Il est désormais admis que les luttes d'influence sont au coeur de la compétition mondiale. En la matière, la France dispose d'incontestables atouts : premier réseau culturel au monde avec 93 instituts français et plus de 830 Alliances françaises, 1er réseau éducatif avec 566 établissements dans 138 pays, 3e réseau diplomatique. Pour autant, la place de la France n'est pas immuable. Sa présence, sa culture ou encore les valeurs qu'elle promeut peuvent être contestées, parfois violemment et sous l'impulsion de certains de nos compétiteurs, pour qui l'influence constitue désormais la continuation de la guerre par d'autres moyens.
Au cours du précédent quinquennat, le Gouvernement a affiché des ambitions élevées pour la diplomatie culturelle et d'influence de notre pays, ambitions reprises dans une « feuille de route de l'influence » présentée en décembre 2021 par Jean-Yves Le Drian et qui fixe encore le cap de notre politique d'influence. Pour autant, force est de constater qu'un fossé s'est creusé entre les discours et les actes.
Je me concentrerai sur l'enseignement français à l'étranger et laisserai André Vallini vous exposer notre position sur la politique d'accueil des étudiants internationaux et les moyens consacrés à notre diplomatie culturelle.
En 2023 les crédits du programme 185 progresseront de 13 millions d'euros, soit une hausse de 2 %. Pour être tout à fait précis, cette hausse atteindra 40 millions d'euros une fois retraitée d'une mesure de périmètre, la compétence tourisme ayant été transférée au ministère de l'économie. Présentée ainsi, cette augmentation a de quoi satisfaire les rapporteurs que nous sommes. En effet, sur ces 40 millions supplémentaires, 30 millions iront à l'AEFE. Mais ce qui nous est présenté comme une hausse importante des moyens de l'enseignement français à l'étranger ne vise en réalité qu'à compenser des dépenses supplémentaires : l'aide au réseau de l'enseignement français au Liban, à hauteur de 10 millions d'euros ; l'augmentation du point d'indice, à hauteur de 13 millions d'euros ; et la mise en place d'un nouveau statut pour les personnels détachés, à hauteur de 7 millions d'euros. Sur ce dernier point, les crédits ouverts en PLF ne permettront de couvrir que la moitié du surcoût.
La ministre s'était voulue rassurante en nous indiquant que l'autre moitié de ce surcoût serait financée par un reliquat de crédits ouverts en 2020. Il n'en est rien. Loin d'une augmentation de ses moyens, l'Agence devra donc faire face à une dépense supplémentaire de 7 millions d'euros en 2023. Et cette dépense a vocation à croître dès 2024. Cette stagnation, voire cette régression des moyens de l'AEFE n'a néanmoins pas conduit le Gouvernement à interroger l'objectif présidentiel de doubler les effectifs d'élèves du réseau de l'AEFE d'ici 2030, lequel apparaît désormais irréaliste. En effet, selon nos calculs, au rythme de croissance des effectifs actuel, cet objectif ne sera atteint qu'en 2049.
En tout état de cause, l'augmentation du nombre d'élèves ne doit pas constituer l'alpha et l'omega de l'enseignement français à l'étranger. En effet, nous avons été alertés sur le risque du développement d'une concurrence entre établissements. C'est pourquoi nous appelons à la mise en place d'une véritable « carte scolaire » établie par l'AEFE, avec l'appui des postes diplomatiques afin de garantir un développement harmonieux du réseau.
Par ailleurs, la croissance du réseau ne doit pas être entravée par la question du financement des investissements immobiliers des établissements sous gestion directe. Si ce problème, lié à l'interdiction pour l'AEFE d'avoir recours à l'emprunt, est connu de longue date, celui-ci n'est malheureusement toujours pas résolu. Les besoins en la matière sont pourtant importants qu'il s'agisse de l'extension des établissements existants mais aussi de la rénovation de leurs installations. C'est pourquoi avec André Vallini nous proposons qu'une subvention pour charges d'investissement soit inscrite dès le PLF 2024.
En conclusion, mes chers collègues, vous l'aurez compris ce PLF ne nous semble pas à la hauteur d'une politique d'influence réellement ambitieuse et nous appelons le Gouvernement à enfin sortir de l'incantation. Pour autant, les crédits du programme 185 étant taillés à juste suffisance, nous ne pouvons que vous proposer d'émettre un avis favorable à leur adoption.