Certes, Frontex connaît des turbulences depuis plus de deux ans, mais nous nous interrogeons sur le caractère d'urgence accordé à cette proposition de résolution européenne. Elle s'intéresse aux questions de gouvernance et de contrôle parlementaire, au sujet desquelles nous pourrions trouver des points d'accord, mais défend également des positions problématiques, ce qui explique que les deux présidents de commission s'unissent pour la soutenir, et non simplement les deux rapporteurs de la commission des affaires européennes qui suivent habituellement ce dossier. Voilà qui nous renvoie au débat franco-français sur l'immigration.
Nous souscrivons au renforcement des moyens de Frontex et à l'attachement à l'espace Schengen, mais nous ne partageons pas la tonalité générale de la résolution, sécuritaire voire alarmiste. Contrairement à l'idée d'un « bras armé » de la politique d'immigration de l'Union européenne, avancée par le président de la commission des lois dans son propos, Frontex ne peut selon nous être définie comme la police aux frontières (PAF) européenne. C'est une agence qui doit surveiller nos frontières, certes, mais qui doit aussi veiller à la mise en oeuvre des valeurs de l'Union européenne en matière de droits fondamentaux et d'accueil des réfugiés qui relèvent de l'asile - ce dernier point n'est pas assez présent dans la proposition de résolution européenne.
Nous n'adhérons pas à la défense inconditionnelle de l'ancien directeur de l'agence, même si sa démission est regrettable pour la France. Sa démission est le résultat d'un certain nombre de remarques, formulées tant par le Parlement européen que l'Olaf et la Cour des comptes européenne et reconnues par la directrice par intérim. Le Parlement européen n'a pas donné décharge budgétaire à Frontex, sur le fondement de motifs sérieux et de faits avérés - il serait difficile de le contester.
Concernant le rôle de l'officier aux droits fondamentaux, nous sommes étonnés par la somme des réserves et contraintes qui, dans le dispositif des rapporteurs, entourerait sa nomination, et par la rigueur du contrôle qui encadrerait son action. En effet, sa mission, qui consiste à faire remonter les dysfonctionnements et manquements éventuels de l'agence sur le terrain, exige une forme d'indépendance.
Désigner des « parties hostiles à l'existence même de Frontex » - le président Buffet a dit très clairement que cette formulation visait un certain nombre d'organisations non gouvernementales (ONG) - me paraît inadapté. Ces ONG pointent du doigt des dysfonctionnements de Frontex qui peuvent irriter : ceci est leur rôle. En conséquence, l'Union européenne doit mieux coopérer avec ces organisations, pour veiller au respect des droits fondamentaux des réfugiés.
Concernant les missions de Frontex, qui ne peuvent être, en aucun cas, de surveiller les actions des États membres en matière de droits fondamentaux, nous émettons des réserves : quand les agents constatent des situations manifestement litigieuses, ils ont l'obligation de les faire remonter et de s'y opposer.
Enfin, Frontex pourrait effectivement établir des partenariats à l'extérieur de l'Union européenne, mais seulement avec des pays qui respectent les standards européens en matière de droits fondamentaux et à la condition que ces partenariats ne conduisent pas à des refoulements extraterritoriaux.
Pour toutes ces raisons, nous ne voterons pas cette proposition de résolution européenne.