèges sont beaucoup trop violents pour un grand nombre de personnes, qui l'ignorent sans doute avant d'y monter.

Selon un avis du 9 novembre 2006 de la Commission de la sécurité des consommateurs relatif à la sécurité des matériels d'attraction, les usagers des manèges consultent fréquemment pour des troubles survenus ultérieurement à l'exposition au risque, sans qu'il y ait eu nécessairement accident. Ils se plaignent de maux de tête, de bourdonnements d'oreilles, de douleurs aux cervicales, au dos, de vertiges ou de nausées. Ces troubles pourraient être les conséquences de leur exposition, sur les manèges, à des vitesses importantes, à de brusques changements de trajectoires, voire à des chocs mineurs sources de microtraumatismes.

Les manèges multidirectionnels, qui soumettent l'usager à de brusques alternances d'accélérations positives et négatives, seraient les plus néfastes, entraînant un phénomène de désorientation spatiale.

Il ne faut pas non plus négliger les accidents cardiovasculaires, moins fréquents et moins apparents dans les statistiques, mais sur lesquels les spécialistes s'interrogent.

Si l'on compte un faible taux apparent d'accidents, d'ailleurs souvent bénins, par rapport à la fréquentation des parcs de loisirs ou fêtes foraines, la Commission recense cependant une forte proportion d'accidents chez les enfants. La plupart des accidents répertoriés relèvent le plus souvent d'un défaut de comportement ou de surveillance des utilisateurs, d'un manque de vigilance des parents envers leurs enfants.

Le système de retenue des passagers de certains manèges n'est pas toujours adapté aux usagers de petite taille ou d'un poids trop léger. Certains manèges paraissent trop violents pour les enfants et devraient être réservés aux plus de 16 ans, par exemple. Il faudrait peut-être aussi se montrer plus strict sur les consignes de sécurité qui devraient être bien expliquées avant l'accès au manège.

Les causes et les circonstances d'accidents peuvent certes être liées à des défaillances matérielles - état de la structure révélant une surexploitation des équipements, défauts de maintenance, manque de contrôle en cours d'exploitation ou encore modification inappropriée de la structure - mais il ne faut pas négliger les troubles sur la santé que certains manèges peuvent provoquer chez les usagers.

Le groupe UMP se félicite de l'inscription à l'ordre du jour de nos travaux de cette proposition de loi et en remercie Mme le ministre de l'intérieur. Le protocole qui a été signé le 17 août dernier est donc conforté aujourd'hui par ce texte, qui devrait être suivi d'un décret et de deux arrêtés. Nous approuvons sans réserve le contenu de cette proposition de loi.

Je ne saurais terminer mon propos sans rendre hommage au rapporteur de la commission des affaires économiques, M. Pierre Hérisson, initiateur de ce texte déposé au mois de septembre dernier.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à la suite du dramatique accident survenu le 4 août 2007 à la Fête des Loges, la proposition de loi de notre collègue Pierre Hérisson a été présentée comme l'expression de la volonté commune des acteurs concernés, mais surtout de celle du Gouvernement et du Président de la République. En effet, deux jours après les faits, le Président de la République faisait une déclaration engageant l'intervention rapide du Gouvernement afin d'assurer une meilleure sécurité des manèges et des attractions foraines.

Si la manière laisse à penser que la réaction a été rapide, nous considérons au contraire qu'elle a été étonnamment longue. Car bien des accidents auraient pu être évités si la question des défaillances du contrôle et de la sécurité des installations foraines n'était pas tombée dans l'oubli depuis plusieurs années.

Rappelons qu'en 1995, à la suite de l'avis de la Commission de la sécurité des consommateurs relatif aux matériels d'attraction installés dans les parcs de loisirs permanents ou fonctionnant lors des fêtes foraines, la DGCCRF et la Direction de la défense et de la sécurité civile avaient rédigé un projet de décret sur la sécurité des matériels d'attraction, en s'appuyant sur l'article L. 221-3 du code de la consommation.

Or, en raison de l'opposition d'une partie des exploitants, tant aux mesures techniques proposées qu'aux contrôles approfondis plus onéreux, le gouvernement de l'époque n'y avait pas donné suite. Cela nous semble d'autant plus regrettable que la voie réglementaire, qui avait alors été choisie, nous paraît être la plus adaptée. D'ailleurs, à l'heure où l'on nous assène l'objectif de simplification du droit, on peut être légitimement surpris que la majorité propose l'intervention du législateur en ce domaine.

Sur le fond, nous sommes évidemment d'accord avec vous pour constater le caractère obsolète des règles du protocole de 1984. À ce titre, nous saluons le travail des professionnels et des collectivités locales dans la rédaction de la nouvelle convention, adoptée le 17 août dernier, afin de garantir une meilleure sécurité des manèges qui, du fait des innovations technologiques, vont toujours plus hauts, toujours plus vites et offrent toujours plus de sensations.

Toutefois, et vous avez eu raison de le rappeler, monsieur le rapporteur, dans la mesure où cette convention n'engage que ses signataires, il est nécessaire d'élaborer une réglementation nationale unique qui s'impose à tous.

Nous considérons que le règlement, comme en témoigne d'ailleurs la proposition de loi qui renvoie à un décret pour la plupart des dispositions nouvelles, aurait été suffisant pour traiter la question. En effet, en tant que « produits », les manèges relèvent de l'obligation de sécurité prévue à l'article L. 221-1 du code de la consommation, article qui impose aux professionnels d'assurer la sécurité de leurs équipements en matière de conception et d'exploitation.

En cas d'accident ou de danger grave et immédiat, encore une fois, le code de la consommation prévoit des dispositions : la suspension de l'activité du manège par la DGCCRF ou des mises en garde pour demander la mise en conformité du manège.

De plus, les maires ou, à défaut, les préfets, en vertu de leur pouvoir de police administrative, sont compétents pour imposer les mesures nécessaires au maintien de l'ordre public. Dans ce cadre, le ministère de l'intérieur a élaboré à l'attention des maires plusieurs circulaires relatives à la sécurité des matériels d'attraction.

Cela étant, puisque le Parlement est saisi - bien qu'une partie essentielle du fond relève du pouvoir réglementaire -, nous espérons que le Gouvernement sera en mesure de nous informer clairement sur le contenu des décrets qu'il entend prendre, d'autant que, nous a-t-on annoncé ce matin en commission, ces décrets seraient pratiquement « bouclés ».

Il serait inadmissible que les exigences en matière de sécurité des manèges restent en deçà de celles qui sont prévues dans la convention du 17 août 2007, tout comme il serait vain de fixer le principe d'impartialité et d'indépendance des organismes de contrôle sans que le Gouvernement nous informe de la procédure d'agrément qu'il va arrêter.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

J'en viens au contenu de la proposition de loi.

L'article 1er reprend les dispositions de l'article L. 221-1 du code de la consommation en précisant qu'elles s'appliquent aux manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou pour parcs d'attraction. En bref, jusqu'à présent, le code de la consommation était applicable à ces installations ; désormais, il ne le sera plus, mais une disposition identique « hors code » posera exactement la même règle pour les matériels précités. Dès lors, on comprend mal l'utilité d'une telle mesure au regard de l'objectif, qui est de garantir une meilleure sécurité.

L'article 2, quant à lui, crée une obligation de contrôle technique initial et périodique des manèges et installations foraines et prévoit que les contrôles techniques seront effectués par des organismes agréés par l'État.

Enfin, l'article 3 dispose : « Un décret en Conseil d'État définit les exigences de sécurité auxquelles doivent satisfaire les manèges, machines et installations visés à l'article 1er, le contenu et les modalités du contrôle technique ainsi que les conditions et les modalités d'agrément des organismes de contrôle technique ».

Si les articles 2 et 3 sont exemplaires dans leur principe, il apparaît qu'ils soulèvent encore de nombreuses questions.

Tout d'abord, quelle qualité et quelles exigences est-on prêt à imposer aux professionnels pour que la sécurité des personnels et des utilisateurs soit assurée ?

À l'échelon européen, le Comité européen de normalisation a publié une norme NF EN 13814 intitulée « Machines et structures pour fêtes foraines et parcs d'attraction - Sécurité ». Or la publication de cette norme a été retardée en France, et ce pour plusieurs raisons. Il semblerait notamment que certains exploitants forains se soient opposés à plusieurs points du texte : l'âge minimum requis pour la conduite des manèges ou la tenue des stands ; la périodicité des contrôles ; l'absence de prise en compte, pour déterminer la nature et la périodicité des contrôles, du type d'équipement considéré, de sa taille, de sa vétusté, des opérations de montage et démontage qu'il subit...

Nos collègues socialistes ont déposé un amendement tendant à ce que les manèges, machines et installations concernés soient conformes à la norme NF EN 13814. Ils pointent là, et à juste titre, la question de la teneur des contrôles.

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

Cependant, le respect de la norme précitée nous paraît constituer un faible garde-fou, même s'il est vrai que cela permettrait de rendre ces dispositions applicables aux divertissements construits avant la publication de la norme, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

Il semblerait que le texte européen ait évolué vers une harmonisation par le bas. Selon l'ANEC, l'Association européenne pour la coordination de la représentation des consommateurs dans la normalisation, la norme européenne « offre moins de sécurité aux consommateurs, notamment en baissant la fréquence des inspections de sécurité, qui passent d'une fois par an à une fois tous les cinq ans. Au fil des années, l'orientation globale du projet de norme a changé. Alors qu'il était question, à l'origine, de renforcer la sécurité, on se retrouve aujourd'hui avec une norme qui se contente de fixer le niveau de sécurité le plus bas au sein de l'UE ».

Debut de section - PermalienPhoto de Odette Terrade

La fréquence des contrôles initiaux et des contrôles périodiques est un élément essentiel de la garantie d'une bonne sécurité. Il serait selon nous utile, comme l'avait recommandé la Commission de sécurité des consommateurs, que chaque attraction ait un carnet de vie qui recenserait les incidents techniques et les interventions survenus lors de son transport ou de son exploitation.

Par ailleurs, il ne serait pas superflu, puisque le marché de l'occasion représente 70 % du parc total des machines, qu'à chaque cession de matériel un contrôle technique soit obligatoire.

Il est également nécessaire que le contenu de ce contrôle soit à la mesure des évolutions techniques des appareils, et aussi exhaustif que possible. Se pose alors la question de la compétence de l'autorité de contrôle.

Les maires n'ont pas la compétence technique pour effectuer le contrôle des installations et des terrains ; le rapport considère qu'ils ne peuvent que procéder à un contrôle documentaire. La DGCCRF rencontre les mêmes difficultés techniques, mais elle est en outre confrontée à des contraintes liées au fait qu'elle manque de personnel pour répondre aux missions qui lui sont confiées par le code de la consommation.

En bref, le contrôle des manèges et autres installations foraines est confié soit à des bureaux de contrôle dont les coûts sont exorbitants, soit à d'anciens forains, ce qui pose quelques problèmes en termes d'indépendance.

La proposition de loi prévoit les dispositions nécessaires afin que des organismes indépendants et agréés par l'État exercent ce contrôle. Cependant, celui-ci demande un savoir-faire spécifique. Ma question est donc toute simple : à qui va-t-on le confier si ce n'est à d'anciens professionnels ?

Il va falloir former des personnels de contrôle ; pourquoi, dès lors, ne pas renforcer les effectifs de la DGCCRF et leur donner une compétence élargie ? Si l'on se contente d'agréer des organismes existants, il est probable que cela n'aura pas les effets escomptés.

Au-delà du contrôle technique des installations, et au regard de la nature des accidents qui peuvent survenir dans de telles manifestations, nous pensons également que l'information du public sur les consignes de sécurité à respecter et sur les risques spécifiques à certaines personnes doit être renforcée.

Le niveau de technologie et de performance atteint aujourd'hui par les matériels, l'ouverture possible des marchés à de nouveaux constructeurs étrangers à l'Union européenne, imposent la détermination d'un cadre réglementaire national pour améliorer les garanties de sécurité offertes aux consommateurs. Cependant, cette nouvelle réglementation serait totalement inutile si les moyens en termes de personnels et de qualification ne l'accompagnaient pas.

Nous voterons donc ce texte, monsieur le secrétaire d'État, mais nous resterons attentifs aux décrets d'application ainsi qu'à votre position si, au moment du budget, nous proposions d'augmenter les moyens alloués aux administrations compétentes.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

La parole est à M. le secrétaire d'État.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, secrétaire d'État

Je voudrais apporter quelques éléments de réponse aux orateurs qui ont pris part à la discussion générale.

Monsieur Pastor, vous avez rappelé à quel point il était nécessaire de mettre en oeuvre cette nouvelle législation, compte tenu des nombreux accidents. Vous avez souligné que le protocole existant est assurément devenu insuffisant eu égard à la nouvelle technicité de ces outils.

Quant à l'harmonisation européenne, en particulier en ce qui concerne la norme qui a été citée, je pense que j'aurai l'occasion de vous rassurer lors de la discussion de l'amendement que vous avez déposé sur ce sujet puisque le décret d'application se référera clairement à cette norme.

Vous êtes également revenu, monsieur le sénateur, sur l'importance de la loi relative à la sécurité des piscines que le Parlement a votée, et vous avez interpellé le Gouvernement sur son application. Sachez que, à la suite de travaux de la DGCCRF et de la Commission de sécurité des consommateurs - j'ai été très sensible au rapport de cette dernière -, j'ai eu l'occasion d'alerter ma collègue Christine Boutin, ministre du logement, qui a la responsabilité de la mise en oeuvre de cette loi et de son amélioration.

Madame Henneron, vous avez à votre tour rappelé l'importance de la proposition de loi, compte tenu de l'évolution technologique des manèges - toujours plus de sensations, toujours plus de vitesse -, et vous avez également évoqué les consignes de sécurité. Je rappelle que celles-ci sont aujourd'hui de la responsabilité des fabricants, mais qu'elles sont bien entendu contrôlées par nos services compétents en la matière, à savoir la DGCCRF.

À la suite des incidents et des accidents mortels survenus cet été, j'ai demandé à la DGCCRF de renforcer son action et, m'étant rendu ces dernières semaines dans de nombreux parcs d'attraction, j'ai pu constater que l'information des consommateurs s'était beaucoup améliorée sur tous ces points.

Madame Terrade, vous avez posé plusieurs questions importantes.

Vous vous êtes d'abord interrogée sur le changement qu'apportera la mise en place par la loi des nouveaux organismes de contrôle.

Aujourd'hui, les contrôles techniques périodiques sont réalisés sur une base volontaire, dans le cadre de la convention du 17 août dernier, par les différents organismes qui interviennent de manière habituelle dans ce domaine et qui ne disposent pas encore d'agrément.

Le texte de la proposition de loi de M. Hérisson prévoit que les organismes de contrôle technique seront agréés par le ministre de l'intérieur. Une commission, composée de représentants des pouvoirs publics, des propriétaires ou exploitants, des organismes de contrôle technique, d'élus et de personnalités qualifiées, se prononcera sur les critères d'indépendance - c'est à juste titre que vous les avez évoqués - et de compétence des organismes intéressés, qui devront notamment déposer un dossier de candidature.

Vous avez également évoqué l'articulation entre la convention du 17 août 2007 et le futur dispositif introduit par la proposition de loi en discussion. Je rappelle que ladite convention constitue un contrat entre les professionnels tout en impliquant les maires et les administrations, et qu'elle cessera de produire ses effets dès que le nouveau dispositif entrera en vigueur, après l'adoption de cette loi.

Telles sont, monsieur le président, les précisions que je tenais à apporter à votre assemblée à l'issue de la discussion générale.

Les manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction ou tout autre lieu d'installation ou d'exploitation, doivent, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, être conçus, construits, installés, exploités et entretenus de façon à assurer la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 3, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Les machines de levage ou portage de personnes doivent être conçues, construites ou équipées de façon que les accélérations et décélérations de l'habitacle ne créent pas de risques pour les personnes.

La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

Certains accidents atypiques survenus sur des attractions dites « extrêmes » - car c'est bien de cela qu'il s'agit -, qui, par des dénivelés de plus de 150 mètres à la verticale, par des loopings ou des systèmes de lancement des passagers, atteignent en quelques secondes des accélérations de + 6 G ou - 6 G, ont conduit les médecins à s'interroger sur l'innocuité de ces équipements. Les autorités américaines envisagent même l'interdiction des manèges développant plus de 4 G d'accélération.

La Commission de sécurité des consommateurs a formulé plusieurs remarques à propos de ce type de manèges.

Une récente étude du docteur Jürgen Kuschyk montre en effet que, sur ces manèges, le coeur atteint en quelques secondes un rythme très élevé, passant de 70 à 153 battements par minute. Le temps d'exposition à ces vitesses, très court, n'aurait aucune conséquence pour les personnes en bonne santé, mais serait potentiellement dangereux pour celles qui sont sujettes à des troubles cardiovasculaires ou neurologiques tels que tension élevée, tachycardie, arythmie, épilepsie...

N'étant pas moi-même médecin, je ne reprendrai pas le plaidoyer médical, car je ne voudrais pas parler de choses que je ne connais pas. Je souhaite néanmoins souligner un certain nombre d'interrogations sur le sujet.

On est en droit de s'inquiéter tout particulièrement des effets des manèges multidirectionnels, car ceux-ci entraînent un phénomène de désorientation spatiale chez les usagers et des contraintes proches de celles que subissent les pilotes de voltige, hautement dangereuses du fait de la brusque alternance des accélérations positives et des accélérations négatives.

Il convient donc, me semble-t-il, que le législateur y porte une attention particulière à l'occasion de l'examen de la présente proposition de loi - c'est la première fois que cet aspect des questions de sécurité est évoqué -, d'autant que celle-ci constitue la suite logique de la convention du 17 août dernier entre le gouvernement, l'AMF et les forains et qu'une disposition semblable figure dans la directive européenne du 17 mai 2006 relative aux machines. Donc, je n'invente rien !

L'article 1er précise que les manèges et les équipements doivent être conçus de façon à assurer la sécurité des personnes. Je suis tout à fait d'accord avec cette mesure, mais encore faut-il que la loi fixe des limites à la recherche permanente du « sensationnel », plus spécialement pour les attractions de quatrième catégorie, c'est-à-dire les plus dangereuses. Tel est le sens de l'amendement n° 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Le présent amendement tend à soumettre les machines de levage et de portage de personnes à une obligation de sécurité.

Ce qui est vrai pour l'ensemble des manèges dans cette proposition de loi l'est à plus forte raison pour une catégorie d'entre eux, les manèges dits « extrêmes », qui sont évidemment visés par la directive.

Cet amendement ne fait que répéter l'obligation générale de sécurité des manèges prévue à l'article 1er. L'ensemble des manèges, et pas seulement les plus rapides d'entre eux, devront, en vertu de cette loi, ne pas porter atteinte à la santé des personnes.

Dans ces conditions, mon cher collègue, votre amendement est satisfait et la commission vous demande donc de le retirer.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, secrétaire d'État

Le Gouvernement partage l'avis de M. le rapporteur. Il considère, en effet, que cet amendement n'apporte pas d'éléments nouveaux au regard des dispositions qui figurent déjà dans le texte et qui visent, d'une part, à assurer la sécurité et, d'autre part, à ne pas porter atteinte à la santé des personnes. Les phénomènes d'accélération et de décélération que vous avez évoqués, monsieur le sénateur, sont bien entendu inclus dans ces notions générales de sécurité et de santé.

Nous craignons que le fait de mettre en exergue ces phénomènes ne se traduise a contrario par la seule prise en compte de ce type de risque. C'est la raison pour laquelle, monsieur le sénateur, le Gouvernement demande le retrait de votre amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

Oui, monsieur le président, car je ne suis qu'à moitié convaincu par les explications qui viennent d'être données.

La proposition de loi qui nous est soumise est un texte générique sur la santé des utilisateurs. Une formule 1 ne se conduit pas comme une voiture de tourisme ! Il s'agit de deux véhicules totalement différents et, pourtant, l'un et l'autre sont des voitures. Nous sommes exactement dans le même cas de figure ! La sagesse nous commande de fixer des limites pour les manèges dits « extrêmes », même s'ils ne représentent que 1 ou 2 %.

Lors de l'accident qui a eu lieu au mois d'août, des personnes sont restées pendant près de sept heures à plus de soixante-dix mètres de hauteur ; le département ne disposait d'aucune échelle permettant d'atteindre cette hauteur pour les secourir. Pourtant, c'était un manège comme les autres.

J'estime que les manèges de quatrième catégorie méritent une attention particulière.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Les accélérations supérieures à 6 G peuvent avoir des incidences sur la santé. Les manèges dits « extrêmes » devraient donc relever d'une réglementation spécifique. Lors des entraînements, les pilotes d'avion ou de formule 1 sont soumis à des accélérations très brutales progressivement.

Je ne comprends pas que vous n'ayez pas répondu sur ce point à mon collègue Jean-Marc Pastor.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 1 rectifié, présenté par M. Pastor et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Tout nouveau manège, machine et installation pour fêtes foraines ou pour parcs d'attraction mis en service en France doit être conforme à la norme NF EN 13814 à compter de la publication de la présente loi.

La parole est à M. Michel Teston.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Comme Jean-Marc Pastor l'a précisé lors de la discussion générale, nous vous proposons, par cet amendement, de rendre obligatoire l'application de la norme NF EN 13814 pour tous les nouveaux matériels mis en service. C'est le moins que l'on puisse faire, me semble-t-il, quand il s'agit de la vie de nos concitoyens.

Les normes sont, par nature, des référentiels d'application volontaire. Mais le principe de la référence aux normes homologuées dans les réglementations est chose courante et cette pratique est encouragée depuis l'entrée en vigueur du décret n° 84-74 du 26 janvier 1984.

Il est, certes, très exceptionnel que les normes soient rendues d'application obligatoire. En l'espèce, vous nous proposez, monsieur le rapporteur, de faire de la norme NF EN 13814 une simple référence technique utilisée pour définir les exigences de sécurité auxquelles doivent satisfaire les manèges, les machines et les installations actuellement en service.

Nous vous suggérons d'aller plus loin et de rendre cette norme d'application obligatoire pour tous les manèges qui entreront en service à compter de la promulgation de cette loi. Ainsi, la profession se conformera peu à peu à la norme de sécurité reconnue par toutes les institutions au niveau européen en se fournissant en matériel conforme.

Cette norme européenne spécifie, en effet, les exigences minimales pour assurer que la conception est sûre, ainsi que le calcul, la construction, l'installation, la maintenance, l'exploitation, le contrôle et les essais des machines et des structures mobiles, installées provisoirement ou définitivement, par exemple les manèges, les balançoires, les embarcations, les grandes roues, les montagnes russes, les toboggans, les tribunes, etc.

Bien sûr, nous admettons que la profession aurait très certainement beaucoup de mal à s'adapter rapidement à une obligation totale visant tous les matériels actuellement en service. C'est la raison pour laquelle nous proposons une application graduelle dans le temps qui, sans être incompatible avec le dispositif que vous nous proposez pour le matériel existant, sécurise l'avenir en assurant la traçabilité et la visibilité du référentiel de sécurité à prendre en compte par les professionnels à partir d'aujourd'hui.

S'agissant du matériel existant, nous vous proposerons d'autres amendements pour aller encore plus loin dans la recherche de sécurité.

Pour l'heure, le présent amendement a en outre l'intérêt de rendre cette loi utile. Était-il besoin de passer par le Parlement ? Vous avez décidé de le faire ! Pourtant, l'article 12 du décret n° 84-74 du 26 janvier 1984 permet au ministre chargé de l'industrie de rendre obligatoire par arrêté, avec le contreseing des autres ministres intéressés, une norme française homologuée ou une norme étrangère reconnue équivalente en vertu d'accords internationaux : « Si des raisons d'ordre public, de sécurité publique, de protection de la santé et de la vie des personnes et des animaux [...] rendent une telle mesure nécessaire, l'application d'une norme homologuée, [...] peut être rendue obligatoire par arrêté du ministre chargé de l'industrie et, le cas échéant, des autres ministres intéressés.». Donc, nul besoin de passer par la loi !

Ce décret ainsi que des décrets pris en application de l'article L. 221-1 du code de la consommation auraient pu suffire. D'ailleurs, monsieur le secrétaire d'État, c'est probablement l'option qui prévalait avant que le Gouvernement ne choisisse d'élaborer une loi en réponse à chaque fait divers dramatique survenant dans notre pays.

En tout cas, puisque vous avez choisi la voie législative, notre amendement permet, nous semble-t-il, d'améliorer sensiblement ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Nous avons bien entendu toutes les remarques qui ont été formulées.

M. Pastor et les membres du groupe socialiste souhaitent inscrire, dès l'article 1er, la référence à la norme EN 13814 qui a été publiée par l'AFNOR. Ceux qui souhaitent consulter cette norme peuvent le faire ; je signale simplement qu'il s'agit d'un document volumineux. Ladite norme spécifie des exigences en matière de conception, de construction, d'installation, de maintenance, d'exploitation des équipements de loisirs, dont les manèges.

J'attire votre attention sur le fait que les dispositions concernées sont de nature réglementaire ; elles n'ont pas leur place dans un texte de loi, d'autant que le projet de décret y fait explicitement référence dans son article 2. Je pense que vous nous apporterez des précisions à cet égard, monsieur le secrétaire d'État.

Cela devrait être de nature à rassurer nos collègues. C'est la raison pour laquelle la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, secrétaire d'État

Monsieur le sénateur, le décret d'application va en effet introduire la référence à la norme que vous avez évoquée à plusieurs reprises. Cette référence n'a pas vocation à figurer dans la loi parce qu'il serait restrictif de se fonder sur le seul référentiel de la norme NF ; cela pourrait constituer un obstacle aux échanges.

Par ailleurs, il y a davantage de souplesse dans les modifications apportées aux normes lorsqu'il y est fait référence par décret plutôt que par voie législative.

Nous devons donc nous en tenir au décret.

Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement. À défaut, il émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Le groupe socialiste a pris bonne note de l'engagement pris par M. le secrétaire d'État de faire en sorte que le décret d'application reprenne intégralement les mesures prévues dans notre amendement.

Dans ces conditions, l'amendement est retiré.

L'article 1 er est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 5, présenté par M. Pastor et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les mesures prises doivent avoir pour objectif de supprimer tout risque durant la durée d'existence prévisible du manège ou de la machine, y compris les phases de transport, de montage, de démontage, de mises hors service et de mise au rebut.

La parole est à M. Michel Teston.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Cet amendement vise à fixer un objectif de sécurité pendant la durée d'existence prévisible du manège ou de la machine en tenant compte des contraintes spécifiques d'exploitation lors des fêtes foraines, lesquelles nécessitent montage, démontage et transport. Une telle disposition figure d'ailleurs dans la directive n° 2006-42-CE du 17 mai 2006 relative aux machines.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Cet amendement est plutôt généraliste et vague dans sa formulation en ce qu'il crée un objectif de suppression de tout risque. La proposition de loi est plus exigeante puisqu'elle prescrit une obligation de sécurité, et non un objectif de sécurité.

Si l'objet de cet amendement est la prise en compte de la spécificité des manèges forains démontés et remontés constamment, celle-ci relève du domaine réglementaire, la loi ne faisant que poser des principes généraux.

Je vous demande donc, monsieur Teston, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, la commission émettra un avis défavorable.

Je rappelle qu'à la différence des décrets d'application la loi est de portée générale ; le président du Conseil constitutionnel l'a lui-même indiqué.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, secrétaire d'État

Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Oui, monsieur le président, je maintiens cet amendement qui fait explicitement référence à la directive européenne.

L'amendement n'est pas adopté.

Les manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction ou tout autre lieu d'installation ou d'exploitation sont soumis à un contrôle technique initial et périodique portant sur leur état de fonctionnement et sur leur aptitude à assurer la sécurité des personnes. Ce contrôle technique, effectué par des organismes agréés par l'Etat, est à la charge des exploitants.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 4, présenté par M. Pastor et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par les mots :

qui tiendront à jour un carnet de vie du manège ou des machines conformément à un contenu défini par décret.

La parole est à M. Daniel Raoul.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Avant de présenter cet amendement, j'aimerais avoir l'avis de M. le secrétaire d'État sur les machines dont l'accélération ou la décélération est supérieure à 6 G, et qui peuvent être dangereuses pour les personnes souffrant de maladies cardiovasculaires ou neurologiques. Je puis vous assurer que des cas avérés ont été recensés.

Comme l'indique le rapport de notre collègue Pierre Hérisson, en vertu de l'article L.221-1 du code de la consommation, les manèges relèvent, en tant que produits, de l'obligation générale de sécurité qui impose aux professionnels d'assurer la sécurité de leurs équipements. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes a pour mission de veiller au respect de ces obligations.

En l'absence de risque avéré, les professionnels doivent être en mesure de prouver à l'administration par tout moyen - certificats de conformité à un référentiel technique délivré par le fabricant ou un bureau de contrôle, attestations de sécurité, carnet d'entretien, etc. - qu'ils respectent ledit article.

En cas d'accident ou de danger grave et immédiat, l'activité d'un manège peut être suspendue par la DGCCRF en vertu des articles L. 221-5 et L. 221-6 du code de la consommation ; des mises en garde peuvent également être envoyées aux professionnels pour en demander la mise en conformité, conformément à l'article L. 221-7 du même code.

Mais, comme le relève le rapport, la DGCCRF n'exerce, faute de compétence technique, aucune action de surveillance préventive des matériels d'attraction, qu'il s'agisse d'une enquête diligentée au niveau local ou national. Les interventions après accident restent peu nombreuses et leur mise en oeuvre n'est pas systématique.

Quant aux autorisations de reprise de l'exploitation des attractions, elles se fondent sur des certificats de conformité délivrés par des bureaux de contrôle dans le cadre du protocole de 1984, qui est considéré comme obsolète.

Ce protocole ne prévoit pas de carnet de vie du manège, alors même que des certificats de conformité sont délivrés « sous réserves » de réparations à effectuer par l'exploitant. Sans carnet de vie, il est difficile de vérifier ultérieurement si les travaux de mise en conformité ont été effectués, d'autant qu'il n'est pas aisé pour un bureau technique, du fait des déplacements des manèges, de revoir un même manège entre deux contrôles, dont la fréquence est, rappelons-le, triennale.

Il importe donc que le texte que vous nous proposez d'adopter prévoie que l'exploitant de manège tienne à jour, pour chaque attraction, un carnet de vie recensant notamment les incidents techniques, interventions et accidents de personnes survenus lors du transport ou de l'exploitation de l'équipement.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que, dans nos communes, nous nous devons de fournir pour tout équipement un carnet de vie, qui est un cahier d'entretien, sur lequel nous devons reporter tous les incidents qui peuvent se produire. Il serait anormal que cette obligation ne soit pas prévue pour ces manèges.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

L'article 6 du projet de décret prévoit que la nature et la date des opérations d'entretien, des vérifications et des réparations effectuées sont consignées par l'exploitant dans un dossier technique constitué pour chaque matériel. Certes, on pourrait modifier la rédaction, mais à quoi bon l'inscrire dans la loi !

Toutefois, la commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement sur ce point.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, secrétaire d'État

Cette disposition, très précise, et qui répond à une interrogation légitime, fait partie des éléments organisationnels du fonctionnement des manèges - à savoir le dossier technique par matériel, le rapport du contrôle technique ou l'attestation de bon montage - prévus dans le décret d'application, car elle est de nature réglementaire.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement vous demande, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je prends acte de votre engagement, monsieur le secrétaire d'État, d'autant que les projets de décret sont déjà prêts, ce qui est plutôt rare. Mais lorsque nous avons rédigé nos amendements, nous ne les avions pas à notre disposition.

Comme nous sommes satisfaits par la réponse de M. le secrétaire d'État, nous retirons l'amendement n° 4, monsieur le président.

En revanche, vous n'avez toujours pas répondu, monsieur le secrétaire d'État, à ma question relative à l'interdiction des manèges dont les accélérations ou décélérations dépassent 6 G. Si vous pouviez m'apporter une réponse rapide, j'en serais ravi.

L'article 2 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Pastor et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tout exploitant de manèges, machines et installation pour fêtes foraines ou parcs d'attraction est tenu de faire connaître au public, par voie d'affichage, le nom de l'organisme certificateur et la date de la dernière visite de contrôle de l'équipement.

La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

Compte tenu des exigences de transparence formulées par les consommateurs, de plus en plus soucieux de la qualité des biens et services qu'ils achètent, et en raison des enjeux et des risques encourus par ceux-ci quand ils empruntent un manège, il est logique de leur proposer une information claire sur la qualité des contrôles qui ont été effectués.

Si l'application de la norme NF EN 13814 ne peut être généralisée de manière automatique pour tous les appareils, l'obligation d'affichage permettra aux consommateurs de prendre connaissance des contrôles effectués par l'exploitant lui-même.

D'un coût marginal pour l'exploitant, cette mesure permettra en outre de faciliter l'information de tous : le consommateur, qui n'a pas connaissance des obligations spécifiques et techniques applicables, trouve ainsi dans l'affichage la garantie supplémentaire que toutes les mesures ont été prises pour assurer sa sécurité.

Nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter cet amendement, qui permet d'améliorer sensiblement le texte proposé.

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Hérisson

Cet amendement, qui vise à une meilleure information du public, me paraît pertinent. Il s'inscrit de façon privilégiée dans cette proposition de loi.

En conséquence, la commission émet un avis favorable.

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

M. Jean-Marc Pastor. C'est mon argumentaire qui l'a fait changer d'avis !

Sourires

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, secrétaire d'État

Le Gouvernement n'avait pas prévu d'inscrire cette disposition dans le projet de décret qui vous a été transmis. Toutefois, nous sommes sensibles à vos arguments, et celle-ci peut figurer soit directement dans cette proposition de loi, soit dans le décret.

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

Permettez-moi de profiter de l'occasion qui m'est donnée pour répondre à la question que m'a posée tout à l'heure M. Raoul.

Il n'existe aujourd'hui aucune disposition législative sur les manèges dont l'accélération ou la décélération est supérieure à 6 G. Mais les professionnels informent les publics les plus fragiles des dangers, au moyen de pictogrammes ou de messages d'alerte.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié.

Je constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité des présents.

Un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 2.

Un décret en Conseil d'État définit les exigences de sécurité auxquelles doivent satisfaire les manèges, machines et installations visés à l'article 1er, le contenu et les modalités du contrôle technique ainsi que les conditions et les modalités d'agrément des organismes de contrôle technique. -

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Avant de mettre aux voix les conclusions modifiées du rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Marc Pastor, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

Certes, cette proposition de loi n'est peut-être pas fondamentale pour notre pays, mais elle a son importance dans la mesure où c'est la première fois que nous allons légiférer sur des questions touchant à la sécurité de nos concitoyens.

Elle mérite toute notre attention, car nos collègues maires ont indirectement une responsabilité chaque fois qu'ils accueillent de tels équipements sur le territoire de leur commune. Il était donc essentiel de fixer un cadre pour faciliter la vie des uns et des autres.

Lors de la discussion générale, vous l'aurez remarqué, mes chers collègues, je n'ai pas indiqué la façon dont voterait le groupe socialiste.

Nous avons déposé cinq amendements de nature à améliorer la rédaction de cette proposition de loi. Trois d'entre eux ont trouvé une issue favorable : deux seront satisfaits par le futur décret et le troisième vient d'être adopté à l'unanimité.

En tant que parlementaire de l'opposition, je vous l'avoue franchement, c'est la première fois que cela m'arrive !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Pastor

Si cela se produisait plus souvent, je suis convaincu que la vie de la société française s'en trouverait améliorée. À titre d'encouragement, nous voterons donc cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix les conclusions modifiées du rapport de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi n° 463.

Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité des présents. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

(Ordre du jour réservé)

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

proposition de loi d'orientation sur les finances locales relative à la solidarité financière et à la justice fiscale, présentée par M. François Marc et les membres du groupe socialiste et plusieurs de leurs collègues. (nos 17, 59).

Je rappelle, mes chers collègues, que, s'agissant des propositions de loi inscrites à notre ordre du jour réservé, dans le cadre du « droit de tirage » des groupes, la conférence des présidents du 6 décembre 2006 a décidé que l'auteur de la proposition de loi, quand il n'est pas rapporteur, ouvrirait le débat et disposerait d'un temps de parole spécifique de quinze minutes.

Dans la discussion générale, la parole est à M. François Marc, auteur de la proposition de loi

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la France a-t-elle besoin d'une urgente réforme des finances locales ? Oui, sans aucun doute ! Cela fait d'ailleurs au moins trente ans que le besoin d'une ambitieuse réforme est régulièrement mis en avant par les uns ou les autres, tant au sein de toutes les associations d'élus que dans les multiples colloques organisés sur le sujet. Pourtant, rien ne bouge vraiment.

Réformer les « quatre vieilles », répartir autrement les dotations de l'État, introduire plus de péréquation : les axes essentiels de la réforme souhaitée sont aujourd'hui clairement identifiés dans une sorte de consensus d'intention. Alors, de quoi a-t-on aujourd'hui besoin pour concrétiser cette réforme ? La réponse est simple : nous avons besoin d'une vraie volonté politique.

Se dire favorable à une nécessaire réforme des finances locales dans les rapports et les discours est une chose ; faire en sorte de concrétiser dès à présent celle-ci par un travail législatif en est une autre. La présente proposition de loi s'inscrit dans cette exigence de transformation des discours vertueux en actes courageux.

Chers collègues, il y a urgence !

Depuis 2002, la situation financière des collectivités a subi les effets déstabilisateurs de la décentralisation, lesquels conduisent notamment à un transfert de fiscalité de l'État vers une fiscalité locale, dont on dénonce régulièrement l'archaïsme du dispositif de prélèvement.

Nul ne conteste aujourd'hui le fait que l'État a, au travers de transferts de charges non compensés, fragilisé les ressources des collectivités les plus exposées.

Au surplus, et même si elles ont connu d'utiles simplifications, les dotations de l'État aux collectivités sont contestées dans leurs modalités de répartition. La péréquation, quant à elle, ne fonctionne pas de façon satisfaisante. On constate, dès lors, d'énormes disparités de potentiel financier entre les collectivités, surtout d'ailleurs entre les communes.

Dans ces conditions, se trouve posée la question de l'égalité de nos concitoyens devant le service public de proximité délégué aux collectivités territoriales ou locales. Je pourrais prendre l'exemple de l'école communale pour illustrer cet état de fait : dans une commune pauvre, la qualité des infrastructures et des prestations offertes aux citoyens est inévitablement plus modeste que dans une commune richement dotée.

Il nous paraît donc urgent d'agir, et d'agir avec pragmatisme et réalisme.

Mes chers collègues, ne voyez dans cette proposition de loi aucune prétention à servir je ne sais quel « grand soir » de la fiscalité locale. S'agissant d'une loi d'orientation, ce texte a néanmoins vocation à ouvrir la voie à un processus de reconstruction du système financier local. Fruit d'une réflexion depuis longtemps engagée, il s'appuie sur une volonté de correction d'inégalités criantes et de promotion d'une péréquation sensiblement améliorée.

Cette proposition de loi se veut annonciatrice d'évolutions complémentaires. Elle constitue un signal législatif fort en écho aux préoccupations régulièrement exprimées par les élus et d'ailleurs connues de tous.

Le manifeste cosigné voilà un mois seulement par les instances dirigeantes des élus, qu'il s'agisse de l'Association des maires de France, l'AMF, de l'Assemblée des départements de France, l'ADF, ou de l'Association des régions de France, l'ARF, nous en donne un bon aperçu.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Les trois instances sont unanimes sur l'urgence d'une réforme d'ensemble de la fiscalité locale.

Leurs priorités sont claires. Tout d'abord, il convient de restaurer l'autonomie fiscale des collectivités. Ensuite, il faut opérer un transfert de ressources fiscales, par exemple au travers de la création d'un impôt local nouveau. Le rapport fait notamment état d'une « taxe départementale additionnelle à la CSG », dont le produit serait affecté aux départements. Enfin, il est nécessaire d'assurer une plus forte péréquation.

Ces revendications, somme toute légitimes, interviennent dans un contexte général d'insatisfaction des élus locaux.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Les évolutions récentes, liées notamment à l'« Acte II de la décentralisation », ont en effet nourri la méfiance, parfois la colère, des collectivités locales. Vous en avez tous fait l'expérience dans vos territoires, mes chers collègues, les réformes gouvernementales instituées ces dernières années ont été douloureusement ressenties. Les charges locales se sont considérablement accrues sous l'effet de la décentralisation et la promesse de l'État de compenser les transferts « à l'euro près » a fait long feu.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Et que dire des réformes avortées, dont on a tant attendu et qui ont tant déçu ?

Ainsi, la taxe foncière sur les propriétés non bâties, TFNB, au lieu d'être réformée comme il avait été annoncé, n'a connu qu'un allégement. Elle étoffe ainsi un peu plus un incroyable maillage de dégrèvements et d'abattements !

Mais surtout, la « réformette » de la taxe professionnelle - on ne saurait en effet la qualifier de réforme ! - a eu des effets redoutables.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Le gouvernement de l'époque, plutôt que de suivre les recommandations de la commission Fouquet, a fait le choix de simples « retouches cosmétiques » de cet impôt. Le montage hybride auquel on a abouti laisse le champ libre aux optimisations fiscales. Surtout, il dépouille les collectivités locales de leur capacité de décision sur leur principale ressource fiscale. On parle aujourd'hui d'environ 600 millions d'euros de pertes annuelles de recettes pour les collectivités.

Cette pratique de l'État qui consiste à disposer des ressources des collectivités locales sans les consulter n'est pas acceptable. Le rapporteur, M. Michel Mercier, que l'on a souvent entendu décrier cet état de fait dans cet hémicycle, sera certainement d'accord avec moi pour dire qu'un tel comportement ne peut que nourrir l'insatisfaction générale des élus locaux.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Sur cette question précise comme sur beaucoup d'autres, il est regrettable que les avis émis dans de nombreux rapports, conférences et autres études officielles n'aient pas été suivis.

Ainsi, dans son rapport de décembre 2005, Michel Pébereau recommandait déjà à l'État de ne plus imposer unilatéralement aux collectivités de nouvelles ponctions de ressources. De même, des études récentes ont préconisé des moyens concrets pour améliorer notre dispositif de fiscalité locale et pour redonner des marges de manoeuvre aux collectivités. À ce sujet, j'évoquerai principalement deux idées-force récurrentes : d'une part, l'autonomie et, d'autre part, la péréquation.

Dans tous les rapports abordant la question des finances locales entre 2000 et 2006, les auteurs ont plaidé pour de tels objectifs.

Dans le rapport Mauroy, la création d'une CSG locale est déjà préconisée et l'amélioration des mécanismes de péréquation est envisagée.

En 2005, dans le rapport Pébereau, il est fait le même constat d'une nécessaire amélioration de l'autonomie financière des collectivités et du dispositif de péréquation.

En 2006, dans le rapport Valletoux, il est proposé de faire de la péréquation « un élément constitutif de la nouvelle donne ». Dans le deuxième pivot central de cette étude, où est abordée l'affectation de ressources propres à chaque niveau territorial, l'idée d'une CSG départementale est également avancée.

La même année, dans le rapport Richard, que le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, M. Jean-François Copé, qualifiait en son temps de « fondateur », il est aussi proposé de « renforcer la part des concours financiers de l'État dédiée à la péréquation entre collectivités et les répartir en priorité en fonction du potentiel fiscal de la collectivité et du revenu moyen par habitant. ».

Mais les experts ne sont pas les seuls à considérer ces deux objectifs comme les axes forts d'une ardente obligation de réforme. Le renforcement de la péréquation et de l'autonomie financière des collectivités locales est un enjeu sur lequel tout le monde paraît s'accorder aujourd'hui.

Ainsi, le président Poncelet, que tout le monde connaît bien, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. On l'a déjà rencontré !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

... lors de son intervention devant l'ADF, le 18 octobre dernier, a plaidé pour une refondation du financement des collectivités territoriales : « Pourquoi ne pas considérer, par exemple, la CSG comme un impôt particulièrement bien adapté au financement des dépenses sociales des départements ? ». Ou encore : « La réforme envisagée devra également veiller à ne pas creuser les inégalités territoriales et impliquera la mise en oeuvre de nouveaux mécanismes de péréquation. »

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Rappelons également la déclaration alarmante de Philippe Laurent, président de la commission des finances et de la fiscalité de l'AMF, qui évoquait l'année dernière, au congrès des maires, l'urgence d'une réforme des finances locales : « Depuis deux ans, nous annonçons ici la crise des finances locales.

« Cette crise - une crise de confiance autant que de chiffres - est désormais devant nous de la façon la plus sûre qui soit.

« Les équilibres budgétaires des collectivités locales françaises, s'ils restent bons sur le passé, sont désormais clairement menacés sur l'avenir immédiat, et l'on ne voit pas ce qui pourrait les faire évoluer de façon positive. » Et il ajoute : « à moins qu'une ?réforme profonde de la fiscalité locale? ne vienne rendre une ?réelle liberté fiscale? aux collectivités. »

Enfin, les propos de Michel Mercier, notre rapporteur, tenus dans cette enceinte en 2005, sont également empreints de bon sens : « Si l'on ne veut pas faire tout financer par la taxe d'habitation, qui, chacun le reconnaît, est injuste [...], peut-être faut-il simplement en revenir aux vieilles recettes. La République avait su inventer les centimes additionnels. Pourquoi ne pas envisager, pour les départements, des centimes additionnels sur la CSG ? ».

Mes chers collègues, il semble bien que le constat et les objectifs soient unanimement partagés. Nous savons donc aujourd'hui, de manière assez consensuelle, me semble-t-il, dans quelle direction nous orienter pour entreprendre une réforme des finances locales. Jusqu'à présent, nous nous sommes heurtés à des problèmes de faisabilité de cette réforme. Je pense, avec mon groupe, que le moment est bien choisi pour l'entreprendre sans plus attendre.

Pour quelles raisons devons-nous agir aujourd'hui ? J'en vois au moins trois principales.

En premier lieu, c'est une affaire de légitimité républicaine. Le cinquième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution stipule désormais que la loi « prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales. »

Le principe de péréquation doit, tout comme le principe d'autonomie financière, faire l'objet d'un suivi spécifique et concret. Figurant dans notre Constitution, au même titre que l'autonomie financière, sa portée doit être similaire. À ce jour, rien n'a été fait, alors qu'une loi d'orientation a été votée sur l'autonomie.

En deuxième lieu, c'est un impérieux besoin de corriger les inégalités et de promouvoir plus de justice fiscale. Nous connaissons les écarts de ressources entre collectivités et nous savons également qu'une réforme efficace et adaptée peut y remédier. Il n'y a donc aucune raison pour que nous laissions une année de plus se perpétuer des injustices quant au financement des collectivités.

En troisième et dernier lieu, c'est, à nos yeux, une affaire d'opportunité politique.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Nous sommes dans un moment politique où les points de convergence sur le sujet de la péréquation et de l'autonomie financière des collectivités sont plus nombreux que les points de désaccord. Nous sommes également au début d'une législature : c'est le temps de l'action. Depuis trente ans, les expériences qui ont été conduites ont démontré, s'il en était besoin, que c'est en début de législature que ce type de réforme doit impérativement être envisagé.

La configuration est donc aujourd'hui idéale pour activer la réforme de notre fiscalité locale et la présente proposition de loi s'inscrit dans cette perspective favorable. Comme je l'ai mentionné plus tôt, c'est un souci de simplicité et de réalisme qui a prévalu dans la rédaction de cette proposition de loi. En conséquence, je vais vous présenter brièvement les deux articles qui la composent.

L'article 1er vise à limiter les écarts de ressources entre les collectivités. Un rapport réalisé par MM. Guy Gilbert et Alain Guengant démontre que le potentiel fiscal par habitant entre les communes peut atteindre un rapport de 1 à 8 500 ! Certes, l'écart est moindre pour les départements et pour les régions, mais de telles disparités posent l'évidente question - je l'évoquais plus tôt - de l'égalité du citoyen devant le service public délégué aux collectivités. De ce fait, nous avons souhaité que soit mis en place un « filet de sécurité » préservant l'homogénéité des niveaux de ressources financières pour chaque strate de collectivité sur le territoire national.

L'article 1er précise donc que la loi encadre un mécanisme de seuils pour les potentiels financiers des collectivités, garanti par la péréquation.

Ainsi, pour les communes, le potentiel financier ne pourrait descendre au-dessous de 80 % du potentiel financier moyen de sa strate démographique. Pour les départements, ce taux serait de 90 %. Enfin, pour les régions, il serait de 95 %.

L'article 2 a lui pour objectif de poser les jalons d'un impôt local moderne. Notre réflexion s'est naturellement nourrie des exemples de nos voisins européens. Parmi ceux qui ont entrepris une refonte de leur fiscalité locale, la plupart disposent en effet d'un impôt local sur le revenu. C'est le cas notamment de la Belgique, du Danemark, de l'Espagne, de la Finlande, de l'Italie, du Royaume-Uni, de la Suède...

La France fait aujourd'hui partie des rares pays qui n'ont pas recours à l'imposition sur le revenu au niveau local. Pourtant, cela représente un avantage considérable en termes de lisibilité et de justice fiscales. À cet égard, la création d'une contribution additionnelle à la CSG, affectée aux départements, constitue un élément de réponse pertinent.

La CSG est assise sur une assiette large. Elle a, de plus, été instituée pour financer les dépenses sociales et de santé. Dans la mesure où les départements assurent désormais les dépenses sociales et de solidarité, il est tout à fait cohérent d'affecter le produit d'une telle ressource aux départements.

L'article 2 tend donc à instituer un rapport permettant d'étudier, d'ici à la rentrée parlementaire de 2008, les conditions dans lesquelles une telle réforme pourrait être mise en place, ainsi que « les modalités de mise en oeuvre d'un ?fonds de solidarité départemental?, à titre de dispositif de péréquation horizontale de cette nouvelle ressource entre les départements. »

Mes chers collègues, nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins : face à un système de fiscalité locale à bout de souffle - tout le monde le sait - ...

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

...et au processus de désengagement de l'État - tout le monde l'a constaté aussi - nous ne pouvons plus conserver inchangé le système financier archaïque et totalement inégalitaire dans lequel notre République laisse aujourd'hui les collectivités se débattre, à coups d'expédients de circonstances. Le renforcement du dispositif de péréquation et la modernisation d'un prélèvement local autonome sont, à nos yeux, des mesures d'urgence essentielles pour garantir une fiscalité locale plus juste et mieux adaptée aux besoins des collectivités.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, à l'heure où l'on parle tant de la revalorisation du Parlement et de sa capacité de proposition, à l'heure où le président du Sénat lui-même déclare que les préconisations contenues dans cette proposition de loi d'orientation sont de bonnes solutions pour notre pays, je compte, avec mes collègues socialistes, sur votre mobilisation à tous pour faire aboutir ce texte, bien sûr dans sa version originale et originelle, donc non dénaturée, et pour démontrer que le changement est non pas seulement affaire de discours, mais avant tout d'actes courageux !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, François Marc nous soumet une proposition de loi d'orientation par laquelle il entend embrasser l'ensemble des questions non pas techniques mais politiques qui se posent à propos des relations financières entre l'État et les collectivités locales.

Notre collègue vient excellemment de présenter son texte ; je n'y reviendrai donc pas, sinon pour souligner que, dans la longue énumération des points relatifs aux relations financières entre l'État et les collectivités locales, il a bizarrement oublié de citer l'exemple de l'allocation personnalisée d'autonomie, qui a été ces dernières années, je le rappelle, celle des mesures imposées aux collectivités locales par l'État qui a été la moins bien financée.

Il suffit d'ailleurs d'examiner les conséquences de cette mesure-là, notamment sur un département comme la Creuse, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

...pour voir combien les dispositions d'un texte bien présenté et bien préparé, certes, mais mal financé - à la vérité, pas financé du tout ! -, pèsent aujourd'hui sur les collectivités locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Cela fait six ans que vous auriez pu régler le problème !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Mes chers collègues, chacun peut venir à cette tribune faire son mea culpa...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

...et reconnaître que, en dépit des alternances, la question lancinante des relations financières entre l'État et les collectivités locales demeure posée. Il est d'ailleurs remarquable que l'on n'y réponde pas de la même façon suivant que l'on est au pouvoir ou que l'on aspire à y revenir lorsqu'on l'a quitté...

Certes, depuis 1982, la question des relations financières entre l'État et les collectivités locales se pose avec plus d'acuité encore, et, derrière elle, celle du rôle du Parlement dans l'ensemble de notre système institutionnel. Mes chers collègues, le fait est que nous nous accrochons sans arrêt dès qu'il s'agit des recettes des collectivités locales. La difficulté est réelle, mais, plus encore que de nous occuper uniquement des recettes, nous serions bien inspirés de nous pencher aussi sur les dépenses que l'État peut imposer aux collectivités locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Nous le savons, nous entrons dans une période de rareté financière pour ce qui est tant de l'État que des collectivités locales.

Force est pourtant de le reconnaître, la situation financière des collectivités locales est aujourd'hui difficile. En effet, la fiscalité des collectivités locales n'a pas été inventée pour financer des dépenses aussi dynamiques que celles que les lois de décentralisation successives ont transférées aux collectivités locales. Celles-ci disposent en fait d'une fiscalité largement héritée du XIXe siècle, alors qu'elles doivent faire face à des dépenses qui sont celles des XXe et XXIe siècles !

Il existe donc une importante disparité entre les moyens de financement et les actions politiques à financer.

Plus encore, on constate une forte inégalité entre les collectivités locales, entre celles qui ont plus de ressources et celles qui en ont moins.

Notre collègue François Marc envisage, dans les deux articles qui composent sa proposition de loi, les deux questions essentielles qui se posent dans les relations financières entre l'État et les collectivités locales : d'une part, et c'est tout le problème de la péréquation, comment assurer une relative égalité entre des collectivités locales extrêmement diverses par leur nature, leur situation géographique et humaine ? D'autre part, comment faire en sorte que les collectivités locales aient suffisamment de recettes pour faire face à leurs dépenses, notamment celles qui leur sont imposées par l'État ? Je reprendrai très rapidement ces deux thèmes.

L'article 1er a pour objet de renforcer la péréquation, qui est en quelque sorte devenue le mot magique des finances locales parce que l'on ne sait pas trop comment augmenter les capacités de l'État pour qu'il donne plus aux collectivités locales. Je rappelle tout de même, mes chers collègues, que, par les dégrèvements et les prises en charge, le premier contribuable local, et de loin, c'est déjà l'État !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Il faut avoir bien conscience de cette situation, qui est très révélatrice du malaise profond de nos finances locales.

Comment assurer à chaque collectivité locale sa juste part ? En d'autres termes, dans notre société habitée par un désir infini d'égalité, comment garantir la part « la plus égale possible » entre toutes les collectivités locales ? C'est là qu'on en appelle à la péréquation, sorte de formule miracle que l'on connaît mal mais qui résoudrait, dit-on, tous les problèmes.

Aujourd'hui, la péréquation est déjà une réalité, et pour une large part grâce aux prestations financières que l'État sert aux collectivités locales, notamment la dotation globale de fonctionnement, qui en est l'instrument essentiel. Je n'entre pas dans le détail, mais toutes les études récentes montrent que c'est la dotation forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement qui a le plus d'effet péréquateur et permet, chaque année, un rapprochement entre les capacités financières de chacune des collectivités locales.

Cependant, il n'est pas pertinent d'envisager de manière globale la situation des collectivités locales : il faut procéder à un examen au moins par grandes catégories. On s'aperçoit alors que, en matière de situation financière des collectivités locales, les inégalités les plus fortes concernent les communes. Ainsi, l'écart de potentiel fiscal par habitant entre la collectivité la plus pauvre et la collectivité la plus riche est à peu près de 1 à 4 pour les départements, de 1 à 1, 5 pour les régions et de 1 à l'infini pour les communes, tant les situations communales sont disparates.

Si l'on veut donc aider les communes, c'est à ce niveau qu'il faut le plus de péréquation.

Notre collègue François Marc propose une mesure extrêmement audacieuse pour tenter de répondre à cette demande de péréquation, en arrêtant un objectif en termes de potentiel financier. L'idée est la suivante : dans un délai qui sera fixé par la loi, le potentiel financier par habitant ne pourra être inférieur à un certain pourcentage du potentiel financier moyen par habitant, établi à 80 % de la moyenne de leur strate démographique dans le cas des communes, à 90 % de la moyenne de leur catégorie dans celui des départements, et à 95 % de leur catégorie dans celui des régions.

Pour ce faire, François Marc entend également modifier la notion même de « potentiel financier ». Sans entrer dans des considérations techniques, je tiens à souligner que l'adoption de l'article 1er aurait à l'évidence des conséquences extrêmement importantes.

Ainsi, le coût de cette mesure serait de l'ordre de 920 millions d'euros, dont 780 millions d'euros pour les seules communes. Je rappelle, notamment à l'intention des membres de la direction générale des collectivités locales, la DGCL, que ce renforcement de la péréquation ne pourrait se faire qu'à enveloppe fermée. En d'autres termes, si la proposition de loi de notre collègue était adoptée en l'état, 920 millions d'euros passeraient d'une catégorie à une autre, et, au sein de la seule catégorie des communes, 780 millions d'euros seraient affectés à d'autres communes. Voilà la réalité de la proposition qui nous est faite !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Peut-être nous faut-il aller aussi loin, mais, ce qui est sûr, c'est que nous ne pouvons pas prendre une telle décision à l'aveuglette. Or, aujourd'hui, nous ne disposons d'aucune simulation qui nous permettrait d'anticiper les conséquences de la mise en oeuvre de la proposition de notre collègue. Pourtant, répartir autrement 780 millions d'euros, ce n'est pas rien, d'autant que, si j'en juge au projet de loi de finances pour 2008, l'enveloppe normée des concours aux collectivités locales serait désormais enserrée dans les mêmes limites que l'ensemble des autres dépenses de l'État.

Mes chers collègues, engager simultanément deux réformes aussi importantes ne serait certainement pas sans conséquences pour un grand nombre de communes, comme pour quelques départements et pour certaines régions. Certes, reconnaissons-le, ce serait moins grave pour ces deux dernières catégories, mais cela aurait une incidence telle pour les communes que la commission des finances n'a pas cru devoir franchir le pas. Toutefois, elle est tout à fait consciente que la péréquation est importante et nécessaire et qu'un geste en faveur des communes s'impose.

C'est pourquoi, à défaut de pouvoir être favorable à la solution de François Marc, la commission des finances propose de renforcer légèrement les sommes disponibles pour la péréquation communale, en modifiant le complément de garantie de la dotation globale de fonctionnement des communes.

Vous le savez, mes chers collègues, le complément de garantie a été mis en oeuvre pour qu'aucune commune ne voie sa dotation diminuer lors de la réforme de la DGF en 2005. Alors que le complément de garantie de la dotation globale de fonctionnement des communes peut actuellement augmenter chaque année de 25 % du taux de croissance de la dotation globale de fonctionnement, la commission des finances suggère de ramener cette augmentation à 15 % de ce taux.

Ainsi, l'augmentation du complément de garantie étant quasi stable, chaque année environ 10 millions d'euros seraient libérés qui pourraient être consacrés au renforcement de la péréquation, ce qui correspondrait à une centaine de millions d'euros en dix ans. Certes, nous sommes loin des 780 millions d'euros, mais au moins nous n'avançons pas à l'aveuglette !

Sans doute serait-il plus simple de laisser voter cette proposition de loi et ensuite d'expliquer à toutes les communes qu'elles ont 780 millions d'euros de moins à se partager, mais personne ne veut une telle solution. C'est pourquoi, tant que nous n'aurons pas de simulations fiables nous permettant de nous décider en toute connaissance de cause, il nous faut rester prudents. C'est en tout cas la position que je vous propose d'adopter, mes chers collègues.

Quant au département de la Creuse, mon cher collègue, modifier le système ne sera guère suffisant §: il faut des mesures spécifiques pour remettre ce département à niveau. Tout dispositif général ne fera que maintenir la Creuse au dernier rang.

J'en viens maintenant à l'article 2 de la proposition de loi. Il est d'une tout autre nature, puisqu'il prévoit la possibilité d'utiliser de nouvelles recettes pour les départements.

Conséquence des lois de décentralisation, de plus en plus de dépenses sociales ont été mises à la charge des départements. J'observe à ce propos, monsieur le secrétaire d'État, que, s'agissant des grands chapitres de ces dépenses sociales - RMI, enfance, personnes âgées, personnes handicapées... -, c'est l'État qui vote le montant des dépenses chaque année, puisque le Premier ministre fixe, par arrêté, au 1er janvier, les minima que les départements doivent assurer aux bénéficiaires de ces prestations sociales.

L'article 2 prévoit que le Gouvernement dépose un rapport en 2008, afin de déterminer si une part de la CSG ne pourrait pas être affectée aux départements pour financer les dépenses sociales dont ces derniers ont la charge.

Cette mesure s'inscrit dans le droit fil de nombreuses propositions qui sont actuellement avancées dans ce domaine. Je pense notamment au rapport de M. Valletoux ou à celui de M. Pébereau, qui sont consacrés à ces questions et qui préconisent de transférer aux départements une part de CSG pour le financement des dépenses sociales qui leur incombent.

La commission des finances est favorable à cet article 2, sous réserve de quelques modifications formelles.

Nous pouvons les uns et les autres faire nôtres les deux objectifs de notre collègue. En revanche, il nous paraît impossible d'accepter l'article 1er, tant les sommes en jeu sont importantes. De surcroît, la nécessité pour le Parlement de disposer de sources de renseignement autonomes est démontrée puisque ni l'auteur de la proposition de loi, ni le rapporteur ne sont en état de fournir une simulation exacte des conséquences qu'aurait l'adoption dudit article 1er. Les services de l'État ne nous ont pas davantage donné d'estimations.

Face à cette situation, je ne peux que confirmer la position de la commission des finances, c'est-à-dire accepter l'article 2, repousser l'article 1er ou, éventuellement, modifier ce dernier en prévoyant une mesure de péréquation d'ampleur beaucoup plus faible qui n'entrerait elle-même en jeu qu'à partir du moment où l'État aurait fourni les simulations nécessaires.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le Sénat examine aujourd'hui une proposition de loi qui est certes concise, monsieur Marc, mais qui pose des questions très importantes.

Je préfère d'emblée vous dire que le Gouvernement n'est pas favorable à son adoption, essentiellement parce qu'il lui semble que les conditions d'un examen approfondi des questions essentielles que vous avez soulevées ne sont pas aujourd'hui réunies.

S'agissant du premier sujet que vous évoquez dans votre proposition de loi, monsieur le sénateur, et qui est détaillé dans l'article 1er, la commission a souhaité modifier la fourchette maximale d'évolution de la dotation dite « de garantie » au sein de la dotation forfaitaire de la dotation globale de fonctionnement.

Aujourd'hui, cette part de la dotation forfaitaire peut évoluer, en fonction du choix opéré par le comité des finances locales, selon un rapport compris entre 0 % et 25 % du taux de croissance annuelle de la DGF. Vous proposez de réduire la marge de manoeuvre offerte au comité des finances locales pour ramener cette fourchette entre 0 % et 15 %.

Je comprends bien et je partage largement l'objectif, à savoir dégager des marges de manoeuvre supplémentaires au profit des dotations de péréquation que sont la dotation de solidarité urbaine, la dotation de solidarité rurale ainsi que la dotation nationale de péréquation. Ces différentes dotations bénéficieraient ainsi de la moindre progression de la dotation forfaitaire.

Compte tenu du taux de la DGF en 2008 qui sera, je le rappelle, de 2, 08 %, votre proposition devrait avoir pour effet de déplacer l'année prochaine moins de 10 millions d'euros au sein d'une DGF des communes et des intercommunalités qui pèse plus de 22 milliards d'euros. C'est un effort intéressant pour la DGF. Néanmoins, il paraît préférable au Gouvernement de ne pas modifier la répartition de la DGF par touches successives. Il est au contraire essentiel de considérer cette dotation dans son ensemble ainsi que tous les enjeux à venir.

Or, en 2009, la DGF devra absorber l'impact des augmentations de population liées à la prise en compte des résultats du recensement rénové de la population. Une réflexion est engagée sur ce sujet depuis le mois de février dernier au sein tant de l'administration que du comité des finances locales, dont je salue le président.

Le CFL a d'ores et déjà réuni un groupe de travail chargé d'anticiper les effets de cette procédure de recensement rénovée sur la dotation globale de fonctionnement, notamment sur ses composantes péréquatrices C'est dans ce cadre qu'il nous faudra réfléchir ensemble.

Si cela apparaît nécessaire, ces réflexions déboucheront, en 2008, sur une adaptation à la procédure de recensement rénovée - prévue par la loi relative à la démocratie de proximité de 2002 - des modalités de répartition de plusieurs dotations.

La réflexion ne se limitera pas au seul complément de garantie. Le Gouvernement a la conviction que le recensement rendra nécessaire une réforme plus globale, qui sera présentée dans le projet de loi de finances pour 2009.

L'objectif de visibilité, auquel aspirent légitimement les élus locaux comme les citoyens, suppose de ne pas légiférer pour une année seulement, sur un seul aspect des enjeux qui attendent la DGF.

Par ailleurs, du point de vue de la méthode, le Gouvernement a rappelé, à plusieurs reprises, sa volonté de préparer toutes les réformes concernant les collectivités territoriales en concertation totale avec elles. Or la proposition de loi n'a pas été soumise au comité des finances locales, qui n'a pas pu donner son avis sur d'éventuelles simulations.

Le Premier ministre, devant les trois principales associations d'élus locaux que sont l'Association des maires de France, l'AMF, l'Assemblée des départements de France, l'ADF, et l'Association des régions de France, l'ARF, a également pris l'engagement - et cet engagement sera tenu -de les associer dans le cadre de la Conférence nationale des exécutifs. C'est également pour cette raison que la proposition de loi dont nous débattons en cet instant ne peut être soutenue par le Gouvernement, alors qu'elle n'a pas été examinée par ladite conférence.

Enfin, le Premier ministre a confié à votre collègue Alain Lambert, que je salue, une mission de réflexion générale sur la réforme des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales. Il s'agit d'inscrire ces relations dans une vision pluriannuelle pour offrir aux collectivités territoriales, qui le réclament toutes, un cadre clair et connu à l'avance.

Il me semble que ce n'est qu'à l'issue de tous ces travaux, qui doivent être présentés d'ici à la fin du mois de novembre au Conseil de la modernisation présidé par le Président de la République et par le Premier ministre, que les réformes de la DGF, qui devront nécessairement être conduites dans les années à venir, devront être discutées.

Je le répète, je partage l'objectif, mais la modification à la marge d'une fourchette du taux de progression de l'une des composantes de la dotation forfaitaire ne peut tenir lieu de réforme de la DGF. Dans ces conditions, il ne me semble pas souhaitable de procéder dès aujourd'hui aux ajustements que proposent les auteurs de la proposition de loi.

S'agissant du second volet de ce texte, qui fait l'objet de l'article 2, la commission a souhaité que le Gouvernement dépose, avant le 1er septembre 2008, un rapport étudiant les modalités d'une substitution d'une taxe additionnelle à la CSG à la part départementale de la taxe d'habitation.

Pour votre part, monsieur Marc, vous désirez que soit explorée la piste consistant à moduler le taux de cette nouvelle taxe additionnelle à la CSG. Vous souhaitez aussi que soient simulées les conséquences financières pour l'État, les départements et les contribuables d'une telle réforme, laquelle pourrait voir ses effets étalés dans le temps.

Sur le fond, le Gouvernement ne nie pas l'intérêt de la piste que vous évoquez, même si certains éléments le conduisent à la plus grande circonspection.

Il en est ainsi, tout d'abord, des effets de votre proposition sur les revenus des ménages. Comme vous le savez, la CSG est un impôt proportionnel, qui frappe tous les revenus, indifféremment du niveau de revenu des contribuables. À l'inverse, la taxe d'habitation est progressive, en raison de deux facteurs. D'une part, elle dépend de la valeur locative de l'habitation ; d'autre part, l'impôt est plafonné à 3, 44 % du revenu fiscal de référence du contribuable, ce qui n'est pas le cas de la CSG.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, secrétaire d'État

Les inévitables transferts de charge fiscale entre contribuables devront donc être expliqués !

Les mécanismes de lissage que vous appelez de vos voeux paraissent au Gouvernement difficiles à mettre en oeuvre pour des impositions aussi complexes à mettre en regard que la taxe d'habitation, gérée par l'administration fiscale, et la CSG sur les revenus d'activité, régie par les administrations sociales.

Le Gouvernement est ensuite réservé vis-à-vis des limitations du pouvoir de taux par les collectivités

L'un des maux dont souffre la fiscalité locale, vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est la superposition de plusieurs autorités politiques ayant le pouvoir de voter un taux à l'égard d'une même assiette fiscale. Cette situation aboutit, par exemple dans le cas de la taxe professionnelle, à ce que personne ne sache réellement qui est responsable d'une augmentation du taux global, entre la commune, l'EPCI, le département ou la région.

Dans l'opération que vous proposez, monsieur Marc, vous mettez, certes, fin à la superposition de la commune et du département pour ce qui concerne l'assiette de la taxe d'habitation, mais vous en recréez une - et de taille ! - à l'égard de l'assiette de la contribution sociale généralisée.

La CSG a une vocation : financer les dépenses de protection sociale. Je comprends la logique qui vous anime et qui témoigne de l'importance des départements dans l'action sociale aujourd'hui. Mais comment réagiraient nos concitoyens si on leur disait que, désormais, pour un même salaire brut, leur salaire net serait différent d'un département à un autre ?

Bien entendu, les départements pourraient ne pas avoir le pouvoir de moduler le taux, ce qui serait conforme au principe constitutionnel d'autonomie financière, mais cela ne serait-il pas tout de même perçu comme un recul de l'autonomie des collectivités départementales ?

Quant au calendrier, le Gouvernement considère que votre proposition vient en réalité un peu trop tôt, et je l'ai indiqué au début de mon intervention.

En effet, comme vous le savez, le Gouvernement a ouvert le chantier de la réforme de la fiscalité locale. Ce sera l'un des points importants de la revue générale des prélèvements obligatoires menée par Christine Lagarde en collaboration étroite avec Michèle Alliot-Marie et Éric Woerth. Les propositions du Gouvernement seront soumises à la consultation au cours du premier semestre 2008. La Conférence nationale des exécutifs, installée par le Premier ministre le 4 octobre dernier, sera le lieu de concertation politique naturel sur l'ensemble de ces propositions.

Trois sujets prioritaires ont déjà clairement été identifiés par le Gouvernement : d'une part, la taxe professionnelle, dont les effets sur la compétitivité du site France et la part croissante de l'État dans la prise en charge appellent une réflexion renouvelée ; d'autre part, la révision des valeurs locatives foncières, sujet sur lequel nous devons à nouveau faire des propositions concrètes et simples à mettre en oeuvre ; enfin, la spécialisation de la fiscalité locale, et je crois que c'est bien ce dont nous débattons aujourd'hui.

À ce sujet, trois impératifs doivent être pris en considération pour dessiner une nouvelle architecture de la fiscalité locale, à savoir limiter le nombre de collectivités qui prélèvent de l'impôt sur une même assiette, diversifier les ressources fiscales des collectivités - au moins deux impôts par niveau de collectivité - et limiter les transferts de charges entre contribuables.

Mesdames, messieurs les sénateurs, aujourd'hui, le Gouvernement vous demande de lui laisser le temps de mener l'expertise et la concertation - quelques semaines, quelques mois - avec la Conférence nationale des exécutifs, qui regroupe l'AMF, l'ADF et l'ARF, mais aussi avec le comité des finances locales.

Le Gouvernement reconnaît les mérites de la proposition de loi. Cependant, je crois que ce débat doit avoir lieu au début de l'année 2008 et qu'il doit s'insérer dans une réflexion d'ensemble, abordant toutes les options envisageables, sans aucune préférence. C'est la raison pour laquelle, comme je vous l'ai d'ores et déjà indiqué, mesdames, messieurs les sénateurs, le Gouvernement n'est pas favorable à l'adoption de cette proposition de loi.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est soumise présente l'intérêt de provoquer un débat. Et il est bon qu'au sein du Parlement soient organisés des débats sur les recettes des collectivités territoriales et sur les modalités de réorganisation de leur mécanisme de financement.

Le Sénat a toujours eu la volonté de remplir pleinement sa mission de représentant des collectivités territoriales que lui a confiée l'article 24 de la Constitution. Il est à l'origine de réformes majeures dans les domaines de la décentralisation et de l'autonomie des collectivités territoriales. Il assure une fonction de suivi, d'évaluation, de prospective et de proposition au travers de ses commissions permanentes et de l'Observatoire de la décentralisation, dont il s'est doté.

Les membres du groupe UMP ont porté une attention particulière à la proposition de loi de notre excellent collègue François Marc et des membres du groupe socialiste, mais je dois tout de suite faire observer que ce texte n'est pas équilibré.

L'article 1er de la proposition de loi initiale a un côté flou et « aventureux », ce qui, ajouté à l'absence totale de simulation, rend très difficile la mesure des différentes opérations à venir.

Sur l'article 2, il y a moins à dire, l'instauration d'une taxe additionnelle à la CSG ayant été envisagée par tous dans cet hémicycle, afin de procurer quelques ressources supplémentaires aux départements.

L'article 1er pose le principe de la limitation des écarts de ressources entre les collectivités : c'est un vieux débat, mais nous ne disposons pas des instruments de mesure suffisants pour le trancher.

Je prends un exemple, qui, à mon avis, est tout çà fait topique et illustrera à merveille la situation : à l'heure actuelle, la dotation globale de fonctionnement est attribuée aux collectivités territoriales en fonction de la population locale. Tel était d'ailleurs l'un des éléments essentiels de la réforme que nous avons faite voilà quelques années. Or l'INSEE n'est pas capable d'indiquer le nombre exact d'habitants, si bien que des communes dont la population diminue continuent malgré tout à percevoir une DGF inchangée par rapport à 1999, date à laquelle leur population avait été évaluée, et que d'autres, en forte expansion, elles, touchent également une DGF inchangée, puisque calculée sur la base de ce même recensement.

Les écarts de ressources entre les habitants de ces communes ne peuvent donc pas être mesurés, le niveau actuel de la population étant inconnu.

Ce n'est qu'en 2009, monsieur le secrétaire d'État, que l'INSEE nous communiquera la population des différentes collectivités ; toutefois, l'étude sera réalisée à partir des recensements partiels de 2005, 2006, 2007 ou 2008.

Par conséquent, aucun mécanisme de resserrement de l'ensemble des attributions et du potentiel financier par rapport à la population ne sera exact, faute d'une connaissance parfaite du nombre d'habitants.

J'ai d'ailleurs beaucoup apprécié - cela ne l'étonnera pas ! - le rapport de M. Mercier.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

M. le rapporteur a rappelé de manière très précise comment était effectuée la péréquation et comment la réforme de la DGF, engagée sur proposition du comité des finances locales, que j'ai eu l'honneur de présider pendant un certain nombre d'années, joue aujourd'hui à augmenter la péréquation.

Je reproche à M. Marc de ne pas avoir cité les grands mécanismes de péréquation qui existent déjà, à savoir la DSU, la dotation de solidarité urbaine, la DSI, la dotation spéciale instituteurs, ou encore la DNP, la dotation nationale de péréquation, pour ne citer qu'elles, qui représentent aujourd'hui, sur la somme totale de la dotation globale de fonctionnement, des sommes non négligeables.

Donc, la péréquation existe. Je comprends que notre collègue veuille la renforcer, mais encore faudrait-il disposer d'instruments de mesure fiables et acceptés par tous, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle.

J'ai trouvé très astucieuse la solution de la commission des finances, qui joue sur une réduction du pouvoir du comité des finances locales concernant la fixation du complément de garantie, ce qui se chiffre à une dizaine de millions d'euros, comme l'a dit M. le secrétaire d'État. Il s'agit là d'un premier pas intéressant, mais non de la réforme fondamentale attendue.

Sur l'article 1er, un certain nombre de choses doivent être dites.

Le flux et l'efficacité des dotations de péréquation ont été fortement renforcés au cours des dernières années, grâce, notamment, à la dotation de solidarité urbaine et la dotation de solidarité créée spécifiquement pour les départements, ou encore au système de la dotation de service minimum.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Cependant, force est de le constater, chaque fois que l'on a fait jouer le curseur entre les attributions automatiques et les attributions de péréquation, les membres du comité des finances locales, qui est composé de personnalités éminentes - M. le rapporteur le sait bien - ont, à leur grande majorité, toujours bloqué au minimum le mécanisme de péréquation, aussi bien pour les départements que pour les régions.

Et je me demande s'il n'y a pas, d'un côté, le discours convenu sur la nécessité d'une augmentation de la péréquation et, de l'autre, une attitude toute pragmatique qui veut que l'on ne modifie pas trop les équilibres entre les différentes collectivités !

C'est pourquoi je considère la méthode proposée par M. Marc et le groupe socialiste un peu brutale. Si ce mécanisme de resserrement de la fourchette a pu être aisément appliqué entre la vingtaine de Länder allemands, par exemple, grâce à une agrégation de la totalité des ressources, il est en revanche, comme l'a dit M. le secrétaire d'État, impossible à mettre en place entre 36 000 communes, 2 000 établissements publics de coopération intercommunale, 100 départements et vingt-deux régions. En tout cas, il est impossible d'en connaître à l'avance les conséquences pratiques.

C'est pourquoi je suis d'avis de laisser se poursuivre la réflexion engagée depuis quelques mois à trois niveaux.

Le comité des finances locales a en effet mis en place, de son côté, le 6 février dernier, un groupe de travail pour évaluer l'impact de la procédure de recensement rénovée sur la répartition des dotations de l'État aux collectivités dans la perspective de la prise en compte du nouveau recensement en 2009. C'est le point de départ qui nous permettra de savoir avec précision combien il y a de citoyens dans telle commune, tel EPCI, tel département ou telle région.

Par ailleurs, le Premier ministre a confié à notre éminent collègue Alain Lambert une mission sur les relations entre l'État et les collectivités territoriales, à l'occasion de la révision générale des politiques publiques. En effet, comme l'a dit très justement M. le rapporteur, il faut s'occuper non pas uniquement des recettes, mais aussi des dépenses.

Pour l'avoir présidée pendant plusieurs années, j'estime que la commission consultative d'évaluation des charges devrait être pérennisée et saisie chaque fois que se produit un transfert, disons « occulte ».

Or des transferts de cette nature, les collectivités en subissent tous les jours, qu'il s'agisse de la gestion des objets perdus, dont les commissariats de police ne veulent plus s'occuper, ou encore des passeports ou des cartes d'identité, pour ne prendre que ces exemples qui sont autant de situations que j'ai moi-même vécues. Je m'adresse tout particulièrement à notre excellent collègue M. Lambert : ces charges imprévues qui sont transférées sur les budgets locaux sont extrêmement gênantes, et il conviendrait de mettre en place un mécanisme de régulation.

Enfin, le Premier ministre a mis en place, le 4 octobre dernier, la Conférence nationale des exécutifs, appelée à devenir un lieu de concertation privilégié entre le Gouvernement et les collectivités territoriales.

Ces trois éléments - le groupe de travail du comité des finances locales, la mission confiée à M. Lambert et la réunion des exécutifs locaux - devraient permettre d'aboutir à une nouvelle architecture de la fiscalité locale, dont chacun s'accorde à reconnaître qu'elle est obsolète, notamment en ce qui concerne la taxe d'habitation, et qu'elle doit être revue.

Monsieur le secrétaire d'État, j'ai noté avec satisfaction - mais tiendrez-vous votre promesse ? - que vous envisagiez enfin de mettre en oeuvre la révision des valeurs locatives. Croyez-moi, la tâche sera ardue ! Les bénéficiaires se tairont ; quant aux victimes, elles protesteront haut et fort, tant et si bien que rien de décisif ne sera fait.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

M. Mauroy avait proposé de donner aux collectivités la faculté de procéder à la révision des valeurs locatives en les rapprochant des valeurs vénales. Voilà qui permettrait d'améliorer nos ressources fiscales et financières. C'est cela, l'autonomie des collectivités, et c'est vers cette solution qu'il faut s'orienter !

Sur l'article 2, et le problème de la CSG, je ferai deux observations.

Au moment où notre commerce extérieur est en grave déficit et où beaucoup d'entreprises se délocalisent, aggraver les prélèvements fiscaux ne serait pas judicieux.

Appliquer une taxe additionnelle à la CSG ne doit pas, à mon sens, majorer le poids total du prélèvement fiscal : il faut donc trouver des ressources à abandonner. L'affaire est délicate, car il n'est plus temps de demander à l'État de majorer encore ses dotations, ou au contribuable de payer un peu plus. Cette problématique est dépassée, compte tenu des exigences de compétitivité et des problèmes d'emploi. Il nous faut donc être raisonnables.

Le groupe UMP est favorable à la réflexion menée aussi bien sur le renforcement de la péréquation que sur la réforme globale de la fiscalité ou encore sur la proposition de M. Marc d'instaurer une taxe additionnelle à la CSG.

S'il a noté les efforts de M. le rapporteur pour rendre le contenu de cette proposition de loi plus acceptable, grâce à l'amendement visant à réduire assez nettement la portée de l'article 1er, notre groupe n'en exprime pas moins les plus grandes réserves sur le principe comme sur la méthode proposée par M. Marc.

C'est la raison pour laquelle il a décidé de ne pas prendre part au vote, estimant ce texte trop flou et jugeant qu'il ne fait pas progresser la nécessaire réforme de notre fiscalité. Il préfère attendre le résultat des réflexions en cours avant de se prononcer.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la péréquation des ressources en faveur des collectivités territoriales est un sujet qui nous occupe depuis quelque temps, c'est le moins que l'on puisse dire.

À dire vrai, ce sujet imprègne le débat sur les finances locales depuis au moins une bonne trentaine d'années, époque de la mise en place de la dotation globale de fonctionnement, puis avec les différentes lois et mesures qui ont modifié l'économie générale du système de financement de l'initiative locale.

Il l'imprègne d'autant plus qu'au fil des ans et des opportunités budgétaires, l'État s'est défaussé progressivement de nombre de ses obligations sur les collectivités territoriales.

Je citerai pour mémoire les politiques de formation professionnelle, du logement, de la réalisation et de l'entretien d'infrastructures routières ou encore des politiques sociales, non seulement en direction des personnes les plus vulnérables et des personnes âgées ou dépendantes, mais aussi des handicapés.

Après le débat qui devait se conclure par la préférence accordée aux transferts par rapport aux financements croisés, aujourd'hui, il n'est pas un ministre qui ne propose une nouvelle action, sans pour autant que les collectivités territoriales soient considérées comme « partenaires privilégiées », elles qui deviennent de fait les « payeurs » quasi exclusifs.

Pour répondre à ces transferts imposés, les collectivités concernées sont loin de disposer des mêmes ressources et la situation ne s'est guère améliorée depuis trente ans, compte tenu, justement, de ces charges nouvelles. On peut même dire que certains écarts se sont accrus.

J'approuve ce passage de l'exposé des motifs du texte proposé par nos collègues socialistes : « L'action de l'État ne parvient pas à réduire la fracture territoriale. Les impôts locaux, reposant sur des bases archaïques, sont sources d'injustices, aussi bien pour les contribuables que pour les collectivités. Les correctifs apportés pour pallier ces carences ont finalement conduit à plafonner certains prélèvements locaux plutôt qu'à réformer la structure de ces prélèvements. » Mais je ne peux pas souscrire à l'idée que les marges de manoeuvre budgétaires de l'État « sont, aujourd'hui plus que jamais, limitées. »

En fait, nous le savons bien, les gouvernements qui viennent de se succéder ont multiplié les initiatives entraînant une réduction des recettes fiscales de l'État. La dernière en date est la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, dite loi TEPA, une illustration parfaite étant fournie par le bouclier fiscal, ramené à 50 % alors qu'il venait juste d'être instauré à 60 % par la loi de finances pour 2007.

Toutes ces mesures n'ont d'autre objet que de répondre aux attentes d'une infime minorité de contribuables ou aux exigences d'optimisation fiscale des grands groupes, et elles coûtent cher au budget de l'État !

Cependant, la vraie question à nous poser est plutôt la suivante : est-il toujours opportun de confier aux collectivités territoriales la responsabilité de piloter toutes les actions susceptibles d'apporter une réponse à un besoin social déterminé ?

La prise en charge de l'autonomie des personnes âgées en est un parfait exemple.

On a refusé de traiter la situation des personnes âgées sous l'angle de la dégradation de leur santé, pour ne la considérer que comme un problème social, alors même que l'espérance de vie, nous le savons, varie selon l'activité professionnelle exercée.

De surcroît, la comparaison du nombre des personnes âgées dépendantes selon les différentes parties du territoire national montre, à l'évidence, de profondes inégalités locales. Ainsi la répartition géographique des demandeurs de l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie, n'est-elle pas équilibrée.

Nombre de départements ruraux, par ailleurs victimes de la pseudo-rationalisation des dépenses de santé, comptent une proportion particulièrement élevée de personnes âgées de plus de soixante ans, voire de plus de soixante-quinze ans.

En 1999 - les données n'ont pas dû être modifiées de façon significative depuis -, la part des personnes âgées de plus de soixante-quinze ans dans la population représentait plus de 14 % dans la Creuse, contre 4, 5 % dans le Val-d'Oise.

Naturellement, la demande potentielle relative à l'allocation personnalisée d'autonomie est donc bien plus forte dans la Creuse, département rural doté de faibles ressources financières, que dans le Val-d'Oise, département urbain où sont implantées des zones d'activité particulièrement significatives.

Nul doute que, a contrario, les élus val-d'oisiens, par rapport à leurs homologues creusois, se doivent de faire face à une demande en équipements scolaires dans des proportions bien plus importantes, mais la situation de la Creuse ne permet pas à ce département de faire face aux obligations de l'APA, ce qui peut le contraindre à exiger plus de l'imposition locale par rapport à bien d'autres départements.

De fait, le mode de financement de l'action en direction des personnes âgées paraît aujourd'hui profondément inadapté, indépendamment des outils de péréquation, bien imparfaits, qui ont été mis en place.

Tout cela revient à nous interroger sur l'absolue pertinence de la décentralisation dans tous les cas de figure.

En réalité, nous le savons tous, notamment tous ceux qui ont voté en 2003 et 2004 les différents textes, notamment la loi relative aux libertés et responsabilités locales, formant ce que certains appellent le deuxième volet de la décentralisation, le Gouvernement, en faisant le choix de la responsabilité locale, a surtout fait le choix de décharger l'État de ses obligations.

À nos yeux, s'agissant de l'action sociale, une bonne part des compétences qui ont été transférées aux départements devrait même être du ressort de la sécurité sociale collective, dont le caractère universel et égalitaire est autrement plus garanti que tout autre dispositif.

Depuis de longues années, les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen proposent la création d'un cinquième risque de la sécurité sociale, ce qui serait un gage d'efficacité et de justice sociale dans la mesure où le dispositif s'appuierait sur un régime solidaire.

La mesure proposée dans le présent texte visant à prévoir le versement d'une partie de la CSG aux collectivités territoriales nous apparaît, en fait, comme une reconnaissance de cette réalité, mais, en même temps, comme un refus d'aller jusqu'au bout de la démarche.

Quant au RMI, souvenons-nous que c'est la réduction des indemnisations ASSEDIC qui est responsable, aujourd'hui, de l'augmentation de la prise en charge par cette allocation d'un nombre toujours plus important de demandeurs d'emploi.

Toute réflexion sur l'évolution des mécanismes propres aux finances locales doit donc, sous peine de ne pas favoriser l'émergence de solutions durables et acceptables, poser aujourd'hui clairement la question des contours, du contenu et de la pertinence des responsabilités assumées par les collectivités territoriales.

Nous continuons de penser, mes chers collègues, que le transfert aux collectivités territoriales des routes, des bâtiments scolaires, d'une grande partie de l'action sociale, des politiques de formation permanente et d'apprentissage, ainsi que d'une bonne part des charges d'infrastructure publique ne constitue pas la réponse la plus acceptable ni la plus pertinente à la question de la satisfaction des besoins collectifs de nos concitoyens.

Tout au plus pouvons-nous, du point de vue de l'État, enregistrer, notamment depuis 2004, une compression du déficit budgétaire, l'essentiel - plus de 70 % - des charges d'investissement public étant désormais assumé par les collectivités locales en lieu et place de l'État.

L'un des effets de la décentralisation, telle qu'on a pu la concevoir notamment durant la législature précédente, est d'avoir porté sous la barre des 5 % la part du budget de l'État consacrée aux dépenses d'investissement. Autrement dit, en faisant abstraction de ces dépenses pour le moins réduites, nous sommes toujours en situation de déficit de fonctionnement.

Le texte que nous examinons aujourd'hui intervient sur un aspect relativement restreint du financement des collectivités. Loin de moi l'idée d'en faire le reproche aux auteurs de la proposition de loi, car, compte tenu du peu de temps accordé à la discussion - moins de deux heures -, je peux comprendre qu'il était difficile de faire une présentation plus large.

Cependant, le fait de concevoir la péréquation dans un contexte d'enveloppe constante et de progression plus que limitée des concours budgétaires de l'État aux collectivités locales revient, très vite, à battre en brèche les principes d'autonomie des collectivités territoriales, pourtant affirmés, au moins en théorie, par l'article 72-2 de la Constitution.

L'outil de péréquation « horizontale » qui nous est ici présenté s'apparente, qu'on le veuille ou non, à un certain partage de la misère, partage porteur de nouvelles difficultés à répondre aux attentes de nos concitoyens.

Selon nous, la péréquation implique a priori la mise en place de nouveaux outils et de nouvelles recettes fiscales, destinées à un partage plus équilibré des moyens disponibles.

Elle doit ainsi commencer par une remise en question des mesures actuellement retenues pour l'allégement de la fiscalité des entreprises. Elle pourrait aussi passer, faut-il le rappeler, par la récupération du produit de la cotisation minimale de taxe professionnelle, qui, d'après les documents qui nous ont été fournis jusqu'à présent, rapportera cette année 2, 5 milliards d'euros de ressources au budget de l'État - bien loin des 820 millions d'euros dont nous parlions tout à l'heure -, soit deux fois et demie le montant de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale et plus que la DGF des groupements !

Par ailleurs, la taxation des actifs financiers des entreprises, inscrite dans une proposition de loi que nous avons déposée le 17 mars 2005, permettrait de fournir les moyens de financer et de conduire une véritable politique de péréquation des ressources pour le financement de l'initiative locale. Le produit de cette taxation pourrait alimenter un fonds de péréquation national, qui serait réparti en fonction des capacités contributives des habitants des collectivités. De plus, cela permettrait de prendre en compte la réalité de l'évolution de l'activité économique.

Comme l'ont fait remarquer le directeur général des collectivités territoriales et le président de l'Association des maires de France, l'industrie paie aujourd'hui 69 % du montant total de la taxe professionnelle, alors qu'elle ne participe que pour 32 % à la valeur ajoutée ; à l'inverse, les activités financières produisent 35 % de la valeur ajoutée et s'acquittent de 2, 5 % de la taxe professionnelle.

Monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite maintenant insister sur la notion d'initiative locale.

En effet, il est inconcevable de développer une approche critique de la décentralisation telle qu'elle a été conçue depuis quelques années sans souligner cette évidence : à force de transférer sur le local ce qui devrait procéder du national ou du collectif solidaire, on finit aussi par brider l'initiative et la créativité des collectivités territoriales.

Quand la commission des finances laisse supposer que la péréquation serait améliorée si le complément de garantie de la DGF des communes n'évoluait plus que selon un taux égal au plus à 15 % de la progression de la DGF, elle ne tient pas compte des conséquences des mesures déjà mises en oeuvre. Celles de la loi de finances pour 2007 se sont ainsi traduites, pour 3 000 communes, par un gel de leur garantie, qui n'a représenté qu'un volume de 13 millions d'euros, soit un montant faible en termes de péréquation, mais qui a pu créer des situations difficiles pour certaines communes.

En outre, le dispositif envisagé n'intègre pas non plus les propositions gouvernementales contenues dans le projet de loi de finances pour 2008 : pacte de stabilité imposé à toute force, nouvelle atteinte à la dotation de compensation de la taxe professionnelle et minorations de plusieurs compensations en matière de fiscalité locale touchant la taxe professionnelle ou le foncier non bâti.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Aymeri de Montesquiou

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la consolidation de la décentralisation postérieure aux réformes initiées par notre collègue Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, a placé les budgets des collectivités locales au coeur de profondes réformes, tant en niveau qu'en structure. À la suite de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, le législateur a décliné à deux reprises les principes constitutionnels de libre administration et d'autonomie financière des collectivités locales.

Les finances locales ont ainsi subi de multiples allégements fiscaux. En 2005 et 2006, pour ne citer que les plus récents, ont été votés l'exonération de 20 % des bases de la taxe foncière sur les propriétés non bâties et le plafonnement à 3, 5 % du calcul de la cotisation de taxe professionnelle des entreprises.

Or l'ensemble de ces réformes a paradoxalement conduit à renforcer le poids de l'État. La part des compensations et dégrèvements est passée de 22 % au milieu des années quatre-vingt-dix à près de 34, 6 % en 2003. L'intégration de ces compensations dans la DGF a fait artificiellement chuter ce ratio à 26, 9 % en 2006. Le Conseil constitutionnel a dû rappeler à de nombreuses reprises que l'autonomie financière est l'indispensable corollaire de la libre administration des collectivités locales. Mais l'Observatoire des finances locales a montré que le ratio d'autonomie financière pour 2005 avait encore reculé pour les communes.

En tant qu'élu du premier département agricole de France, je tiens, monsieur le secrétaire d'État, à me faire le porte-parole des élus des communes rurales, qui s'inquiètent de la dégradation constante de leurs ressources. Je ne m'appesantirai sur la complexité croissante des réglementations, souvent peu intelligibles pour les élus et leurs administrations. De plus, la modification en 2005 de la dotation « élu local » a majoré artificiellement la richesse de nombreuses communes et privé une majorité d'entre elles d'un mécanisme financier pourtant vital en zone rurale pour la formation des élus.

Je m'attarderai, en revanche, sur les conséquences des réformes successives.

La plupart des transferts de compétence intervenus depuis 2003 ont concerné les départements, les régions et les EPCI, les établissements publics de coopération intercommunale. Les dernières lois de finances ont eu à en tirer les conséquences, en octroyant à ces catégories de collectivités des compensations plus favorables. Mais les communes rurales ont été superbement ignorées.

Si la dotation de solidarité urbaine s'appuie sur des critères objectifs de solidarité au profit des communes à faible potentiel fiscal, les règles de calcul de la fraction « bourgs-centres » de la dotation de solidarité rurale aboutissent à une inégalité de traitement entre les communes, ce qui aggrave encore les disparités d'un monde rural déjà fragilisé par ses difficultés économiques.

Une autre inégalité toujours aussi frappante est la différence de traitement entre les multiples catégories d'EPCI, sans que le degré d'intégration de l'établissement public justifie à lui seul les écarts de niveaux de dotation. En 2006, le montant de la DGF par habitant des communautés de communes à taxe professionnelle unique simple a atteint 21, 95 euros, contre 42, 38 euros pour les communautés d'agglomération et même 83, 60 euros pour les communautés urbaines. Monsieur le secrétaire d'État, vous devez mettre fin à une situation aussi inéquitable.

Parallèlement, près de 35 000 communes bénéficient du produit de la taxe foncière sur les propriétés non bâties. La part de cette dernière dans les ressources fiscales des 21 000 communes de moins de 500 habitants est la plus importante et dépasse même 50 % pour 2 200 d'entre elles. Malheureusement, la réforme votée en 2006 prévoit l'indexation de la compensation versée par l'État sur l'année 2005, ce qui induit une réduction mécanique des ressources dont disposeront les communes rurales. Pour maintenir un niveau de ressources constant, celles-ci seront obligées d'augmenter les autres taxes, alors même que leur potentiel fiscal demeure très faible.

Ce résultat n'est-il pas en contradiction flagrante avec l'autonomie de décision des collectivités territoriales ? Une solution consisterait à prévoir un ratio de réévaluation annuelle de la compensation de l'État, du moins avant que la législation fiscale ne change à nouveau ...

À l'heure de la grande compétition internationale, la taxe professionnelle constitue un double handicap.

Elle est, d'une part, un handicap pour les communes qui avaient sagement fait preuve de modération fiscale, car celles-ci pâtissent du plafonnement de la valeur ajoutée à 3, 5 %. L'instauration d'un plafond de participation revient à pénaliser les petites communes, lesquelles ne peuvent désormais plus moduler librement leur taux sans une perte de recettes fiscales. Certaines communes préfèrent, aujourd'hui, attirer des entreprises qui ne créent pas d'emplois, plutôt que de compenser le coût du dégrèvement.

Elle est, d'autre part, un handicap pour les entreprises, car elle demeure un frein à leur compétitivité, quand bien même ses bases ont été plafonnées.

Ce dispositif, si franco-français, désarçonne les entrepreneurs étrangers désireux de s'installer dans notre pays.

C'est en effet aujourd'hui une véritable concurrence fiscale, assez malsaine, qui s'instaure entre les collectivités locales, et les communes rurales sont, une fois de plus, moins bien armées que les autres catégories de collectivités pour y faire face.

Plutôt que de cristalliser les compensations de l'État sur des bases fixes et rapidement obsolètes, pourquoi ne pas chercher à asseoir les ressources propres des petites communes sur des bases dynamiques ? Pourquoi ne pas mettre en place un mécanisme simple de progression des dotations ?

Il n'est pas concevable que les communes les plus modestes soient de plus en plus dépendantes du seul bon vouloir de l'État. J'en veux pour preuve la récente décision d'indexer le contrat de croissance sur la seule inflation. Pourquoi, d'un côté, brider l'autonomie fiscale et, de l'autre, réduire encore les moyens de subsistance de ces petites communes ?

La proposition de loi de François Marc soulève, à ce titre, un vrai problème, celui de la péréquation des ressources. Selon un rapport du Commissariat général du Plan de 2004, les inégalités de ressources demeurent en effet très importantes.

En 2001, comme l'a rappelé notre collègue, le pouvoir d'achat par habitant de la commune la mieux dotée représente 8 500 fois celui de la commune la moins bien pourvue ; 1 % des communes les plus riches disposent de 44 fois plus de pouvoir d'achat que 1 % des plus pauvres, soit 7 403 euros contre 168 euros par habitant ; 10 % des communes les plus riches, soit 10, 3 % de la population française, bénéficient de 28, 7 % du pouvoir d'achat. À l'opposé, 10 % des communes les plus pauvres, soit 3, 3 % de la population française, disposent de 1, 3 % seulement du pouvoir d'achat.

Les dotations constituent la principale source de réduction en niveau des inégalités : 64 % pour les communes, 83 % pour les départements et 89 % pour les régions. Seul un accroissement des dotations expressément péréquatrices peut remplir un rôle de correction des inégalités. Rapportés au pouvoir d'achat moyen, les effets redistributifs des transferts produisent un effet péréquateur pour 71 % des communes, sur-péréquateur pour 21% des communes et contre-péréquateur pour 8 % des communes. Ainsi, au lieu de réduire les inégalités, les dotations les augmentent dans plus du quart des communes.

Les données relatives à la péréquation sont aujourd'hui clairement insuffisantes. Il n'est cependant ni possible ni souhaitable de réformer l'ensemble de la péréquation au travers d'une seule proposition de loi. Une telle réforme nécessite que soit conduite une réflexion très approfondie, associant l'ensemble des représentants des collectivités locales. Il revient sans doute au Sénat, « Grand Conseil des communes de France », d'amorcer cette réflexion « transpartisane ».

Pour l'heure, il est un peu tôt pour prendre position, c'est du moins l'opinion de la majorité du groupe du RDSE.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP. - M. le président et M. le rapporteur de la commission des finances applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je suis très heureux que le Sénat puisse débattre de cette proposition de loi qui, déposée par nos collègues du groupe socialiste, a trait aux finances locales, à la solidarité financière et à la justice fiscale. Cela nous permet d'aborder, hors débat budgétaire, ces sujets très importants, notamment celui de la péréquation, qui, bien que devenue un principe constitutionnel, donne très nettement le sentiment de demeurer davantage une pétition de principe ayant du mal à se traduire dans les faits.

Nos collègues ont raison lorsqu'ils affirment que l'État dispose d'un puissant outil de solidarité financière avec la DGF, qui représentait plus de 39 milliards d'euros en 2007. Mais force est de reconnaître que cet outil n'a pas été, jusqu'alors, suffisamment utilisé.

Permettez-moi tout d'abord un rappel historique.

La DGF a succédé, voilà fort longtemps, au versement représentatif de la taxe sur les salaires, le VRTS. Elle a subi, depuis lors, de multiples réformes mais, en réalité, les inégalités de départ subsistent aujourd'hui encore. Pour quelles raisons ?

Ces inégalités subsistent, en premier lieu, parce que la taxe sur les salaires était abondante là où se situaient les entreprises.

Elles subsistent, en second lieu, car l'Association des maires des grandes villes de France a réussi à persuader une majorité de nos collègues, au cours des débats qui ont porté sur la création de la DGF à l'Assemblée nationale, et plus encore au Sénat, de la nécessité, premièrement, de différencier la dotation de base en fonction de la population, en partant du principe que plus cette dernière est élevée, plus il y a de dépenses, deuxièmement, de créer une dotation ville-centre, dans la mesure où ces communes supportaient des charges importantes auxquelles les communes suburbaines ne souhaitaient pas participer, et troisièmement - raffinement suprême ! -, de prévoir une garantie de progression minimale, en laissant croire aux élus ruraux que, de ce fait, la DGF ne diminuerait jamais, ce qui avait en réalité pour but de figer les avantages acquis totalement indus dont bénéficiaient, et bénéficient encore, Paris et certaines villes de sa périphérie.

Les choses se sont-elles améliorées depuis vingt-cinq ans ? À peine !

La dotation de base de la DGF varie toujours en fonction de la population, entre 62, 38 euros et 124, 75 euros par habitant en 2007.

La dotation ville-centre n'apparaît plus en tant que telle, mais elle a été intégrée dans la masse de la DGF.

Force est de reconnaître, en revanche, que la création de la dotation de solidarité urbaine, la DSU, et de la dotation de solidarité rurale, la DSR, a constitué un réel progrès tout au moins dans le principe, car ces dotations n'ont pas toujours joué dans le sens de l'équité.

Que faudrait-il faire pour redonner un nouveau souffle à la péréquation et pour améliorer la situation financière des communes, voire des départements, qui en ont le plus grand besoin ?

Il faudrait, en premier lieu, mettre fin à la variation de la dotation de base de la DGF en fonction de la population, qui n'a absolument plus de raison d'être. Les charges de centralité sont, en effet, supportées par les communautés d'agglomération ou les communautés urbaines, voire, dans nos cantons ruraux, par les communautés de communes. En attribuant, en moyenne, 90 euros par habitant de dotation de base à toutes les communes, quelle que soit leur taille, on améliorerait d'ores et déjà quelque peu les choses.

Il faudrait, en deuxième lieu, doubler les crédits affectés à la dotation de solidarité rurale. Il n'est pas normal que celle-ci ne représente que 650 millions d'euros environ, alors que la DSU dépasse 1 milliard d'euros et augmente en pourcentage, chaque année, bien plus rapidement. Il s'agit là d'une solidarité à deux vitesses, car la DSR est versée à plusieurs dizaines de milliers de communes, alors que la DSU ne bénéficie qu'à quelques dizaines !

Il faudrait, en troisième lieu, remettre un peu d'ordre dans la dotation d'intercommunalité.

Est-il normal, en effet, que les communautés de communes à quatre taxes ne perçoivent, en moyenne, que 20 euros par habitant alors que, dans le même temps, les communautés d'agglomération perçoivent 43 euros par habitant et les communautés urbaines, 84 euros par habitant, soit un rapport de 1 à 4 ? C'est à la fois excessif et injuste : au moment où 14 communautés urbaines perçoivent 533 millions d'euros de DGF, les 1 400 communautés de communes à quatre taxes ne se partagent que 241 millions d'euros. Vous avouerez qu'il y a tout de même un problème !

Je vais formuler une proposition qui ne va peut-être pas faire plaisir à tout le monde, mais, entre nous, nous pouvons nous dire les choses franchement !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Biwer

Dans la mesure où les communautés d'agglomération, les communautés urbaines ou les communautés de communes exercent, en vertu de la loi, des compétences très élargies, il va de soi, de facto, que les charges de leurs communes membres ont été allégées, sans que soit remis en cause le montant de la DGF communale qu'elles perçoivent, et qui pourrait être reversé à la DSR. En effet, comme je l'ai démontré, la DSR est moins bien traitée que la DSU.

J'ai d'ailleurs eu confirmation, à travers une analyse de la situation financière des communes et des communautés de communes de mon département, que de nombreuses communes rurales ne disposent que de très faibles moyens. Certaines communes meusiennes ne perçoivent ainsi qu'un peu plus de 110 euros de DGF par habitant, soit deux fois moins que la moyenne départementale.

Je dirai enfin un mot sur la dotation « élu local ». Son faible montant ne permet assurément pas de compenser le versement des indemnités des maires et des adjoints, notamment dans les communes rurales. C'est ainsi que, dans mon département, mais ce n'est certainement pas un cas isolé, de nombreux maires renoncent à une partie de leur indemnité, car ils estiment que le maigre budget de leur commune ne peut pas supporter cette charge.

Ces mesures permettraient certainement d'améliorer la péréquation des ressources entre nos différentes communes. Elles sont très différentes des suggestions formulées par nos collègues socialistes, qui se bornent à organiser une péréquation entre communes d'une même strate démographique, c'est-à-dire une péréquation entre communes pauvres, d'un côté, et entre communes riches, de l'autre.

Il ne serait pas aberrant de voir, par exemple, baisser la DGF versée à la Ville de Paris, qui reçoit plus de 330 euros par habitant, afin que de nombreuses communes rurales puissent bénéficier d'une revalorisation de leur dotation !

De grâce, ne créons surtout pas de communauté urbaine autour de Paris, car cela coûterait plusieurs centaines de millions d'euros de plus de DGF !

J'ajoute qu'il conviendrait peut-être, également, de revoir le mode de répartition des crédits de la dotation nationale de péréquation, qui a pour objet de permettre une meilleure répartition des ressources fiscales entre collectivités. Les 629 millions d'euros de cette dotation seraient sans doute plus équitablement répartis si l'on ne tenait plus compte des strates de population, ce qui pénalise en réalité les communes rurales.

Cette transition me permet d'aborder le second volet de la proposition de loi de nos collègues socialistes, la fiscalité locale.

Mes chers collègues, vous nous proposez de remplacer, à terme, la part départementale de la taxe d'habitation par une part additionnelle à la CSG. Je note une évolution de votre réflexion sur ce sujet, car vous proposiez comme substitut, voilà quelques années, l'instauration d'une taxe départementale sur le revenu. Mais, à la vérité, ni l'une ni l'autre de ces solutions ne recueillent mon agrément.

Certes, il existe un réel problème de rénovation des bases de la fiscalité locale. Je regrette, pour ma part, que la révision générale des valeurs locatives de 1990 n'ait pas été mise en oeuvre, par manque de courage politique. C'est ainsi que nous nous retrouvons, aujourd'hui encore, avec les bases de 1970, forfaitairement actualisées pour le foncier bâti, et avec les bases calculées en 1961 pour le foncier non bâti. Cette situation, qui est source de trop d'injustices, n'est pas tenable.

Puis, au fil des années, la fiscalité locale s'est réduite comme peau de chagrin. La taxe professionnelle et le foncier non bâti ont été amputés significativement, ce qui a entraîné une remise en cause de l'autonomie financière des collectivités locales. Celles-ci ont totalement perdu ce que j'appellerai « la prime au dynamisme ».

Je partage, à cet égard, le souhait émis récemment par M. le président du Sénat de voir les collectivités territoriales dotées d'impôts locaux « modernes, justes et dynamiques ».

Une remise à plat s'impose en effet, mais je reconnais que la réforme de la fiscalité locale n'est pas aisée. Nous avons tous en mémoire les tentatives de réforme de la taxe professionnelle : notre collègue Philippe Marini avait bien raison lorsqu'il affirmait qu'il faudrait trouver la quadrature du cercle !

Quoi qu'il en soit, une plus grande péréquation des ressources entre communes et intercommunalités est indispensable et elle est possible, la DGF constituant, comme je l'ai démontré tout à l'heure, le meilleur levier pour parvenir à la mettre en pratique. Tout est question de volonté et il faut, là comme ailleurs, avoir le courage de remettre en cause des avantages quelquefois indûment acquis.

Je compte sur vous, monsieur le secrétaire d'État, pour nous faire très rapidement des propositions afin que la péréquation et la véritable solidarité, désormais inscrites en lettre d'or dans notre Constitution, ne demeurent pas lettre morte.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, lorsque mon collègue et ami François Marc m'a fait part de son souhait de déposer cette proposition de loi, j'ai trouvé l'idée très intéressante et, connaissant la qualité des membres de la commission des finances, je n'ai pas douté qu'ils y souscriraient rapidement, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

M. Gérard Miquel. ...étant entendu qu'un certain nombre d'entre eux sont aussi présidents de conseils généraux.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

Quand, de surcroît, j'ai su que Michel Mercier était désigné comme rapporteur, je me suis dit, connaissant sa générosité naturelle et son esprit de solidarité, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

...qu'il ne manquerait pas de soutenir cette proposition de loi, et cela pour plusieurs raisons.

Examinant avec attention le tableau comparatif du potentiel fiscal et du potentiel financier des départements de France, j'ai constaté que mon département, le Lot, se situait dans les mêmes rangs que celui de la Mayenne, monsieur le président de la commission des finances, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

M. Michel Mercier, rapporteur. Mais on y mange bien !

Sourires

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Miquel

...alors que le département du Rhône se plaçait un peu différemment.

Le potentiel fiscal par habitant du département du Rhône est ainsi de 647, 07 euros, celui du Lot de 322, 43 euros. L'écart avec la moyenne est de plus 15, 31 % pour le Rhône et de moins 27, 72 % pour le Lot.

Le potentiel financier est, par habitant, de 641, 29 euros pour le Rhône et de 474, 58 euros pour le Lot. L'écart avec la moyenne est de plus 14, 17 % pour le Rhône et de moins 15, 51 % pour le Lot.

Ces quelques chiffres tendent à démontrer qu'il est nécessaire de faire une réforme et de mettre en place des mécanismes de péréquation appropriés.

Permettez-moi, mes chers collègues, de citer encore quelques données relatives aux départements.

Dans nos 102 départements, 25 milliards d'euros de dépenses sociales sont engagées, et ces dépenses ont progressé de 37 % entre 2002 et 2006.

Les départements participent pour un tiers à l'effort national d'investissement.

Ils entretiennent 6 750 collèges publics.

Sept millions de personnes sont suivies, à un titre ou à un autre, par leurs services sociaux et médicosociaux.

Ils entretiennent également 385 000 kilomètres de routes d'intérêt départemental ou national.

Mais quel état des lieux peut-on dresser de la situation financière à laquelle sont confrontés les départements ?

En trois ans et demi, leurs compétences et leurs responsabilités se sont considérablement accrues.

La conséquence de l'exercice de ces compétences supplémentaires a été immédiate : nos budgets ont fortement augmenté - 50 % en moyenne -, nos effectifs de personnels se sont sensiblement accrus avec, notamment, l'arrivée de 43 000 TOS exerçant dans les collèges et de 30 000 agents de l'équipement, soit en moyenne 700 agents supplémentaires par département.

De nouvelles dispositions ont été prises depuis le début de l'année 2007, notamment dans le cadre de la loi créant un droit opposable au logement ou de la loi portant réforme de la protection juridique des majeurs, qui modifiera prochainement l'organisation des tutelles.

Cela continue avec le projet de loi, annoncé par le Gouvernement, sur le transfert des parcs de l'équipement.

Un certain nombre de questions demeurent en suspens.

Ainsi, l'expérimentation du RSA, le revenu de solidarité active, est prévue pour trois années mais sa généralisation est envisagée dès 2008, de même que la fusion des minima sociaux.

Le Gouvernement a prévu d'inscrire un crédit de 25 millions d'euros pour financer le surcoût du RSA, mais nous savons bien que cette somme sera largement insuffisante.

Le transfert du RMI aux départements va générer, fin 2007, une surcharge financière qui s'élèvera à 2, 3 milliards d'euros, comme le montre l'étude récente effectuée par Dexia Crédit Local.

Face à ce constat, beaucoup considèrent que la réforme des finances locales aurait dû être un préalable indispensable à tout nouveau transfert de compétences.

Je citerai à cet égard le président de notre assemblée, Christian Poncelet, dont chacun connaît la pertinence du propos, en ce qui concerne la gestion des départements en particulier, et qui disait récemment que le renforcement de l'autonomie des collectivités était une « absolue nécessité ». Nous devrions, nous disait-il encore, aboutir à de meilleurs résultats « par une plus grande autonomie de gestion des compétences transférées ». « Les départements, ajoutait-il, n'ont pas vocation à devenir des sous-traitants de l'État. »

Ce contexte vient renforcer le décalage structurel qui existe en France entre l'importance du mouvement de décentralisation institutionnelle engagé depuis vingt-cinq ans et les carences de la décentralisation financière qui l'accompagne.

Plus de responsabilités pour les conseils généraux, cela veut dire aussi plus d'autonomie financière.

Par conséquent, il convient - et je cite toujours Christian Poncelet - « de doter les collectivités territoriales d'impôts locaux modernes, justes et dynamiques » et de veiller à ne pas creuser les inégalités territoriales en permettant « la mise en oeuvre de nouveaux mécanismes de péréquation ».

L'exigence de modernisation des impôts locaux est nécessaire pour une plus grande justice sociale. Les impôts locaux reposent sur des bases archaïques et sont source d'injustices, aussi bien pour les contribuables que pour les collectivités.

Les correctifs apportés pour pallier ces carences n'ont finalement conduit qu'à plafonner certains prélèvements locaux plutôt qu'à réformer la structure de ces prélèvements.

De récentes études - celle de l'ODAS, l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée, et celle de Dexia - soulignent la forte progression des dépenses d'action sociale des départements, avec plus 7 % en 2006, et montrent les difficultés des conseils généraux à maîtriser cette évolution.

Pour l'essentiel, il s'agit de prestations dont nous ne maîtrisons ni les montants ni les critères d'attribution.

Nous devons faire face à cette progression de nos dépenses de fonctionnement, mais nos recettes proviennent des dotations et compensations de l'État ainsi que de la fiscalité locale. Or, qu'observons-nous ?

Les compensations sont gelées à la date du transfert ; je pense, en particulier, au RMI.

Les dotations ne vont plus progresser qu'en fonction de l'inflation avec l'abandon annoncé du contrat de croissance et de solidarité.

La fiscalité locale est, je l'ai dit, obsolète et injuste.

La seule ressource dynamique, la taxe professionnelle, ne progresse pratiquement plus depuis sa récente réforme.

Quant aux droits de mutation, ils n'augmentent plus au rythme que nous avons connu ces dernières années. Il arrive même parfois, dans certains secteurs, qu'ils régressent !

Les derniers rapports publiés sur ce sujet sont unanimes : une réforme du système financier local est aujourd'hui nécessaire pour éviter sa « surchauffe ».

Jean-Pierre Fourcade a souhaité à cette tribune une expérimentation : pourquoi pas une expérimentation à l'échelon départemental ?

La décision du ministre de l'intérieur d'affecter aux départements une part des recettes provenant des amendes de police générées par les radars placés le long des routes départementales constitue un début de réponse au problème du financement des départements. Cependant, les 30 millions d'euros annoncés représentent moins de 10 % du total des recettes des radars.

Cette attribution doit évoluer au même rythme que les recettes, qui vont progresser du fait de l'installation de nombreux radars supplémentaires. Il est souhaitable de répartir cette dotation en fonction de l'importance du réseau routier départemental et non du nombre de radars, de manière à respecter le principe de la péréquation.

Comme l'a souligné l'ADF, il faut imposer à l'État de ne plus intervenir dans la fiscalité locale sous la forme de dégrèvements, confirmer le financement de la protection de l'enfance et instaurer un financement national pour les allocations individuelles de solidarité nationale - allocation personnalisée d'autonomie, prestation de compensation du handicap, RMI, RSA - tout en maintenant une mise en oeuvre de proximité au niveau départemental.

Nous devons aussi renforcer la solidarité financière entre les territoires.

Aucune réforme de la fiscalité locale ne peut aujourd'hui se concevoir sans y adjoindre un dispositif de péréquation horizontale, car les ressources fiscales, quelle qu'en soit l'assiette, sont par nature inégalement réparties sur le territoire national. Pour remédier à la disparité de ressources entre les collectivités territoriales, une volonté de renforcement des politiques de péréquation doit être affirmée.

Pour réduire les écarts, il convient de créer un fonds de solidarité départemental qui serait alimenté par un dispositif de péréquation verticale ainsi que par un dispositif de péréquation horizontale.

En conclusion, une réforme profonde du financement des collectivités territoriales s'impose et doit être engagée dès aujourd'hui.

Cette réforme devra répondre aux exigences de simplification et de lisibilité.

Elle devra s'accompagner de la mise en place d'une solidarité effective entre les collectivités locales, qui seule pourra compenser l'hétérogénéité des situations financières des départements.

Cette réforme est d'autant plus nécessaire que les départements, comme les autres collectivités, vont devoir faire face aux conséquences de la mise en place du bouclier fiscal, de la réforme de la taxe professionnelle, de la suppression du contrat de croissance et de solidarité, puisque celui-ci se compose, pour une large part, de dotations compensant une fiscalité dynamique.

Ces décisions, engagées ou annoncées, vont se traduire par une moindre progression des ressources des départements à un moment où leurs dépenses sociales continuent inexorablement de croître à un rythme supérieur à l'inflation.

Les travaux du groupe de travail « finances locales et décentralisation » ont abouti en septembre 2006. Je rappellerai deux des cinq axes de réforme des finances locales que le rapport a permis de dégager : d'une part, le renforcement des mécanismes de péréquation verticale et le développement de nouveaux outils de péréquation horizontale ; d'autre part, l'instauration d'une CSG locale au profit des départements, à laquelle le président du Sénat est très favorable.

La proposition de loi, en développant ces deux axes, a pour objet d'amorcer la réforme ; j'espère, mes chers collègues, que vous la voterez très majoritairement.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Lambert

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, si je suis tout fait partisan de l'élargissement des « niches » réservées, dans l'ordre du jour, à l'initiative parlementaire, je souhaiterais que la qualité des propositions de loi que nous adoptons soit exemplaire. Or je ne suis pas sûr que nous parvenions, ce soir, à cette qualité.

Je me suis, en effet, totalement retrouvé dans les réserves que Jean-Pierre Fourcade a exprimées au nom de notre groupe tant sur le fond que sur les principes et sur la méthode.

Je voudrais, mes chers collègues, appeler notre assemblée à répondre collectivement à une sorte d'impératif de cohérence, cohérence de méthode législative d'abord, cohérence financière et cohérence économique ensuite.

S'agissant de la méthode législative, il y a quelque paradoxe. En effet, d'un côté, nous nous plaignons en permanence du manque de concertation préalable avec les élus locaux quant à l'élaboration des normes qui les concernent et, de l'autre, nous voterions soudain une proposition de loi d'orientation - excusez du peu ! -, sur les finances locales, sans avoir consulté en amont ni le comité des finances locales ni les associations d'élus locaux, et sans tenir aucun compte des nombreux travaux en cours !

La péréquation est une question très importante, comme les intervenants l'ont démontré, et ses implications sont multiples, selon les territoires et les types de collectivités.

Modifier aujourd'hui la notion de potentiel financier en lui fixant des objectifs sans avoir effectué des simulations et sans avoir consulté les organismes compétents, ce serait faire courir aux collectivités locales des risques budgétaires et cela irait totalement à l'encontre de la culture du dialogue, qui, seul, peut permettre d'édifier la législation responsable, efficace et stable que nous demandons en permanence.

En 2003 et 2004, le comité des finances locales a effectué un important travail préparatoire en vue de modifier les règles de répartition interne des dotations. En février 2007, il a mis en place un nouveau groupe de travail pour prendre en compte les résultats du recensement, associant les parlementaires de l'opposition et de la majorité, qui est chargé d'examiner la question de la péréquation.

Dès lors, ne serait-il pas plus raisonnable de laisser travailler le comité des finances locales, dont nous connaissons l'esprit constructif et de dialogue, afin d'avoir des propositions de qualité ?

De surcroît, le Premier ministre a installé, le 4 octobre dernier, la Conférence nationale des exécutifs, afin de mieux associer les collectivités locales à l'élaboration des normes nationales - le sujet dont nous débattons concerne non seulement les recettes, mais aussi les dépenses, ainsi que M. Michel Mercier l'a excellemment souligné -, au suivi de la législation européenne et à la réforme de la fiscalité locale que nous appelons tous de nos voeux.

Cette réforme doit être examinée dans le cadre de la revue générale des prélèvements obligatoires, qui sera conduite par Mme la ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, là encore en totale concertation avec tous les élus concernés.

Pour ma part, j'anime modestement - j'y consacre toutes mes journées - un groupe de travail spécifique sur les relations entre l'État et les collectivités locales, dans le cadre de la révision générale des politiques publiques qui est engagée par le Gouvernement. Nous avons auditionné des représentants des collectivités locales, de toutes catégories, et nous envisageons de déposer notre rapport le 15 novembre prochain.

Le dialogue préalable avec les élus de terrain est, à mes yeux, la clé de la réussite de toute nouvelle réforme en matière de fiscalité locale et de répartition des dotations.

À cet instant, j'en appelle à notre fierté de sénateur. Ne pensons-nous pas, souvent à juste titre d'ailleurs, que nous sommes un législateur sage et que, lorsque nous écrivons la loi, à défaut de le faire « d'une main tremblante », nous nous inspirons de la pensée de Portalis ? Lui serions-nous fidèles, dans l'esprit, si nous adoptions le présent texte ce soir ?

Certes, lorsque Michel Mercier enseigne le droit à la faculté, il ne peut dire à ses étudiants que chaque loi que nous votons est un modèle de méthode législative. Néanmoins, il faudrait que le Sénat, premier représentant des collectivités territoriales aux termes de la Constitution, fasse preuve de sagesse au regard de cette exigence de méthode et de cohérence en veillant à ce que les élus locaux soient associés à l'élaboration des réformes qu'il vote.

S'agissant de l'impératif de cohérence financière, je serai bref, Michel Mercier ayant largement développé ce point à la fois dans son intervention et dans son rapport.

À l'article 1er, François Marc utilise la notion de potentiel financier. Elle représente, comme Michel Mercier l'explique très bien dans son rapport, le thermomètre servant à évaluer la richesse des collectivités territoriales et, actuellement, à répartir les dotations de péréquation.

En proposant de la modifier de manière quelque peu « brutale », selon le qualificatif utilisé par certains intervenants, vous prenez le risque de l'élargir considérablement et de la rendre floue, ce qui aurait, pour certaines collectivités territoriales, des conséquences importantes et imprévisibles, puisque nous ne disposons pas de simulation.

M. Mercier nous en donne un exemple : inclure les dotations de péréquation dans le potentiel fiscal pose déjà le problème de leur répartition, qui dépend précisément du potentiel financier lui-même.

Par conséquent, la cohérence financière est un impératif indissociable des relations entre l'État et les collectivités locales, qu'il s'agisse, je le répète, des dépenses ou des recettes.

. Jean-Pierre Fourcade a souligné tout à l'heure que la péréquation avait progressé, même si elle reste insuffisante. Ainsi, le taux de péréquation au sein de la dotation globale de fonctionnement est passé de 6, 66 % en 1994 à 15, 05 % en 2007, tandis que la masse totale des crédits a plus que doublé, atteignant 5, 9 milliards d'euros en 2007, contre 2, 8 milliards d'euros en 2002.

Si la répartition actuelle des concours de l'État est jugée encore trop forfaitaire et insuffisamment péréquatrice, nous pouvons tout de même tous nous accorder sur le fait que cet élément s'inscrit dans un cadre plus large et qu'il serait dangereux de le traiter séparément.

Enfin, je veux insister sur l'impératif de cohérence économique et budgétaire.

Nos collectivités territoriales ne vivent pas en vase clos ; elles sont inscrites dans l'univers des comptes publics et se trouvent dans un contexte de compétitivité. Si la création d'une part additionnelle à la CSG au sein du partage des produits de cette contribution constitue une piste intéressante, qui a d'ailleurs déjà été évoquée à plusieurs reprises sur toutes les travées de cette assemblée, prévoir un rapport spécifique à ce titre serait, à mes yeux, excessivement dangereux et frôlerait l'improvisation.

La CSG ayant pour finalité de financer les dépenses de sécurité sociale, l'augmenter par la création d'une taxe additionnelle aurait des implications financières, dépassant largement les problématiques locales.

La réforme de la fiscalité locale doit être examinée dans le cadre d'une réforme globale de notre système des prélèvements obligatoires, tant fiscaux que sociaux, en prenant en compte les impératifs locaux, financiers et économiques.

Lorsqu'il a mis en place la Conférence nationale des exécutifs, le Premier ministre a souligné - je parle sous votre contrôle, monsieur le secrétaire d'État - que la réforme fiscale devrait être effectuée sans accroître la pression fiscale globale sur les ménages et les entreprises, qu'elle devrait garantir l'autonomie financière des collectivités tout en conciliant justice sociale et efficacité économique, qu'elle devrait éviter des transferts abrupts d'imposition qui la rendraient inacceptable et permettre de limiter à terme la part de la fiscalité locale pesant sur l'État.

Tel est le sens de la revue générale des prélèvements obligatoires.

Pour toutes ces raisons, je m'oppose à cette proposition de loi, dans sa rédaction actuelle.

Les recommandations de la commission des finances visent - pardonnez-moi l'expression - à « limiter les dégâts ». Si nous votions ce texte, nous aurions non pas accompli une avancée législative majeure, mais simplement évité le pire.

Je me tourne vers nos collègues du groupe socialiste : il ne me paraît pas raisonnable de persévérer dans la rédaction qu'ils proposent et, je le répète, à titre personnel, je voterai résolument contre toute initiative visant à la maintenir.

Si nous étions vraiment raisonnables, nous attendrions quelques semaines, le temps de déterminer une meilleure façon de légiférer sur le sujet.

Nous éviterions ainsi l'aventure dans laquelle nous nous engageons aujourd'hui, qui augure mal - je le dis comme je le pense -, de l'ordre du jour réservé au Parlement, sachant que nous devrions précisément donner l'exemple à l'exécutif de la bonne qualité législative. Or ce n'est pas ce que nous nous apprêtons à faire ce soir !

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Moreigne

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, le début de la péréquation remonte, semble-t-il, au versement représentatif de la taxe sur les salaires, institué en 1966.

Puis, la création de la taxe professionnelle, chère à M. Fourcade, a abouti à la création des fonds départementaux et national de péréquation de la taxe professionnelle.

Enfin, se sont succédé tous les épisodes relatifs à la DGF.

Je vous rappelle, monsieur le rapporteur, que c'est la loi n° 83-1186 du 29 décembre 1983 portant modification des dispositions relatives aux relations financières et aux transferts de compétences entre l'État et les collectivités locales qui a introduit la dotation de fonctionnement minimale en faveur des départements défavorisés.

Vous n'étiez pas né !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Moreigne

Il s'agissait, au sein de la DGF, de la première mouture de cette dotation de fonctionnement minimale, créée à la suite d'un engagement pris au Sénat par Gaston Defferre, lors de la séance du 2 décembre 1982.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Moreigne

M. Michel Moreigne. Vous n'étiez pas né ! Repentez-vous, il en est encore temps !

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Moreigne

Je reviens à mon propos. M. Defferre avait pris cet engagement en réponse à un amendement déposé par les représentants des départements de l'Ariège, du Territoire de Belfort, des Alpes-de-Haute-Provence et de la Creuse. Avec Michel Dreyfus-Schmidt, je suis le dernier survivant parmi les signataires !

Je saute plusieurs épisodes pour arriver à 1990, quand le Président de la République a incité, au cours d'un déplacement dans le Rhône, à mettre en oeuvre des mécanismes de péréquation « retirant à ceux qui ont beaucoup pour donner à ceux qui ont peu ». Il n'y a pas de meilleure définition de la péréquation.

Après les incidents de Bron - chez vous, monsieur le rapporteur ! -, ont vu le jour, en 1991, le fonds de solidarité des communes de la région d'Île-de-France, la dotation de solidarité urbaine ou DSU, la majoration de la dotation de fonctionnement minimale ou DFM, puis, en 1992, le fonds de correction des déséquilibres régionaux.

J'arrête là cet historique, mais je tenais à vous le rappeler, jeune homme, puisque vous l'aviez oublié !

M. le rapporteur proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

M. le rapporteur souhaiterait vous interrompre, mon cher collègue.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Moreigne

Non, monsieur le président ! M. Mercier est un docte professeur de droit, dans une faculté brillante de Lyon. Qu'il me laisser terminer mon propos ; il aura assez de temps et de science pour me répondre le moment venu !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Moreigne

J'ajoute qu'une péréquation volontaire s'est développée avec l'essor des groupements à fiscalité propre, issus de loi de 1992 relative à l'administration territoriale de la République, dite loi ATR.

En 1995, l'article 68 de la loi d'aménagement et de développement des territoires a posé le principe très intéressant de la réduction des écarts de ressources entre les collectivités territoriales, l'objectif étant de parvenir, en 2010, à une situation dans laquelle les ressources locales par habitant se situeraient dans une fourchette allant de 80 % à 120 % de la moyenne nationale.

Ce ratio reste d'ailleurs cher au coeur des législateurs, puisque notre rapporteur s'y réfère pour trouver que la situation de la région Limousin est très satisfaisante à cet égard. Mais il oublie les conséquences mathématiques que peut avoir un petit diviseur sur une fraction !

Sans revenir sur l'histoire récente - maintenant que je me suis un peu libéré !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Moreigne

La taxe professionnelle a subi le sort que l'on sait, avec l'introduction de mécanismes de plafonnement qui ne prévoient aucune péréquation.

Plus encore, des amendements du groupe socialiste du Sénat destinés à mieux répartir certaines ressources se sont heurtés à l'hostilité de la majorité. J'ai à l'esprit un débat tout à fait récent, au cours duquel nous avons proposé de partager une partie de la manne des droits de mutation à titre onéreux, dont quelques pourcentages seulement auraient suffi à faire le bonheur de certaines collectivités. Or, là encore, le succès n'a pas été au rendez-vous.

Monsieur le rapporteur, vous vous êtes également opposé, avec la vigueur que nous vous connaissons, à notre proposition tendant à mieux répartir les charges de l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie, en plafonnant celles-ci à 21 % du potentiel fiscal de certains conseils généraux - vous devinez lesquels ! Notre démarche n'a pas été couronnée de succès, alors qu'elle concernait, je le rappelle, une enveloppe fermée du fonds de financement de l'APA, dont nous savons aujourd'hui que 800 millions d'euros restent, sinon disponibles, du moins non répartis.

Là encore, vous avez manifesté votre opposition avec une rigueur toute lyonnaise, en oubliant que c'est M. Jean Puech qui est allé affirmer à Mme Élisabeth Guigou, alors ministre de l'emploi et de la solidarité, que les présidents de conseils généraux étaient tout à fait désireux de s'occuper de l'APA - c'est ainsi que nous avons tous hérité de la gestion de cette prestation !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Lambert

Il fallait voter la récupération de l'APA sur les successions !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Moreigne

Je passe sur les modifications qu'ont subies les dotations de fonctionnement minimales des anciens départements pauvres, au point que, désormais, les départements urbains en sont tous bénéficiaires et que leur dotation de fonctionnement minimale progresse plus vite que celle des anciens attributaires ruraux ! Il s'agit là d'une décentralisation « dernière formule » et d'une péréquation qui n'est guère cohérente avec les orientations tracées par le Président de la République, en 1990, à la suite des événements de Lyon-Bron que j'évoquais tout à l'heure.

Je tiens à rendre hommage à certaines personnes de bonne volonté, tout particulièrement à Jean François-Poncet et Claude Bellot pour leur diagnostic sur la situation en points de charges des départements. Je cite aussi avec plaisir Joël Bourdin, qui a évoqué les disparités entre les collectivités dans son rapport rédigé au nom de l'observatoire des finances locales.

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je me permettrai de résumer les données financières de la Creuse, le département que j'ai l'honneur de représenter.

En ce qui concerne le ratio des droits de mutation sur les dépenses réelles de fonctionnement, la valeur médiane nationale est de 12, 3 %, contre 6, 92 % pour la Creuse. Les contributions directes médianes par habitant s'élèvent quant à elles à 278 euros, contre 217 euros seulement pour la Creuse, alors que, je me permets de vous le rappeler, monsieur le rapporteur, le dénominateur de cette fraction est un tout petit nombre.

S'agissant du ratio des dépenses d'équipement brut sur les dépenses totales, la valeur médiane nationale est de 13, 9 %, contre 11, 71 % pour la Creuse. On se demande, d'ailleurs, comment un département aussi faiblement doté peut encore avoir des dépenses d'équipement !

En ce qui concerne l'épargne de gestion, en euros par habitant, la valeur moyenne pour l'ensemble des départements est de 148 euros, contre 135 euros seulement pour la Creuse et, je le répète, le dénominateur est un tout petit nombre, puisque le département compte à peine plus de 120 000 habitants. On se demande bien comment, dans ces conditions, la Creuse peut avoir une épargne nette par habitant de 72, 02 euros, contre 22 euros pour la moyenne nationale !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

M. Michel Mercier, rapporteur. C'est qu'elle est bien gérée !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Moreigne

Mes chers collègues, vous constatez que les écarts de richesse sont considérables, et vous aurez compris que, selon le document établi par l'observatoire des finances locales, le département que j'ai l'honneur de représenter se situe dans ce que l'on appelle le « mauvais quadrant ».

Bien entendu, vous le savez, je défends ici, depuis longtemps et avec obstination, l'aspiration des zones rurales à un aménagement du territoire équilibré, soucieux des particularités régionales et des écarts de richesse.

Or les plus hautes autorités de la République ont rappelé à plusieurs reprises que la Creuse n'était pas les Hauts-de-Seine !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Moreigne

Pour ceux qui en douteraient, je renvoie à un grand quotidien national, qui a rapporté fidèlement ces propos.

Comme mes collègues parlementaires creusois André Lejeune et Michel Vernier, je n'ai pu que me réjouir de voir reconnu l'état de fait que je viens de rappeler. Toutefois, je constate que les actes ne suivent pas.

Les collectivités les plus aisées - et le département du Rhône, monsieur le rapporteur, ne compte pas parmi les plus pauvres, François Marc l'a rappelé -, améliorent encore leur santé financière en accroissant leurs bases fiscales et les droits de mutation.

Cette prospérité semble d'ailleurs donner des idées à certains, puisque le pacte de croissance et de solidarité des dotations de l'État paraît sérieusement écorné dans le budget pour 2008. En outre, des rumeurs circulent sur une remise en cause du fonds de compensation de la TVA, qui sera sans doute décidée après les élections municipales. Nous verrons ce qu'il adviendra, mais cette mesure ne manquerait pas de pénaliser l'investissement public local, dont on connaît l'importance dans le total des investissements publics, surtout par comparaison avec ceux de l'État.

Depuis 2002, et le gouvernement Raffarin, le département que j'ai l'honneur de représenter a augmenté ses impôts de plus de 50 % - pas pour le plaisir, évidemment, mais pour équilibrer son budget !

La charge nette de l'APA est passée de quatre millions d'euros en 2004 à neuf millions d'euros en 2007. Le déficit cumulé de la compétence RMI s'élève aujourd'hui à cinq millions d'euros.

À ce paquet - si vous me permettez l'expression, mes chers collègues - il faut encore ajouter la suppression de la DGE première part, le plafonnement de la taxe professionnelle et quelques autres mesures. Aussi la chambre régionale des comptes a-t-elle été amenée récemment à constater que le département de la Creuse ne pouvait que très difficilement faire face à ses charges, sauf à augmenter chaque année la pression fiscale d'un taux de près de 10 %, comme l'a préconisé un cabinet de conseil reconnu et compétent - le cabinet Klopfer pour ne pas le citer.

En outre, la disposition de la loi de financement de la sécurité sociale visant à limiter les exonérations de charges en zone de revitalisation rurale coûterait cher au département de la Creuse - environ 1, 5 million d'euros. Mes chers collègues, quand on sait qu'un point d'impôts en plus « rapporte » 330 000 euros au département, vous voyez ce que cette somme représente d'effort fiscal ! Je fais, bien entendu, ici allusion à l'article 12 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, dont j'ai cru comprendre qu'il avait subi un certain nombre d'améliorations, qui devront faire l'objet d'un examen attentif.

En bref, il manque au département de la Creuse quinze millions d'euros par an, c'est-à-dire une toute petite partie, de l'ordre du millième, de la dotation globale de fonctionnement de l'ensemble des conseils généraux.

Le Président de la République, qui a reconnu les besoins de ce département et souligné que la Creuse n'était pas les Hauts-de-Seine, s'est engagé à faire bouger les lignes. Or je ne pense pas qu'il soit insurmontable de déplacer de l'ordre d'un millième une ligne budgétaire, surtout si l'on songe avec quelle facilité on a offert un cadeau - mais le terme est sans doute exagéré ! - de quinze milliards d'euros à une minorité de personnes qui, de surcroît, semblent n'avoir rien réclamé !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Moreigne

C'est pourquoi, avec François Marc et un certain nombre de mes collègues, j'ai senti la nécessité de proposer de nouveau des mesures péréquatrices, notamment en faveur des conseils généraux.

Or, monsieur le rapporteur, vous qui êtes l'élu d'un département qui compte parmi les plus nantis - il faut le reconnaître, et vous l'admettrez sans doute vous-même tout à l'heure -, vous pervertissez en partie la proposition de loi d'orientation de François Marc. Il semble que, pour vous, il soit urgent de ne pas faire grand-chose, voire de ne rien faire du tout, si ce n'est compatir - je vous en remercie par avance ! -, et continuer à parler de péréquation.

Ainsi, monsieur le rapporteur, ont agi les habitants de Constantinople, qui poursuivaient leurs disputes sur le sexe des anges alors que leurs murailles s'effondraient sous l'assaut des assiégeants !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je crois qu'il faut toujours en revenir à Charles Gounod

Marques d'étonnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

, à son célèbre opéra Faust et à ce choeur non moins célèbre où des soldats entonnent sur la scène : « Marchons, marchons ! » tout en restant sur place !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En effet, nous ne cessons d'entendre des discours selon lesquels il est urgent d'avancer et, pourtant, nous ne cessons de rester sur place !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Dès lors, il est heureux que des élus courageux comme François Marc nous proposent justement d'agir !

Monsieur Lambert, j'ai été étonné par vos griefs assez vifs. Pour ma part, j'ai modestement suivi les travaux qui ont été menés pendant deux années autour de François Marc et qui ont abouti à la production de cet important rapport intitulé Perspectives de réforme des finances locales.

M. Jean-Pierre Sueur montre un exemplaire de ce rapport.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Ce travail considérable a permis de dégager, après de très nombreuses auditions, plusieurs axes de réforme susceptibles de changer vraiment les choses ; cette proposition de loi s'en inspire directement.

Certes, mon cher collègue, il y a Portalis !

M. Jean-Pierre Sueur se tourne vers la statue de Portalis située derrière lui. - Marques d'étonnement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

On nous rétorque que si Portalis était des nôtres, il jugerait que la proposition de loi de M. Marc ne convient pas. Or je n'en suis pas certain.

Monsieur le secrétaire d'État, si Portalis nous regardait, s'il revenait et s'il constatait, par exemple, que l'important travail législatif réalisé autour de la loi de finances initiale pour 2008 se trouve derechef interrompu, afin de présenter au Parlement, en toute urgence, une proposition de loi singulière, dans tous les sens du terme, destinée à aider certain parti politique, que connaît bien M. Michel Mercier, d'ailleurs, à trouver son financement, que dirait Portalis ?

Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

M. Jean-Pierre Sueur. Si Portalis lisait les projets de loi que nous transmet le Gouvernement, il aurait matière à réflexion. Or, il m'a semblé justement que la proposition de loi de François Marc était d'une simplicité et d'une clarté particulières, qui lui eussent peut-être valu l'attribution du prix Portalis, si celui-ci avait existé.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Au fond, nous butons sur trois problèmes.

Tout d'abord, les valeurs locatives, qui témoignent depuis très longtemps d'un ahurissant immobilisme de la part de l'ensemble des responsables politiques - et nous sommes ici tous concernés !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Quand on explique aux gens que, pour l'impôt foncier, les critères en vertu desquels les valeurs locatives sont calculées datent de quarante-six ans, et, pour les taxes d'habitation, de trente-sept ans, me semble-t-il, ils trouvent tous ce système archaïque, et cela à juste titre !

Mes chers collègues, j'habite à Orléans, une très importante commune de notre pays, dans un quartier qui s'appelle La Source parce que s'y trouve la source du Loiret, un cours d'eau très considérable

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

En effet, monsieur le rapporteur, vous connaissez bien le sujet et je vous en félicite !

Or, les habitants de ce quartier, que Mme Janine Rozier connaît également très bien, se plaignent parce que les impôts locaux qui ont été définis lorsque ce quartier s'est construit, dans ce qui était alors considéré comme l'équivalent d'une ville nouvelle, sont devenus au fil du temps plus élevés que ceux qui sont acquittés dans nombre de secteurs de l'agglomération dont les caractéristiques différent aujourd'hui de celles de La Source.

Les représentants de l'Association des habitants de La Source se sont rendus avec moi-même à Bercy pour demander une étude, laquelle a sans doute été en partie effectuée, mais ils n'ont pas réussi à en connaître les résultats à ce stade. Si bien qu'on est en pleine opacité. Il est impossible aujourd'hui d'obtenir des informations ou des évolutions, même sur la base du « coefficient d'entretien », qui est l'un des éléments de calcul de la valeur locative.

Très franchement, cette grande opacité décourage tout le monde et il est donc absolument impératif de traiter cette question et de faire bouger les choses pour arriver à plus d'équité dans la fiscalité locale. D'ailleurs, dans le rapport du groupe socialiste sur cette question, intitulé Perspectives de réforme des finances locales, mon collègue François Marc présente des propositions susceptibles de donner lieu à une seconde proposition de loi, qui viendrait utilement compléter celle que vous allez certainement voter, du moins je l'espère, dans quelques instants.

Le deuxième problème, c'est la prise en compte des revenus dans la fiscalité locale. À cet égard, je me souviens du rapport parlementaire lumineux sur ce sujet qu'avait établi Edmond Hervé, le maire de Rennes, dans lequel il faisait un grand nombre de suggestions. Nombre de pays d'Europe, comme on peut d'ailleurs le lire dans le rapport de François Marc, prennent en compte les revenus pour établir leur fiscalité locale. Ce point est d'ailleurs également très bien expliqué dans le rapport de la commission.

Il faudrait donc que nous en tirions les conséquences, et c'est ce que notre collègue nous propose de faire. Pourtant, comme d'habitude, à mon grand regret, on va nous expliquer que ce n'est pas le moment. Je le regrette.

Le troisième problème, c'est la péréquation. Le mode de répartition des dotations de l'État est un sujet très important dans notre pays, puisque l'État - situation assez singulière ! - est le premier contributeur en ce qui concerne les impôts locaux. Tout le monde le sait, c'est lui qui paie le plus.

À ce titre, je me souviens des déclarations enflammées des uns et des autres lors de l'introduction de cette fameuse péréquation à l'article 72-2 de la Constitution. Plus d'un trouvait alors formidable d'inscrire dans notre loi fondamentale que « La loi prévoit des dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Que s'est-il passé depuis ? Notre nouveau Président de la République, M. Nicolas Sarkozy, se dépense dans de nombreux domaines. Il donne même parfois le sentiment d'occuper également les fonctions de tous les ministres, y compris celles du premier d'entre eux.

J'ai cependant remarqué qu'il était assez peu bavard - je me permets de vous le signaler, monsieur le secrétaire d'État, car c'est un créneau que vous pourriez mettre à profit

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

- sur tout ce qui concerne les collectivités locales : lui qui parle beaucoup, à tout moment et sur tous les sujets, il n'en parle pas ! Peut-être son expérience politique ne l'a-t-elle pas forcément conduit sur les chemins de la péréquation ?

Nouveaux sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Selon vous, monsieur Lambert, la DGF aurait déjà un effet péréquateur non négligeable. Examinons donc la situation.

La DGF atteint 39 milliards dans la loi de finances pour 2007. Quant à la péréquation, elle représenterait 5, 9 milliards d'euros, soit 15 % de la DGF. Mais je redis ici que je ne suis pas convaincu par le rapport de MM. Gilbert et Guengant.

Observons en effet de plus près ces 15 % dits péréquateurs à l'intérieur de la DGF.

La DSU, la dotation de solidarité urbaine, que nous pourrions d'ailleurs améliorer, est certes péréquatrice, mais elle représente moins de 1 milliard d'euros.

La DSR, la dotation de solidarité rurale, aboutit à un tel éparpillement des crédits que son effet péréquateur paraît assez faible. C'est cependant le choix qui a été fait.

Quant à la dotation d'intercommunalité, elle correspond à une somme de 2, 2 milliards d'euros. Êtes-vous sûrs, mes chers collègues, qu'elle ait un effet péréquateur ? Les communes concernées par la DGF font partie d'intercommunalités qui en sont également bénéficiaires. Si l'on intègre cet aspect, comme l'a évoqué M. Claude Biwer tout à l'heure, on se rend compte que l'intercommunalité engendre le plus souvent des mouvements totalement mécaniques au sein de la DGF, sans le moindre effet péréquateur.

La vérité, c'est que dans les 15 % dits de péréquation, il doit y avoir 6 % ou 7 % de vraie péréquation. Il faut donc faire quelque chose !

Ce que préconise mon collègue François Marc a le mérite de la clarté. On lui répond que ses propositions sont trop compliquées. Il faudrait peut-être un jour étudier, de ses origines jusqu'à nos jours, l'histoire de la DGF - mais beaucoup de tâches sont devant nous, et la vie est courte ! -, pour montrer comment l'addition de quantité de bonnes intentions, de dotations, de sous-dotations, de critères, aboutit à un dispositif de plus en plus illisible.

Avant la réforme proposée par notre collègue Daniel Hoeffel, le calcul de la DGF intégrait soixante à soixante-dix critères différents. Il y a d'ailleurs ici d'excellents spécialistes de ces questions, qui ont écrit des livres admirables sur ce sujet ; ils se reconnaîtront. On prenait tout en compte, y compris la voirie. On a ensuite décidé de rapporter les sommes affectées à ce titre au nombre de kilomètres carrés. Puis on a pris en compte de manière spécifique le nombre de kilomètres de routes de montagne. On a ensuite créé une première dotation touristique, plus tard une deuxième...

La prise en compte de tous ces critères aboutissait à quelque chose d'illisible. M. Hoeffel a alors proposé de « cristalliser » le système, en créant un ensemble qu'il a appelé dotation forfaitaire. Mais celle-ci découle du système qui existait auparavant, si bien que c'est en fait un monument d'illisibilité.

Vous affirmez, mes chers collègues, que toute réforme est très difficile parce que très compliquée. Or, selon moi, la vraie réforme, c'est celle qui aurait le courage de rebâtir une DGF et, donc, un système de péréquation, à partir de trois ou quatre critères seulement. Vous remarquerez qu'une telle réforme est totalement compatible avec les excellentes propositions que mon collègue François Marc a eu la bonne idée de nous faire.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

I. - Après la première phrase du onzième alinéa de l'article L. 2334-7 du code général des collectivités territoriales, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« À compter de [année suivant celle d'entrée en vigueur de la présente loi], cette garantie évolue selon un taux égal au plus à 15 % du taux de progression de l'ensemble des ressources de la dotation globale de fonctionnement. »

II. - Pour être applicable, le dispositif visé au I du présent article doit être précédé de la remise par le gouvernement de simulations adéquates.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

L'amendement n° 1, présenté par MM. Marc et Bel, Mme M. André, MM. Angels, Auban et Badinter, Mme Bergé-Lavigne, M. Besson, Mme Boumediene-Thiery, Y. Boyer et Bricq, MM. Charasse, Courteau, Dauge et Demerliat, Mme Demontès, M. Domeizel, Mme Durrieu, MM. Frécon, Frimat, Guérini et Haut, Mme Herviaux, MM. Journet et Le Pensec, Mme Le Texier, MM. Madec, Massion, Miquel, Moreigne, Peyronnet, Picheral et Piras, Mme Printz, MM. Raoul, Repentin, Ries et Saunier, Mme Schillinger, MM. Sergent, Sueur et Sutour, Mme Tasca, MM. Teston, Todeschini, Tropeano, Yung et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

I. - Dans le but de garantir aux collectivités territoriales les moyens financiers leur permettant d'assurer de façon équitable sur tout le territoire de la République un service public de proximité de bonne qualité, la loi définit les conditions d'un rapprochement progressif de leurs potentiels financiers.

Conformément au cinquième alinéa de l'article 72-2 de la Constitution, la plus prochaine loi de finances met en place les dispositifs de péréquation destinés à favoriser l'égalité entre les collectivités territoriales.

Cette loi arrête les éléments de la dotation forfaitaire et de la dotation de péréquation constitutive de la dotation globale de fonctionnement des communes, des départements et des régions.

Elle définit pour les régions, départements et pour chaque strate démographique communale, respectivement, une fourchette de variation du potentiel financier par habitant en fonction de la moyenne de la catégorie ou de la strate de population.

Les mécanismes de péréquation mis en place doivent en tout état de cause conduire à ce qu'aucune commune n'ait, dans le délai fixé par la loi, un potentiel financier par habitant inférieur à 80 % du potentiel financier moyen de sa strate démographique. Pour les départements, ce taux serait de 90 % et pour les régions de 95 %. La mesure des seuils ainsi déterminés s'opère sur la base d'une redéfinition précise du critère potentiel financier.

II. - Le dispositif prévu au I donne lieu à la mise en place d'un mécanisme de lissage de ses effets sur une période de dix ans, afin de limiter ses conséquences financières pour les collectivités.

III. - Les dispositions du I et du II entrent en vigueur à une date fixée par décret après avis du Comité des finances locales, lequel délibère au vu des simulations des effets de la mesure, fournies par l'administration dans les trois mois qui suivent l'adoption de la présente loi.

La parole est à M. François Marc.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Compte tenu de l'heure, je ne reviendrai ni sur tous les arguments qui ont été échangés, ni sur la position de M. le secrétaire d'État, ni sur les observations faites par mes collègues concernant cette proposition de loi.

S'il en était besoin, notre collègue Jean-Pierre Sueur vient d'apporter toutes les justifications nécessaires à la réflexion entreprise, depuis deux ans déjà, par le groupe socialiste, sur ce qui pouvait être fait en la matière. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, les bureaux de chacun des trois cent trente et un sénateurs croulent sous des tonnes de rapports et de documents divers et variés concernant la réforme des finances locales. Aujourd'hui, nous savons, me semble-t-il, ce vers quoi il faut tendre, la péréquation étant une préoccupation très largement partagée.

Certains ont évoqué une absence de concertation et de consultation. À ce titre, je me contenterai de rappeler l'existence d'un document commun, établi voilà trois semaines, par différentes associations d'élus, lesquelles réclament toutes la mise en oeuvre d'une péréquation améliorée. Cela démontre à quel point nous sommes en phase avec les attentes du pays, en particulier celles des élus locaux.

Sur la base donc d'un travail approfondi privilégiant la consultation, nous avons élaboré cette proposition de loi d'orientation, qui, certes, ne s'intéresse pas à l'ensemble des aspects des finances locales. Jean-Pierre Sueur a démontré à l'instant combien il est difficile de toucher à tout en même temps. Cependant, sur deux points particuliers, à savoir l'introduction des revenus dans la fiscalité locale, avec la création d'une part de CSG départementale, et l'amélioration de la péréquation, ce texte fournit des orientations utiles, qui pourraient être mises en oeuvre rapidement dans les prochaines années.

Je remercie M. le rapporteur, qui a tenu des propos constructifs sur cette proposition de loi. Celle-ci permettrait d'améliorer la péréquation entre collectivités, par la redistribution de 1 milliard d'euros, alors que la DGF, nous le savons bien, atteint 39 milliards d'euros Vous pouvez ainsi mesurer, mes chers collègues, l'ampleur tout à fait modeste de l'avancée proposée. Au surplus, le texte prévoit un lissage sur dix ans, ce qui permet de déduire que son application annuelle conduirait à un redéploiement des dotations représentant environ 100 millions d'euros.

Sur l'article 1er du texte, la commission des finances s'est interrogée et a pris des dispositions qui, je le crois, ne vont pas dans la bonne direction.

Tout d'abord, elle nous propose d'exclure les départements et les régions du nouveau dispositif de péréquation. Or, au cours des quatre années passées, chacun le sait, les collectivités qui ont été le plus touchées par les lois de décentralisation sont les départements, qui ont eu à gérer une situation financière de plus en plus complexe. Comme mon collègue Michel Moreigne l'a clairement démontré tout à l'heure, il est aujourd'hui nécessaire d'améliorer la situation des départements les plus modestes.

M. Alain Lambert, quant à lui, a estimé que la proposition de la commission des finances, si elle n'était pas très bonne, « limitait les dégâts ».

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Lambert

Les dégâts que vous risquez de créer vous-même !

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Si j'ai bien compris, la péréquation, dans son esprit, crée des dégâts, qu'il est donc nécessaire de limiter. Exclure du dispositif les départements et les régions lui paraît donc de nature à donc « limiter les dégâts ».

Notre collègue Jean-Pierre Fourcade a, quant à lui, estimé « astucieux » d'exclure les départements et les régions de la péréquation. Je lui laisse la responsabilité des propos qu'il a pu tenir à cet égard.

En tout état de cause, la position de la commission des finances s'apparente à un refus manifeste de toute avancée sur le terrain de la péréquation.

D'ailleurs, mes chers collègues, je vous recommande de lire, à la page 27 du rapport, le passage qui explique parfaitement ce qui a motivé la commission pour nous proposer une nouvelle rédaction de l'article 1er de la proposition de loi : « Votre commission des finances considère qu'il n'est ni possible ni souhaitable de proposer une réforme d'ampleur de la péréquation, dans le cadre de la présente proposition de loi ». Les choses sont claires !

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Il ne faut ni tricher ni s'abriter derrière de faux-semblants. D'un côté, après une réflexion approfondie, nous proposons, en revenant à la rédaction initiale de l'article 1er, d'améliorer le mécanisme de la péréquation pour les communes, les départements et les régions ; d'un autre côté, la rédaction retenue par la commission ne comporte aucune avancée significative et tend même à une régression.

Aussi, cet amendement se justifie pleinement, puisqu'il tend à rétablir l'article 1er dans sa rédaction initiale et, partant, à faire progresser le mécanisme de péréquation. S'il devait ne pas être adopté par le Sénat, la péréquation ne connaîtrait aucune avancée significative.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

L'amendement de M. Marc a pour objet de rétablir l'article 1er dans sa rédaction initiale.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Mon cher collègue, vous avez assez souvent raison, mais, dans ce cas d'espèce, vous avez entièrement tort et je vais essayer de vous expliquer pourquoi.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Nous sommes tous d'accord pour reconnaître que l'idée de M. Marc et de ses collègues visant à améliorer le mécanisme de la péréquation procède d'une bonne intention. Le seul problème est de savoir comment l'on s'y prend et ce que l'on fait.

Je voudrais dire ceci à Michel Moreigne : « Amicus Moreigne, sed magis amica veritas » !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

En premier lieu, vous avez évoqué ce que vous avez appelé les incidents de Lyon-Bron. Il se trouve que j'étais présent ce jour-là. Il ne s'agissait pas du tout d'incidents. En réalité, le chef de l'État présidait une grande assemblée réunissant le ban et l'arrière-ban de la République pour parler de la politique de la ville. Ce sujet ne passionnait que modérément le Président de la République. Je me rappelle d'ailleurs avoir eu avec lui à cette occasion une conversation qui m'a marqué et que je garde en mémoire. Il s'agissait tellement peu d'un incident que nous nous sommes tous retrouvés vers treize heures quinze chez Léon de Lyon !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Voilà pour le premier point, mon cher collègue : il y avait non pas divergence, mais au contraire convergence.

En second lieu, je vous accorde que le département de la Creuse connaît un vrai problème et qu'il faudrait peut-être traiter son cas à part.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Cependant, toute mesure d'ordre général doit préalablement faire l'objet de simulations. Or, la proposition de loi de notre collègue n'en comporte aucune.

Monsieur Moreigne, consultez le tableau qui se trouve à la page 24 du rapport. Vous constaterez que la Creuse ne compte pas parmi les départements qui seraient bénéficiaires du dispositif visé dans le texte qui nous est proposé, et ce pour deux raisons très simples : d'une part, elle bénéficie déjà d'un certain nombre de mesures péréquatrices et, d'autre part, son potentiel fiscal élargi au sens de la proposition de M. Marc se situerait à 550 euros par habitant, soit 50 à 60 euros au-dessus du seuil lui ouvrant droit aux aides.

Vraiment, j'aurais de la peine à voter l'amendement de M. Marc, car, s'il était adopté, la Creuse qui, comme vous nous l'avez très bien expliqué, a besoin de beaucoup ne percevrait rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Elle ne percevrait rien parce que nous ne disposons malheureusement d'aucun moyen statistique, d'aucune étude, d'aucune simulation, autant d'éléments indispensables pour la rédaction d'une telle proposition de loi. Même la Direction générale des collectivités locales n'a pu nous être d'une aide quelconque.

Nous touchons là à un problème fondamental de nos institutions auquel M. Balladur proposera peut-être, comme je l'espère, de porter remède.

L'ambition de M. Marc est une ambition ancienne, partagée par tous. Un certain nombre de ceux qui sont présents dans cet hémicycle se souviennent d'avoir voté, dans le cadre de l'examen de la loi Pasqua et sur proposition de ce dernier, une disposition identique à celle qui nous est proposée aujourd'hui par notre collègue. Bien qu'adoptée à l'unanimité, elle ne fut jamais mise en oeuvre.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement de M. Marc. Je reconnais tout à fait que l'article 1er, dans la rédaction proposée par la commission, est d'une portée bien plus modeste : s'il tend à limiter l'augmentation du complément de garantie de la DGF des communes, il présente cependant l'avantage de renforcer la péréquation à leur profit, pour un coût d'environ 10 millions d'euros par an.

Une fois que le groupe de travail sur l'impact du recensement, constitué au sein du comité des finances locales, aura rendu ses conclusions, ainsi que l'a rappelé M. Lambert, il sera peut-être possible d'aller plus loin. Mais à ce jour, ainsi que l'atteste l'exemple de la Creuse, nous ne pouvons légiférer à l'aveuglette.

Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Frimat

M. Bernard Frimat. Votre intervention était ... creuse !

Rires

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, secrétaire d'État

Monsieur Marc, vous proposez, par votre amendement, de rétablir l'article 1er dans sa rédaction initiale.

J'ai eu l'occasion, tout à l'heure, d'exprimer le point de vue du Gouvernement sur la rédaction proposée par votre commission. Il vaut aussi pour votre amendement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez tous exprimé la volonté de voir améliorer le mécanisme de la péréquation. Monsieur Marc, je ne peux vous laisser dire que le Gouvernement ne partage pas cet objectif. Je rappelle que, cette année, la dotation de solidarité urbaine augmentera de 9, 4 % et que la dotation de solidarité rurale progressera dans une proportion identique, si le comité des finances locales en est d'accord.

La péréquation n'a jamais été aussi élevée qu'aujourd'hui. Nous sommes évidemment favorables à son amélioration. Néanmoins, nous pensons qu'il n'est pas opportun de modifier par petites touches la répartition de la DGF. Pour cette raison, nous vous invitons à prendre en considération les contributions de votre collègue Alain Lambert, à attendre les conclusions du groupe de travail constitué au sein du comité des finances locales sur l'impact du recensement et, enfin, à étudier avec la Conférence nationale des exécutifs l'effet que pourrait avoir un déplacement du curseur dans un sens ou dans un autre.

Nous ne disposons pas réellement d'études sur les effets que pourrait avoir votre amendement, monsieur le sénateur. En particulier, nous ignorons quelles seraient les conséquences des transferts auxquels vous proposez de procéder, dont le montant atteint tout de même 2, 5 milliards d'euros pour les communes et plus de 140 millions d'euros pour les départements. En outre, j'observe que votre amendement ne s'appliquerait pas aux régions, qui ne sont pas concernées par le critère du potentiel financier.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

J'ai écouté avec attention les remarques qu'a suscitées cette proposition de loi. J'ai beaucoup apprécié la façon dont Michel Moreigne nous a présenté la situation de la Creuse, car elle illustre bien les difficultés dans lesquelles se trouvent les départements, dont on ne prend jamais en compte les charges qui leur ont été transférées quand on analyse la situation de leurs ressources.

Monsieur le rapporteur, en montrant que la Creuse ne bénéficierait aucunement de la réforme de la péréquation telle que la propose notre collègue dans son amendement, vous illustrez à votre tour parfaitement mon propos.

Aujourd'hui, nous sommes dans une situation très particulière : les ressources et le potentiel financier d'un département ou d'une commune sont analysés sans jamais qu'il soit véritablement tenu compte de ce que sont leurs charges réelles. C'est un problème pour appréhender au mieux la situation financière des collectivités territoriales.

Prenons l'exemple d'un département très industrialisé comme la Seine-Saint-Denis. On pourrait penser qu'il dispose de moyens extrêmement importants. Or, compte tenu des charges qui lui incombent, de la composition de sa population et de la faible capacité contributive de cette dernière, il rencontre de vraies difficultés pour supporter le coût des services nécessaires à la vie quotidienne de ses habitants. Tant qu'on raisonnera à masse constante, on ne progressera pas. C'est là un point faible de cette proposition de loi, qui, par ailleurs, me semble intéressante.

L'État affirme consentir cette année un effort en matière de DGF, mais il le fait payer aux collectivités qui bénéficient de la DCTP. S'agit-il nécessairement de collectivités très riches, dont les populations peuvent être mises à contribution ?

Un certain nombre de communes qui se retrouvent dans cette situation ont, depuis plusieurs années déjà, potentiellement perdu des capacités par rapport à d'autres qui, pour leur part, ont vu leurs capacités se développer. Je rejoins notre collègue Jean-Pierre Sueur quand il affirme que l'effet péréquateur de la DGF est inférieur à 10 %. De fait, certaines collectivités vivent moins bien qu'il y a quelques années en raison de la baisse de leurs recettes qu'ont provoquée ces formules.

J'admets qu'il serait utile de procéder à des analyses complémentaires et qu'il ne serait pas opportun de procéder à des changements par petites touches. Pourtant, la loi de finances pour 2007 a apporté une modification à la DGF- précisément par une petite touche -, qui a concerné environ 3 000 communes et qui a porté sur 13 millions d'euros.

Une véritable réforme de la péréquation passe par l'engagement de moyens supplémentaires.

Des deux propositions que j'ai faites, je n'en rappellerai qu'une seule. L'État perçoit le produit de la cotisation minimale de taxe professionnelle, qui devrait normalement échoir aux collectivités locales. L'an prochain, il percevra à ce titre 2, 5 milliards d'euros, contre 2, 3 milliards d'euros cette année. Pour quelle raison ce système anormal perdure-t-il ? Pourquoi l'État encaisse-t-il le produit d'une taxe destinée aux collectivités territoriales ?

Malheureusement, la proposition de loi que nous examinons n'est pas suffisamment aboutie pour régler cette question. Aussi, je m'abstiendrai sur l'amendement que présente notre collègue François Marc, tout en précisant que la rédaction proposée par la commission pour l'article 1er ne me convient absolument pas.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Charles Guené, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La générosité des auteurs de la présente proposition de loi m'émeut. En tant que « rural », je me demande même si je ne serais pas allé plus loin...

Cela dit, il est assez curieux de voir comment l'inspiration vous vient, mes chers collègues du groupe socialiste, lorsque vous n'êtes plus aux affaires. M. Sueur devient carrément lyrique, qui nous entonne un fabuleux opéra sur l'air du « Marchons ! Marchons ! ». « Et même dans le brouillard ! », serais-je tenté d'ajouter, tant est grand votre état d'impréparation, comme l'ont très bien montré nos collègues Jean-Pierre Fourcade et Alain Lambert.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Guené

La précipitation est évidente et le plus grave, c'est qu'il n'y a pas eu de concertation, avouez-le, et encore moins de simulation.

Il est utile de rappeler, surtout en ce moment, que le Président de la République lui-même a adressé une lettre de mission à Mme Lagarde, précisant que, dès 2008, les valeurs locatives seraient modernisées et que la réforme serait axée à la fois sur la péréquation, mais également sur les quatre principes suivants : « proscrire autant que faire se peut la superposition des autorités ayant un pouvoir de taux sur une même assiette, attribuer à chaque collectivité territoriale un niveau de diversification suffisant de ses ressources fiscales, supprimer à terme toute interposition de l'État entre les collectivités et les contribuables, enfin, limiter les transferts entre collectivités ».

On sent qu'une réforme est prête, et je crois que nous ne pouvons vraiment pas retenir les propositions qui nous sont faites aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle notre groupe ne votera pas cet amendement, bien qu'il en soit tenté.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

L'amendement que nous vous soumettons vise à créer un filet de sécurité pour les collectivités : on ne peut pas laisser les plus pauvres d'entre elles dans l'état où elles peuvent parfois se trouver, avec, au surplus, l'augmentation des charges transférées. C'est la base de cette proposition. On peut y être opposé, mais il faudra s'en expliquer auprès des élus.

S'agissant de la Creuse, qui a été évoquée, l'argument ne tient pas, cher collègue Michel Mercier, parce que la question du potentiel financier mérite un réexamen attentif avant que l'on puisse refaire les comparaisons. C'est un sujet sur lequel nous aurons de nouveau l'occasion de débattre.

Permettez-moi d'ajouter qu'il me paraît dangereux de voter la version de cet article 1er qui nous est proposée par la commission des finances. Pourquoi ? Certains d'entre vous ont prétendu qu'aucune simulation ni aucun chiffrage n'avaient été réalisés. Nous, nous les avons faits pour votre proposition !

Ces chiffrages, qui ont été effectués par des experts spécialisés dans ce domaine, donnent les indications suivantes : ce sont non pas 10 millions d'euros, mais 7 millions d'euros qui pourraient être déplacés avec votre proposition, monsieur le rapporteur. Cette somme serait à répartir par le comité des finances locales entre la DSU, la DNP, la dotation des groupements, et la DSR. Donc, il n'y a pratiquement aucune chance que la DSR en soit destinataire, ou alors elle le sera très peu, compte tenu du mode d'affectation habituel et du besoin en DNP.

L'idée d'abaisser le seuil pour favoriser la péréquation paraît logique, mais elle ne fonctionne que pour les départements et les régions. Or vous avez décidé de les exclure. D'après une étude approfondie menée en 2006, l'impact de la réforme de la dotation forfaitaire est tel que 56 % des communes à faible potentiel fiscal sont défavorisées par la désindexation de la DGF à travers la garantie que vous voulez accroître, alors que 75 % des communes à fort potentiel en bénéficient.

Donc, avec votre système qui s'appuie sur l'extension du dispositif de garantie, on obtient un résultat contre-péréquateur. En effet, je le souligne à nouveau, sur l'ensemble des communes, les 75 % les plus aisées bénéficieront de la garantie de façon plus avantageuse, tandis que les 56 % les plus défavorisées, qui ont un faible potentiel fiscal, subiront encore un peu plus l'écart de ressources qui naît de l'attribution de DGF.

Mes chers collègues, j'attire votre attention sur ce point : si notre amendement n'est pas adopté par le Sénat, on en reviendra à la formulation retenue par la commission des finances. Mais cette solution, je le souligne, est contre-péréquatrice et va exactement à l'opposé de l'objectif que nous avons cherché à atteindre dans notre proposition de loi.

Dans ces conditions, nous appelons à voter notre amendement et, en tout état de cause, à ne pas adopter cette formulation, laquelle est la pire qui soit par rapport à la péréquation.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je mets aux voix l'amendement n° 1.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 16 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'article 1er.

Avant le 1er septembre 2008, le Gouvernement dépose devant le Parlement un rapport étudiant les modalités de la substitution éventuelle, à la part départementale de la taxe d'habitation, d'une part additionnelle à la contribution sociale généralisée.

Ce rapport explore notamment les conditions et les limites dans lesquelles le taux de la part additionnelle visée au précédent alinéa pourrait faire l'objet d'une modulation à l'initiative des départements.

Il s'appuie sur toutes simulations utiles, quant aux effets d'une éventuelle réforme pour les contribuables, pour les départements, et pour le budget de l'État. Il envisage les dispositifs transitoires de lissage des effets de cette réforme pour les contribuables.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à Mme Marie-France Beaufils, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-France Beaufils

La proposition qui nous est faite dans cet article 2, et qui rappelle un peu la défunte taxe départementale sur le revenu dont il fut question voilà quelques années pour remplacer la taxe d'habitation, n'emporte pas mon adhésion, bien au contraire. Nous ne sommes pas favorables à une telle évolution du financement des collectivités locales.

Il s'agit d'un problème qui ne date pas d'aujourd'hui et qui nous semble important. Il existe un décalage entre la réalité de la taxe d'habitation dans chacun des départements métropolitains, qu'il s'agisse de l'assiette, du taux d'imposition ou du produit fiscal, et la réalité du revenu des résidents desdits départements.

On pourrait citer plusieurs exemples, mais je me contenterai d'évoquer la région Nord-Pas-de-Calais. En 2006, le revenu fiscal de référence moyen était de moins de 15 200 euros dans le département du Nord, et de 14 000 euros dans celui du Pas-de-Calais., dans la Ville de Paris, le revenu de référence par foyer fiscal approche 28 000 euros, avec une distribution relativement éparse.

Je ne reviendrai pas dans le détail de cette situation, mais l'on sait que le profil de l'ensemble de la taxe d'habitation est différent dans chacun des départements concernés.

Si l'on s'intéressait aujourd'hui à la façon dont s'applique la CSG dans les départements, on trouverait des inégalités très importantes entre eux en fonction des revenus. Autrement dit, on risquerait de connaître les mêmes écarts, compte tenu des ressources qui sont celles que l'on connaît aujourd'hui, et de se retrouver face à la nécessité d'une modulation impérieuse de la CSG selon les départements, en fonction de la situation de la population.

Par ailleurs, il y aurait transfert entre contribuables, puisque le montant de la CSG porterait sur l'ensemble des revenus compris dans l'assiette, ce qui risquerait d'accentuer encore les disparités.

Ce serait donc une forme de pénalisation des foyers fiscaux comprenant deux salariés, voire plus. Un enfant majeur travaillant et contraint de rester au domicile serait aussi conduit à participer.

Pour l'ensemble de ces raisons, nous ne pouvons approuver cet article 2.

S'il est nécessaire de trouver les moyens de répondre au besoin de financement des obligations sociales qui ont été transférées vers les départements, nous pensons que c'est dans le périmètre d'action de la sécurité sociale que nous devons trouver une réponse à cette question.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

À ce stade du débat, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi ayant été privée de son article 1er, le rapporteur de la commission des finances avait essayé de préserver à ce texte un seuil de crédibilité, de faisabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Malheureusement, le souhait absolu des auteurs de la proposition de loi n'a pas permis d'avancer.

J'ai bien conscience que nous avons d'importants rendez-vous et que le rapport que doit déposer Alain Lambert dans les prochaines semaines devrait nous permettre de cadrer notre débat. Ce sera certainement très stimulant et exaltant.

Les contraintes sont telles que le temps est révolu où l'on pouvait spéculer sur les largesses de l'État. Sur toutes les travées, on appelle à la réduction du déficit public et au désendettement. Nous rêvons tous, naturellement, de pouvoir légiférer et de proclamer que toux ceux pour lesquels nous légiférons seront gagnants, que la péréquation n'entraînera aucun perdant. C'est un exercice particulièrement difficile, et c'est certainement, on l'a rappelé, la quadrature du cercle.

Monsieur Moreigne, vos propos m'ont fait penser à ceux de l'un de nos collègues qui, un soir, à l'occasion de l'examen des crédits des collectivités territoriales, s'exclamait : si vous tenez compte des dotations compensatrices, les pauvres ne seront plus pauvres et ils ne pourront plus prétendre à des suppléments de dotations. Vous êtes sans doute nombreux à vous souvenir de cette problématique presque pathétique !

A ce stade du débat, la proposition de loi se réduit à un seul article par lequel on demande au Gouvernement de réaliser des simulations et de les présenter devant le Parlement dans un rapport publié avant le 1er septembre 2008. Voter une telle proposition de loi nous vaudrait sans doute un blâme de Portalis.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

A titre personnel, je ne le ferai pas.

S'agissant des possibilités de substitution que nous avons évoquées tout à l'heure, le rapport de M. Alain Lambert apportera sans doute des éléments de réponse.

Pour l'heure, je considère qu'il est plus sage de ne pas voter l'article 2 de cette proposition de loi et de renvoyer toute décision aux prochains rendez-vous importants qui, eux, présenteront tous les gages et toutes les exigences de cohérence.

Je remercie M. le rapporteur de ses efforts, dont chacun apprécie la nature, afin de permettre au Sénat de voter un texte. Néanmoins, compte tenu du rejet de l'article 1er, le mieux, me semble-t-il, est de voter contre l'article 2, donc de renoncer à « sortir un texte ».

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. Alain Lambert, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Lambert

Dans un premier temps, la proposition du groupe socialiste m'avait paru improvisée. Elle ne s'appuyait, en effet, sur aucune simulation et n'était, en outre, pas constitutionnelle. Bref, elle n'était pas faite pour s'appliquer. D'ailleurs, même Mme Beaufils en avait, avec délicatesse, débusqué toutes les ambiguïtés. La démarche ne semblant pas constructive, je ne pouvais la suivre.

Toutefois, la discussion avançant, j'ai acquis la conviction que cette proposition était moins improvisée qu'elle ne le paraissait.

Parallèlement, M. Mercier, animé d'un esprit consensuel, nous a présenté une bonne disposition.

Dans ces conditions, je ne puis que me rallier à la suggestion fort réaliste de M. le président de la commission des finances de ne pas voter l'article 2.

Il nous appartient de continuer à travailler, au sein de la commission des finances, sur la péréquation, afin de parvenir, avec le Gouvernement, à trouver une solution. Si nous y parvenons, nous pourrons dire que le Sénat aura bien travaillé.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Je vous remercie de vos propos, monsieur Lambert. Nous avons tenté d'aller au bout des possibilités qui sont dévolues aux parlementaires dans l'élaboration de la loi. Le comité Balladur a présenté des dispositions visant à revaloriser le rôle du Parlement ; aujourd'hui, nous avons montré tout ce qui nous manque pour que ce dernier puisse jouer correctement son rôle.

Compte tenu du rejet de l'article 1er, il n'y a pas d'autre issue que de repousser l'article 2, qui n'a désormais plus de sens. Voter une loi ne comportant ni règles ni normes reviendrait à voter une loi de proclamation dont le seul objectif serait de demander le dépôt d'un rapport au Gouvernement. Si la réforme des institutions a lieu, nous pourrons, demain, voter une résolution.

Pour l'heure, nous sommes arrivés au bout du jeu. Au nom du groupe UC-UDF, j'appuie la demande de M. le président de la commission des finances et pour que la situation soit claire, je demande un scrutin public sur l'article 2.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Mes chers collègues, je tiens à rappeler que l'article 2 de la présente proposition de loi a été voté à l'unanimité de la commission des finances, ...

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

... à l'unanimité moins une voix. En tout état de cause, il a recueilli l'assentiment du plus grand nombre.

Toutes les propositions qui ont été faites vont dans le sens des idées qui sont défendues par de nombreuses personnalités, y compris par M. le président du Sénat.

Demander à notre assemblée d'aller, en séance publique, à l'encontre d'un choix quasi unanime de la commission des finances ne me paraît pas contribuer à la revalorisation du rôle du Parlement. C'est, au contraire, lui demander de se faire hara-kiri !

Le groupe socialiste votera donc l'article 2, qui correspond aux propositions que nous avions formulées.

Debut de section - PermalienPhoto de François Marc

Bien que l'article 1er ait été rejeté, si le Sénat adopte l'article 2, l'ensemble de la proposition de loi pourra mis aux voix et, pour notre part, nous la voterons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Arthuis

Monsieur Marc, convenons qu'il n'est pas de bonne méthode législative de multiplier les demandes de rapport au Gouvernement.

Si le Sénat veut travailler dignement, il doit se doter de ses propres moyens d'expertise et de simulation. Le processus est en cours, mais il est d'une extrême complexité. Il nous faudra toute l'aide du directeur général des collectivités locales pour espérer réussir.

Lorsque l'on connaît le nombre quasi infini de paramètres qui doivent être pris en considération pour calculer la plupart des dotations, on se demande ce qu'ont fait les législateurs successifs. Nous sommes parvenus à un niveau de complexité tel que plus personne ne peut expliquer les mécanismes qui contribuent à la détermination des différentes dotations.

Il est devenu nécessaire de mettre bon ordre dans ces mécanismes. Et dans la mesure où il est permis de douter que l'État attribuera demain aux collectivités territoriales des moyens plus substantiels que ceux qu'il leur consent aujourd'hui, nous avons impérativement besoin d'un instrument de simulation. Sans être aussi achevé, peut-être, que celui de la DGCL, il devra nous permettre d'anticiper toutes les conséquences des hypothèses que nous formulerons.

Nous sommes à la veille d'un exercice parmi les plus difficiles qui soient. C'est pourquoi, mes chers collègues, j'en appelle à vos vertus premières : la lucidité, la responsabilité, le courage. Pour ma part, je m'engage à ce que nous puissions, au sein de la commission des finances, travailler avec sérénité, opiniâtreté et avec la volonté d'aboutir.

Debut de section - Permalien
Luc Chatel, secrétaire d'État

Avant que le Sénat ne se prononce sur l'article 2, je tiens à rappeler que, tout au long de cette discussion, je me suis efforcé de vous faire partager la volonté du Gouvernement d'avancer en matière de finances locales et de péréquation.

J'ai évoqué les engagements qui ont été pris de travailler avec le comité des finances locales, avec la Conférence des exécutifs, qui a été installée par le Premier ministre, en concertation avec l'ensemble des collectivités territoriales concernées.

Comme l'a souligné Alain Lambert voilà un instant, on ne peut pas à la fois déplorer le manque de concertation sur certaines questions et ne pas exiger qu'elle soit engagée sur des sujets aussi importants.

Le travail que le Premier ministre a confié à Alain Lambert constitue à notre sens un préalable à toute modification de la nomenclature des finances locales et de leur impact sur les différentes collectivités.

Le Gouvernement a manifesté à plusieurs reprises sa volonté de ne pas voir adopter cette proposition de loi.

Je tiens à saluer le travail de votre rapporteur, qui s'est efforcé d'atténuer la portée de certaines dispositions de la proposition de loi initiale et de lui apporter des améliorations.

Je tiens également à rendre hommage au sens des responsabilités du président de la commission des finances qui, à ce point de la discussion, préfère le rejet de l'article 2 , donc de la proposition de loi, plutôt que l'adoption d'un texte qui se limiterait à la seule demande d'un rapport.

Le Gouvernement est sur cette ligne. Il considère que nous devrons beaucoup travailler ensemble durant les prochaines semaines, mais sur la base des conclusions qui seront rendues par les différentes commissions en charge de ce dossier et par les experts qui ont réfléchi sur ce sujet.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Je mets aux voix l'article 2.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des finances.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 17 :

Le Sénat n'a pas adopté.

En conséquence, les deux articles qui la constituaient ayant été rejetés, je constate que la proposition de loi n'est pas adoptée.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

J'ai reçu de M. Jean-Louis Masson une proposition de loi instaurant une dotation de solidarité rurale majorée au profit des communes de moins de 5 000 habitants dont une partie du territoire est située en zone urbaine sensible.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 63, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant les directives 76/768/CEE, 88/378/CEE et 1999/13/CE du Conseil ainsi que les directives 2000/53/CE, 2002/96/CE et 2004/42/CE afin de les adapter au règlement (CE) ... relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges, et modifiant la directive 67/548/CEE et le règlement (CE) n° 1907/2006.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3660 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux statistiques européennes.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-3661 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

J'informe le Sénat que le projet de loi relatif aux archives (471, 2005 2006), dont la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale est saisie au fond, est renvoyé pour avis, à sa demande, à la commission des affaires culturelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

J'ai reçu de M. Henri de Richemont un rapport fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, permettant la recherche des bénéficiaires des contrats d'assurance sur la vie non réclamés et garantissant les droits des assurés (40, 2007 2008).

Le rapport sera imprimé sous le n° 64 et distribué.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 31 octobre 2007 à quinze heures :

- Discussion du projet de loi (28, 2007-2008), adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la lutte contre la corruption.

Rapport (51, 2007-2008) de M. Hugues Portelli, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

La séance est levée à vingt et une heures.