À plusieurs reprises récemment, le Parlement européen a refusé de donner décharge pour notre budget, tout en nous adressant plusieurs recommandations. D'autres recommandations résultent du rapport spécial de la Cour des comptes de l'Union européenne que vous venez d'évoquer et du rapport de l'OLAF, qui a demandé à l'agence de préparer une feuille de route précisant comment elle comptait remédier aux manquements constatés. En s'appuyant sur son conseil d'administration, l'agence Frontex souhaite répondre à l'ensemble de ces recommandations afin de retrouver la confiance de ses interlocuteurs. La réponse à ces recommandations nous conduira à établir un plan d'action dont les avancées seront ensuite présentées au conseil d'administration au cours de points d'étape. Chaque séance du conseil sera l'occasion de dresser l'état des lieux des progrès réalisés. Des rapports seront également transmis régulièrement au Parlement européen pour restituer nos travaux et faire état des progrès réalisés.
Il faut constater que la liste des recommandations à suivre par l'agence est longue. Nous en sommes conscients. Voilà pourquoi nous avons commencé par cartographier nos manquements avant de déterminer les actions à entreprendre. Toute l'agence s'attelle à cette tâche. Nous savons que, pour restaurer la confiance de nos partenaires, il nous faudra agir dans la durée.
Une question m'a été posée concernant notre capacité à nous exprimer et à interpeller les États membres qui ne seraient pas en conformité avec le respect des droits fondamentaux. À ce sujet, je souhaite rappeler que l'agence n'a pas de pouvoir d'enquête sur les pratiques des États membres. Ce ne serait d'ailleurs pas souhaitable. Le législateur a eu raison de ne pas conférer ce pouvoir d'enquête à l'agence. Il existe des autorités nationales et des autorités internationales, y compris des autorités judiciaires, qui jouent ce rôle.
L'officier aux droits fondamentaux de l'agence, qui occupe une fonction indépendante, est le seul en mesure de mener une enquête sur des violations, avérées ou potentielles, de ces droits, en coopération avec les États membres. Pour le cas particulier de la Grèce, à la suite du rapport de l'OLAF et des avis émis par l'officier aux droits fondamentaux, nous avons tâché de répondre aux préconisations émises dès avril et jusqu'en juillet 2022. Mais force est de constater que, si des violations systématiques des droits fondamentaux par un État membre sont constatées par Frontex, la rectification de cette situation prend du temps et nécessite l'ouverture d'un dialogue. C'est pourquoi nous demandons aujourd'hui aux autorités helléniques de présenter un plan structuré pour remédier aux manquements relevés. Nous travaillons également à la mise en oeuvre d'un cadre indépendant apte à répondre à ces situations et à les corriger. Lorsque des violations des droits fondamentaux sont constatées, nous devons les résoudre collectivement.
Concernant l'action de Frontex en Moldavie, l'accord de statut qui a été signé doit permettre à l'agence de déployer des personnels de son contingent permanent, susceptibles de participer aux contrôles effectués aux frontières. Ainsi, dix-huit membres de notre personnel ont été déployés dans les aéroports. Et, à l'heure actuelle, 73 membres de l'agence travaillent en Moldavie aux côtés de leurs collègues moldaves. Notre travail est apprécié par les autorités compétentes qui manquent de personnel qualifié mais aussi d'équipements techniques et de connaissances sur les méthodes modernes de gestion des frontières. Sur ce point, je rappelle que la Moldavie a présenté une demande de candidature pour entrer dans l'Union européenne, processus qui prendra un certain temps. En attendant, nous continuons à appuyer les autorités moldaves pour les aider à se mettre en conformité avec les normes et standards européens en matière de gestion des frontières.
Je souhaite également préciser que notre coopération avec les pays tiers est indispensable, compte tenu de la pression migratoire à laquelle ces pays sont confrontés. Ces liens nous permettent aussi de travailler en confiance avec leurs autorités. La plupart des opérations que nous menons avec ces pays tiers ont lieu dans le cadre d'accords de travail, qui sont noués directement par Frontex avec les États partenaires et qui permettent à l'agence de bénéficier d'un statut d'observateur sur le terrain. Ils diffèrent des accords de statut qui sont négociés par la Commission européenne et qui donnent à l'agence le droit de déployer du personnel en uniforme avec des pouvoirs de contrôle. Il est important d'accroître le nombre de ces accords. À l'heure actuelle, dans cette perspective, nos discussions avancent bien avec le Sénégal et la Mauritanie et, il y a deux semaines, j'ai eu une réunion très fructueuse avec le Maroc, pays avec lequel nous avons trouvé un accord sur la formalisation de notre collaboration opérationnelle par l'intermédiaire de la signature d'un accord de travail tout d'abord, et potentiellement d'un accord de statut à l'avenir.
La question posée sur la lutte contre le crime transfrontalier renvoie, quant à elle, à ma remarque précédente soulignant que la problématique de la gestion des frontières rejoint celle de la gestion des migrations. C'est en effet bien aux frontières que l'on peut empêcher la criminalité et le terrorisme d'entrer dans l'Union européenne. Je veux souligner sur ce point l'apport du règlement (UE) n° 2019/1896, qui consacre explicitement cette mission de Frontex et en tire les conséquences juridiques, ce qui n'était pas le cas dans le règlement de 2016. Par exemple, l'agence n'avait pas le droit d'échanger des données à caractère personnel pour aider à lutter contre la criminalité transfrontière. Désormais, c'est possible : nous pouvons transmettre des données à caractère personnel sur des suspects ainsi que sur les personnes arrêtées du fait d'activités criminelles à la frontière. Grâce à cette ouverture, nous pouvons agir avec les États membres et Europol. Pour rappel, Frontex n'est pas autorisée à mener des enquêtes mais, grâce à ses activités de surveillance aux frontières, elle peut fournir un appui aux États membres afin de détecter des activités criminelles. Nos « débriefings » permettent de fournir des renseignements sur les groupes criminels qui organisent le passage des migrants, mais aussi sur le trafic d'armes et la traite d'êtres humains. Ceci suppose un travail conjoint avec les États membres, les institutions de l'Union européenne, Europol et Eurojust.