Je tiens d'abord à remercier la commission d'avoir souhaité m'entendre. Je ferai quelques observations à double titre : d'une part en raison de mes fonctions actuelles et d'autre part en tant que magistrat du parquet durant quarante ans. Comme vous l'indiquiez, je me suis exprimé sur le sujet sur France Inter en août dernier, à la suite d'une question d'un auditeur.
Je rappellerai avant tout certains principes, en particulier celui fixé par l'article 12 du code de procédure pénale : la police judiciaire est exercée sous la direction des magistrats, sous l'autorité des parquetiers pour les enquêtes et sous l'autorité des juges d'instruction pour les investigations effectuées sous commission rogatoire.
Ce principe a valeur constitutionnelle depuis la décision rendue par le Conseil constitutionnelle sur la loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure le 10 mars 2011. Il résulte de l'article 66 de la Constitution que la police judiciaire doit être placée sous la direction et le contrôle de l'autorité judiciaire. À cette fin, les dispositions du code de procédure pénale assurent le contrôle direct et effectif de l'autorité judiciaire sur les officiers et agents de police judiciaire. Ce principe se fonde principalement sur le fait que, conformément à la Constitution, l'autorité judiciaire est la gardienne de la liberté individuelle. Il en découle notamment le libre choix du service enquêteur par le procureur de la République ou le juge d'instruction. Il s'agit aussi d'un moyen indispensable pour que le procureur de la République puisse mettre en oeuvre, au travers des enquêtes qu'il diligente, la politique pénale décidée par le Gouvernement.
Au nom de ces principes, le 26 octobre 2022, le Conseil supérieur de la magistrature, garant de l'indépendance de la justice, a souhaité faire part de sa préoccupation sur le contenu de la réforme de l'organisation de la police nationale.
Les propos publics que j'ai tenus à la radio sur la mise en oeuvre de la réforme datent de la fin du mois d'août. Depuis, face à l'unanimité des critiques, le ministre de l'intérieur et le directeur général de la police nationale ont précisé les contours du projet envisagé et qui reste encore aujourd'hui en construction. Cela complique d'ailleurs l'appréciation de la réforme et il reste délicat pour moi d'en apprécier les effets concrets. Le ministère de l'intérieur évoque désormais des garanties pour le respect du principe de direction de la police judiciaire par les procureurs. J'ai également entendu que l'échelon zonal serait préservé, et que les offices et antennes de police judiciaire ne connaîtraient pas de modification. Je n'en sais toutefois pas davantage. Je suppose donc que l'exercice que vous me demandez consiste à cibler les enjeux au regard de mon expérience.